Séance du jeudi 13 février 2025 à 17h
3e législature - 2e année - 10e session - 54e séance

PL 12541-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Christian Dandrès, Jocelyne Haller, Pablo Cruchon, Sandro Pistis, Daniel Sormanni, Pierre Eckert, Jean Rossiaud, Yvan Rochat, Nicole Valiquer Grecuccio, Christian Zaugg, Cyril Mizrahi, Marion Sobanek, Thomas Wenger, Diego Esteban, Salima Moyard, Léna Strasser, Jean Batou, Alberto Velasco, Xhevrie Osmani, Salika Wenger, Thierry Cerutti, Sylvain Thévoz, Ana Roch, Patrick Dimier, François Lefort, Florian Gander modifiant la loi sur l'Aéroport international de Genève (LAIG) (H 3 25)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 25, 26 janvier, 1er et 2 février 2024.
Rapport de majorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de première minorité de M. Romain de Sainte Marie (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Pierre Eckert (Ve)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 12541-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité de M. André Pfeffer est repris par M. Patrick Lussi, à qui je cède la parole.

M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai la difficile tâche de reprendre le rapport de majorité, qui a été terriblement bien rédigé par notre collègue André Pfeffer ! J'en relèverai les points principaux, mais je rappelle tout d'abord que la commission a traité ce projet de loi lors de treize séances, les premières ayant eu lieu en 2018.

De quoi s'agit-il exactement ? L'objectif du PL 12541 est de modifier la loi sur l'Aéroport international de Genève pour internaliser les tâches de sûreté, actuellement externalisées. La motivation est que cette externalisation améliorerait les conditions de travail des employés de la sûreté.

Les arguments présentés en faveur de ce texte comprennent notamment les conditions de travail: les employés internalisés bénéficieraient de meilleures conditions de travail, d'horaires plus stables et de salaires plus élevés. Par ailleurs, le fait que la sécurité, qui est considérée comme une tâche régalienne, soit assurée par du personnel interne garantirait une meilleure maîtrise de la qualité.

Parmi les arguments contre cette proposition, il y a notamment celui du coût: l'internalisation entraînerait des coûts supplémentaires importants, estimés à 72 millions de francs, auxquels s'ajoutent 20 millions pour la caisse de pension et une augmentation de la dette de 300 millions.

Un autre argument en défaveur du texte est le manque de flexibilité: les besoins ponctuels de personnel lors des pics d'affluence nécessitent une flexibilité que l'internalisation ne pourrait pas offrir de manière aussi efficace que l'externalisation.

J'aimerais développer les principaux arguments contre ce projet de loi. Je reviens d'abord sur le coût élevé. L'internalisation des tâches de sûreté entraînerait un surcoût annuel de 72 millions de francs, plus 20 millions pour la caisse de pension et une augmentation de la dette de 300 millions pour les provisions de la CPEG. Ces coûts supplémentaires mettraient en péril la capacité de l'aéroport à financer ses infrastructures et à réaliser des investissements nécessaires.

Quant à la flexibilité, je le répète, les besoins ponctuels de personnel lors des pics d'affluence nécessitent une flexibilité que l'internalisation ne pourrait pas offrir de manière aussi efficace que l'externalisation. Les entreprises de sécurité privées peuvent ajuster rapidement leurs effectifs en fonction des besoins saisonniers et des variations quotidiennes du trafic.

Un autre argument est celui de l'impact sur la compétitivité: une augmentation des coûts de la sûreté se traduirait par une hausse significative des redevances aéroportuaires, rendant Genève Aéroport moins compétitif. Rappelons que les compagnies aériennes pourraient refuser cette augmentation, ce qui obligerait l'aéroport à absorber les coûts supplémentaires et affecterait ainsi sa rentabilité.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur.

M. Patrick Lussi. J'en viens à l'autonomie de l'aéroport: l'internalisation complète des services de sûreté constituerait une atteinte à l'autonomie de l'aéroport, censé gérer ses opérations de manière indépendante. Il doit pouvoir décider de la meilleure manière de gérer ses ressources et ses opérations, pour rester efficace et compétitif.

Par ailleurs, je crois qu'il est quand même important de mentionner que les audits réguliers de l'Office fédéral de l'aviation civile n'ont jamais - jamais ! - remis en question la qualité des services de sûreté fournis par les sous-traitants. L'internalisation n'apporterait aucune amélioration significative dans la sécurité, mais augmenterait considérablement les coûts.

On mentionne un impact sur l'emploi; bien que l'internalisation vise à protéger des emplois, elle pourrait également réduire les opportunités d'embauche pour des travailleurs spécialisés dans le secteur de la sécurité qui n'ont pas accès à des postes internes.

En somme, les arguments contre le PL 12541 soulignent l'importance de l'efficacité opérationnelle, de la flexibilité et de l'accès à l'expertise spécialisée, qui peuvent être plus facilement réalisés par le biais de l'externalisation. La commission a donc décidé à sa majorité de refuser l'entrée en matière sur ce texte, principalement en raison des coûts élevés et des besoins de flexibilité. Je vous invite à la suivre et à rejeter ce texte. Merci, Monsieur le président.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'a dit le rapporteur de majorité est tout à fait juste, il y a un coût à internaliser le personnel de sûreté sur le site de Genève Aéroport. Ce coût est causé par la flexibilité nécessaire face aux pics d'affluence que connaît le domaine aéroportuaire.

Maintenant, ce n'est pas impossible. Pourquoi ? Parce qu'avant 2010, c'était le cas. A cette époque, 100% du personnel de sûreté sur le site de Genève Aéroport travaillait pour l'entité Genève Aéroport. C'est depuis 2010 qu'une externalisation rampante s'est mise en place. Actuellement, on assiste à une situation dans laquelle deux tiers des salariés en matière de sûreté travaillent pour des entreprises privées et seulement un tiers pour Genève Aéroport.

Nous avons eu la chance, et je tiens à saluer l'excellent travail de commission, d'aller sur place et d'effectuer une visite de commission durant laquelle nous avons rencontré celles et ceux qui travaillent au quotidien à la sûreté de Genève Aéroport. Vous pouvez les voir quand vous prenez l'avion. Vous ne saurez pas faire la différence entre quelqu'un qui travaille pour une entreprise privée et quelqu'un qui travaille pour Genève Aéroport. Pourquoi ? Parce que pour le savoir, il faut être au courant que c'est simplement la couleur du badge qui différencie le personnel externe du personnel interne.

Pourtant, ils et elles effectuent exactement... (L'orateur insiste sur le mot: «exactement».) ...le même travail, mais leurs conditions ne sont pas les mêmes. C'est un enjeu sur lequel nous devons débattre ce soir, Mesdames et Messieurs. Les différences résident principalement dans le temps de travail, c'est-à-dire la flexibilité entre les jours travaillés et les jours récupérés. Très clairement, les conditions de Genève Aéroport sont meilleures en la matière et offrent davantage de possibilités de récupération après des jours travaillés à des horaires qui, vous le savez tous, sont contraignants; soit le travail commence extrêmement tôt le matin, soit il se termine tard la nuit.

Depuis le début de l'externalisation en 2010, les conditions de travail se sont péjorées. Ces personnes qui bénéficiaient de bonnes conditions se retrouvent avec des conditions de travail de moins bonne qualité et moins de jours de repos, et ce alors qu'on sait que c'est un contexte difficile et éprouvant. On le constate très clairement dans le rapport de majorité et dans celui de minorité: les conditions de travail sont moins bonnes et les jours de repos sont moins importants pour les employés des entreprises privées.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Romain de Sainte Marie. Merci, Monsieur le président. Ce qui est mis en place depuis 2010, c'est une économie sur les conditions de travail. Nous devons donc nous demander si l'Etat de Genève veut engendrer des recettes fiscales via des économies qui se font sur les conditions de travail des salariés. L'enjeu est là ! Vous le savez, Genève Aéroport redistribue la moitié de ses bénéfices à l'Etat de Genève. Pour le budget 2025, il s'agit de 95 millions de bénéfices, ce qui, divisé par deux, donne environ 47 millions qui retourneront dans les caisses de l'Etat.

C'est très utile à l'Etat de Genève, mais ces bénéfices se font sur les conditions de travail des salariés. Pour la gauche, il est impossible que l'Etat engendre des recettes fiscales suite à des économies en matière de conditions de travail. M. le rapporteur de majorité l'a très justement dit, il s'agit de garantir une tâche régalienne, la sûreté du site aéroportuaire. On sait très bien à quel point l'enjeu de la sûreté est essentiel dans le domaine aérien; nous ne pouvons pas faire des économies dessus. Nous savons pertinemment que pour effectuer ces tâches, il faut être dans une bonne forme et avoir suffisamment de jours de repos. Ce que cause cette externalisation revient à pressuriser les personnes qui doivent assurer ces tâches.

Nous ne pouvons pas faire des économies sur les conditions de travail ni sur la sûreté de l'aéroport et du domaine aérien. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à voter ce projet de loi, c'est-à-dire à internaliser ce personnel et à garantir tous ces éléments pour le domaine aérien, pour les conditions de travail et pour les recettes de l'Etat de Genève. Je vous remercie de voter en faveur de ce texte.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais remonter peut-être un peu plus loin dans l'historique. Genève Aéroport est devenu un établissement autonome en 1993. On peut relire les procès-verbaux de ce Grand Conseil et constater que «le législateur de 1993 n'avait pas souhaité, en créant l'établissement Aéroport international de Genève, soutenir de vastes opérations de sous-traitances au détriment de la qualité du service public et des personnes qui servent la population». C'est déjà un premier objectif qui a été violé par cette externalisation.

Je soutiens également ce qu'a dit mon collègue rapporteur de première minorité, à savoir que la sûreté est pour nous une tâche régalienne, une tâche d'autorité, qui ne peut pas être déléguée à des privés.

En 2001, suite aux attentats du 11 septembre, les besoins en sûreté aéronautique ont énormément augmenté. A une époque, on passait assez facilement à travers les portiques de Genève Aéroport. Maintenant, c'est devenu beaucoup plus compliqué, les filtrages étant nettement plus importants.

Il se trouve qu'en augmentant les besoins en sûreté, on a fait grandir un certain nombre de services et on a engagé plus de personnel. Au lieu de répercuter cela sur les passagers - comme ça devrait être le cas, mais on ne l'a pas fait -, on a eu recours à de la sous-traitance. Donc au lieu d'augmenter la sécurité en passant par le client - c'est lui qui est censé payer pour sa sécurité -, on a décidé d'externaliser cette sûreté en la confiant à des sociétés existantes comme Securitas, ISS et Protectas, et même à des sociétés créées ad hoc, comme Custodio.

D'ailleurs, j'aimerais rappeler que ce processus d'externalisation de la sûreté, mené de façon obscure, a été entaché de diverses irrégularités, qui ont finalement donné lieu à des décisions pénales. On a essayé d'optimiser les coûts, mais en plus de cela, le processus d'externalisation a été conduit de façon obscure et à la limite de la légalité.

La politique consistant à vouloir favoriser les bas prix, le «low cost», était bien entendue délibérée et a entraîné des conséquences néfastes sur le personnel chargé des contrôles. On peut donc dire sans hésitation que l'augmentation des normes de sûreté ne s'est pas répercutée sur une augmentation des taxes aéroportuaires, mais sur une dégradation notable des conditions de travail du personnel.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Pierre Eckert. Merci, Monsieur le président. J'aimerais encore faire une remarque sur la flexibilité des horaires: il est faux de penser que seuls les privés peuvent la garantir. J'ai passé un certain temps à la Confédération à gérer un service irrégulier; il est tout à fait possible de gérer des pics d'affluence.

Un autre argument, c'est que comme on le sait, Genève Aéroport travaille quasiment tout le temps. Il n'y a plus vraiment de saisons ni d'horaires pour cet aéroport. Les pics sont donc très nettement moins importants que ce qu'ils ont pu être dans le passé. Ça m'étonne beaucoup qu'on ait besoin d'avoir deux tiers du personnel pour effacer ces pointes alors que la bande, le régulier ne représente qu'un tiers des employés.

C'est un aspect qui me paraît bizarre, il n'y a aucune justification quant à la nécessité d'avoir deux fois plus de personnel pour gérer les pointes que pour traiter l'afflux régulier. Bien évidemment, il aurait été nettement plus simple de conserver le personnel de sûreté dans le giron du personnel de l'aéroport et d'adapter les taxes en conséquence. Ce personnel serait ainsi directement entré dans la caisse de pension adéquate et il ne faudrait pas dépenser de grandes sommes pour le rachat des années d'assurance.

Certaines décisions d'externalisation sont funestes, mais nous voulons croire qu'elles ne sont pas irréversibles. Il suffit d'une volonté politique claire à ce sujet, que nous vous invitons à suivre en acceptant le présent projet de loi. Ce dernier demande qu'à terme, les services de sûreté soient replacés au coeur des activités de l'aéroport. Il en va à la fois de la sécurité du trafic aérien et des conditions de travail du personnel. Je vous remercie.

Mme Ana Roch (MCG). Pour rebondir sur les propos des deux rapporteurs de minorité, il nous paraît important que cette charge relative à une tâche régalienne revienne à l'aéroport, comme c'était le cas avant 2010. Cela permet aussi un meilleur contrôle des engagements - et là, je me fais la porte-parole de mon collègue M. Baertschi -, notamment en ce qui concerne le recrutement massif de frontaliers engendré par les conditions de travail dans ce domaine de la sécurité.

C'est ce qui a été très fortement mis en exergue tout au long des différentes auditions: les conditions de travail sont difficiles et les salaires très bas. On ne peut pas vivre dignement à Genève avec de telles rémunérations. Il nous est apparu important que ces tâches régaliennes reviennent à l'aéroport. C'est vrai que ça a un coût, il ne faut pas le nier, mais c'est plus important d'avoir une sûreté qu'on peut contrôler, avec en priorité des engagements de résidents genevois et un salaire digne. Merci.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, ce n'est pas la première fois que ce Grand Conseil s'occupe de réinternalisations dans des secteurs qui dépendent de l'Etat. On a eu l'occasion de le faire dans le cadre des HUG, du Pouvoir judiciaire et plus récemment des EMS.

Si je ne prends que ce dernier exemple, la réinternalisation, qui a été rendue obligatoire, a eu une influence directe sur l'augmentation des prix de pension - je rappelle qu'un tiers de nos résidents en EMS paient ce prix de pension de leur poche et ne sont pas au bénéfice des prestations complémentaires.

Concernant l'aéroport, il faut savoir que toutes les tâches de sûreté qui sont sensibles sont opérées par des agents internes. L'externalisation permet une certaine souplesse en cas de pics - et je ne suis pas d'accord avec ce qui a été dit par le rapporteur de deuxième minorité, ces pics existent et vous pouvez le constater au moment des vacances scolaires, notamment en été, en fin d'année, etc.

A Zurich, puisque la comparaison a été faite en commission, ce sont les forces de police qui s'occupent de ces activités. Malheureusement, les effectifs actuels de la police devraient être tellement augmentés qu'on aurait là également une hausse des coûts.

Le rapporteur de première minorité a rappelé, de façon très honnête d'ailleurs, que la moitié du bénéfice de l'aéroport était reversé à l'Etat - ce qu'il déplore dans la mesure où cela péjore certaines conditions de travail. Les coûts estimés de cette réinternalisation s'élèvent entre 70 à 80 millions, sans que l'on connaisse les coûts engendrés pour la caisse de pension. Il nous faudrait donc à l'avenir financer cet aéroport, et non plus en retirer un bénéfice.

Il est vraisemblable que nous serions alors la seule ville qui subventionne son aéroport pour le faire fonctionner - ce ne serait pas la première fois qu'on se tirerait une balle dans le pied ! Mesdames et Messieurs, ce n'est pas acceptable, raison pour laquelle le groupe Le Centre vous recommande de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Vincent Canonica (LJS). Voici encore un projet de loi excessif, de nature à détériorer le fonctionnement de Genève Aéroport plutôt qu'à l'améliorer. Quelles seraient les conséquences en cas d'acceptation ? Une internalisation à 100% du personnel chargé de la sûreté générerait, comme cela a été dit, des coûts tellement élevés que la marge dégagée par Genève Aéroport ne serait pas suffisante pour couvrir ces charges supplémentaires. L'aéroport de Genève, en tant qu'établissement autonome, ne serait donc plus à même d'être autonome financièrement.

Permettez-moi d'aller un peu plus dans le détail, en relevant que la commission a fait un travail remarquable dans l'analyse de ce projet de loi, qu'elle a étudié de manière très approfondie. Est-on certain que la qualité des prestations fournies serait améliorée en cas d'internalisation totale du personnel de sûreté ? Les auditions ont clairement mis en évidence que rien n'est moins sûr.

Afin de pouvoir gérer les pics d'activité et de fournir un service de qualité, il est indispensable de pouvoir recourir, selon les périodes de l'année et même selon les jours de la semaine, à de la main-d'oeuvre qualifiée temporaire, au bénéfice d'une formation spécifique.

Les CCT, par principe, résultent d'un accord entre partenaires sociaux, afin de préserver les droits des uns et des autres; il n'y a pas lieu de les remettre en cause, et il est important de soutenir le partenariat social.

Il aurait pu être concevable d'internaliser certains postes spécifiques, mais telle n'a pas été l'ambition de ce texte. La commission s'est encore demandé si ces coûts supplémentaires ne pouvaient pas être répercutés sur les compagnies aériennes, au titre des redevances aéroportuaires. La réponse est clairement négative, dès lors que le niveau des services de sûreté offerts resterait le même, étant précisé que ceci est entièrement réglementé par l'ordonnance fédérale sur les redevances aéroportuaires ainsi que par la législation sur la surveillance des prix.

Enfin, si ce projet de loi devait être adopté, je me demande comment Genève Aéroport ferait pour continuer à se développer tout en contenant l'atteinte à l'environnement. Est-ce que les Verts dans cet hémicycle ne sont pas les acteurs qui réclament davantage d'indemnisation aux riverains pour les nuisances occasionnées ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Ne nous y trompons pas, sous prétexte de préserver le niveau de vie des employés qui travaillent à Genève Aéroport, de relever les bas salaires et de lutter contre le travail à temps partiel - ce qui est louable et souhaitable ! -, ce projet de loi n'en est pas moins excessif et ne vise qu'à obliger l'aéroport à réduire la voilure et à bloquer son développement, remettant finalement en cause son autonomie.

Par le passé, les aéroports étaient la propriété de l'Etat, mais ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, la tendance est à la privatisation. Les aéroports dégagent des bénéfices, s'ouvrent à d'autres activités et ont pour but d'offrir aux passagers un agréable moment au juste coût.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Vincent Canonica. Je vous invite donc à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Jacques Béné (PLR). A l'origine, quand on a demandé à M. Dandrès, notre ancien collègue, quel était le coût estimé de cette proposition pour l'aéroport, il nous a répondu en commission qu'il était de 20 millions, mais que ça lui paraissait beaucoup. Aujourd'hui, on sait que ce n'est non seulement pas 20 millions, mais plutôt 92 millions, au minimum, auxquels s'ajoutent encore 300 millions pour la recapitalisation de la CPEG.

On nous a aussi dit qu'il y avait beaucoup de sous-enchère salariale à l'aéroport. Mais toutes les entreprises qui travaillent sur la plateforme, Mesdames et Messieurs, ont une CCT de force obligatoire. Les quatre partenaires actifs dans le domaine de la sûreté ont une convention collective de travail obligatoire.

Nous avons absolument tenu à auditionner l'aéroport de Bâle. Nous avons appris que là-bas, c'est externalisé, comme dans tous les aéroports français. Parce que ce n'est pas le rôle d'un aéroport que de s'occuper de la sûreté. Le rôle essentiel de l'aéroport, c'est de faire arriver des avions et de les faire repartir en toute sécurité. Mais la sûreté, elle, doit être opérée par des organismes extérieurs.

Pourquoi ? Parce que, comme cela a été dit, il y a des pics d'affluence. On nous a expliqué que certaines tâches de sûreté pouvaient consister par exemple en des rondes de surveillance, qui durent entre une et deux heures par jour. Comme cela a déjà été indiqué, il faudrait 2,3 à 2,5 fois plus d'ETP pour compenser ceux qui seraient pris chez des prestataires externes. Il y aurait donc en permanence des sureffectifs pour pouvoir gérer les pics.

Certains ont dit qu'il était possible d'augmenter les taxes. Mais bien sûr ! Bien entendu, on peut augmenter les taxes, sauf que cela doit se faire en vue d'une exploitation cohérente et que cette hausse doit être discutée avec les compagnies aériennes, qui ont déjà subi des augmentations de taxes.

Je vous donnerai un dernier exemple: on a internalisé le convoyage et la surveillance des détenus. Eh bien, Mesdames et Messieurs, ça a coûté à l'Etat de Genève entre 4 et 6 millions, simplement pour internaliser une prestation qui était délivrée à l'extérieur.

Si l'objectif de ce texte est d'affaiblir l'aéroport, comme une partie de ce parlement le souhaite - on le sait -, ce but ne correspond pas à la vision du PLR. L'aéroport a une certaine autonomie. On lui couperait complètement sa marge de manoeuvre, et cette internalisation n'assurerait absolument aucune plus-value sur le niveau de sûreté. Pour toutes ces raisons et pour éviter que le contribuable ne puisse plus recevoir les 40 millions - à peu près - de bénéfices de l'aéroport, nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Demaurex pour une minute vingt.

Mme Sophie Demaurex (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, mon préopinant a raison, le personnel a un coût, même un coût élevé, mais un coût juste ! Faire des économies sur le dos du personnel et faire du bénéfice via la sous-enchère salariale est réellement critiquable.

Vous avez dit 70 à 80 millions de coûts, mais 95 millions de bénéfice. Donc oui, il reste 25 millions. Par conséquent, oui, il est possible d'internaliser le personnel, et ce faisant de le reconnaître. Et je crois que le secteur social-santé nous l'a fait savoir: c'est un gage de santé dans une entreprise que d'éviter le tournus et un taux d'absence élevé, qui existent dans le secteur privé, comme on le voit notamment dans le cas de l'aéroport.

On a parlé des différences d'horaire, mais ce ne sont pas les seules. Il y a aussi les différences de LPP, de salaire, de temps de repos, de vacances, alors que tous ces employés sont astreints à la formation et au contrôle minutieux.

Pour toutes ces raisons, je pense vraiment qu'il faut soutenir ce projet de loi, et le groupe socialiste le défendra. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je cède le micro à M. Eckert pour une minute et dix-sept secondes.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je me réjouis de ce débat factuel et respectueux. J'aimerais juste dire que, comme je l'ai évoqué dans ma prise de parole, les prestations de sécurité ont quand même très nettement augmenté. Il aurait été normal qu'elles soient répercutées.

Dire qu'on ne peut pas augmenter les taxes parce que la prestation n'a pas évolué, c'est affirmer quelque chose de faux ! La prestation de sécurité a fortement augmenté, la sécurité est bien meilleure actuellement par rapport à ce qu'elle a été par le passé. Tous les passagers et toutes les compagnies aériennes revendiquent cette sécurité.

Ce que j'aimerais dire au nom des Verts, c'est que l'aviation possède un coût environnemental et un coût social. Il nous paraît primordial que les utilisateurs les assument. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Lussi, vous avez la parole pour une minute trente.

M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. En effet, ce dialogue est de bonne tenue, chacun défend son opinion, et c'est normal. J'interviens simplement pour dire aux deux rapporteurs de minorité que d'aller fouiller dans le passé, c'est bien, encore faut-il relater exactement la chose. Les coûts de sécurité sont maintenant à charge de l'aéroport, alors qu'auparavant, souvenez-vous, c'était la police qui s'en occupait. Vous vous souvenez des petits hommes verts, des détachements de garde de l'aéroport, de tout cela !

Ce Grand Conseil s'est penché à moult reprises sur cette question. On a dû trouver des solutions, par exemple pour réintégrer ces mini-gendarmes - comme on les appelait - dans le corps de gendarmerie.

Nous avons voulu que la sécurité soit à l'extérieur, et c'est normal, afin que les deniers de l'Etat ne soient pas utilisés pour cette tâche à l'aéroport. C'est à lui de s'en charger, il l'a fait ! Tout est discutable et améliorable, mais peut-être que quand vous invoquez le passé et la situation avant 2010, il serait bon de rappeler qu'auparavant, ce n'était pas comme ça, car l'Etat assumait une trop grande part de la sécurité à l'AIG. Merci, Monsieur le président.

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cela a été rappelé, la temporalité de ce projet de loi est la suivante: ce texte a été déposé à une époque où il y avait des problèmes au sein de la sécurité à l'aéroport. Ce texte est extrêmement déraisonnable, et cela pour quatre motifs distincts.

Le premier, c'est qu'au niveau des rapports de travail, on le sait, il y a soit des CCT soit une application des usages; il n'y a pas de sous-enchère salariale constatée à l'AIG, notamment parmi les sociétés chargées de la sûreté.

En matière de repos, j'aimerais rappeler que pour ce personnel, l'AIG va également au-delà des exigences réglementaires en demandant aux partenaires une augmentation du temps de pause par rapport à ce que prévoit la CCT.

Sur le plan opérationnel, cela vous a également été dit, la sous-traitance est indispensable pour répondre aux pics d'affluence, qui impliquent des horaires flexibles et donc le recours à des entreprises externes. La formation du personnel est assurée par l'AIG, sous le contrôle de l'OFAC au travers d'audits réguliers. Et elle est de même niveau, que ce soit pour les employés internes ou externes; l'internalisation de prestations de sécurité n'apporterait donc pas d'amélioration à cet égard.

Et puis, au niveau financier, Mesdames et Messieurs, on ne peut pas faire semblant de ne pas comprendre quelles seraient les conséquences. L'internalisation des activités aurait des conséquences extrêmement négatives, avec 72 millions de coûts supplémentaires par année, auxquels s'ajouteraient 20 millions pour la caisse de pension, soit au total 92 millions, ainsi qu'une augmentation de la dette de l'AIG d'environ 300 millions de francs pour les provisions de la CPEG.

Les coûts de la sûreté sont couverts par la redevance de sûreté des passagers. Les surcoûts estimés qu'engendrerait cette internalisation représenteraient une augmentation de la taxe sûreté de 9,60 francs, soit de 87%. Or, l'ordonnance sur les redevances aéroportuaires et la législation sur la surveillance des prix s'assurent que les redevances ne représentent pas des prix abusifs. Il est peu probable que les compagnies aériennes, respectivement l'OFAC et au final les instances de recours, acceptent une augmentation induite par une internalisation alors même que le niveau des services de sûreté ne serait absolument pas modifié.

Enfin, au plan institutionnel, l'adoption de ce projet de loi constituerait une atteinte à l'autonomie accordée à l'aéroport ainsi qu'à ses possibilités d'investissements. Or, cela a été dit, la population genevoise, tous partis confondus, a des attentes quant au développement de l'aéroport: nous souhaitons qu'il soit plus durable, plus proche de l'environnement, qu'il élabore aussi des possibilités d'y venir autrement qu'en voiture. Tout cela, Mesdames et Messieurs, serait entravé avec ce projet de loi. Le Conseil d'Etat vous recommande donc de le refuser. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.

Des voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous suivis ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Je lance la procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12541 est rejeté en premier débat par 51 non contre 42 oui (vote nominal).

Vote nominal