Séance du vendredi 24 janvier 2025 à 18h
3e législature - 2e année - 9e session - 53e séance

M 3003-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de motion de Léo Peterschmitt, Angèle-Marie Habiyakare, Lara Atassi, Dilara Bayrak, Marjorie de Chastonay, Uzma Khamis Vannini, Emilie Fernandez, Philippe de Rougemont, David Martin, Julien Nicolet-dit-Félix, Pierre Eckert pour une qualité de l'air protégeant la santé dans les lieux d'apprentissage
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 31 octobre et 1er novembre 2024.
Rapport de Mme Louise Trottet (Ve)

Débat

Le président. Nous poursuivons le traitement des urgences avec la M 3003-A, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Louise Trottet, qui n'est pas là...

Des voix. Si, elle est là !

Le président. Ah, excusez-moi ! Madame Trottet, vous avez la parole.

Mme Louise Trottet (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de la santé a traité cet objet durant quatre séances entre mai et septembre 2024. Lors des travaux, nous avons entendu le professeur Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de la faculté de médecine de l'Université de Genève, ainsi que M. Philippe Favreau, chef du secteur toxicologie et laboratoire du SABRA, au département du territoire; des auditions qui nous ont permis de bien comprendre le sujet de cette motion Verte.

En résumé, le texte porte sur la qualité de l'air dans les lieux d'enseignement à Genève, tant sur le plan du CO2 inhalé, dont les effets néfastes sur la cognition et l'apprentissage sont reconnus, que de la transmission virale lors d'épidémies. Puisque le CO2 et d'autres types de pollution interne, par exemple les particules fines ou encore les particules virales émises par les aérosols et les gouttelettes, sont étroitement liés, les PPM de CO2 sont l'unité de référence utilisée pour mesurer globalement la qualité de l'air. Un ensemble de données montrent que ces PPM sont actuellement trop élevées dans les classes en raison d'une ventilation suboptimale. Il s'agit en somme d'une question émergente de santé publique.

La motion vise à améliorer la ventilation, notamment mécanique, via la généralisation de l'installation de détecteurs CO2, détecteurs qui figurent pour l'instant au rang d'un projet pilote dont le succès a été rapporté à la commission. Il est également question de protocoles d'aération et de boîtes de filtration... Ah non, les boîtes de filtration ont été enlevées, excusez-moi ! En effet, à l'issue des travaux de commission, l'invite relative à ces boîtes a été supprimée: bien qu'utiles pour lutter contre la transmission virale lors d'épidémies, elles ont un impact négligeable sur le CO2, la balance entre le coût et les bénéfices a donc été jugée insuffisante. La majorité de la commission, soit trois membres socialistes, deux Verts, un LJS, deux MCG et un Le Centre, vous invite dès lors à accepter cet objet dans sa version amendée en commission.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la ventilation, c'est comme le rire: cela consiste à brasser de l'air et c'est bon pour la santé ! De nombreuses études scientifiques montrent qu'une bonne qualité de l'air procure des bénéfices multiples, qui vont de la prévention des maladies contagieuses à l'amélioration des capacités cognitives.

Le canton peut agir pour garantir des conditions aériennes propices à l'apprentissage et qui limitent dans le même temps le coût et les conséquences, parfois graves, des maladies respiratoires. Les lieux d'enseignement constituent des espaces extrêmement importants pour notre société et, dès lors, méritent les meilleures dispositions que nous puissions offrir de manière raisonnable. Ce que demande la motion est pondéré et modeste, et les effets attendus dépassent largement les dépenses.

Notre société fait face à de nombreux défis liés à l'air intérieur, notamment la mise sous tension des hôpitaux lors des périodes hivernales, le risque de pandémies et l'exposition aux composés organiques volatils non méthaniques qui peuvent s'accumuler dans les espaces clos. Maintenant que les répercussions positives d'une bonne qualité de l'air sont clairement connues, prendre des mesures dans ce sens paraît, aux yeux des Vertes et des Verts, indispensable.

Etablir une norme de concentration maximale de CO2, se donner les moyens de mesurer ces taux dans les lieux d'apprentissage et mettre en place des protocoles d'aération permet de réagir à un problème longtemps ignoré que la pandémie a mis en lumière. L'amélioration de la qualité de l'air représente un chantier similaire à celui de l'assainissement de l'eau au XIXe siècle. Commencer par là où se forment les jeunes est un premier pas dans la bonne direction, c'est intervenir au plus près des connaissances en la matière. Les Vertes et les Verts vous invitent, comme la majorité de la commission, à adopter cette motion. Merci. (Applaudissements.)

Mme Jacklean Kalibala (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'air que nous respirons au quotidien a un impact sur notre santé. Nous passons en moyenne 80% de notre temps à l'intérieur des bâtiments, et la qualité de l'air dans les espaces confinés comme les lieux d'apprentissage n'est pas assez bonne. Le manque d'aération peut provoquer non seulement des difficultés de concentration, mais également des symptômes comme la fatigue et les maux de tête. En cette période d'épidémie de grippe, nous avons toutes et tous pu constater les effets néfastes de longues heures passées dans des pièces mal ventilées.

L'air non renouvelé est chargé en polluants; cela peut être du CO2, des bactéries, des virus, mais aussi des composés organiques volatils, des molécules synthétiques, des fibres, des moisissures issues des immeubles et des murs. Mesurer la concentration de CO2 permet d'évaluer les conditions de l'air intérieur et, partant, de réduire les risques de transmission de microbes, de limiter les problèmes d'asthme et d'allergies respiratoires, d'améliorer les capacités de concentration et d'apprentissage.

Les propositions de la motion telle qu'amendée en commission sont tout à fait pertinentes et vont dans le sens des actions déjà mises en place. Quant à l'amendement présenté par M. Saudan, qui consiste à supprimer l'installation de capteurs CO2, il annule tout l'effet de la première invite: à quoi bon instaurer des normes si on ne peut pas les contrôler et en suivre l'évolution ? Déterminer la concentration de CO2 dans les salles est nécessaire afin d'analyser l'efficacité des mesures d'aération et de mettre en place des protocoles. Par conséquent, nous vous invitons à accepter la motion telle qu'amendée en commission et à refuser l'amendement de M. Saudan, qui rendrait le texte inutile. Merci. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, les intervenants qui m'ont précédé ont bien brossé le tableau de la situation. Une mauvaise qualité de l'air constitue un réel problème ayant des impacts tant sur la santé que sur l'attention requise des élèves qui fréquentent les lieux d'enseignement. La commission a auditionné - cela a été rappelé par la rapporteure - les organismes et professionnels les plus compétents en la matière.

Dans les salles de classe, les enseignants ont pris l'habitude au fil des années - une habitude qui a été renforcée au moment du covid - d'aérer régulièrement, au moins toutes les heures; malheureusement, dans les établissements scolaires aux normes Minergie, cette ventilation n'est plus possible, car les fenêtres ne s'ouvrent pas.

Plusieurs amendements ont été présentés qui ont été traités par la commission, y compris une proposition demandant de transformer cette motion en postulat. Tous ces amendements ont été refusés, à l'exception de celui des auteurs mêmes de l'objet visant à biffer la deuxième invite: cette suppression a été acceptée.

Le groupement Libertés et Justice sociale a déposé un amendement en plénière consistant à amputer la troisième invite de sa substance principale. Nous vous informons que Le Centre soutiendra le présent texte et vous invite à faire de même en rejetant l'amendement de LJS. Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

M. Pierre Nicollier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR est conscient... (L'orateur s'exprime très rapidement. Exclamations. Commentaires.) Mais à quelle heure voulez-vous terminer ? (L'orateur rit.) Le groupe PLR est conscient... (L'orateur s'exprime délibérément très lentement, puis reprend un rythme normal.) ...de la problématique de la pollution de l'air dans les espaces scolaires et d'apprentissage, et je remercie mes préopinants pour les informations qui ont été présentées jusqu'à maintenant.

Lors des travaux en commission, notre parti s'est cependant rendu compte des difficultés de mise en place des mesures demandées par les motionnaires. Pour rappel, dans sa teneur initiale, le texte visait l'installation non seulement de capteurs, mais également de filtres dans toutes les classes, sans se soucier de la faisabilité, du coût ou, plus ironiquement, de l'impact écologique d'un tel système, qui repose sur des filtres jetables à changer plusieurs fois par année et produits probablement très loin de chez nous.

Depuis le covid, il existe déjà une recommandation du DIP préconisant une ouverture régulière des fenêtres. D'ailleurs, les enseignants ont généralement l'habitude d'aérer les salles; il s'agit d'un geste plus simple que d'installer et d'entretenir du matériel électronique fabriqué en Chine. De plus, des affiches sont placées dans toutes les écoles rappelant aux professeurs et aux élèves d'ouvrir les fenêtres afin de renouveler l'air; concernant les nouveaux bâtiments dans lesquels il n'est plus possible de le faire - ils ont été mentionnés par notre collègue Guinchard -, ceux-ci intègrent des systèmes de ventilation performants.

Un amendement adopté en commission a permis d'améliorer le texte, mais selon notre groupe, l'invite demandant d'équiper de capteurs tous les lieux d'enseignement est démesurée: une fois les dispositifs achetés, il sera nécessaire de les entretenir, de les recharger, de les régler, etc. Aujourd'hui, l'Etat n'arrive déjà pas à gérer les détecteurs de CO2 placés dans les installations de type chaudières, à gaz ou encore à mazout; nous devons fixer nos priorités. En commission, nous avions d'ailleurs proposé un amendement visant à étudier le placement de ces capteurs plutôt que d'engager directement des investissements.

En conclusion, le PLR soutient l'amendement de LJS et remercie son auteur; si cette modification était acceptée, notre groupe voterait l'objet ainsi amendé. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous informe que l'amendement auquel il a été fait référence a été retiré. Il n'y a donc plus d'amendement présenté par M. Marc Saudan, du groupe LJS. A présent, la parole va à M. Lussi.

Une voix. Ah, enfin la vérité !

M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que dire face à une telle motion ? Personne n'aurait l'impudence de soutenir que l'air n'est pas pollué, qu'il ne faut pas prendre de mesures, qu'il s'agit d'une utopie. Au fond, qu'est-ce que l'on constate ? D'après tous les experts que nous avons entendus, oui, il y a quelque chose à entreprendre. Faut-il installer des capteurs ? Je ne sais pas. Et si on détermine que l'air est vraiment trop pollué, que va-t-on faire ? Aérer davantage ? Installer des systèmes de ventilation supplémentaires ?

L'Union démocratique du centre, en prenant connaissance de la motion, avait proposé deux amendements en commission qui n'ont pas été acceptés. Alors ce n'est pas tant le fait qu'ils aient été refusés qui nous gêne, mais pour nous, si le problème est juste, les solutions proposées ou du moins les actions que l'on peut réellement engager - il ne s'agit pas de mettre en cause l'auteur du texte - ne sont pas réalistes actuellement, parce que la pollution dépasse largement nos moyens techniques. C'est la raison pour laquelle, en définitive, l'Union démocratique du centre a préféré s'abstenir, et nous maintiendrons cette position lors du vote final. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote.

Mise aux voix, la motion 3003 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 49 oui contre 12 non et 5 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 3003 Vote nominal