Séance du
vendredi 13 décembre 2024 à
14h
3e
législature -
2e
année -
8e
session -
47e
séance
IN 188-B
Débat
La présidente. Nous commençons nos urgences avec l'IN 188-B. Nous sommes en catégorie III. Je cède la parole à M. Lionel Dugerdil.
M. Lionel Dugerdil (UDC), rapporteur. Merci, Madame la présidente de séance. (Un instant s'écoule.) La majorité éclairée, formée de deux députés UDC et d'un député MCG, vous invite à accepter l'IN 188. Celle-ci a pour but d'inscrire dans la constitution le fait que l'Etat doit s'efforcer «de prendre toutes les mesures visant au recyclage ou à la valorisation des mâchefers d'incinération et d'autres matériaux bioactifs, en veillant au respect de la santé de la population et de l'environnement».
Pour rappel, ce texte a été partiellement invalidé pour de mauvais motifs. On a en effet prêté aux initiants des intentions qui ne sont absolument pas celles qui les animent: la volonté des initiants n'est pas de déplacer nos mâchefers dans un autre canton, voire, comme c'est le cas des matériaux terreux, dans un autre pays où ils sont traités avec des normes qui ne sont pas les nôtres, mais de tendre vers une détoxification et une dépollution des mâchefers de façon à pouvoir les utiliser dans divers secteurs pour lesquels ils constituent un matériau très intéressant. Or, la majorité de la commission n'a pas été convaincue que l'Etat mette tout en oeuvre à ces fins, aussi vous encourage-t-elle à voter le soutien à cette initiative.
Nous reconnaissons quand même la faible portée de l'article unique qui reste dans cette initiative, et pour cette raison, l'unanimité de la commission vous demande, chères et chers collègues, le principe de lui opposer un contreprojet. A ce sujet, je souhaiterais relever que la commission de l'environnement et de l'agriculture travaille sérieusement, mais surtout harmonieusement, en faisant passer les intérêts des Genevoises et des Genevois avant les clivages partisans. Elle est convaincue que du travail doit encore être effectué en matière de déchets, c'est-à-dire en matière de production de déchets, de gestion des déchets, de tri et de surtri des déchets, mais particulièrement concernant la vision de notre usine d'incinération. Aujourd'hui, celle-ci est une chaudière fonctionnant à la poubelle noire et aux autres matériaux, faisant de ces déchets pollués du carburant et les traitant non comme ce qu'ils sont vraiment: des déchets qu'on se doit de produire le moins possible et qu'il nous faut dépolluer, trier, valoriser et enfin, et enfin seulement, incinérer.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Lionel Dugerdil. Merci, Madame la présidente de séance. Nous devons donc également nous efforcer de tout mettre en oeuvre pour que les reliquats de cette incinération, les fameux mâchefers, soient le moins toxiques possible et in fine, si la technique et la technologie nous le permettent, plus toxiques du tout. Voilà, chers collègues, les raisons pour lesquelles, à l'unanimité de la commission, nous vous demandons d'opposer un contreprojet, qui, j'en suis certain, saura en temps voulu convaincre les initiants de retirer l'initiative à son profit.
Mme Léna Strasser (S). De cette initiative, en raison de l'invalidation, il ne reste qu'un article, un seul, qui est, dans les faits, déjà en oeuvre. En effet, l'Etat s'efforce déjà de prendre toutes les mesures visant au recyclage ou à la valorisation des mâchefers d'incinération et d'autres matériaux bioactifs, en veillant au respect de la santé de la population et de l'environnement. Il nous semble donc inutile d'inscrire cet article, cette phrase dans la constitution et d'amener les Genevois à voter sur ce sujet. Toutefois, le groupe socialiste est en faveur du travail sur un contreprojet. A la suite des travaux sur la loi sur les déchets à la commission de l'environnement, on traite actuellement plusieurs textes qui vont dans la direction d'une recherche de solutions nouvelles pour tenter de recycler plus encore ce qui sort de l'incinération des déchets, c'est-à-dire les mâchefers.
Mon préopinant l'a dit, la philosophie de la loi sur les déchets est claire et partagée largement: le meilleur déchet est celui que l'on ne produit pas. C'est vrai que sur cette question-là, la commission de l'environnement et de l'agriculture est assez unanime, ce qui n'est pas toujours le cas, notamment sur la loi sur le climat - nous y reviendrons prochainement, j'imagine. Si nous voulons diminuer nos mâchefers, il nous faut d'abord réduire par tous les moyens nos déchets, y compris en étant très exigeants envers les entreprises et les commerces et en incitant la population à recycler au maximum. Je ne sais pas si vous avez vu l'analyse de données diffusée il y a quelque temps sur la RTS: elle montre le comportement des Genevoises et Genevois au sujet du tri de leurs déchets. Or, il est très intéressant d'observer que les localités aisées sur la rive gauche du lac se distinguent, avec plusieurs d'entre elles qui oscillent autour de 250 kg de déchets incinérés par habitant chaque année, c'est-à-dire environ 60 kg de plus que la moyenne cantonale.
Si nous voulons enterrer moins de mâchefers, il est essentiel que nous travaillions à soutenir des solutions innovantes pour les recycler; s'il n'est pas possible de les réduire à néant, il est important que nous prenions nos responsabilités pour trouver des espaces adéquats afin de les stocker sur notre territoire et non dans d'autres cantons, comme c'est malheureusement aujourd'hui le cas. Pour ces raisons, le groupe socialiste refusera l'initiative, mais se réjouit de soutenir le principe d'un contreprojet et de travailler autour de cette question en commission. Merci. (Applaudissements.)
M. Philippe de Rougemont (Ve). Genève subit une invasion de masse ! Je ne vous parle pas des frontaliers ni de l'immigration étrangère... (Exclamations.) ...mais des objets. Le niveau de vie de Genève est tellement élevé, historiquement et en comparaison mondiale, que l'on consomme une multitude d'objets (je ne connais pas la quantité, mais littéralement des tonnes), dont la plupart viennent de Chine. Une partie est totalement utile et une autre absolument futile, on peut penser à l'exemple bien connu des chaussures de sport avec des petites lumières à l'intérieur.
Les Genevoises, les Genevois et les entreprises trient au mieux de leur capacité actuelle, mais pourraient faire beaucoup mieux. Ce qui n'est pas trié finit en effet dans les sacs noirs, je ne vous apprends rien. Ceux-ci continuent sur une barge qui va vers les Cheneviers. Rien ne disparaît, tout est transformé: une bonne partie termine en fumée et rejoint donc l'atmosphère. On déguste après ! Subsiste cependant une partie résiduelle formée par les imbrûlés, c'est ce qu'on appelle les mâchefers. Or, ces imbrûlés, on en produit quotidiennement, et, si l'on se projette dans les décennies à venir, on va devoir ouvrir plusieurs décharges. Pourtant, seuls deux ou trois endroits à Genève ont une terre argileuse capable d'offrir un certain bouclier en cas de problème et peuvent accueillir des décharges de ce type de déchet là; il reste en effet toujours des métaux lourds que l'ordonnance fédérale sur les déchets nous empêche de déposer dans une décharge normale. Néanmoins, des gens ont une inventivité folle: ils veulent enlever de la terre agricole, placer ensuite ces déchets-là et remettre la terre agricole. Mais bien sûr, pourquoi pas !
On est vraiment dans un cul-de-sac, et il faut que nous, responsables de la politique du canton et coresponsables avec le gouvernement, réfléchissions à mener une politique d'évitement. Ça veut dire trier avant le four, comme le disait la députée Strasser, mais il y a également de quoi faire après le four. Le Conseil d'Etat, le département du territoire ne nous ont pas attendus pour entrer en matière: il y a déjà eu la loi sur les déchets, que Migros et Coop ont honteusement, honteusement, attaquée au tribunal, parce qu'ils ne sont pas d'accord que l'on renonce aux emballages plastiques à usage unique pour les aliments, etc. Beaucoup doit donc être fait. Comme disait le député Dugerdil, l'ambiance de travail dans la commission est collégiale, ce qui nous permet de vous recommander très chaleureusement de voter le plus largement possible pour que la commission produise un contreprojet. A part ça, comme nos camarades socialistes, nous appelons à refuser cette initiative dont il ne reste plus grand-chose. Je vous remercie de votre attention.
M. François Erard (LC). Chers collègues, cette initiative répond à un réel problème, celui du traitement de nos déchets. On a, en effet, un geste habituel: on met tout à la poubelle et on ne se soucie pas trop de savoir ce qui va se passer après. Ce qui se passe après, c'est que ça finit effectivement aux Cheneviers, dont il sort ce qu'on appelle des mâchefers. Or, le problème est que ces mâchefers sont hautement toxiques; on ne peut pas, par conséquent, les entreposer dans des décharges de type A, mais dans des décharges de type D. Ce qui est proposé aujourd'hui, c'est une pratique qui avait cours au milieu du siècle dernier, consistant à enfouir nos déchets. Ça s'est fait: on se souvient peut-être de la décharge de Bonfol, dans le Jura - c'était la chimie bâloise. On laisse en fait aux générations futures le soin de traiter ces déchets.
Cette initiative a été vidée de toute sa substance et n'a aujourd'hui plus beaucoup de sens. J'aimerais quand même insister sur un point qui, à mes yeux, est très important. A Genève, on se targue d'être un peu les champions du monde en matière de tri à la source. En fait, c'est complètement faux. On trie du verre, on trie du papier, on trie une partie de nos déchets verts, et on a l'impression qu'on a fait un boulot fantastique. Or, c'est totalement faux, puisque finissent dans nos poubelles de la porcelaine, des déchets d'assiettes, tous les jouets chinois - je n'ai rien contre les Chinois, mais enfin, ces jouets sont souvent chinois et ont de petits moteurs -, toutes les cartes de voeux qui vous chantent «Happy birthday to you», etc. Tout ça finit à la poubelle, et il y a dans ces déchets des métaux lourds et toute une série de cochonneries que l'on va retrouver dans nos mâchefers.
Il est donc absolument indispensable que l'on travaille sur une nouvelle politique, un nouveau paradigme de tri à la source pour éliminer tous ces déchets toxiques, électroniques, de manière à ce que nos mâchefers soient le moins toxiques possible et que l'on puisse idéalement les stocker dans des décharges de type A. Pour ce faire, la commission souhaite travailler sur un système de surtri; aujourd'hui, ce système n'est pas praticable, car dès lors que les sacs contiennent un petit peu de tout, ils sont entassés dans les camions. Ce qu'il faudrait, c'est pouvoir trier à la source ces différents éléments électroniques et, in fine, les trier sur des tables de surtri. C'est en ce sens que nous voulons travailler sur un contreprojet, et Le Centre vous invite bien entendu à soutenir le principe d'un contreprojet et à refuser cette initiative qui, malheureusement, n'a plus aucun sens. Je vous remercie.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Beaucoup a déjà été dit, et le PLR soutiendra l'idée d'un contreprojet. Notre canton est en effet au pied du mur: nous produisons des mâchefers et les entrepôts pour les stocker sont pleins. En outre, ce parlement n'est pas du tout prêt à voter pour une nouvelle décharge de mâchefers, il faut donc trouver d'autres solutions.
A la commission de l'environnement et de l'agriculture, nous suivons plusieurs textes, des motions qui visaient le surtri. Je pense que l'idée du contreprojet va vraiment permettre de donner forme à la réflexion de la commission. Personnellement, je ne plaiderai pas pour un texte constitutionnel, mais bien pour une loi.
Notre premier problème, c'est bien entendu notre nouvelle loi cantonale; on avait effectué un très important travail, mais elle est bloquée. J'espère que c'est par erreur et non par mauvaise foi que M. de Rougemont montre du doigt le mauvais accusé: elle n'est évidemment pas bloquée à cause des recours de certaines entreprises, mais parce que l'office fédéral ne l'a pas validée. Notre canton a du reste déposé un recours au Tribunal fédéral, car ils veulent nous imposer la taxe au sac et nous, à Genève, voulons rendre le tri obligatoire. Le recours de certaines entreprises ne concerne en réalité qu'un point de la loi, ce n'est par conséquent pas du tout ça qui bloque. J'entends cependant pour la deuxième fois le groupe des Verts montrer du doigt les mauvaises personnes, et je considère ça comme bien regrettable.
Nous allons continuer à travailler, trouver des solutions. Je partage l'avis de mon collègue M. Erard sur le fait qu'il est nécessaire d'essayer de mieux trier. Il faudra que notre commission propose vraiment toutes les hypothèses, et j'espère que nous reviendrons dans une année maximum avec un contreprojet permettant de faire avancer la situation et aux initiants de retirer l'initiative. En attendant, le groupe PLR s'abstiendra, parce que ce texte a été vidé de son sens. Nous ne sommes ni pour ni contre: honnêtement, elle ne changerait rien. Voilà pourquoi nous nous abstenons. Je vous remercie, Madame la présidente de séance.
Mme Danièle Magnin (MCG). Vous allez peut-être me prendre, Mesdames et Messieurs, pour une... (Commentaires.) ...incorrigible optimiste, mais il me semble que les gens ne savent pas pourquoi on trie. Quand j'observe... (Commentaires.)
Une voix. On n'entend rien ! Merci.
Mme Danièle Magnin. Quand j'observe le contenu des poubelles de mon immeuble... (Commentaires.) ...lorsque je vais déposer mon sac de vieux papier, je vois que plein de plastique, de canettes, de bouteilles sont mélangés au papier. Dans les ordures dites ménagères, on trouve des casseroles, des appareils électriques, etc. C'est absolument déconcertant et affligeant, et il me semble que parmi les mesures que peut prendre la commission de l'environnement et de l'agriculture, à laquelle je ne siège malheureusement plus, on pourrait proposer un enseignement dans les écoles primaires, voire au secondaire I, afin que les enfants puissent apporter à leurs parents les informations qui leur manquent pour qu'ils se comportent de façon vertueuse par rapport à ce gros problème que constitue le mâchefer. Le MCG soutiendra le renvoi en commission. Merci.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à passer au vote.
Mise aux voix, l'initiative 188 est refusée par 54 non contre 12 oui et 17 abstentions (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 89 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Le rapport IN 188-B est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.