Séance du
jeudi 23 janvier 2025 à
20h30
3e
législature -
2e
année -
9e
session -
50e
séance
PL 13547-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous passons, Mesdames et Messieurs, à notre première urgence. Il s'agit des PL 13547-A et PL 13548-A, classés en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Jean-Pierre Pasquier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des droits politiques vous invite à soutenir ces deux projets de lois du Conseil d'Etat. Ces modifications législatives sont nécessaires pour plusieurs raisons.
Premièrement, la complexité et l'ampleur des élections à venir, impliquant presque six cents magistrats, posent des défis logistiques et organisationnels majeurs. A l'avenir, les élections judiciaires ne seront vraisemblablement plus tacites comme par le passé. Le nombre élevé de bulletins nuls lors des élections récentes démontre les difficultés, pour les citoyens, d'exercer leurs droits politiques de manière efficace. En transférant une partie des élections au Grand Conseil, nous simplifions le processus électoral, réduisons les coûts et minimisons les risques en matière de bulletins nuls.
Deuxièmement, Mesdames et Messieurs, les auditions du Conseil d'Etat et de la chancellerie d'Etat, ainsi que de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, ont révélé des problèmes opérationnels significatifs liés à l'organisation d'élections impliquant un grand nombre de magistrats. En confiant l'élection de certains d'entre eux au Grand Conseil, nous assurons une meilleure organisation et une réduction des risques. Ces modifications ne remettent pas en cause l'indépendance du Pouvoir judiciaire: les magistrats titulaires continueront d'être élus par le peuple, préservant ainsi le principe démocratique fondamental - ces propositions visent uniquement à améliorer l'efficacité et le processus électoral.
Troisièmement, cette réforme permet d'aligner Genève sur les pratiques des autres cantons suisses: aucun autre canton n'organise l'élection d'un nombre aussi élevé de juges par le corps électoral. Le rapporteur de minorité évoquera sans doute que les magistrats de l'ordre judiciaire genevois sont élus par le peuple depuis 1847, un principe démocratique qui a bien servi notre canton pendant près de deux siècles. Cependant, ce système a été conçu à une époque où le nombre de magistrats et la complexité des élections étaient bien moindres: en 1850, la population genevoise était de 38 000 habitants, dont moins de 25% disposaient du droit de vote, ce qui rendait, vous l'admettrez, le processus électoral assez simple !
J'aimerais enfin insister sur un dernier point: je rappelle que, chacune et chacun d'entre nous, nous n'avons qu'une délégation, une délégation de la suprême autorité du peuple... (L'orateur insiste sur le mot «peuple».) ...et sommes élus démocratiquement pour représenter ses intérêts et rien d'autre, en particulier dans ce lieu ! Confier l'élection de certains magistrats au Grand Conseil ne diminue en rien la légitimité de ces derniers, mais permet une meilleure organisation et une gestion responsable des risques. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission, l'entier à l'exception de l'UDC, vous invite à voter en faveur de ces projets de lois. Je vous remercie.
M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de minorité. Effectivement, l'UDC a été seule à avoir les yeux ouverts face à ce qu'il faut bien appeler, avec ce projet de loi constitutionnelle et projet de loi tout court, un foutage de gueule érigé au rang de discipline olympique. (Remarque.) Cela pour faire la prolongation du débat précédent sur le sport ! Il s'agit ni plus ni moins de priver le peuple du droit de choisir lui-même ses représentants au pouvoir judiciaire, tout comme il choisit lui-même ses représentants au pouvoir législatif - tous les députés sont élus par le peuple, tous les juges sont élus par le peuple -, tout comme il est autorisé par la constitution à choisir ses représentants au pouvoir exécutif. Les trois pouvoirs ne sont rien d'autre que l'émanation de la volonté populaire; c'est d'ailleurs ce qui est dit chaque fois que nous nous réunissons.
Quelle mouche a donc piqué le Conseil d'Etat, qui a contaminé sa panique à une majorité de la commission, ductile comme à l'habitude face aux demandes de l'exécutif, pour vouloir modifier la constitution et priver le peuple d'un droit aussi fondamental que celui de choisir ses représentants dans un des trois pouvoirs ? Eh bien aucune, chers collègues ! C'est pour ça que je vous parlais de foutage de gueule érigé au rang de discipline olympique ! On nous parle d'un risque qui serait le suivant: si, par hypothèse, toutes les élections devaient être ouvertes, alors le service des votations aurait un travail considérable à fournir ! Sauf que, lorsque vous faites une matrice des risques, vous considérez deux choses: d'abord, la catastrophe qui pourrait survenir si le risque se réalisait - critère numéro un dans votre graphique -, puis la probabilité que ce risque se réalise - critère numéro deux. Et si les deux critères sont remplis, alors vous placez le risque à un niveau suffisant pour avoir un plan d'action en cas de nécessité.
Ici, qu'y a-t-il ? On a constaté à l'occasion de l'élection à la Cour des comptes qu'il a fallu deux tours... (L'orateur insiste sur le mot «deux».) ...pour départager les candidats et que - horreur des horreurs ! - il y avait un candidat indépendant ! Chers collègues, il y a toujours eu deux tours à l'élection à la Cour des comptes, c'est tout simplement le processus normal, et la présence d'un candidat non inféodé à un parti n'a rien changé à cela. Dans quelques semaines, à peine quelques mois, le service des votations sera confronté à une élection dans toutes les communes. C'est-à-dire que vous allez avoir à calculer des votes à la fois au système majoritaire pour les exécutifs communaux et au système proportionnel pour les représentants des délibératifs, avec des assiettes tout à fait différentes puisque les communes ont des compositions diverses.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Yves Nidegger. Oui, Monsieur le président, je vous en remercie. Le service des votations est parfaitement capable de mener cela, et on vient brusquement nous dire que si six cents personnes se présentaient et que toutes les élections soient ouvertes - ce qui n'arrivera jamais et n'est jamais arrivé, et c'est ce qui rend suspecte l'intention du Conseil d'Etat de nous faire proposer au peuple de renoncer à ses droits -, alors il y aurait une complication. Et c'est quoi, la complication ? C'est que les fonctionnaires devraient bosser ! (Protestations.) «So what ?!» Il n'y a vraiment aucune raison de proposer cela ! Et c'est parfaitement absurde, parfaitement audacieux - enfin, plus qu'audacieux: téméraire de la part du Conseil d'Etat de vous demander d'aller devant le peuple en lui proposant de se priver d'un droit alors qu'il n'y a strictement aucune raison objective et aucun danger qui justifie cette privation.
Bien sûr, c'est aujourd'hui la mode des systèmes plus ou moins totalitaires; l'entre-soi du Grand Conseil, cent personnes que l'on connaît bien, d'une ductilité généralement parfaite puisque nous considérons les conseillers d'Etat comme des députés qui ont réussi et sommes par conséquent dans l'aplaventrisme constant devant eux. OK ! C'est beaucoup plus confortable pour l'administration d'avoir affaire à cent députés inféodés et payés qu'à un peuple entier, qui pourrait, par hypothèse... Mais je vous rappelle que la tendance générale, c'est de considérer que les juges sont, en Suisse, trop inféodés aux partis politiques; c'est en tout cas ce que le GRECO nous reproche. Si vous optez pour cette solution-là, le candidat indépendant, qui déjà aujourd'hui a peu de chances d'être élu sans l'appui d'un parti politique, n'en aura plus aucune ! Réfléchissez à deux fois et ne votez pas les yeux fermés une chose qui n'a aucune raison d'être proposée, aucune justification sinon hypocrite, et qui privera le peuple d'une prérogative essentielle, qui propose de la lui retirer: le choix de ses représentants dans un des trois pouvoirs. Si vous voulez affronter le peuple à la veille des élections communales, faites-le, mais ce sera sans moi. Refusez donc ces deux projets de lois parfaitement infondés et parfaitement téméraires.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je pensais faire la liste des avantages de ces projets de lois, mais je crois que je vais quand même commencer par faire la démonstration que le raisonnement tortueux que nous avons entendu à l'instant débouche sur des conclusions largement aussi absurdes, et même plus, que celles mises en avant par la minorité. En effet, on est en train de nous dire que, parce qu'un événement ne se réalise pas, le risque qu'il se réalise est nul ! On en vient naturellement à se réjouir que notre collègue Nidegger soit membre de ce parlement, où il est assez inoffensif, plutôt que responsable de la sécurité d'une centrale nucléaire ou postulant pour remplacer Mme Amherd à la tête de l'armée de notre pays, fonctions où l'évaluation des risques postule que certains événements qui ne se sont jamais réalisés peuvent véritablement arriver.
L'autre absurdité du raisonnement, vous l'aurez toutes et tous évidemment relevé, c'est de maintenir mordicus une disposition constitutionnelle qu'on sait matériellement inapplicable, partant du principe qu'on n'aura jamais à l'appliquer ! Parce que, précisément, le risque évoqué par la chancellerie et le Conseil d'Etat est réputé impossible à réaliser. On est donc en train de nous dire qu'il faut absolument maintenir dans la constitution une disposition qu'on sait qu'on n'appliquera jamais parce qu'on n'aurait de toute façon pas les moyens de l'appliquer ! Là, il faut en venir aux faits: il est vrai que cette disposition existait au cours des temps passés, à l'époque des joyeuses Landsgemeinden, lorsque l'on se réunissait pour prendre ensemble des décisions collectives. Ce temps, Mesdames et Messieurs les députés, qu'on le regrette ou non, est révolu !
Nous sommes très nombreux dans cette république et l'augmentation des contentieux fait simplement que le corps des juges - le corps à élire - a augmenté de façon très importante: ce sont aujourd'hui près de six cents postes, avec des charges complètes, des demi-charges, qu'il faut pourvoir. Il faut là saluer le travail de la chancellerie, en particulier de la direction des opérations de vote, qui nous a expliqué de façon tout à fait convaincante en commission que si, par hypothèse, les six cents postes devaient être élus par le peuple, on se trouverait face à un vaste cafouillage. Il faudrait plus de quarante enveloppes, avec des bulletins électoraux de taille A3, avec des colonnes pour les charges, les demi-charges, des reports - des choses qui sont absolument incompréhensibles pour l'électeur.
Bien évidemment, personne n'imagine que ces six cents postes seraient à élire de façon active, mais si même la moitié - ou le tiers ou le quart - devait être élue par le peuple, la gabegie serait en proportion. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ce n'est pas une question d'engagement du personnel - que l'on salue, au passage - au sein du service des votations et élections, c'est bien une question de matérialité, de possibilité pratique de procéder à cette élection, de faire en sorte que l'électeur ne soit pas confronté à l'incertitude et, au final, de s'assurer que cette élection soit représentative.
Ce deuxième tour de la Cour des comptes, Mesdames et Messieurs, n'est pas problématique parce qu'il y a un candidat de traverse, il est problématique parce qu'à peine 15% du corps électoral a jugé bon de participer ! Et l'on sait bien que si l'élection avait été plus compliquée, ce taux aurait été encore plus bas, rendant illégitimes l'élection et, au final, l'institution que la population était censée élire. C'est bien pour cela qu'il faut remercier la chancellerie et le Conseil d'Etat de proposer une solution pratique et applicable à cette situation...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...et accepter ces deux textes. Je vous remercie.
M. Jean-Louis Fazio (LJS). Chères et chers collègues, le Grand Conseil est déjà compétent pour toutes les élections complémentaires des magistrates et magistrats du Pouvoir judiciaire, de même que pour l'élection générale de la juridiction des prud'hommes, une comparaison qui est importante pour voter ces deux lois aujourd'hui. Comme l'a dit la présidente Nathalie Fontanet, citant la chancellerie, si on les rejetait, il faudrait faire élire environ six cents magistrats par le peuple: c'est délirant et ubuesque ! La complexité administrative pour mettre en place cette option serait insurmontable et ridicule, une caricature de la démocratie; le peuple ne s'y reconnaîtrait pas. Le groupe LJS soutient donc les deux projets de lois présentés.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). J'aimerais compléter les arguments présentés auparavant et je salue en particulier la démonstration de M. Nicolet-dit-Félix - vous transmettrez, Monsieur le président - soulignant que les magistrats du siège peuvent aujourd'hui déjà être désignés par le Grand Conseil entre les élections. Le fait d'être élu par le Grand Conseil ne donne pas une qualité moindre aux candidatures; une élection n'est pas discréditée si elle est menée par le Grand Conseil. La manière dont l'élection se déroule ne laisse préjuger en rien de la qualité du travail effectué ou de la motivation des magistrats. Bien sûr, symboliquement, il est positif de passer devant le corps électoral, mais le Grand Conseil en est une émanation. Il est important de le rappeler ici, le rapporteur de majorité l'a fait tout à l'heure.
Les auditions ont montré que le côté pragmatique de la solution proposée a convaincu les représentants de l'association des magistrates et magistrats du Pouvoir judiciaire. C'est ce même pragmatisme qui a prévalu à la rédaction d'un projet de loi PLR demandant que les magistrats du Pouvoir judiciaire puissent faire le voeu de prolonger de deux ans l'âge de départ à la retraite, à l'instar du reste du personnel de l'Etat et des structures associées. Les magistrats revêtent certes une fonction particulière, mais celle-ci n'empêche pas une équité et une efficacité de traitement, que ce soit pendant leur période d'activité ou lors de leur élection. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe PLR vous invite à accepter ces deux projets de lois. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). Après mûre réflexion, le groupe MCG a décidé de refuser ces deux projets de lois. Le MCG refuse que les droits des électeurs soient limités lors de l'élection des juges, au moment où ce mode d'élection dysfonctionne. Nous vivons actuellement sous un régime obscur de sélection des magistrats; certaines candidatures sont ainsi favorisées au détriment d'autres, de manière contestable.
Qui sont les vrais décideurs ? Il existe une commission interpartis qui choisit, en comité restreint, l'heureux élu qui doit être nommé juge, ou ne pas l'être. Trop souvent, les choix s'opèrent non sur les compétences mais sur d'obscurs maquignonnages organisés par quelques avocats. C'est cette poignée d'avocats qui choisit les juges parmi les siens - en fait, une justice entre potes ! (Remarque.) Ces projets de lois auront comme conséquence de renforcer ce mécanisme malsain.
Force est de constater que le système actuel est insatisfaisant. De ce fait, il faut une épée de Damoclès, et cette épée de Damoclès, c'est l'élection de tous les juges par le peuple ! Les magistrats genevois ne sont pas représentatifs de la population genevoise puisque certains partis sont favorisés et d'autres écartés, comme le MCG. Il est tout aussi inacceptable que certains partis politiques se permettent de réclamer une redevance financière aux juges, ce qui est fermement condamné par le GRECO, groupement européen contre la corruption.
Surtout, ces deux projets de lois soulèvent une question centrale: la légitimité des juges. Dans une vraie démocratie, la légitimité des juges repose sur le peuple. En retirant au peuple la possibilité d'élire une catégorie de juges, on enlève à une catégorie de juges sa légitimité. Ce n'est pas acceptable. Pour ces raisons, le MCG refusera ces deux textes, pour une justice indépendante des partis et... (L'orateur insiste sur le mot «et».) ...des avocats influents, pour une justice qui garde sa légitimité démocratique. Merci de refuser ces deux projets de lois.
M. Diego Esteban (S). Si l'on peut estimer que la représentativité au Pouvoir judiciaire mériterait certains progrès, il ne faut pas aller chercher très loin pour voir que ça pourrait être bien pire: par exemple en Valais, où deux partis majoritaires se partagent l'entier des postes de la magistrature. A cet égard, le système genevois, qui soumet à l'élection populaire l'entier des postes du Pouvoir judiciaire, est bien pensé et permet justement d'éviter qu'une minorité de partis politiques ne s'octroie l'essentiel des postes au sein de la magistrature. Et je pense aussi que la composition de notre Pouvoir judiciaire est, pour cette raison, beaucoup plus diversifiée et représentative de la population qu'elle ne l'est dans un certain nombre d'autres cantons.
On a beaucoup parlé des risques qu'on aimerait éviter davantage que d'autres. Bien sûr, il y a des désaccords, mais on a cité le cas de figure dans lequel les six cents postes de magistrats pourraient donner lieu à une élection ouverte devant le peuple. On pourrait penser que ce scénario est relativement peu probable, mais il suffit qu'une personne se présente à chacun des six cents postes pour qu'à coup sûr nous recevions toutes et tous cinq enveloppes de vote, toutes remplies à ras bord, dans notre boîte aux lettres. Et le risque auquel on est confronté dans ce cas-là, c'est celui d'une élection qui n'a de démocratique que le nom ! Recevoir cinq enveloppes remplies de noms que vous ne connaissez pas, dans un contexte où il est impossible de faire une campagne efficace pour informer le peuple sur l'entier des candidatures qui figurent sur le papier, est-ce que c'est vraiment ça, la démocratie ?! Je rappelle que nous avons eu récemment une élection, un second tour à l'élection de la Cour des comptes, où la participation n'a même pas atteint les 16% ! Est-ce que c'est ça, la démocratie ?
Il y a effectivement des progrès à faire en matière de gestion des risques. Ces progrès ne consistent pas, comme certains ont tenté de le suggérer pendant ce débat, à éliminer complètement le recours au peuple pour l'élection des juges, puisque les magistrats titulaires, les procureurs feront encore l'objet d'une élection ouverte devant le peuple. Mais pour prévenir ce risque de surcharge des bulletins de vote, qui au final nuit à la démocratie, dans un système qui a été ouvert au peuple mais qui a toujours été prévu pour favoriser des élections tacites, eh bien on peut effectivement se permettre de laisser le Grand Conseil désigner les juges suppléants, les juges assesseurs, les juges de la cour d'appel et les procureurs extraordinaires - voilà, j'ai fait la liste complète. La solution que l'on nous propose est donc tout à fait mesurée, vu les circonstances, et c'est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste soutiendra ces deux projets de lois.
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Le Centre va aussi soutenir cette solution, qui nous semble pragmatique et tout à fait juste. Faire une distinction entre les juges de carrière - qui restent donc élus par le peuple - et les juges suppléants, les juges assesseurs et les juges de la cour d'appel, qui seront élus par le Grand Conseil, nous semble tout à fait acceptable. D'autant plus que si vous regardez comment se déroulent aujourd'hui les élections, eh bien les juges qui ne sont pas magistrats de carrière sont de toute façon souvent désignés par consensus au sein de la commission interpartis. Donc, pour ceux qui crient maintenant que ce système n'est pas valable: en réalité, refuser ces projets de lois ne changera rien au fait qu'il existe une commission interpartis et que, souvent, les juges sont désignés par consensus entre les partis politiques. Cette solution pragmatique est tout à fait conforme à ce que l'on recherche en matière d'efficacité et aussi en matière d'intérêt de la population, s'agissant de l'élection des juges. Si on les fait voter pour tout et n'importe quoi, eh bien les gens voteront tout simplement moins ! Merci beaucoup.
M. Jean-Pierre Pasquier (PLR), rapporteur de majorité. Pour conclure, s'il me reste quinze secondes, je voudrais simplement vous dire que gouverner, c'est prévoir. Le Conseil d'Etat l'a fait; le risque est avéré, les mesures proposées sont proportionnées. Nous sommes le seul canton qui organise des élections avec autant de juges: aucun autre ne fait cela avec plus de cinquante juges. Mesdames et Messieurs, je vous invite donc à voter ces deux projets de lois. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Mais vous deviez parler avant, Monsieur. (Remarque.) Vous deviez parler avant, mais enfin ! Il vous reste quarante-cinq secondes.
M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de minorité. La constitution genevoise de 1842 prévoyait que les magistrats soient élus par le Grand Conseil; ça a duré cinq ans. En 1847, juste avant l'entrée de Genève dans la Confédération, on est passé à l'élection démocratique de tous les juges. Voulons-nous vraiment retourner à 1842 ?!
Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai en rappelant que Genève est effectivement le seul canton dans lequel l'ensemble des magistrats sont actuellement élus, ou pourraient être élus, par le peuple. Surtout un si grand nombre de magistrats, cela vient d'être dit par le rapporteur de majorité: dans les autres cantons, il n'y a jamais plus de cinquante postes de magistrats du pouvoir judiciaire concernés. Et dans tous... (L'oratrice insiste sur le mot «tous».) ...les cantons romands, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont les parlements qui élisent les membres du troisième pouvoir.
Quel est le but du Conseil d'Etat, respectivement de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire et de l'association des magistrats, en soutenant ces projets de lois ? Eh bien c'est de permettre au peuple d'exercer sereinement ses prérogatives. On a parlé de l'élection de la Cour des comptes, on a évoqué le fait que la participation a été extrêmement basse, mais on n'a pas rappelé qu'il y a eu un nombre élevé de bulletins non valables, parce que la procédure était déjà plus compliquée pour cette élection, avec des indépendants, avec deux listes; des électeurs se sont malheureusement trompés dans la façon de voter. Imaginez s'il s'agissait d'élire six cents magistrats, avec des bulletins complexes, des bulletins moins complexes, avec les demi-charges, les charges pleines, en s'assurant que les candidats ne sont pas plus nombreux pour les demi-charges que pour les charges pleines - c'est un travail de titan ! Ça nécessiterait, si cela devait arriver, d'adresser aux électeurs un nombre d'enveloppes qui dépasse l'entendement. On le sait, notre système est extrêmement démocratique et les électeurs sont souvent perdus, ne serait-ce qu'avec une seule enveloppe de vote. Pour certaines élections ou votations, il y a eu deux enveloppes de vote et certains ont oublié la deuxième d'entre elles ! Là, nous risquerions de nous retrouver à devoir envoyer plus d'une dizaine d'enveloppes de vote, avec plus de trente-huit listes. Enfin, c'est tout simplement inimaginable !
Et puis je voudrais insister sur un élément: les fonctionnaires, contrairement à ce qui est avancé - vous transmettrez, Monsieur le président - par le rapporteur de minorité, qui aime la provocation, les fonctionnaires travaillent ! Finalement, s'ils devaient être bloqués pendant six mois à tenter d'analyser les résultats des élections, ce serait encore réalisable. Mais qui serait la première personne de ce parlement ou le premier parti de ce parlement à jeter l'opprobre sur le Conseil d'Etat, qui n'aurait pas vu venir un risque majeur en matière d'élections majeures parce que la démocratie n'aurait pas pu s'exercer correctement ? Eh bien ce serait sans aucun doute - et vous transmettrez, Monsieur le président - le rapporteur de minorité, qui est toujours en train de jeter l'opprobre sur le Conseil d'Etat, sur celles et ceux qui ne partagent pas son avis.
Le Conseil d'Etat a pris ses responsabilités. Nous avons, avec la chancellerie, déposé ces projets de lois avec l'accord de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, pour trouver une solution qui soit acceptable, une solution qui distingue les magistrats de carrière de ceux qui ne le sont pas, pour trouver une solution qui est déjà appliquée tous les mois, à savoir l'élection de certains magistrats par le parlement. C'est le cas aujourd'hui, sans que cela soit ressenti comme une violation crasse des droits populaires. Le Conseil d'Etat vous encourage donc à accepter ces deux projets de lois. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière sur le PL 13547-A.
Mis aux voix, le projet de loi 13547 est adopté en premier débat par 69 oui contre 20 non.
Le projet de loi 13547 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13547 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui contre 20 non (vote nominal).
Le président. Nous votons maintenant sur le PL 13548-A.
Mis aux voix, le projet de loi 13548 est adopté en premier débat par 69 oui contre 20 non.
Le projet de loi 13548 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13548 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 20 non (vote nominal).