Séance du
jeudi 23 janvier 2025 à
17h
3e
législature -
2e
année -
9e
session -
49e
séance
PL 13357-A
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 13357-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de majorité est remplacé par M. Pascal Uehlinger. Le rapport de minorité est de M. Pfeffer, mais je donne tout d'abord la parole à M. Nidegger.
M. Yves Nidegger (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Une raison s'oppose à ce que nous traitions de ce texte aujourd'hui, c'est la composition incorrecte de la commission lors des débats. En violation de l'article 24, qui interdit que nous prenions part à un débat sur un objet nous touchant personnellement ou touchant un proche, notre collègue Alexis Barbey a participé à la discussion; or, la suppression de la Ville de Genève entraînerait la disparition du salaire de Mme Barbey, qui représente la part prépondérante du budget familial. (Rires. Commentaires.) Si, si, je le sais ! (Rires. L'orateur rit.) Cela concerne donc à la fois quelqu'un de très proche de M. Barbey, à savoir son épouse, et lui-même, puisque c'est de son régime alimentaire qu'il est question de manière extrêmement directe.
Non seulement M. Barbey a pris part à cette discussion, mais il y a pris une part tellement active qu'il a été désigné par la commission comme rapporteur de majorité et a rédigé ce rapport. Remplacer le lecteur du rapport ne change rien au fait que, les débats ayant été tenus dans une composition incorrecte au sens de la loi, outre la question disciplinaire - on sait le Bureau extrêmement vigilant sur le respect de la LRGC et parfaitement impartial au demeurant -, se pose celle de l'invalidité pure et simple des débats, lesquels doivent être refaits. Pour cette raison, je vous demande un retour en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Uehlinger. (Remarque.) Sur le renvoi en commission, évidemment. Monsieur Uehlinger, vous pourrez intervenir ensuite sur le projet lui-même, si le renvoi est refusé.
M. Pascal Uehlinger (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Si l'on doit parler de l'article 24... C'est rigolo de débattre d'un projet de loi qui s'avère anticonstitutionnel. Mon groupe s'oppose au renvoi en commission, et je pense que la majorité nous suivra.
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre la procédure de vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13357 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 76 non contre 10 oui.
Le président. Le débat continue et la parole revient au rapporteur de majorité. (M. Yves Nidegger rejoint la table des rapporteurs.)
M. Pascal Uehlinger (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, de quoi parle-t-on? On parle de l'ajout d'un alinéa 4 à l'article 1 de la loi sur l'administration communale, la LAC, qui stipule: «En Ville de Genève, les tâches dévolues à l'administration communale sont exécutées par l'administration cantonale.» Je vous rappelle que le canton de Genève pèse à peu près 500 000 habitants, la Ville de Genève, une des 45 communes, environ 200 000 habitants. Dans l'Association des communes genevoises, la Ville de Genève possède 25 voix sur 187, soit 13,4% des voix, alors qu'elle compte quand même 40% de la population, ce qui veut dire qu'elle a été bien pondérée, mais il faut aussi savoir que la Ville de Genève n'a qu'une voix quand sont abordés la constitution ou le règlement sur la LAC. La Ville de Genève, c'est quatre cents fois la plus petite commune genevoise.
Le but de ce texte, qui s'avère assez louable, c'est la fin des doublons entre commune et canton, c'est une simplification administrative. Finalement, qu'est-ce qu'on veut ? Eviter que le canton ait un Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences et que la commune fasse par ailleurs sa propre promotion de l'égalité entre femmes et hommes. C'est ce genre de doublon que cible ce texte.
Le sous-entendu est également important. Il existe effectivement une sorte de ras-le-bol vis-à-vis d'un Etat dans l'Etat - ce qui est ressorti plusieurs fois en commission -, avec des politiques publiques très fortes en Ville de Genève, comme la culture, la petite enfance. Par ailleurs, le rayonnement de la Ville fait des envieux (le maire de Genève a presque plus d'importance qu'un conseiller d'Etat ou que le président du Conseil d'Etat). On espère aussi la fin des procès entre Ville et canton, qui se révèlent parfois assez fastidieux.
Il y a un problème: la suppression du droit de vote municipal des citoyens de la commune de Genève, la perte de proximité avec le citoyen et l'atteinte à l'autonomie communale. Des discussions avec d'éminents membres de la Constituante ont eu lieu, et ceux-ci nous ont indiqué que la mise en oeuvre de ce projet de loi était impossible, car les articles 132 et suivants de la constitution prévoient l'existence d'autorités pour toutes les communes du canton. Par ailleurs, le droit de vote communal est garanti par la Constitution fédérale. Or, ces deux points ont été vus avant tout comme bloquants.
Des solutions ont néanmoins été évoquées, qui sont forcément hors de nos compétences (et ce n'était pas l'objet de la discussion): si l'on voulait améliorer le fonctionnement de la Ville de Genève, plutôt que de débattre de la fusion de communes, on pourrait débattre de la question de scinder la Ville de Genève en plusieurs entités communales, ce qui signifierait revenir dans le passé, retourner aux années 1930.
Finalement, ce texte, qui a le mérite d'exister et de susciter des discussions, a été très largement refusé, car la commission a rejeté l'entrée en matière par 10 non et 2 oui. On sait bien de qui proviennent ces 2 oui ! J'en ai terminé, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de minorité ad interim, M. Nidegger.
M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace M. Pfeffer, qui est malheureusement malade ce soir. La question ne peut pas être balayée d'un revers de main, puisque la Constituante s'est attelée à cette question ou à ce problème qu'est la Ville de Genève, Etat dans l'Etat depuis qu'en 1930 les habitants du sommet de la colline se sont adjoint ceux du bas de la colline, soit le Petit-Saconnex, Plainpalais et les Eaux-Vives. Cette commune importante est alors devenue un véritable Etat dans l'Etat de par son ampleur, écrasant d'ailleurs par sa taille l'ensemble des autres communes. Il est vrai que certaines ont beaucoup grossi depuis lors, mais à l'époque, la discrépance était encore plus forte. Si la Constituante en a parlé dans tous les sens, c'est que problème il y a, et que ce problème mérite d'être considéré.
Cette idée d'être un Etat dans l'Etat tient à des raisons historiques et psychologiques. Vous savez que sous le Saint-Empire romain germanique, les rois de France se considéraient comme les empereurs bis et qu'on les appelait empereurs en leur royaume, empereurs en France. Ça tenait au fait que la fonction de roi des Francs a préexisté à l'empire que les Carolingiens ont mis sur pied et qui est devenu le Saint-Empire romain germanique. A Genève aussi, la Ville de Genève, la commune de Genève a préexisté au canton de Genève, qui n'est né qu'au XIXe siècle; la Ville, quant à elle, a une histoire beaucoup plus longue.
Ça a pour conséquence psychologique, outre la taille de la commune en question qui écrase les autres, que ses édiles se comportent comme empereurs en leur royaume, et on le voit constamment dans les luttes d'influence que se livrent la Ville et le canton. Les doublons ne concernent pas simplement des services que l'on pourrait fusionner avec utilité, ils tiennent aussi à ce que deux entités différentes ont les mêmes politiques publiques: on doit ainsi au tiraillement entre le canton et la Ville nos places les mieux ratées de toute la ville, parce que nous ne sommes pas arrivés à nous mettre d'accord entre les uns et les autres sur ce qu'il fallait faire ou ne pas faire.
Cette commune, c'est celle dont le maire se targue de dire à la populace ce qu'elle a le droit de manger ou de ne pas manger sur le sol de la bonne ville de Genève, sol qui, par ailleurs, est dégrappé sous le couvert, voire à l'instigation, d'un autre membre du gouvernement. La pire des choses qui nous soit arrivée s'est également produite à cause de la Ville: nous avons manqué le concours de l'Eurovision. Ça, je ne m'en remets pas ! (Remarque.)
Je prends du reste pour modèle Bâle-Ville, dont la constitution prévoit que les communes ont une administration (ce que prévoit évidemment la constitution genevoise aussi), mais que c'est l'administration cantonale qui exécute les tâches confiées à la commune de Bâle. Ça veut dire que la commune existe, la commune bourgeoisiale existe; l'autonomie communale est évidemment restreinte par le fait qu'elle ne possède pas sa propre administration. C'est réglé au niveau constitutionnel, c'est totalement conforme à la constitution et au droit suisse, Bâle-Ville marche selon ce modèle-là.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Yves Nidegger. Merci, Monsieur le président. Cette ville de Bâle (que je prends ici comme modèle pour montrer que c'est parfaitement possible de faire cela avec un canton qui ne se porte pas plus mal que le nôtre, je crois, et qui ne dépense pas d'énergie à se battre avec lui-même) a remporté l'Eurovision, non à cause d'un risque de référendum qui existe à Bâle comme à Genève, mais, ont dit les autorités organisatrices du concours de l'Eurovision, à cause de la bicéphalie, pour ne pas dire la schizophrénie politique: on ne veut pas à avoir à traiter avec deux autorités, le canton et la Ville, dont on connaît l'incapacité à se mettre d'accord sur quoi que ce soit. C'est ça qui nous a valu la perte de l'Eurovision, que je déplore immensément. (Rires.)
Le rapporteur de majorité vous explique que pour des raisons d'opportunité, de technicité voire de constitution, il faut rejeter ce projet de loi, mais il s'agit d'un texte sur lequel la commission a refusé d'entrer en matière. Il y a eu deux auditions, celle de Bâle-Ville a été refusée et celle des communes genevoises, qui auraient quand même leur mot à dire sur cette question, a été courageusement refusée. En revanche, a été acceptée l'audition de la Ville de Genève, lors de laquelle M. Gomez est venu dire tout le mal qu'il voyait dans ce projet qui l'aurait privé de salaire. On est extrêmement étonné de cette position: si c'est traiter un projet de loi que d'inviter la partie mise en cause pour lui demander d'en dire du mal, je n'appelle pas ça du travail parlementaire très objectif et très sérieux.
En outre, deux constituants sont venus expliquer que la chose était de rang constitutionnel, et avec raison: l'auteur de cet objet vous précise par le menu que même si, techniquement, la modification de la loi sur les communes suffit pour régler cette question, celle-ci est toutefois si importante pour les contours généraux de l'architecture du canton qu'elle relève de la constitution. Il n'est pas prévu dans ce projet de loi ci, mais il aurait fallu - et c'est clairement ce que dit l'exposé des motifs - que la commission envisage un projet de loi constitutionnelle afin d'inscrire dans la constitution quelque chose qui concerne tous les habitants du canton et qui, pour des raisons démocratiques, devrait être soumis à leur approbation ou à leur refus. Voilà !
S'il fallait un exemple de l'aberration que constitue la Ville, qui se croit au-dessus des lois, notre ami Barbey aurait pu nous l'apporter sur un plateau, puisque, tellement imbu de la justesse du propos, il ne s'est même pas rendu compte qu'il était en conflit d'intérêts et a pris abondamment la parole. Il a même rédigé et signé le rapport de majorité, qui vient de vous être lu partiellement par son remplaçant. J'ai fait remarquer au Bureau qu'il y avait comme un petit problème de respect de l'article 28...
Des voix. 24 !
M. Yves Nidegger. 24 ! Pardon ! Merci ! ...que, je n'en doute pas, le Bureau du Grand Conseil aura à coeur de traiter sous l'angle disciplinaire, comme il se doit. Ce que je vous demande maintenant...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Yves Nidegger. ...c'est le retour en commission, pour la seconde raison que les auditions n'ayant pas été faites, ce projet de loi n'a pas été traité.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes à nouveau saisis d'une demande de renvoi en commission. La parole est au rapporteur de majorité.
M. Pascal Uehlinger (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je vais quand même pondérer les propos de M. le député Nidegger. Il y a eu son audition, ce qui en fait déjà une, celle de la Ville de Genève effectivement, ce qui en fait deux, et celle de deux éminents membres de la Constituante. Nous avons attendu les deux dernières auditions pour décider en interne si nous allions entendre l'ACG, et la décision de la commission a été négative. Ce n'est pas que la commission n'a pas fait son travail, mais elle estime que dans la mesure où nous vivons dans un monde de 45 communes, ce qui représente l'ACG, et que le projet de loi ne vise qu'une commune, l'audition de cette dernière est largement suffisante. C'est pourquoi je vous propose de ne pas accepter le renvoi en commission.
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter sur cette demande de renvoi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13357 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 79 non contre 11 oui.
Le président. Nous reprenons nos débats. Monsieur Romain de Sainte Marie, c'est votre tour.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, vous transmettrez au député rapporteur de minorité (je ne sais pas très bien ce qu'il est dans ce débat) qui a dit que la Ville se croyait au-dessus des lois que lui-même se sent peut-être au-dessus du règlement du Grand Conseil. En effet, depuis douze ans que je siège au Grand Conseil, je n'ai jamais vu personne prendre la parole en premier dans un débat, avant les rapporteurs, de sa place, en tant que député, puis changer de place - c'est le jeu des chaises musicales ! - et devenir ainsi rapporteur de minorité au milieu du débat. L'UDC n'a plus de temps de parole, sinon M. Nidegger reprendrait sa place sur les bancs UDC pour s'exprimer sur le temps de son groupe.
Le président. Monsieur le député, il a le droit ! Il a remplacé un collègue.
M. Romain de Sainte Marie. Il l'a remplacé au milieu du débat. C'est tout à fait légitime de changer de chaise - c'est le jeu des chaises musicales ! - et de prendre la parole en premier...
Ce texte n'est pas sérieux, c'est juste une énième provocation de ce même député et du groupe UDC. Il n'est en effet absolument pas respectueux de la constitution, et ce n'est pas moi qui l'affirme, je ne suis pas du tout juriste, mais ce sont deux anciens constituants, professeurs de droit constitutionnel, qui viennent le dire en séance de commission. Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'organiser d'autres séances de commission, d'autres auditions, dès lors que l'on s'aperçoit que le projet de loi est absolument anticonstitutionnel.
On a assisté dans ce débat à un exercice de rétropédalage de la part du rapporteur de minorité député UDC après qu'il s'est tiré une magnifique balle dans le pied. En effet, en stigmatisant la Ville de Genève, il a pris l'exemple du concours de l'Eurovision et de l'échec de la candidature de Genève, échec qui revient en grande partie aux Jeunes UDC - merci - ainsi que certainement au parti des plus vieux UDC, qui ont menacé le concours de l'Eurovision d'un référendum si Genève devait être choisie. On a assisté à ce rétropédalage: il a déclaré que c'était à cause de l'aspect bicéphale, comme il le dit, du canton et de la Ville de Genève, alors qu'en aucun cas ça n'apparaît comme un problème.
On aurait pu penser que cet objet aurait pu être intéressant dans le cadre d'une réflexion, s'il avait vraiment été susceptible d'apporter quelque chose au sujet de la fusion des communes et d'avoir une portée un peu plus large que celle d'attaquer et de stigmatiser la Ville de Genève. Non ! Non ! C'est juste stigmatisant pour la Ville. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il n'aurait été en aucun cas utile d'auditionner l'Association des communes genevoises. Ce projet de loi stigmatise la Ville de Genève, mais ne touche absolument pas aux autres communes du canton. A quoi cela sert ? A rien ! Si ce texte était un peu plus réfléchi et ambitieux et contenait une réflexion, un débat sur la fusion des communes dans le canton de Genève - on peut regretter que l'Assemblée constituante n'ait pas poussé le bouchon un peu plus loin sur certaines fusions de communes -, alors nous aurions pu auditionner l'Association des communes genevoises.
Le rapporteur de majorité l'a soulevé, ce texte s'attaque à l'administration de la Ville de Genève. On a un vrai problème: d'un côté, c'est un véritable mépris pour les citoyennes et les citoyens de la Ville de Genève, qui, normalement, ont un droit de vote concernant leur administration et qui ne l'auraient absolument plus - on propose donc un système absolument non démocratique. De l'autre, il y a un problème opérationnel: il existe actuellement un statut du personnel, des salariés de la Ville de Genève, et l'administration communale se verrait tout simplement supprimée du jour au lendemain.
Cet objet, comme je l'ai dit, n'est absolument pas sérieux, c'est une énième provocation concernant la Ville de Genève et d'autres institutions dans le canton de la part du député UDC - ou rapporteur de minorité, quand ça l'arrange dans le débat. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous invite à refuser ce texte.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, cet objet a un côté audacieux, un côté audacieux certain, parce que penser qu'une modification de la loi sur l'administration des communes pourrait suppléer à quatre ans de travaux de la Constituante - en pure perte d'ailleurs à ce niveau-là, sans résultat effectif - c'est véritablement une gageure. Il a été signalé que nous avons auditionné deux professeurs de droit constitutionnel, eux-mêmes anciens membres de la Constituante, et je rappelle que leurs interventions - il vaut la peine de les lire - ont été extrêmement sévères à l'égard de la légèreté avec laquelle l'auteur de ce texte a procédé en ne proposant pas une modification de la constitution.
On a beaucoup donné Bâle en exemple. C'est une vieille habitude du groupe UDC; en général, c'est notre confrère Pfeffer qui le fait. Bâle-Ville est régulièrement citée comme exemple, que ce soit à propos de la gestion de la pandémie, de celle des finances, de celle de l'administration, etc. On a l'habitude. Or, les exemples donnés ne sont pas complets et n'ont pas été traités sur le fond. Il ne faut quand même pas oublier que - je ne rentre pas dans tous les détails - à Bâle, 45% des sièges du Grand Conseil sont réservés aux habitants de la ville. De plus, lorsque le Grand Conseil doit voter sur des sujets purement urbains, seuls les habitants de la ville peuvent voter. Ce système fonctionne à Bâle, mais n'oublions pas qu'à Genève, nous avons 45 communes et non pas deux ou trois comme c'est le cas là-bas. Les Bâlois ont donc construit un système qui fonctionne, mais dont les prémisses ne valent pas pour Genève.
Un autre élément m'interpelle. Nous allons avoir prochainement des élections municipales, et le groupe UDC présente des candidats - c'est son droit -, dont deux pour le Conseil administratif. De deux choses l'une: soit l'UDC considère que ce projet de loi n'a aucune chance et sait bien ce qu'il en adviendra, soit il n'a aucune confiance dans les deux candidats qu'il présente au Conseil administratif. Je vous laisse choisir la position la plus adéquate pour vous, et je vous remercie de rejeter cet objet avec la même fermeté qu'il l'a été en commission.
M. Amar Madani (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement Citoyens Genevois ne souhaite pas la disparition de la Ville de Genève, preuve en est qu'il prendra part aux élections du Conseil municipal au mois de mars prochain.
Le MCG exprime sa ferme opposition au projet de loi, de notre point de vue utopique, car il vise à supprimer notre Ville. La commune, je le rappelle, est le premier échelon de notre architecture fédérale et un pilier de notre démocratie, et c'est en elle que réside l'essence même de la proximité entre les citoyens et leurs représentants, ce qui permet à chacun de jouir des services en lien direct avec ses préoccupations quotidiennes. Il est irresponsable de concevoir une telle réforme, qui priverait nos concitoyens de prestations essentielles et de la possibilité de faire entendre leur voix au niveau le plus proche.
En outre, déléguer toutes ces compétences communales au parlement cantonal ne ferait qu'alourdir la charge de travail de celui-ci et complexifier l'administration. Plutôt que de renforcer notre système, cela risquerait d'engendrer des délais, une bureaucratie plus lourde et un manque d'efficacité. Je rappelle également que ce texte va à l'encontre de l'un des principes fondamentaux de notre constitution, qui est l'autonomie des collectivités locales.
Cette proposition, balayée en commission par tous les partis hormis celui de son auteur, est évidemment déconnectée de la réalité et des besoins des citoyens en respect avec les valeurs démocratiques. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, le MCG ne votera pas ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce texte est une aberration. Alors que la Ville de Genève est un véritable contrepouvoir de gauche face à un parlement cantonal de plus en plus à droite... (Commentaires.) ...la Ville de Genève, en tant qu'autorité publique, pallie souvent les manques. Véritable rempart contre les politiques de droite du canton, la Ville de Genève délivre des prestations de proximité, essentielles à la population (on peut citer bien évidemment la politique de la petite enfance), à travers une politique sociale de proximité visant à soutenir le tissu indispensable de la société civile via des subventions aux associations. Mais surtout, la Ville de Genève soutient ses habitants, ses habitantes, ses commerçants, ses commerçantes, ses artistes et toute la population.
Sa population multiculturelle se précarise ces dernières années: elle subit l'augmentation des loyers, des primes d'assurance-maladie, pour n'en citer que quelques-unes. Oui, environ 30% des citoyens, des citoyennes ne gagnent pas assez pour être imposables. Oui, la Ville de Genève est riche de la diversité de sa population et de son attractivité, mais elle rayonne aussi par sa politique culturelle. Il y a des étudiants, des femmes seules, des personnes âgées, des familles.
Au-delà de toutes ces considérations, mais au-delà surtout du mépris infligé par ce projet de loi aux habitantes et habitants de la Ville de Genève, qui représentent quand même presque la moitié de la population du canton, l'idée de dissoudre la Ville de Genève ferait perdre beaucoup d'avantages à la population, dont celui de voter au niveau communal. Si l'on vit à Genève depuis huit ans, même si l'on a une autre nationalité, on peut voter. Ce serait donc antidémocratique et anticonstitutionnel. Cette force et ce droit permettent à la population de faire des choix et d'élire un gouvernement à majorité rose-verte, car la population sait qu'elle sera soutenue, entendue et prise en considération. Vivre en temps de canicule aux Pâquis, dans un quartier dense et bétonné, ce n'est pas la même chose que de vivre à Cologny. Pour toutes ces raisons, mais en premier lieu parce que ce projet de loi est anticonstitutionnel et méprisant, les Vertes et les Verts vont le refuser. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. Je vous prie de vous en tenir au texte sur lequel nous débattons. (Commentaires.) Merci. La parole est à Mme Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. J'interviens très, très brièvement, parce que je n'ai pas du tout apprécié qu'on ait accusé la CACRI d'avoir bâclé son travail. Je signale que lorsqu'un projet est aussi clairement refusé, je ne vais pas dire d'avance, mais quand tous les autres partis manifestent leur opposition, il est inutile de faire entendre le ban et l'arrière-ban. Nous avons entendu les principales personnes qui devaient l'être, et l'opinion a été générale.
C'est comme si l'on voulait tout d'un coup donner un grand coup de pied dans la fourmilière et ignorer toute l'histoire de Genève, qui, rappelons-le, a été mentionnée par Jules César, assassiné en 44 avant Jésus-Christ. En 58 avant Jésus-Christ - je crois -, le «De bello Gallico» signale l'existence de la ville de Genève. Alors arrêtons de vouloir mettre le monde à l'envers. Merci.
M. Laurent Seydoux (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, il est évident qu'une meilleure synergie, une meilleure collaboration et une meilleure définition des rôles entre le canton de Genève et la Ville de Genève, qui accueille quand même la moitié de notre population, sont nécessaires. Nous pouvons très certainement estimer qu'il existe des doublons dans ces deux administrations et qu'une réflexion doit être menée pour améliorer cette situation. Une réflexion sur la recomposition des communes, sur leur taille et sur leur rôle peut également être envisagée. Il est cependant très clair que ce n'est pas en supprimant l'administration d'une commune que cela pourra être réalisé, et ce projet n'est absolument pas raisonnable. Le mouvement LJS vous encourage à ne pas entrer en matière sur ce texte et donc à le refuser. Merci.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Je regrette vraiment les propos initiaux de l'auteur de cet objet: il a accusé le rapporteur, qui a fait un très bon travail pour le rapport de commission. D'autant que l'on parle de l'article 24 à propos de quelqu'un qui ne serait pas concerné, puisqu'il a été clairement dit que ce projet de loi ne permettrait pas d'abroger les autorités communales. Le salaire visé subsisterait donc, et les tâches seraient juste déléguées au canton.
En outre, le PLR s'étonne que ce même auteur ne se fâche pas autant contre des candidats au Conseil administratif qui prennent la parole sur cet objet pour expressément prêcher dans le cadre de leur campagne. C'est bien regrettable.
En dehors de ça, tout a été dit: ce projet de loi est tout à fait mal rédigé. Il n'est d'ailleurs pas digne de son auteur, qui est avocat. La suppression est en effet impossible, puisque des articles constitutionnels l'empêchent. Si ce texte venait à être accepté tel quel, ça créerait une gabegie pas possible. Pour ces raisons, le PLR vous invite à le refuser.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'objection formelle soulevée au préalable par M. Nidegger me donne l'occasion de partager quelques considérations sur l'article 24 de la LRGC et sur le fonctionnement de votre Conseil en général. L'alinéa 3 de l'article 24 exclut de la liste des conflits d'intérêts les normes générales et abstraites, soit les lois, à tout le moins lorsqu'elles sont bien faites. Si l'UDC entend sérieusement faire évoluer les normes sur les conflits d'intérêts des députés, je l'invite à déposer un projet de loi dans ce sens et à montrer l'exemple dans ses rangs en pratiquant une charité bien ordonnée qui conduirait par exemple à éviter qu'un employé d'une grande régie publique s'exprime sur la politique de celle-ci. On pourrait continuer l'exercice en évitant que les députés fonctionnaires s'expriment sur les politiques publiques des offices qui les emploient. Dès lors, il ne s'agit absolument pas d'un véritable conflit d'intérêts au sens de la loi actuelle, tel que votre parlement l'a décidé.
Par ailleurs, on pourrait s'interroger sur l'objection suivante: la commission a, ô scandale, refusé l'entrée en matière après quelques auditions seulement ! Je suis, pour ma part, très étonnée de cette remarque. En effet, à l'époque où M. Nidegger et moi-même étions députés, il y a fort longtemps, c'était effectivement la pratique du parlement de procéder à énormément d'auditions avant de voter sur l'entrée en matière; mais quand nous avons rejoint plus récemment les rangs du Grand Conseil, nous avons été surpris de l'évolution de cette pratique. Or, je considère comme parfaitement juste qu'une commission puisse, après quelques auditions, lorsque son opinion est faite, se prononcer sur l'entrée en matière sans auditionner le ban et l'arrière-ban (pour reprendre une expression qui a été employée), soit toutes les personnes qui pourraient avoir une opinion sur le projet de loi. C'est la raison pour laquelle je n'ai vu aucun problème à ce que mon département ne soit pas auditionné, puisque la commission a stoppé ses travaux avant d'entendre l'avis du département de tutelle des communes.
Je conclus en partageant cette considération: ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord avec la politique menée par une commune que l'Etat, soit par le biais de son administration, le service des affaires communales, soit par le biais de son parlement, devrait commencer à empêcher cette commune d'agir dans toute son autonomie et de constituer une véritable entité avec sa démocratie interne et ses décisions propres, qu'elle assume. En tout cas, ce n'est pas quelque chose d'admissible dans notre système démocratique actuel. Raison pour laquelle je vous invite à refuser ce projet de loi, et les personnes qui veulent véritablement faire évoluer les institutions à le faire avec des éléments plus construits et plus équilibrés. Merci.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13357 est rejeté en premier débat par 78 non contre 11 oui et 2 abstentions.