Séance du vendredi 13 décembre 2024 à 17h
3e législature - 2e année - 8e session - 48e séance

P 2207-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre le projet de destruction/reconstruction du temple de Champel, surélevé de six étages dévolus à l'habitat
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 31 octobre et 1er novembre 2024.
Rapport de majorité de M. Sandro Pistis (MCG)
Rapport de minorité de M. Marc Falquet (UDC)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons maintenant la P 2207-A en catégorie II, trente minutes - mais vous pouvez parler moins, si vous voulez, n'est-ce pas ? La parole revient à M. Sandro Pistis.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je vais aller droit au but. La commission a traité cette pétition qui demande qu'on ne démolisse pas le temple de Champel, lequel se situe à l'angle des avenues de Champel et Dumas. Ce qu'il faut savoir, c'est que ce lieu de culte sera prochainement détruit par l'Eglise protestante de Genève. Pourquoi ? Eh bien celle-ci a tout simplement fait le choix de remplacer le temple par un immeuble d'habitation comportant un certain nombre d'appartements.

Nous avons entendu tant les pétitionnaires que les représentants de l'Eglise protestante au sujet de ce temple. Lors de l'audition de l'EPG, nous avons pris connaissance d'un projet qui n'a rien d'opaque, qui vise la démolition du bâtiment en question, puis la construction d'un immeuble de plusieurs logements. Cet ouvrage a été mûrement pensé, il s'agit d'une construction de qualité, caractérisée par des matériaux nobles (un mélange bois-béton) et de très hautes performances Minergie.

Nous avons également eu l'occasion d'échanger quant à la nécessité de remplacer ce temple, qui n'est plus utilisé, par quelque chose qui rende service à la collectivité. Mesdames et Messieurs, vous savez que Genève connaît une forte pénurie de logements, et c'est dans ce contexte-là que l'Eglise protestante a décidé d'aller de l'avant.

La majorité de la commission vous invite à ne pas soutenir cette pétition, à suivre ses conclusions et donc à classer le texte. En effet, si les pétitionnaires souhaitent contester le projet, ils ont la possibilité de le faire par la voie officielle, à travers des actions légales auprès des divers tribunaux. Au nom de la majorité, Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande donc le classement de cette pétition.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de minorité pour au maximum trois minutes, mais enfin...

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président.

Le président. ...il y a la fête !

M. Marc Falquet. Très bien. La minorité ne conteste pas le raisonnement du rapporteur de majorité, mais s'oppose au classement, parce que les arguments des pétitionnaires nous semblent défendables. Pour ma part, je me suis rendu sur place, je ne sais pas si d'autres y sont allés pour examiner la situation: il s'agit d'implanter un immeuble à la place du temple de Champel - qui n'est pas très beau, effectivement -, entre deux bâtiments existants.

Les pétitionnaires ont toutes les raisons de s'inquiéter. Aujourd'hui, le voisinage bénéficie d'un large espace, de soleil, d'un panorama sur le parc, il n'y a rien, la vue est dégagée; dans quelques années, si l'ouvrage aboutit, la qualité de vie dans ce quartier va se dégrader, il y aura un vis-à-vis grisaillant, on verra les fenêtres des voisins en face des immeubles.

Je trouve qu'on ne mesure pas suffisamment l'impact de la surdensification dans ce canton. Il m'est arrivé plusieurs fois d'entendre des gens se plaindre, notamment des personnes âgées ou des citoyens vivant depuis de nombreuses années à Genève: ils jouissaient d'un dégagement, voyaient le ciel, disposaient d'une qualité de vie magnifique, et puis d'un coup, malheureusement, en raison de la surdensification née d'un important besoin en logements, leur vie change, ils commencent à déprimer parce qu'ils ont un vis-à-vis, une façade à la place du ciel.

Les pétitionnaires sont également préoccupés en ce qui concerne l'ouverture d'un nouveau chantier, parce qu'ils sortent tout juste de celui du CEVA qui a duré plusieurs années. La population aspire à un minimum de calme dans le quartier, ce qui est tout à fait compréhensible.

Relevons encore que ce projet a fait l'objet de recours: non seulement de la part de privés, mais aussi de la Ville de Genève, qui s'étonnait qu'un parking ait été prévu dans ce bâtiment situé à proximité immédiate de la gare du Léman Express. Dans ce sens, c'était une contestation pour le moins justifiée. Le problème de la surdensification a également été soulevé, bien que le Conseil municipal - parce que la pétition a également été envoyée à la Ville de Genève - ait refusé le texte à l'unanimité.

Le respect de la qualité de vie des habitants doit constituer notre priorité. On a évoqué la dégradation globale de la santé des gens, et je pense que l'altération de la qualité de vie a un impact sur la santé publique, sur le moral des personnes. Nous devons nous montrer attentifs à maintenir cette qualité de vie autant que faire se peut. La présente pétition, qui s'appuie sur des arguments valables, représente un appel dans ce sens.

Ainsi, la minorité trouve que le classement est un peu rude et vous propose, puisque les objections sont intéressantes et recevables, non pas de renvoyer la pétition au Conseil d'Etat, mais à tout le moins de la déposer sur le bureau du Grand Conseil, par respect pour la demande légitime des riverains de vivre dans un cadre agréable, même si c'est de plus en plus difficile à Genève. Voilà, donc au classement, nous préférerions le dépôt de ce texte; nous ne demandons pas grand-chose, mais au moins le dépôt par respect pour les pétitionnaires. Merci beaucoup.

Mme Christina Meissner (LC). Le nouveau temple sera aussi grand que l'actuel et présentera une structure en voûte qui supportera les étages de logements, au nombre de 31. L'Eglise protestante de Genève préserve ainsi son lieu de culte et y ajoute de la vie grâce aux appartements.

Il y aura des espaces de rencontre dans le bâtiment, le rôle social est donc renforcé. Le projet retenu s'insère dans les gabarits des immeubles alentour, il ne sera pas plus haut. Des espaces verts sépareront le bâtiment de ses voisins, et contrairement à ce qui a été indiqué, grâce à ces espaces, la vue et l'intimité des riverains seront préservées.

La végétation autour de l'ouvrage est sauvegardée, les passages prévus offrent une perméabilité douce. Certains arbres devront certes être abattus, mais trente nouveaux seront plantés, et surtout, les deux grands platanes emblématiques trônant devant le site actuel seront maintenus.

Il s'agit d'un projet élégant et plaisant. Le problème ne se situe pas au niveau de l'architecture, des matériaux ou de l'arborisation, mais sur le plan de la concertation ou plutôt, sans aller aussi loin, de l'information qui n'a pas été faite auprès des voisins; ces derniers auraient pu comprendre, s'exprimer, être entendus et devenir des supports de la construction.

La pétition d'aujourd'hui provient de l'absence de communication, c'est regrettable. Chaque promoteur, qu'il soit institutionnel ou privé, ne devrait jamais oublier l'importance de s'assurer de l'intégration de son ouvrage non seulement dans l'environnement naturel ou bâti, mais aussi parmi les humains qui vivent à cet endroit.

Cela étant, le projet est bon, donc Le Centre suivra l'avis de la majorité de la commission, c'est-à-dire soutiendra le classement de la pétition. Merci.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs, le parti socialiste - comme l'ensemble de la commission, d'ailleurs, nous étions unanimes - ne votera pas le renvoi au Conseil d'Etat. En revanche, s'agissant de la décision d'une courte majorité de classer la pétition, nous nous y opposons, nous vous invitons donc à refuser le classement et à valider le dépôt. Il s'agit peut-être d'un petit détail pour vous, mais cela fera toute la différence pour les habitants.

Ce texte est légitime, il faut dire ce qui est: les riverains s'inquiètent quant à la perte des cloches - ils éprouvent un attachement affectif à ce lieu de culte -, aux nuisances liées au chantier - cela a été évoqué - ainsi qu'à la suppression de deux arbres. Nous trouvons ces préoccupations légitimes et tout à fait sérieuses. Cela étant, l'EPG s'est montrée très convaincante et nous a démontré que le projet était bon, qu'il y aurait des logements de qualité, peu de places de stationnement, ce qui nous réjouit évidemment.

Il faut souligner que la Ville de Genève, à un moment donné, s'était opposée à l'ouvrage. Il est parfaitement justifié de questionner ce genre de construction, sachant qu'à l'échelle du canton, ou du moins de la ville de Genève, un certain nombre d'autres églises, temples et lieux de culte se trouvent dans la même situation.

Ne méprisons pas les personnes qui sont attachées à leur passé, à leur histoire. A cet égard, je m'étonne que l'UDC et le MCG, des partis qui se réclament souvent d'un héritage judéo-chrétien, décident de classer une pétition de résidents souhaitant préserver un clocher. Nous vous recommandons de refuser le classement et de voter le dépôt. Merci.

M. Christian Steiner (MCG). Cette pétition a également été traitée par le Conseil municipal de la Ville de Genève. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il s'agit d'un projet modèle, idéal, qui n'occupe pas tout le gabarit possible, qui augmente la part d'espaces verts, qui crée une crèche; le parking devient souterrain, les arbres remarquables sont préservés, le clocher est conservé.

La magistrate municipale chargée de l'aménagement, dans son approche dogmatique, s'est opposée au parking jusqu'à ce qu'on lui fasse remarquer que la loi était respectée et que la taille du garage était minimale.

Les pétitionnaires, qui bénéficient aujourd'hui d'une vue dégagée et d'un grand espace vert tout en habitant en ville, peuvent effectivement déplorer ce projet de construction, mais s'agissant de la densification, les gabarits sont bien plus modestes que dans certains autres quartiers. Dès lors, on ne peut que soutenir cet ouvrage, qui représente une bonne solution pour l'Eglise protestante et qui, je le répète, est exemplaire. Le MCG votera le classement de cette pétition.

Mme Lara Atassi (Ve). Comme cela a été relevé, cette pétition est issue d'un groupe d'habitants du quartier de Champel qui s'inquiètent quant à l'impact de la construction d'un nouvel immeuble. Le groupe des Vertes et des Verts considère que ces craintes sont légitimes et d'ordre politique plutôt que judiciaire, ainsi que le rapporteur de majorité l'a sous-entendu - enfin non, formulé clairement.

On peut les résumer comme suit: peur d'une surdensification et des nuisances dues au chantier, questionnements quant au parking, aux espaces verts, au passage jouissant d'un droit-talons ou encore à la valeur patrimoniale des cloches du temple. Nous avons bien compris que les questions de patrimoine sont de nature politique, puisque nous en avons passablement débattu hier.

Maintenant, nous avons étudié la pétition en commission et pu établir que la plupart de ces craintes sont à écarter: il y aura des espaces verts, la taille du parking sera relativement modeste tandis que l'emprise aérienne du projet retenu ne sera pas très importante.

Les habitants perdront probablement leur vue sur le Salève, mais ce désagrément ne peut être considéré que comme minime face à la pénurie de logements qui sévit dans le canton. Pour rappel, moins de 0,5% des habitations sont vacantes sur le territoire, les loyers explosent, nous tentons sans cesse de faciliter une mobilité saturée, parce que nous n'arrivons pas à loger nos concitoyens près de leur lieu de travail.

Dans ce contexte et eu égard à notre volonté de préserver les espaces agricoles, on peut considérer que ce projet n'a qu'un impact mineur sur la qualité de vie de la population. Cependant, Mesdames et Messieurs, comme je l'ai signalé, nous estimons que la question de la qualité de vie est légitime, et c'est pour cela que notre groupe vous recommande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci. (Applaudissements.)

M. Geoffray Sirolli (PLR). Mesdames et Messieurs, si je résume le projet, nous avons un propriétaire qui souhaite créer 31 nouveaux logements littéralement à moins de cinquante mètres d'une gare CEVA - je crois qu'il n'est pas endroit plus approprié pour construire des appartements supplémentaires; nous avons également un propriétaire qui entend planter de nouveaux arbres tout en maintenant les grands platanes existants - cela a été souligné par Mme Meissner; enfin, nous avons un propriétaire qui, au sein de son établissement, compte instituer une crèche, ce dont manque cruellement la ville de Genève. Avec tout cela, la magistrate municipale arrive encore à s'opposer au projet, c'est totalement hallucinant ! Tous les jours, je suis reconnaissant de ne pas payer un seul centime d'impôt sur le territoire de la Ville de Genève ! (Rires. Commentaires.) Elle fait recours contre la création d'un immeuble qui relève du bon sens commun, et ce dans un contexte de pénurie de logements ! C'est complètement aberrant, complètement aberrant !

On entend notre collègue Verte nous dire que le projet n'est finalement pas si mal, mais peut-être aurait-elle dû parler à sa magistrate de la Ville pour lui expliquer qu'il est absurde de dilapider l'argent de la commune avec des recours parfaitement inutiles.

Mesdames et Messieurs, nous sommes ici face à un propriétaire attentif, qui veut bien faire les choses, et on lui met des bâtons dans les roues - une fois de plus ! Je dis cela sans manquer de respect aux pétitionnaires, dont les demandes sont légitimes, mais enfin, si on ne soutient pas ce genre de démarche pour créer de nouveaux logements, je ne sais pas ce qu'on fait ici. Voilà pourquoi je vous recommande, Mesdames et Messieurs, le classement de cette pétition. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, je ne sais pas si les gens n'écoutent pas les débats, sont perdus dans leurs pensées ou quoi, mais il n'y a pas de grande différence entre la position de la minorité et celle de la majorité: vous devriez avoir compris que la majorité est pour le classement tandis que la minorité soutient le dépôt de la pétition.

La minorité n'est pas en faveur d'un renvoi au Conseil d'Etat, mais simplement pour le dépôt. Il s'agit d'une marque de respect envers les pétitionnaires, qui soulèvent des arguments justes. En effet, il faudrait toujours garder en tête le maintien de la qualité de vie des habitants et, par conséquent, ne pas classer un tel texte comme s'il s'agissait d'une affaire sans objet ou parfaitement hors sujet.

La question est importante, la qualité de vie de la population est primordiale, il faut essayer de la préserver à tout prix. Il n'y a donc pas de grande différence entre la minorité et la majorité, nous préconisons simplement le dépôt de la pétition. Merci.

Une voix. Mais oui, on va suivre la minorité !

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, quelques mots pour clarifier la situation: le projet qui nous a été présenté à la commission des pétitions est de qualité, certains parmi vous l'ont relevé, et il n'y a aucun doute quant à la volonté de l'EPG de mettre sur pied un ouvrage permettant à des personnes en recherche de logement d'en trouver un dans le contexte de pénurie qui a été rappelé.

Le classement a été préconisé, parce que la majorité de la commission ne voyait pas le problème que pouvait soulever la construction. En effet, les arbres abattus seront largement remplacés tandis qu'un parking souterrain sera construit - donc enfoui sous terre, sans occupation en surface, je tiens à le répéter.

Enfin, notre plénum ne peut pas faire office de juridiction. Voilà pourquoi nous invitons les pétitionnaires à se rendre auprès d'un tribunal pour, cas échéant, contester l'ouvrage. Ce projet est transparent, cela a été souligné en audition: les gens se sont déplacés. La pétition a également été traitée par le Conseil municipal de la Ville de Genève. Pour toutes ces raisons, le texte ayant été examiné deux fois, je vous invite, au nom de la majorité, à le classer.

Le président. Merci, Monsieur. Nous procédons au vote sur les conclusions de la majorité de la commission, à savoir le classement de la pétition; en cas de refus, je mettrai aux voix le préavis de la minorité, soit son dépôt.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (classement de la pétition 2207) sont rejetées par 43 non contre 36 oui et 1 abstention.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2207 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 75 oui contre 7 non (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Vote nominal