Séance du
vendredi 22 novembre 2024 à
18h05
3e
législature -
2e
année -
7e
session -
41e
séance
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.
Assistent à la séance: Mme Carole-Anne Kast et M. Pierre Maudet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Antonio Hodgers, Anne Hiltpold et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Sébastien Desfayes, Florian Dugerdil, Raphaël Dunand, Adrien Genecand, Xhevrie Osmani, Charles Poncet, Skender Salihi et Alexandre de Senarclens, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Rémy Burri, Stéphane Fontaine, Christine Jeanneret, Yves Magnin, Daniel Noël et Nicole Valiquer Grecuccio.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, l'ordre du jour appelle le traitement du RD 1571-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de majorité n'étant pas là, je cède la parole à la rapporteure de minorité, Mme Marjorie de Chastonay.
M. Jacques Jeannerat. J'arrive, Monsieur le président ! Excusez-moi, ma montre retarde.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écrit ce rapport de minorité pour insister sur l'obligation légale qui incombe au Conseil d'Etat non seulement de rendre régulièrement un rapport quant à l'avancement des mesures d'assainissement visant à limiter le bruit routier - le RD 1571 répond à cette exigence légale -, mais aussi de réduire réellement ces nuisances sonores: le gouvernement cantonal est tenu d'intervenir contre le bruit lié au trafic motorisé lorsque celui-ci dépasse les valeurs limites fédérales, et c'est le cas dans de nombreuses villes.
Pour ce faire, on pose des revêtements phonoabsorbants, une mesure très chère - plusieurs centaines de millions - qui était auparavant complètement subventionnée par la Confédération, mais l'est de moins en moins. En dépit d'une obligation légale de diminuer le niveau de bruit, on constate tout de même que 716 mesures d'allégement mettent actuellement en suspens les actions d'assainissement en raison d'un moratoire: il n'y a toujours pas de radars antibruit, toujours pas de limitation de vitesse à 30 km/h. Or on sait que le phonoabsorbant n'est pas efficace sur le long terme, puisqu'il faut le renouveler à intervalles réguliers; une opération à répéter tous les quinze ans à coups de dizaines de millions de francs, soit 78% des dépenses, alors que le 30 km/h correspondrait à 1,5% de celles-ci.
Mesdames et Messieurs, les Vertes et les Verts ne s'opposent pas au crédit d'investissement pour mettre en place des mesures d'assainissement destinées à lutter contre les nuisances sonores, mais nous souhaitons profiter du débat sur le présent rapport pour esquisser un état des lieux de ce grand fléau qu'est le bruit. En effet, 120 000 personnes subissent encore les nuisances sonores dans notre canton. On parle d'une souffrance et de maladies qui pourraient être atténuées, voire fortement restreintes, si la stratégie vitesse était en force - il s'agit donc du passage au 30 km/h -, si celle-ci était couplée à un phonoabsorbant performant, si ces deux plans d'assainissement n'étaient pas altérés par les centaines de mesures d'allégement que j'ai mentionnées tout à l'heure, si ces 716 mesures d'allégement étaient transformées en opérations d'assainissement...
Le président. Excusez-moi, Madame: on aperçoit sur votre ordinateur un autocollant lié à une votation, alors je vous prie de fermer l'appareil.
Mme Marjorie de Chastonay. D'accord, pas de problème. Il est collé là depuis plusieurs semaines, Monsieur le président, mais il n'y a aucun souci, je ferme mon portable.
Je reprends: les mesures d'allégement constituent des exceptions aux travaux d'assainissement. Quand on ne peut pas intervenir, on dit que c'est impossible, on allège, on n'assainit pas et le bruit persiste. La situation pourrait être améliorée s'il existait des radars antibruit, si les comportements individuels néfastes, grâce à ces radars antibruit, étaient identifiables et se raréfiaient, si le Conseil d'Etat mettait en oeuvre les multiples motions et pétitions - il y en a de nombreuses - recommandant d'instituer des mesures de lutte contre la pollution sonore.
Alors, Mesdames et Messieurs, vous me direz que cela fait beaucoup de «si». Je relève que les actions préconisées telles que la stratégie bruit ou encore la pose de revêtement phonoabsorbant représentent des mesures pragmatiques et efficaces, sauf que la première, c'est-à-dire une diminution de la vitesse à 30 km/h, est simple, très peu onéreuse et immédiate alors que la seconde coûte des centaines de millions de francs.
Par ailleurs, il faut rappeler que la stratégie vitesse, en tant que plan de lutte contre le bruit, repose sur la LMCE, soit la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, une loi qui a été votée par plus de 60% de la population genevoise en 2016, une loi qui est le fruit d'un compromis. L'objectif principal de ce texte est de limiter le trafic motorisé dans les centres urbains en priorisant les modes de déplacement doux et les transports publics.
Soulignons encore que si le phonoabsorbant constitue une mesure souvent nécessaire - nous sommes tout à fait d'accord là-dessus -, ce n'est pas suffisant: aujourd'hui, 95% du réseau routier cantonal en est déjà recouvert, et on souffre encore du bruit.
En conclusion, je préciserai que 80% des communes soutenaient la stratégie bruit, à savoir la réduction de la vitesse à 30 km/h. Or il n'y a toujours pas de limitation, toujours pas de généralisation du 30 km/h, même de nuit. Pour des raisons de santé, de sécurité et de respect de la volonté populaire, en vertu également de l'article 19 de la constitution stipulant que «toute personne a le droit de vivre dans un environnement sain», les Vertes et les Verts mettent l'accent sur l'urgence d'agir et refusent de prendre acte de ce rapport. Merci.
M. Jacques Jeannerat (LJS), rapporteur de majorité. Je remercie la rapporteure de minorité pour son introduction; elle avait bien commencé son rapport, puis elle est un petit peu partie dans les nuages. Il s'agit donc pour moi de recentrer le débat, de remettre l'église au milieu du village et d'opérer une synthèse pour bien montrer les différentes mesures mises en place afin de lutter contre le bruit.
Celles-ci sont au nombre de trois. D'abord, il y a les murs antibruit; certes, on ne peut pas en installer partout, mais chaque fois que des études déterminent qu'il est possible de le faire, on en construit. Ensuite, il s'agit de réduire la vitesse, notamment à 30 km/h, tout en respectant la hiérarchie du réseau routier.
Petite anecdote: il y a trois ou quatre semaines, nous avons auditionné, à la commission des transports, deux spécialistes des motos qui nous ont clairement expliqué que les véhicules de moyenne et de grande cylindrée étaient le plus silencieux entre 40 km/h et 60 km/h. En dessous de 40 km/h, le moteur produit énormément de bruit et au-dessus de 60 km/h également. Ainsi, pour les motos de moyenne et de grande cylindrée, le 30 km/h est une hérésie.
La troisième mesure - Mme la rapporteure de minorité l'a évoquée -, c'est la pose d'un revêtement permettant de réduire les émissions sonores de la chaussée. Il est vrai que le petit inconvénient de cet asphalte phonoabsorbant, c'est qu'il s'use et qu'il convient de le changer au bout d'un certain nombre d'années. Cela étant, c'est bien par la combinaison de ces trois dispositifs qu'on agira efficacement contre les nuisances.
Concernant les radars antibruit, il faut savoir qu'il n'existe pas de base légale fédérale pour les mettre en place et amender, le cas échéant, les gens qui émettraient trop de bruit avec leur voiture ou leur moto.
La majorité de la commission - une très large majorité - a estimé que ce rapport était clair, complet et portait un bon regard sur l'avenir. Dès lors, Mesdames et Messieurs, je vous invite à en prendre acte. Merci, Monsieur le président.
Mme Fabienne Monbaron (PLR). Nous avons pris connaissance de ce rapport et saluons les travaux effectués par l'administration cantonale, notamment la pose et la réfection de revêtement phonoabsorbant qui apporte des bienfaits significatifs s'agissant de la diminution des nuisances sonores.
En revanche, nous resterons vigilants quant au respect du principe du libre choix du mode de déplacement et à la complémentarité des transports. Nous sommes également attentifs à la mise en place de limitations de vitesse qui contribuent à atténuer le bruit: si celles-ci sont largement mises en avant comme mesures pour réduire les excès du bruit urbain dont souffrent certains riverains, nous estimons qu'il faut aussi prendre en compte les diverses autres émissions sonores, car la mobilité n'est pas la seule qui en génère.
Nous connaissons tous les effets de ces nuisances, mais il faut que celles-ci soient combattues de manière globale. Le trafic ne constitue que l'un des aspects du problème, ce d'autant que de plus en plus de véhicules hybrides ou électriques circulent, lesquels sont d'ailleurs si peu bruyants qu'ils doivent produire artificiellement du son pour prévenir les accidents.
Nous n'avons jamais été contre l'instauration du 30 km/h par principe; cette mesure doit effectivement être mise en oeuvre, mais là où cela se justifie, par exemple dans les quartiers résidentiels. Nous ne nous opposons pas à ce dispositif, mais nous ne sommes pas d'accord de l'instituer sur les axes principaux de circulation où il est nécessaire de pouvoir se déplacer, notamment pour les transports professionnels et publics. En effet, il serait ridicule de contribuer à restreindre davantage encore la vitesse commerciale de nos TPG alors qu'elle est déjà la plus faible de Suisse.
C'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons déposé un projet de loi relatif à la hiérarchie du réseau routier: il convient de garantir son respect. Nous prendrons acte de ce rapport, mais resterons vigilants pour ne pas subir une application dogmatique du 30 km/h et veillerons à ce que l'accord conclu en la matière soit scrupuleusement observé.
Mme Gabriela Sonderegger (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, les nuisances sonores générées par la circulation motorisée, en particulier sur les routes cantonales, représentent un enjeu majeur tant pour la qualité de vie des riverains que le respect des normes environnementales. Ce bruit, en constante évolution avec l'augmentation du trafic, peut avoir un impact significatif sur la santé publique et le bien-être des populations concernées.
Dans ce cadre, les travaux proposés via le crédit d'investissement pour les études et les mesures d'assainissement s'inscrivent dans une démarche essentielle visant à réduire les nuisances. Soucieux d'améliorer la qualité de vie des citoyens genevois tout en répondant aux exigences légales et environnementales, le groupe MCG soutiendra le RD 1571. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est à M. Jotterand, que je prierai de bien vouloir fermer son ordinateur, car celui-ci arbore une publicité pour une votation. (Remarque.) Eh oui, c'est la vie, c'est comme ça !
M. Matthieu Jotterand (S). Et sur quel article du règlement vous basez-vous, Monsieur le président ?
Le président. C'est comme ça, Monsieur le député.
M. Matthieu Jotterand. Non, ce n'est pas comme ça ! Bref, on en discutera.
Le président. Merci.
M. Matthieu Jotterand. On en discutera, Monsieur le président ! (Applaudissements.) Donc...
Le président. D'ailleurs...
M. Matthieu Jotterand. Est-ce que je peux parler ?
Le président. Excusez-moi ! Je rappelle à l'ensemble des députés que nos séances sont retransmises à la télévision; par souci d'égalité vis-à-vis des citoyens de ce canton qui n'ont pas de télévision, je vous prie, si vos ordinateurs arborent des étiquettes, de fermer ceux-ci pour que la caméra ne filme pas vos publicités. Si vous ne vous exécutez pas, Mesdames et Messieurs, je ferai en sorte que ce soit le cas. A partir de maintenant, soit vous retirez les autocollants de vos portables, soit vous baissez vos écrans de telle sorte qu'on ne les voie pas. Monsieur Jotterand, vous pouvez reprendre.
M. Matthieu Jotterand. On en discutera, Monsieur le président, parce que j'attends toujours une référence légale, ce serait quand même mieux. Dans l'intervalle, je place mon ordinateur sur le côté, ainsi je peux parler de phonoabsorbant et de 30 km/h - bref, de bruit routier - plutôt que de faire du bruit législatif et réglementaire un peu pinailleur pour rien.
Par rapport aux nuisances sonores, le rapport, bien qu'il soit clair et complet dans une certaine mesure, ne l'est pas tant que cela pour nous. C'est vrai qu'il y a du positif: nous relevons par exemple de vraies avancées dans le domaine du phonoabsorbant, nous saluons les bons taux de réalisation ainsi que la mise en oeuvre d'une stratégie vitesse. Même si nous déplorons que celle-ci soit encore et toujours bloquée, nous soulignons l'intention qui se trouve derrière.
Cela dit, malheureusement, le phonoabsorbant s'use, coûte cher et souvent ne suffit pas. Il a été dit et redit que d'autres mesures sont nécessaires. Le rapport mentionne les parois antibruit: en ville, ce dispositif est difficilement applicable. Sinon, l'autre option, c'est de réduire la vitesse de circulation, tout simplement. On voit bien que la stratégie bruit est non seulement coincée, mais également insuffisante. Pourquoi ? Eh bien parce qu'il n'y a pas suffisamment d'axes concernés ! On conserve la limitation à 50 km/h prétendument pour l'économie, pour je ne sais quoi alors que nous pourrions tout bonnement baisser la vitesse sur de nombreuses routes.
Prenons un instant pour réfléchir: depuis le début de la législature, combien de décès prématurés ont-ils eu lieu dans notre canton en raison du bruit des moteurs ? Voici le chiffre, Mesdames et Messieurs: 45 ! Depuis le début de la législature, 45 personnes sont mortes de manière prématurée à cause des nuisances sonores. Selon les statistiques, 225 cas de diabète ont été déclenchés, notamment à cause du bruit routier. Voilà la réalité, Mesdames et Messieurs ! Bien sûr que les revêtements phonoabsorbants aident, mais ce n'est pas la seule mesure à prendre, ce n'est pas suffisant, il faut également diminuer la vitesse.
Tout n'est de loin pas encore parfait. S'agissant du phonoabsorbant, nous notons deux éléments. D'une part, la norme maximale acceptable, même lorsqu'elle est respectée, demeure une norme maximale...
Le président. Monsieur le député, vous n'avez plus de temps de parole.
M. Matthieu Jotterand. Pardon ?
Le président. Le temps est dépassé.
M. Matthieu Jotterand. Mais non ! J'ai encore des autocollants, si vous voulez !
Le président. Nous n'avons pas lancé le chronomètre à temps, donc je vous laisse trente secondes pour finir.
M. Matthieu Jotterand. Merci. Comme je le disais, même quand le maximum n'est juste pas atteint, cela reste généralement trop. D'autre part, la lente usure du matériau phonoabsorbant donne un ressenti de dégradation aux habitants et habitantes. Ainsi, bien qu'il s'agisse d'une mesure positive, le phonoabsorbant n'est largement pas suffisant. Mesdames et Messieurs, ce rapport ne sera clair et complet que lorsqu'on aura instauré cette mesure de bon sens, simple, efficace à mettre en place et vraiment d'urgence consistant à limiter la vitesse là où c'est nécessaire afin d'atténuer le bruit.
M. Stéphane Florey (UDC). Par souci d'égalité, je ferme mon ordinateur pour ne pas faire de publicité au fournisseur de notre matériel ! En ce qui concerne le rapport, Mesdames et Messieurs, on peut s'étonner de ce qui est indiqué par la plupart de nos collègues, parce qu'il ne s'agit pas de formuler de nouvelles propositions, d'annoncer si on est pour ou contre le 30 km/h ou encore de réclamer des radars antibruit, ce n'est pas le propos de ce texte. Lisez correctement son titre: c'est simplement un rapport sur l'instant T qui explique où on en est avec l'application de l'OPB. On parle d'avancement des travaux du crédit d'investissement, voilà uniquement ce dont il est question aujourd'hui.
Maintenant, il est regrettable que depuis 1998, on n'en soit qu'à ce stade. Voilà ce qui est dramatique dans cette affaire. Par deux ou trois fois, le Conseil d'Etat, et il porte une responsabilité à cet égard - alors pas vous, Monsieur le magistrat, mais vos successeurs...
Des voix. Prédécesseurs !
M. Stéphane Florey. Pardon, oui: vos prédécesseurs...
Une voix. Il était là avant eux !
M. Stéphane Florey. Par deux fois, ils ont repoussé les échéances, demandé des délais supplémentaires, parce qu'on n'y arrivait pas, parce que ce n'était pas le moment. Le vrai problème, dans tout ça, c'est que depuis 1998, on s'est montrés incapables de débloquer les crédits pour réaliser ces assainissements qui sont pourtant obligatoires selon l'OPB. La question, c'est de savoir si on entend réellement parvenir au bout de ces mesures en s'en donnant les moyens.
L'UDC, à plusieurs reprises, a voulu octroyer des ressources que ce parlement a refusées. En outre, depuis quelques années, on se retrouve avec des mesures qui évitent justement d'appliquer ce qu'exigeait l'OPB au départ, à savoir la pose de revêtement phonoabsorbant, on a cherché des alternatives pour contourner cet objectif: une limitation de la vitesse à 30 km/h, un système de radars antibruit qui n'amène rien de plus et qui est par ailleurs freiné par les Chambres fédérales, lesquelles n'ont toujours pas donné d'autorisation suite aux essais. Il semblerait plutôt que ce dispositif tombe à l'eau.
Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons que regretter qu'on ne soit toujours pas arrivé au bout de l'assainissement du réseau routier aujourd'hui, mais en attendant, nous prendrons acte de ce rapport et vous invitons à faire de même. Je vous remercie.
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, Le Centre prendra acte de ce rapport destiné à mesurer l'état d'avancement des travaux liés au crédit d'investissement pour les études en faveur de la limitation des nuisances sonores, voilà de quoi il s'agit. Notre groupe est très attentif et surtout sensible à l'ensemble des mesures incitatives visant à réduire le bruit dans ce canton; on a parlé de la vitesse, du phonoabsorbant, des aménagements urbains, on a parlé de tout ça, et nous y sommes à la fois attentifs et favorables.
Mais nous serons également attentifs et nous ne sommes pas favorables à l'arrêt de toute activité dans cette ville. En effet, si on écoute la discussion de ce soir, pour la gauche, la seule vitesse acceptable s'approche de zéro ! Or à zéro, il n'y a plus de vie; si on tend vers le zéro, rien ne bouge plus.
A côté de chez moi, un radar antibruit a été installé. La limitation sur ce tronçon est à 50 km/h, je roule à 40 km/h et je suis encore trop bruyant, le radar n'est pas content, il me dit qu'il n'est pas satisfait alors que je circule à 40 km/h ! On peut régler la sensibilité de ces appareils autant qu'on veut, autant qu'on a envie de les entendre - tout comme notre débat de ce soir -, ça ne marchera pas, il n'y a aucune base légale.
J'ai également entendu que le bruit créait du diabète; eh bien je connais un tas de gens diabétiques qui vivent en pleine campagne, dans le silence le plus absolu. Faire des liens directs, comme ça, pour culpabiliser ou manipuler la population, ça ne tient pas la route. Alors oui, on trouvera des études, on trouve des études sur tout ! Le tabac tue, et pourtant, on en vend encore et plein de personnes dans ce parlement fument. Je veux dire, on peut trouver des choses sur n'importe quel sujet pour manipuler et culpabiliser les gens, mais ça ne fonctionnera pas.
Aujourd'hui, l'Etat a pris des mesures pour lutter contre les nuisances sonores; il est sensible à cette question, nous y sommes sensibles également en tant que centristes. Nous accepterons donc facilement ce rapport, mais demeurerons attentifs à ne pas tendre vers le zéro, parce qu'à zéro, ça gèle, il fait froid, on n'avance pas, il n'y a pas de vie quand on s'approche du zéro. Je vous remercie, ce sera tout pour ce soir - je ne suis candidat à aucune élection.
Une voix. Bravo !
M. Cédric Jeanneret (Ve). Tout d'abord, j'aimerais rassurer mon préopinant: le mode de transport qui produit le moins de bruit, donc qui s'approche de zéro en décibels, mais qui est le plus rapide en ville, c'est le vélo. Je l'encourage par conséquent, s'il le souhaite, à émettre zéro bruit tout en préservant sa santé qui lui est chère, comme celle de ses patients. Quelquefois, le zéro peut rimer avec beaucoup d'efficacité, je tiens à le rappeler.
Je salue ensuite le souci de tous les groupes - enfin, de presque tous, à l'exception de celui dont le représentant vient de s'exprimer - sur la question du bruit qui, effectivement, constitue un vrai enjeu. Comme l'a rappelé M. Florey, des efforts sont déployés, on essaie d'aller plus loin, mais on n'est pas très efficaces en la matière. Il y a certes du mieux, mais il reste encore de nombreuses choses à réaliser.
Ce qu'on a beaucoup entendu ce soir, ce sont des solutions techniques. Oui, le phonoabsorbant a un impact; oui, les moteurs électriques ont aussi un impact, c'est très bien, mais il faut tout de même savoir que les voitures et scooters électriques génèrent autant de bruit que des véhicules à essence, c'est-à-dire thermiques, à partir de 30 km/h ou 40 km/h. En effet, ce n'est alors plus le moteur qu'on entend, mais le déplacement des roues, l'air sur la carlingue. Voilà le résultat d'études qui nous ont été présentées à la commission des transports, de même que des recherches sur les TPG: on nous a expliqué que la limitation à 30 km/h retardait peut-être de 1% ou 2% l'allure des TPG, donc cet argument ne tient pas la route.
Nous saluons le travail qui a été accompli en vue d'une mise en conformité avec l'OPB - car il s'agit simplement d'une mise en conformité, Mesdames et Messieurs, il n'est pas question de revenir à une période lointaine où il n'y avait aucun bruit, où on entendait les petits oiseaux en ville, mais de respecter les normes légales actuellement en vigueur dans notre pays. Nous louons la patience de la population, qui subit ces nuisances sonores avec beaucoup d'indulgence - je suis surpris qu'il n'y ait pas davantage de recours déposés, lesquels pourraient commencer à coûter cher en indemnisations - et invitons le canton à rester actif, car il reste encore beaucoup à faire, comme l'a rappelé la rapporteuse de minorité. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). L'un des facteurs qui produisent du bruit n'a pas été cité, et pourtant, c'est le plus évident: le roulage des voitures, c'est-à-dire les pneus. Or aujourd'hui, on achète des pneus le meilleur marché possible. Ceux-là ne sont pas du tout fabriqués avec un souci d'effet «phonoabsorbant», entre guillemets, pas du tout, parce qu'ils sont produits dans des pays que je ne vais pas nommer, mais enfin, où on se fiche un peu de cette question.
J'ai eu l'occasion d'aller visiter une grande fabrique de pneumatiques pas très loin d'ici, en France, et d'observer la partie dévolue à la technique, à la recherche. Il faut savoir que pour les voitures ordinaires - je ne parle pas des camions, c'est un autre sujet -, cette entreprise, comme d'autres, arrive à obtenir des taux de nuisances qui deviennent presque insignifiants à la vitesse qu'on aime avoir en ville, soit entre 30 km/h et 50 km/h.
Pourquoi ? Parce qu'on a travaillé sur la question du bruit du roulage. Comme actuellement, on se préoccupe davantage du son lié à l'échappement, aux moteurs que de celui des pneus, eh bien cette dimension-là de l'émission de nuisances sonores est complètement passée sous silence, si j'ose dire, et c'est bien regrettable.
Je pense que si on veut régler le problème du bruit routier, on doit impérativement prendre en compte le roulage des voitures et ne pas autoriser certains pneus qu'on laisse vendre en Suisse - ou ailleurs, mais en tout cas en Suisse - au seul prétexte qu'ils sont bon marché, on devrait aller vers la qualité de ce qui est produit et offert à la clientèle. La différence de prix n'est pas insurmontable, de loin pas, et pour les fabricants, il s'agit vraiment d'une question d'organisation de leurs lignes de production, pas de matières premières. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci bien. Je lance la procédure de vote sur le renvoi du RD 1571 au Conseil d'Etat; en cas de refus, il en sera pris acte.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1571 est rejeté par 42 non contre 27 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1571.
Premier débat
Le président. Nous passons aux objets relevant du département des institutions et du numérique, avec tout d'abord le PL 12624-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame Bayrak, vous avez la parole.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Trois ans de travaux, sous les présidences de MM. Esteban, Conne et Desfayes et de Mme Osmani, durant lesquels nous avons été assistés par le professeur Sträuli ainsi que par de nombreux procès-verbalistes, qui se sont amusés, disons, lors de nos travaux très très intéressants ! Et puis, nous avons eu le soutien très précieux de M. Jean-Luc Constant, notamment dans l'organisation du traitement de cet objet, puisque trois ans de travaux, c'est plus de la moitié d'une législature.
Petit rappel: de quoi traite ce texte et comment est organisée la structure du Pouvoir judiciaire ? Sa gouvernance est assurée par la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, qui, selon la loi, organise et gère celui-ci. C'est elle qui le représente vis-à-vis de l'extérieur. De par la loi, elle est présidée par le procureur général. Toujours vis-à-vis de l'extérieur, le procureur général représente donc le Pouvoir judiciaire.
Que propose ce projet de loi, tel que sorti de commission ? Que le procureur général, qui occupe la fonction de président de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, puisse continuer à le faire, mais en alternance avec le président ou la présidente de la Cour de justice. Ce système-là est fortement inspiré de celui qui est en vigueur dans d'autres cantons, où ce n'est jamais le procureur général qui a la présidence de cette commission. Nous sommes le seul canton à lui avoir attribué cette tâche de représentation, car il occupe une place très importante dans notre canton, en raison de notre histoire.
Ce projet de loi introduit une alternance annuelle entre le procureur général et la présidence de la Cour de justice. Cette proposition est tout à fait intéressante, puisqu'elle permet à la présidence de la Cour de justice d'avoir aussi, de par la loi, une place au sein de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire. C'est important puisque sans cette modification, le procureur général continuerait d'être le seul représentant du Pouvoir judiciaire vis-à-vis de l'extérieur. Une majorité de la commission a estimé que ce n'était pas une bonne chose.
Le procureur général est une partie à la procédure, et vis-à-vis des magistrats, des juges, etc., le fait que ce soit lui, à savoir une partie à la procédure, qui représente ensuite l'ensemble du Pouvoir judiciaire vis-à-vis de l'extérieur, ce n'est pas satisfaisant.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Madame.
Mme Dilara Bayrak. Merci, Monsieur le président. Il y a énormément d'arguments en faveur de ce projet de loi - en à peine trois minutes, je n'arriverai pas à tous les citer. Certains diront qu'on ne va pas assez loin, qu'il faut changer toute la gouvernance du Pouvoir judiciaire; d'autres diront qu'on va trop loin et qu'on veut nuire au fonctionnement du Pouvoir judiciaire, qu'on veut absolument casser la baraque - ce n'est pas du tout le cas !
J'invite d'ailleurs toutes celles et tous ceux qui sont intéressés par le sujet à parcourir le rapport, qui dispose d'une table des matières et d'énormément d'annexes, notamment la restitution des travaux de la sous-commission.
Ceux-ci démontrent combien il est difficile de faire bouger les choses quand on touche à la gouvernance du Pouvoir judiciaire, à quel point les fronts sont figés. Et je le rappelle encore pour la bonne forme, ce projet ne vise pas à nuire à une quelconque personnalité, mais à améliorer la gouvernance du Pouvoir judiciaire, qui le soutient. Pour la boutade, certains députés avaient dit qu'il ne faudrait jamais s'occuper de l'organisation judiciaire en commission, qu'il faudrait même abroger la loi sur l'organisation judiciaire, parce que ça ne regarde pas le parlement de savoir comment est organisé le Pouvoir judiciaire. Je ne le citerai pas, mais il s'agit d'un collègue du PLR. (L'oratrice rit.)
M. Murat-Julian Alder. C'est moi ! (Commentaires. Rires.)
Mme Dilara Bayrak. J'aimerais maintenant insister sur l'importance de soutenir la volonté du Pouvoir judiciaire, qui s'est rallié à ce projet de loi. C'est une nouvelle ère et une nouvelle forme de gouvernance, et nous vous invitons à les soutenir, toutes et tous ensemble, pour que et le procureur général et la présidence de la Cour de justice puissent gouverner ensemble ce bateau qu'est le Pouvoir judiciaire.
Le président. Merci, Madame la députée. Juste une question, puisque vous être rapporteure: à la page 156 du rapport, il y a un amendement, mais il s'agit d'une proposition faite par la commission de gestion du Pouvoir judiciaire. Est-ce que vous reprenez cet amendement ?
Mme Dilara Bayrak. Je m'exprimerai là-dessus. Les travaux ayant pris énormément de temps, entre le moment où la commission a voté et celui où le rapport a été déposé, la commission de gestion du Pouvoir judiciaire nous a fait parvenir un amendement technique concernant la représentation qui pourrait être retenue au sein de la commission. La commission judiciaire et de la police m'a autorisée à reprendre cet amendement; je le présente donc à nouveau dans le cadre de ce rapport de commission.
Le président. Très bien, merci, Madame la députée. La parole est à Mme Alimi.
Mme Masha Alimi (LJS). Merci, Monsieur le président. Au risque de répéter ce qu'a dit ma préopinante, pour ma part, ce que j'ai retenu - même si je n'ai pas assisté aux débats, j'ai bien fait mes devoirs ! -, c'est que le procureur général dispose d'une place de droit au Conseil supérieur de la magistrature, qu'il préside la commission de gestion du Pouvoir judiciaire et le Ministère public et enfin qu'il dispose d'une place de droit également au sein de la conférence des présidents.
Ce projet de loi a pour but que la présidence de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire soit assumée en alternance par le procureur général et par la présidence de la Cour de justice. D'ailleurs, pourquoi cette dernière n'est-elle pas présente au sein de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, alors qu'elle représente les trois filières du Pouvoir judiciaire, à savoir le pénal, le civil et l'administratif ?
Il s'agit donc de corriger cette incohérence. Vous l'avez compris, Libertés et Justice sociale votera en faveur de ce projet de loi, qui permettra plus de représentativité, de communication et de cohésion. Merci, Monsieur le président.
Mme Gabriela Sonderegger (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 12624 vise à réaffirmer le sacro-saint principe de séparation des pouvoirs, en particulier au sein du Pouvoir judiciaire, qui se divise en trois volets: pénal, administratif et civil.
A cet égard, Genève fait un peu figure d'exception, en étant le seul et unique canton où le procureur général cumule également la fonction de président de droit de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire.
En d'autres termes, cela signifie que le procureur général, en sa qualité d'accusateur public plaidant uniquement dans le cadre des affaires pénales, est susceptible de voir toutes ses décisions contestées par la Cour de justice, soit la plus haute juridiction du canton.
En présidant la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, le procureur général a donc tout loisir d'imposer ses décisions à l'autorité chargée de le surveiller par ailleurs, ce qui pose un problème d'incohérence irréconciliable à notre organisation juridictionnelle.
Ce projet de loi permet en partie de remédier à cette situation, en prévoyant de manière plus démocratique une présidence tournante de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, celle-ci incluant obligatoirement le président de la Cour de justice, qui, contrairement au procureur général, dispose d'une vue d'ensemble sur toutes les juridictions.
Ce texte permet également la mise en conformité de la structure judiciaire genevoise avec le reste de la Suisse. C'est pourquoi le MCG le votera, comme l'a fait la majorité de la commission, en remerciant chaleureusement son auteur, qui est issu de nos rangs. Merci de votre attention.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe PLR refusera ce projet de loi, pour toutes sortes de motifs, et pas seulement l'excellente raison qui a été citée par la rapporteure de commission. Tout d'abord, le titre: on parle de mise en conformité avec le reste de l'organisation judiciaire dans notre pays. L'organisation judiciaire fait encore partie des domaines dans lesquels les cantons demeurent autonomes. Alors certes, les codes de procédure civile et pénale ont été unifiés, ce qui a eu des conséquences sur l'organisation judiciaire des cantons, mais le fait est que malgré tout, l'organisation judiciaire reste particulière à chaque canton.
Alors oui, c'est vrai, à Genève, il y a cette spécificité très ancienne - elle remonte à plusieurs siècles - qui veut que ce soit la personne du procureur général qui préside la commission de gestion du Pouvoir judiciaire. Mais qu'est-ce que ce projet de loi nous propose en définitive ? Une alternance entre le procureur général et le président de la Cour de justice. On remplace donc une genevoiserie par une autre genevoiserie ! On remplace une genevoiserie qui fonctionne par une autre genevoiserie qui promet de dysfonctionner ! Mesdames et Messieurs, il n'y a absolument aucun dysfonctionnement au niveau de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire qui justifie que l'on change les règles du jeu.
En revanche, qu'est-ce qui va se passer si ce projet de loi est voté en l'état ? C'est que la première année... Le procureur général est à la tête du Pouvoir judiciaire pour six ans, soit la durée du mandat pour lequel il est élu. Le président de la Cour de justice est, lui, élu pour trois ans. Donc qu'est-ce qui va se passer ? Durant la première moitié de la législature judiciaire, vous aurez le procureur général qui va présider la commission de gestion durant les années une et trois, et pendant l'année deux, la commission sera présidée par le président de la Cour de justice. Et durant la deuxième moitié de la législature judiciaire, ce sera l'inverse. Comme président de la Cour de justice, selon que vous serez en fonction durant la première ou la deuxième moitié de la législature judiciaire, vous serez désavantagé.
Il y a un adage en anglais qui dit: «If it's not broken, don't fix it», si ce n'est pas cassé, vous n'avez pas besoin de réparer. Or, c'est exactement cet adage que ce projet de loi viole, puisqu'il n'y a pas de besoin de changer les règles du jeu en la matière. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Mais surtout, il faut relever une chose quant à la crainte de celles et ceux qui disent que le procureur général a, entre guillemets, «trop de pouvoir» aujourd'hui, c'est qu'ils ne voient pas arriver un autre problème: si dorénavant le président de la Cour de justice préside la commission de gestion du Pouvoir judiciaire et en plus le Conseil supérieur de la magistrature, vous aurez une seule et même personne qui présidera trois instances, ce que, à l'heure actuelle, le procureur général ne fait pas. (Remarque.) Mesdames et Messieurs, ce projet de loi n'a pas été rédigé de manière sereine...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Murat-Julian Alder. ...et c'est pour cette raison, Monsieur le président, que j'en demande le renvoi à la commission judiciaire et de la police, afin de corriger les effets que je viens de vous décrire. Si ce renvoi en commission est refusé, le groupe PLR vous invite à rejeter ce projet de loi.
Le président. Merci. Madame la rapporteure, vous avez la parole sur cette demande de renvoi.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse. Merci beaucoup, Monsieur le président. Eh bien vous voyez les difficultés auxquelles nous avons été confrontés pendant ces trois ans en commission. Nous avons déjà traité ces sujets, Monsieur Alder. Vous les avez déjà soulevés en commission et vous avez été minorisé. Le fait de dire qu'il n'y a pas de dysfonctionnement...
Une voix. Adressez-vous au président, Madame la rapporteure !
Une autre voix. Ce n'est pas à toi de le dire !
Mme Dilara Bayrak. C'est sur mon temps de groupe ou sur le renvoi ? (Commentaires.) J'aimerais récupérer mon temps de parole tout à l'heure, Monsieur le président.
Le président. Allez-y, Madame.
Mme Dilara Bayrak. Le projet a été traité en long, en large et en travers. Nous avons notamment entendu M. Bernard Rolli, qui est juge administratif dans le canton de Berne, où il y a aussi un tournus parmi les plus hauts magistrats du canton. Le fait de dire que nous sommes en train d'instaurer une genevoiserie, c'est tout simplement faux !
Affirmer qu'il n'y a rien de cassé au sein de la gouvernance du Pouvoir judiciaire, c'est faux également, puisque nous avons fait un véritable travail d'investigation qui montre qu'une grande minorité n'est pas satisfaite du fonctionnement du Pouvoir judiciaire - vous le retrouverez dans les comptes rendus des travaux de la sous-commission, l'annexe 8, qui est en réalité un second rapport en lien avec ce projet de loi.
Le travail a été accompli. Ce sont des arguments tout bonnement fallacieux. Et puis, Monsieur Alder, puisque vous vous êtes dénoncé tout à l'heure, nous n'abrogerons ni la loi sur l'organisation judiciaire...
Le président. Adressez-vous à moi, Madame la députée.
Mme Dilara Bayrak. Oui, Monsieur le président, vous transmettrez gentiment à M. Alder que nous ne souhaitons pas abroger la loi sur l'organisation judiciaire, mais que nous souhaitons par contre suivre le fait que le Pouvoir judiciaire s'est rallié à ce projet de loi, qu'il a même qualifié d'intéressant et d'audacieux. J'invite donc le PLR - vous transmettrez, Monsieur le président - à suivre ses propres arguments et à appuyer la volonté du Pouvoir judiciaire. Par conséquent, je vous invite à refuser le renvoi en commission.
Le président. Merci, Madame la députée. Je lance le vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12624 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 57 non contre 30 oui.
Le président. Nous poursuivons donc notre débat. Je cède le micro à M. Yves Magnin.
M. Yves Magnin (LC), député suppléant. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu les critiques de mon préopinant du PLR. J'ai un petit avantage sur lui, c'est que pendant une vingtaine d'années, j'ai siégé comme juge suppléant - la fonction de suppléant, je la connais bien !
Une voix. Article 24 ! (Rires.)
M. Yves Magnin. Au fond, c'est un pouvoir qui n'aime pas trop le bruit, qui n'aime pas trop le mouvement et qui ne va pas venir ici se plaindre pour vous dire tout le mal ou tout le bien qu'il peut penser des projets que nous votons. Et pourtant, cette fois-ci, il l'a fait !
Mesdames et Messieurs, rien que pour cela, on doit écouter notre Pouvoir judiciaire, parce que c'est lui, finalement, qui connaît son quotidien, nos magistrats, qui sont là pour régler la vie de notre société, et je pense qu'on ne doit pas exercer trop d'ingérence dans ce domaine-là. Sur la base de ce principe, du moment que le Pouvoir judiciaire s'est accommodé de cette réforme et l'a même voulue, il faut l'accepter.
Je reviendrai très rapidement sur l'aspect passéiste de la situation: aujourd'hui, nous avons un groupe qui nous dit qu'il ne faut pas changer parce qu'il ne faut pas changer ! Et nous, nous vous disons exactement le contraire: il faut s'adapter, il faut évoluer, et c'est pour ça qu'il faut accepter ce projet.
Quant au titre, je vais être tout à fait franc, je trouve qu'il n'est pas très heureux, mais voilà, c'est ainsi.
Une voix. Renvoi en commission ! (Rires.)
M. Yves Magnin. Mais nous n'allons pas demander le renvoi en commission, je vous rassure ! Pour toutes ces raisons, le groupe du Centre va soutenir ce projet. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Yves Nidegger (UDC). Mon coeur a initialement bondi de joie à la lecture du sous-titre de ce projet, selon lequel le but de ce texte est de faire en sorte que la structure judiciaire genevoise ressemble plus à ce qui se fait ordinairement en Suisse. Si vous vouliez me séduire, c'était le bon moyen d'y parvenir.
De tous les cantons, Genève est celui dans lequel la trace de l'occupation napoléonienne a laissé le plus d'impacts institutionnels, et le procureur général, patron du Palais de justice, est une de ces caractéristiques héritées de l'occupation française dont les Genevois sont apparemment restés nostalgiques, chose que personnellement, je ne trouve pas particulièrement favorable à notre canton.
On nous propose ici une espèce de défi de la statue du commandeur, une sorte de Don Juan à moitié. C'est-à-dire qu'on ne va pas véritablement défier la statue du commandeur, qui fait peur à tout le monde et qui règne sur le Palais de justice, et à travers lui sur la société, certes de manière discrète, mais puissante; on le défie à demi en lui disant que ce sera un an sur deux.
Alors soit on veut une réforme, et dans ce cas, il faut vraiment la faire; soit on veut une «réformette», qui va enterrer la possibilité de reconsidérer les choses sous un autre angle. Et si on veut vraiment repenser le fonctionnement de manière substantielle, alors on ne peut pas adopter cela aujourd'hui, parce qu'on ne va pas ensuite recommencer: ce rapport est aussi épais et lourd qu'il est peu significatif quant à un changement; on ne va pas en refaire un demain, de la même taille et de la même épaisseur, avec un travail aussi phénoménal. Il faut bien avoir conscience que si on adopte ça, ce sera en vigueur pendant passablement de temps, et ce n'est pas forcément très sain d'en rester là.
Le Ministère public, cela a été dit, est une partie devant les tribunaux, qui vient plaider sa cause. Et ce n'est pas n'importe laquelle, vu que c'est celle qui représente l'Etat en droit pénal. Le procureur général ne représente même pas la tête de la filière pénale, vu qu'il vient devant les juges de la Cour de justice pour plaider sa cause, comme le fait une partie. La partie qu'il représente, c'est l'Etat: c'est le «Staatsanwalt» en allemand, le «State attorney» en anglais, soit celui qui, au nom de l'Etat - «USA versus such and such» - représente le droit de l'Etat à voir sa loi pénale observée sur son territoire et qui réclame une peine contre quiconque aura violé l'ordre public qu'il est chargé de faire respecter. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) J'ai déjà épuisé mon temps de parole, Monsieur le président ?
Une voix. Il te reste trente secondes.
M. Yves Nidegger. Alors il me reste trente secondes pour vous dire que les choses ont déjà évolué. Il y avait un département de justice et police - il existe d'ailleurs encore -, et le budget du Ministère public était une des lignes du budget du département. Ce sont mes souvenirs d'il y a quinze ans, quand je siégeais à la commission des finances. Puis, on a dit non...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Yves Nidegger. ...on va donner au Palais de justice son propre budget. Ici, on est en train...
Le président. Je vous remercie, Monsieur.
M. Yves Nidegger. Je m'arrête là et je demande le renvoi en commission, parce que je pense vraiment qu'on peut faire beaucoup mieux qu'accepter ce projet.
Le président. Merci. Nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission. Je passe donc la parole à la rapporteure.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Sur le renvoi en commission, ce que souligne M. Nidegger est intéressant, il dit qu'il faudrait aller encore plus loin. Mais, Monsieur Nidegger - vous transmettrez, Monsieur le président -, si ce rapport est aussi long et complet, c'est justement parce qu'on a essayé d'aller plus loin et qu'on s'est confrontés à l'attitude que vous avez vue tout à l'heure chez certains députés, qui ne souhaitent pas que les choses bougent d'un iota.
Il y a des commissaires qui se sont finalement ralliés au projet de loi parce qu'il permettait de changer un peu les choses sans que ce soit trop. Si on veut trop changer, Monsieur Nidegger, on n'arrivera pas à réformer le Pouvoir judiciaire, notamment en raison du fait que c'est une institution qui est, disons, extrêmement ancrée dans les traditions et qu'il y a beaucoup de députés qui ne souhaitent pas tout chambouler, ce que je peux entendre.
Mais je trouve que rejeter ce projet de loi parce qu'il ne témoigne pas d'une volonté d'aller plus loin, c'est invoquer une raison fausse, puisque même si la paternité du texte appartient au MCG, il a été retravaillé de fond en comble avec les Verts...
Le président. Sur le renvoi en commission, Madame !
Mme Dilara Bayrak. ...et c'est pour cette raison que nous vous proposons de refuser ce renvoi en commission et de vous contenter, pour l'instant, de cette mini-réforme, que vous n'appréciez pas, mais qui est déjà une bonne avancée.
Le président. Merci, Madame la députée. Je lance la procédure de vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12624 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 55 non contre 31 oui.
Le président. Nous continuons donc notre débat. La parole est à M. Esteban.
M. Diego Esteban (S). Merci, Monsieur le président. Le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi issu de longs travaux, comme cela a déjà été mentionné, mais il a quand dû se faire convaincre sur un certain nombre d'aspects; on ne peut qu'être sensible à la prudence exprimée quant aux velléités de réformer les institutions démocratiques dès que quelque chose semble dysfonctionner. Effectivement, il faut prendre garde à ce que la solution apportée à un problème n'en crée pas davantage.
Ces trois ans de travaux ont vraiment permis d'étudier le sujet en long et en large. En l'occurrence, nous avons été convaincus, en particulier par la problématique liée à la concentration actuelle des pouvoirs dans une seule et même personne, qui est, parmi d'autres éléments, impropre à renforcer la confiance dans les institutions démocratiques, à l'heure où c'est le principal enjeu pour faire évoluer celles-ci.
Le sous-titre du projet de loi a été mentionné; est-ce qu'on a vraiment besoin de mettre le système genevois en conformité avec ce qui se passe au niveau suisse ? Eh bien pas vraiment ! L'organisation judiciaire est une compétence purement cantonale. Les cantons sont libres d'avoir des traditions, des historiques, des fonctionnements qui diffèrent, et ça m'étonne assez peu de voir notre ambassadeur de l'UDC zurichoise demander à supprimer toutes les spécificités de l'organisation judiciaire genevoise - c'est assez regrettable, car ces particularités ne créent finalement pas tant de problèmes que ça. De la même manière, les solutions proposées par les opposants à ce projet de loi vont peut-être aussi un peu trop loin dans l'autre direction. Si parmi les opposants il y en a qui estiment que ça va trop loin et d'autres que ça ne va pas assez loin, eh bien, comme on dit, c'est peut-être qu'on a trouvé le juste milieu ! Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous enjoint d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Vous savez, c'est un peu comme vouloir faire voter un Français du Sud-Ouest et un Français de Lille de la même manière, alors qu'ils ne pensent pas du tout de la même façon - et on voit bien ce que ça amène dans ce pays !
Nous, on a une chance extraordinaire, c'est qu'on a des systèmes judiciaires, des fonctionnements de la justice... (L'orateur insiste sur le mot: «fonctionnements».) ...qui, sur un droit de fond qui est le même pour tout le monde, sont adaptés aux habitudes, aux moeurs et aux velléités de chacun des peuples, des Etats qui forment ce fantastique pays qu'est le nôtre.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse. Je souhaite remercier une dernière fois le professeur Sträuli, M. Constant ainsi que la multitude de procès-verbalistes qui nous ont accompagnés durant le traitement de ce projet de loi. Je remercie aussi toutes les personnes qui ont suivi ces travaux: ce n'était pas forcément évident avec les séances plénières et celles de la sous-commission.
Et puis, j'invite quand même les groupes qui seraient insatisfaits parce que ça ne va pas assez loin, et même les personnes qui nous écoutent, à bien comprendre que ce n'est pas la fin des réformes du Pouvoir judiciaire, que le parlement va continuer à traiter ces sujets, et que s'il y a une quelconque systématique à améliorer, eh bien, il faudra nous le communiquer et nous le traiterons. A l'instar de tous les autres sujets que nous abordons dans ce parlement, le fonctionnement du Pouvoir judiciaire est important pour nous.
Le président. Merci.
Mme Dilara Bayrak. Voilà, votons une nouvelle ère pour la gouvernance du Pouvoir judiciaire ! Je vous remercie.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, trois ans de travaux ! Trois ans et un compromis, qui n'est pas un compromis entre les partis, mais mieux encore, entre les trois pouvoirs ! Alors oui, Mesdames et Messieurs les députés, et pour répondre à la critique napoléonienne d'un des préopinants, à titre personnel, je trouve ce projet de loi très suisse. Il consacre un compromis, une évolution faite de petits pas, une présidente tournante, comme dans tous les exécutifs communaux du canton - en tout cas, dès le 1er juin 2025 -, comme au Conseil fédéral, comme dans de nombreux exécutifs cantonaux.
Il faut se rappeler que l'ADN suisse, c'est celui du collège exécutif, du collège... (L'oratrice insiste sur le mot: «collège».) ...et non pas de la personne, et celui de la présidence de représentation. Bien que les apparences aient pu être trompeuses, ce principe était déjà en place au sein du Pouvoir judiciaire. Et avec ce projet de loi, la symbolique rejoint la réalité du fonctionnement. Pour toutes ces raisons, je vous invite à l'accepter. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12624 est adopté en premier débat par 59 oui contre 33 non. (Commentaires à l'annonce du résultat.)
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 38, nous sommes saisis d'un amendement, qui figure à la page 156 du rapport et qui est repris par Mme Bayrak. C'est bien juste ? (Remarque.) Parfait ! Il se présente comme suit:
«Art. 38, al. 1, lettre c (nouvelle teneur)
1 La commission de gestion du pouvoir judiciaire (ci-après: la commission de gestion) se compose:
c) de deux autres magistrats, dont l'un au plus peut appartenir à la Cour de justice;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 58 oui contre 33 non.
Mis aux voix, l'art. 38, al. 1, lettres b et c (nouvelle teneur), lettre d (abrogée, la lettre e ancienne devenant la lettre d), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 39 (nouvelle teneur avec modification de la note) est adopté, de même que les art. 39A (nouveau) à 145, al. 8 et 9 (nouveaux).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que les art. 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12624 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 32 non et 1 abstention (vote nominal).
Premier débat
Le président. Pour le point suivant de notre ordre du jour, à savoir le PL 12840-A, nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole revient au rapporteur de majorité, M. Jean-Marie Voumard.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des visiteurs officiels du Grand Conseil a entendu, pour l'examen de ce projet de loi, le professeur Fink, l'ordre des avocats, la commission de contrôle de gestion du Pouvoir judiciaire et Mme la conseillère d'Etat ici présente. Ce texte propose que deux juges assesseurs siègent lors des demandes de détention au TMC. Il a été refusé par la commission des visiteurs, ce que je vais d'ailleurs vous demander de faire.
Je parlerai d'abord de l'ordre des avocats. Pendant leur audition, ils ont estimé qu'il existe d'autres pistes plus pertinentes que celles proposées dans ce texte pour parvenir à une diminution de la criminalité, sans apporter plus de précisions - je souligne bien cela.
D'autre part, nous avons entendu M. Jornot, qui pensait qu'à la lecture de ce projet de loi, on pouvait considérer que les juges ne rendaient pas de bonnes décisions. Il était accompagné par une juge du Tribunal des mesures de contrainte qui a dit que même si les juges étaient accompagnés par deux assesseurs, le travail ne serait pas mieux réalisé. La conseillère d'Etat a d'ailleurs également souligné que si l'on met trois, quatre, cinq ou sept juges pour aider, les décisions ne changeront pas, et que recours il peut toujours y avoir.
Je me permets de lire un passage du rapport qui est clair et qui a ajouté un élément à la décision de la commission. La juge du Tribunal des mesures de contrainte a dit que «si le TMC devait fonctionner de manière collégiale et que deux assesseurs devaient être présents comme le propose le projet de loi, cela aurait beaucoup de conséquences au niveau de l'organisation. En effet, deux juges assesseurs devraient être présents 6 jours sur 7 et 365 jours par année pour les mises en détention, et il faudrait deux autres juges assesseurs 5 jours sur 7 pour les autres décisions en matière de détention. Cela signifie quatre juges assesseurs à mobiliser chaque jour, et deux pendant le week-end, en permanence, chaque jour de l'année. [...] L'inclusion d'assesseurs complexifierait passablement le travail fait en tant que juge, alors même que les délais du CPP (48 heures) n'évolueront pas.»
La commission des visiteurs a pris position et vous demande de rejeter ce projet de loi.
Mme Sophie Bobillier (Ve), rapporteuse de minorité. Ce projet de loi vise effectivement à renforcer le Tribunal des mesures de contrainte et avait été initialement déposé par les membres de la commission des visiteurs officiels; il a même été porté et signé, sous l'ancienne législature, par le rapporteur de majorité. La volonté est de porter à trois le nombre de juges qui statuent sur les questions de détention provisoire ou de détention pour des motifs de sûreté, alors qu'ils statuent actuellement seuls dans leur bureau à huis clos.
Concrètement, de quoi parle-t-on ? Qu'est-ce que le Tribunal des mesures de contrainte, le TMC dans le jargon ? Lorsqu'une procédure est ouverte à l'encontre d'une personne, le Ministère public, représenté par un ou une procureure, lui reproche une infraction. Lorsque cette personne est suffisamment soupçonnée d'avoir commis cette infraction, le ou la procureure peut - mais ne doit pas - demander au Tribunal des mesures de contrainte la détention de cette personne, si, théoriquement, c'est justifié par les besoins de l'enquête ou encore si sa détention permet d'assurer sa présence lors du jugement: il faut que sa liberté représente un risque de fuite, de collusion ou de réitération. Le cadre légal est extrêmement large, ce qui garantit à ce juge un pouvoir d'appréciation extrêmement important pour déterminer si ces risques sont ou non réalisés. La jurisprudence du Tribunal fédéral a légèrement restreint la marge de manoeuvre de ces juges en donnant quelques précisions, mais le pouvoir d'appréciation de ceux-ci reste extrêmement large. Aujourd'hui, la réalité à Genève est que le Tribunal des mesures de contrainte confirme quasiment la totalité des demandes faites par les procureurs.
Ces décisions sont prises par une seule personne, à l'issue d'une délibération solitaire entre le juge ou la juge et lui ou elle-même, à huis clos, dans un bureau. Et cette décision s'apparente aujourd'hui quasiment à une décision administrative, alors que l'on parle de l'emprisonnement d'une personne. Il est rappelé que la liberté reste normalement la règle dans une procédure pénale, et l'emprisonnement est une exception, en vertu de la présomption d'innocence, à savoir que tant que l'on n'a pas prouvé qu'une personne est coupable, elle est considérée comme innocente. Cette décision a des conséquences humaines et même économiques extrêmement importantes, puisque, on le sait, le prix de la détention est extrêmement élevé: on parle de plus de 400 francs par jour. Il serait utile que ces décisions, qui ont une portée extrêmement importante sur la vie d'une personne, soient prises à plusieurs.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Sophie Bobillier. Aujourd'hui, le groupe des Verts a déposé un amendement pour que ce projet de loi, qui a tout son intérêt, donne la possibilité de puiser dans le pool des assesseurs du Tribunal criminel. Il faut savoir que lorsqu'une infraction est extrêmement grave, à la fin, la personne sera jugée par un, trois ou sept juges selon la gravité de l'affaire. Le but est de puiser dans le pool de ces assesseurs, et ce seulement lorsqu'une audience est convoquée et que la procédure n'est pas uniquement écrite mais aussi orale. Le groupe des Verts vous demande d'accepter cet amendement pour que ce projet de loi aboutisse. Je vous remercie.
Mme Masha Alimi (LJS). Cet objet propose de renforcer le Tribunal des mesures de contrainte avec pour objectif de faire diminuer le nombre de détentions provisoires et, par voie de conséquence, de limiter la surpopulation carcérale à Champ-Dollon. Il y a quelques mois, le groupe Libertés et Justice sociale avait accepté le renvoi de ce texte à la commission des visiteurs officiels, non pas pour se déterminer à nouveau sur ce texte et refaire le travail de la commission judiciaire et de la police, mais bien pour solliciter un expert qui nous permettrait de trouver des pistes de réflexion dans le but de faire diminuer la surpopulation carcérale. Je n'ai malheureusement pas été entendue.
Ce n'est pas en renforçant le Tribunal des mesures de contrainte de deux juges assesseurs supplémentaires que nous y arriverons. Le tribunal siège actuellement dans la composition d'un juge unique. Or, ce projet de loi sous-entend qu'un juge n'est pas suffisamment courageux pour prendre des décisions seul et s'opposer à la décision du Ministère public, qu'il ne serait pas évident pour un seul juge de statuer sur des questions aussi essentielles et donc de dire non à un procureur qui vient avec un dossier demandant la privation de liberté pour des motifs de sûreté.
Pourtant, ce qu'il faut savoir, c'est que ce même juge prononce la mise en détention provisoire selon trois critères factuels: le risque de fuite, le risque de collusion et le risque de récidive. Les juges ne peuvent pas y déroger. Qu'il y ait un ou trois juges, les différences sont des coûts supplémentaires non négligeables et du temps additionnel pour traiter un dossier. Ce projet de loi ne permet donc pas de diminuer le nombre de mises en détention provisoire.
Si le but est de diminuer la surpopulation carcérale à Champ-Dollon, il conviendrait d'avoir d'autres pistes de réflexion, comme pour les personnes détenues pour des amendes à payer. Il conviendrait de prévoir des infrastructures de détention spécifiques à ce type d'infractions, puisque l'on considère ces personnes comme non dangereuses, de modifier les pratiques de l'Etat en matière de conversion des peines pécuniaires prononcées au seul motif de la violation de l'article 115 de la loi sur les étrangers ou de l'article 291 du code pénal, ce qui signifie qu'il faut procéder au renvoi de la personne étrangère présente illégalement en Suisse en renonçant à une quelconque sanction.
S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, ne votez pas pour l'alourdissement des procédures, de surcroît coûteuses, par l'engagement de deux juges supplémentaires, alors que l'objectif est totalement illusoire et ne sera jamais atteint. Vous l'avez compris, notre groupe LJS refusera ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
Mme Celine van Till (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, tout projet visant à réduire la surpopulation carcérale doit retenir notre attention aujourd'hui, c'est un fait !
Je souhaite revenir sur un élément important: la surpopulation carcérale, bien entendu, parce qu'elle a un impact sur les conditions de détention. C'est une problématique importante que nul ne doit ignorer, car il est question de la dignité des personnes détenues, qui sont des êtres humains comme vous et moi. Cette préoccupation étant partagée par tous les acteurs concernés, nous avons étudié ce projet de loi avec attention, mais il ne s'agit pas pour autant d'intervenir à tout prix par n'importe quel moyen.
La proposition qui nous est faite vise à renforcer le Tribunal des mesures de contrainte en prévoyant deux juges assesseurs dans la composition du tribunal. Cette solution peut être intéressante au premier abord, mais ne permettra de diminuer ni le nombre ni la durée des incarcérations. Il convient d'ajouter que des voies de recours contre les placements en détention existent, et les personnes détenues qui souhaitent s'opposer à une décision de placement ou de prolongation de détention peuvent déposer leur demande à l'instance de recours, qui siège justement dans une composition de trois juges.
Dans les faits, la situation actuelle montre qu'il est possible de contester une décision de placement en détention. La proposition contenue dans le projet de loi ne changera donc rien à la surpopulation carcérale et ne ferait qu'alourdir un fonctionnement judiciaire déjà très complexe, comme l'a par ailleurs souligné le rapporteur de majorité.
Enfin, le coût de la mesure proposée s'avérerait très important et même disproportionné au regard du gain infime que l'application du projet de loi prétend viser.
Ce projet de loi rate donc sa cible ! Cela étant, je rappelle que nous ne devons surtout pas relâcher nos efforts. Il convient avant tout de soutenir la planification pénitentiaire et d'encourager sa mise en oeuvre rapide: c'est le seul moyen d'avoir un impact sur la surpopulation carcérale. Vous l'avez donc compris, le groupe PLR refusera ce projet de loi et je vous invite à faire de même. Je vous en remercie.
M. André Pfeffer (UDC). Chers collègues, ce texte a été déposé par l'ensemble des commissaires de la commission des visiteurs officiels il y a quatre ans; il propose d'augmenter le nombre de juges au Tribunal des mesures de contrainte en le faisant passer d'un à trois lorsque ce tribunal traite de mesures de détention provisoire ou de mesures de détention pour des motifs de sécurité. L'objectif était que l'augmentation du nombre de juges puisse diminuer le nombre de détentions à Genève. Cet objectif n'est visiblement pas atteint, et de loin pas.
Les travaux que nous avons effectués et les auditions montrent très clairement que cette augmentation de juges n'apporterait strictement rien, et ni le Ministère public ni le département ne souhaitent ce changement. Je me permets de citer la conseillère d'Etat, qui dit que «les juges appliquent le droit tel qu'il est, et que, en ce sens, cela ne change rien que ce soit un, trois ou cinq juges [...]».
Il y a un deuxième point: ce texte serait irréalisable. On nous demande d'augmenter le nombre de juges assesseurs supplémentaires en le faisant passer à vingt. Il faut savoir que ce tribunal rend en moyenne douze décisions par jour. Ces vingt postes supplémentaires seraient totalement insuffisants, et donc absolument inutiles.
Enfin, voici la raison pour laquelle cette augmentation de juges est inutile et n'apporterait quasiment rien: toutes ces décisions, tous ces jugements peuvent être soumis à un recours. Pour ces raisons, je propose de refuser ce texte. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je peux me tromper, mais dans le rapport, on parle de deux juges assesseurs, pas de vingt.
Une voix. Non, c'est écrit un à trois.
Le président. Un juge et deux assesseurs ! Je répète: un juge et deux assesseurs. C'est ce que prévoit l'article 93. C'est juste pour corriger: ce n'est pas vingt. Vingt, ce serait vraiment énorme ! (Commentaires.)
M. André Pfeffer. Mille excuses pour ce malentendu ! Il est question, lors de jugements, d'un juge et deux juges assesseurs, mais le projet propose également de passer à vingt juges assesseurs pour remplir ces missions. Mille excuses pour ce malentendu.
Mme Ana Roch (MCG). Compte tenu de ce qu'on a entendu, de la lecture du courrier qu'ont reçu les commissaires, de l'ordre des avocats qui soutient ce projet de loi et des amendements de la députée Bobillier, nous souhaitons un renvoi à la commission judiciaire et de la police. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. Concernant cette demande, je passe la parole à la rapporteure de minorité.
Mme Sophie Bobillier (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Compte tenu de ce qu'on a entendu, je rappelle que le but n'est pas uniquement de parler de la surpopulation carcérale, mais aussi de tout ce qui entoure les apparences et le devoir de ces juges qui prennent une décision extrêmement importante. Etant donné cet amendement qui n'a pas été débattu, travaillé à la commission judiciaire et de la police, je suis tout à fait favorable à ce renvoi, surtout dans la mesure où, durant l'examen de ce texte, les chiffres n'ont été fournis ni par le Ministère public ni par le Tribunal des mesures de contrainte. Les seuls chiffres que nous ayons eus, c'est un «carnet du lait» transmis par la Chambre pénale de recours... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame !
Une voix. Chut !
Le président. Est-ce que les débats intergroupes peuvent cesser, s'il vous plaît ? (Commentaires.) Vous pouvez continuer, Madame la députée.
Mme Sophie Bobillier. Merci, Monsieur le président. Les seuls chiffres que la commission des visiteurs a pu consulter, ce sont ceux de 2019, une seule année donc, pris à la main; ils mettaient en exergue le fait que seuls 2% à 4% des décisions font l'objet d'un recours. Il faut savoir que les personnes restent en détention pendant le recours (il vaut donc très souvent mieux aller négocier avec les procureurs que déposer un recours), alors que les taux d'admission sont quand même assez importants: entre 10% et 20% d'admission des recours par la Chambre pénale de recours. Aussi, je suis favorable au renvoi en commission.
Le président. Merci, Madame la députée. Est-ce que le rapporteur de majorité veut s'exprimer sur la demande de renvoi en commission ?
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. Je remercie ma préopinante, qui va dans le même sens que moi. Je crois qu'elle a tout dit. Je vous remercie.
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs les députés, je lance la procédure de vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12840 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 46 oui contre 43 non.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 13035-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. (Brouhaha.) S'il vous plaît, je prie les députés qui souhaitent discuter de sortir de la salle.
Une voix. Carton rouge !
Le président. Ce n'est pas une question de carton rouge, je veux simplement que les personnes qui souhaitent discuter le fassent à l'extérieur. Ici, c'est une salle de travail. Il y a d'autres salles à côté où vous pouvez parler. (Remarque.) Je vous le répète, à vous aussi, Monsieur le député. (Un instant s'écoule.) Je cède le micro au rapporteur de majorité.
M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vais aller directement au but. En résumé, ce projet de loi demandait de modifier la loi sur la laïcité de l'Etat, ceci afin, premièrement, d'interdire aux membres du Grand Conseil et des Conseils municipaux de manifester leur appartenance religieuse par des signes ou des tenues ostentatoires, et deuxièmement, d'interdire le port ostensible de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires de l'enseignement primaire et secondaire I et II.
Cette dernière proposition a rapidement été considérée comme non pertinente, car le personnel du DIP, comme tous les fonctionnaires en contact visuel avec la population, se voit d'ores et déjà interdire le port de tels signes ostentatoires, et parce que les élèves fréquentant ces établissements ne sont pas des agents de l'Etat et qu'ils ne sont donc pas concernés par une loi sur la laïcité de l'Etat.
Pour rappel, la loi sur la laïcité de l'Etat - et je souligne bien de l'Etat ! -, qui a occupé la commission des Droits de l'Homme durant deux ans, interdit le port de signes religieux aux magistrats (Conseil d'Etat, magistrats de la Cour des comptes, juges, etc.) ainsi qu'aux agents de l'Etat, à savoir les fonctionnaires. Elle concerne donc, comme son nom l'indique, le Conseil d'Etat et les personnes qui agissent pour et en représentation de l'Etat.
En d'autres termes, elle s'applique aux exécutifs et aux agents qui doivent exécuter et faire exécuter la loi. Elle ne s'applique pas aux députés, qui ne représentent pas l'Etat, ne sont pas des agents de l'Etat, mais siègent comme élus du peuple, et ne sont pas là pour dire la parole univoque de l'Etat ou faire respecter son droit, mais pour représenter la diversité des opinions qu'on retrouve dans une population aussi multiculturelle et variée que celle qu'on rencontre à Genève - certainement la plus diversifiée de Suisse; on peut d'ailleurs le constater en regardant notre parlement. Cela a été souligné à de nombreuses reprises par les spécialistes, et notamment par un constitutionnaliste reconnu, durant les travaux de la commission.
Une majorité de la commission s'est prononcée en défaveur de ce projet de loi, peut-être, pour certains, en raison du fait qu'une telle disposition serait immanquablement attaquée et qualifiée de non constitutionnelle par la Chambre constitutionnelle genevoise, comme cela a d'ailleurs déjà été le cas par le passé pour une disposition similaire.
En résumé, il y a deux raisons assez fondamentales de rejeter cette proposition, qui interdirait tout signe religieux aux membres du Grand Conseil et des Conseils municipaux. Premièrement, une telle disposition irait non seulement contre notre constitution - comme la Chambre constitutionnelle l'a déjà jugé -, mais également contre la laïcité de l'Etat à la genevoise, telle qu'elle a été pratiquée durant des dizaines d'années, et surtout telle qu'elle a été pensée par la Constituante, qui a été chargée de revoir notre constitution.
Durant toutes ces années, la laïcité de l'Etat, telle que définie aujourd'hui dans la loi, n'a posé aucun problème, et il n'y a pas de nécessité d'agir pour modifier ses modalités. Comme le disait M. Murat-Julian Alder il y a moins d'une heure, «if it's not broken, don't fix it !»
M. Murat-Julian Alder. Absolutely !
M. Yves de Matteis. A savoir que si quelque chose fonctionne, ne le réparez pas ! La disposition proposée par le projet de loi veut imiter, importer la laïcité à la française - ça, c'est en direction du MCG ! -, qui n'a rien à voir ni avec nos traditions ni avec l'histoire de notre canton ou de notre pays.
Deuxièmement, une telle disposition, si elle devait être incluse dans notre corpus législatif ou, pire, dans notre constitution, serait immanquablement attaquée comme constituant un non-respect flagrant de la liberté de conscience et d'opinion ou de la liberté de religion. A ce titre, elle pourrait être attaquée non seulement devant la Chambre constitutionnelle genevoise - ce qui a d'ailleurs déjà été le cas, comme je l'ai dit -, mais au-delà également par des recours au Tribunal fédéral, puis, le cas échéant, à la Cour européenne des droits de l'homme, qui ne manqueraient pas, à ce titre, d'invalider une telle disposition.
Pour toutes ces raisons, je vous demande de suivre la position de la majorité de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne), qui s'est exprimée en défaveur du projet de loi initial.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Yves de Matteis. Par ailleurs, le projet de loi constitutionnelle proposé sous forme d'amendement général doit aussi être refusé, sous peine d'être attaqué, comme je l'ai mentionné dans ce propos liminaire. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de minorité. Effectivement, ce projet de loi revient sur deux articles de la loi sur la laïcité: l'article 3, alinéa 4, sur la neutralité religieuse de l'Etat et l'article 11, alinéa 4, concernant les établissements scolaires et l'enseignement primaire. Cela étant, je tiens à souligner que le présent rapport de minorité ne concerne que la première de ces deux dispositions. La modification proposée reprend à un mot près le texte de l'article 3, alinéa 4 de la loi sur la laïcité votée le 26 avril 2018 par le Grand Conseil et acceptée par le peuple le 10 février 2019, dont la teneur était la suivante: «Lorsqu'ils siègent en séance plénière, ou lors de représentations officielles, les membres du Grand Conseil et des Conseils municipaux s'abstiennent de signaler leur appartenance religieuse par des signes extérieurs.»
Cet alinéa de la loi votée par le peuple a été annulé suite à un recours des Verts. Alors vous avez raison, en date du 21 novembre 2019, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a annulé cette disposition, et la loi est entrée en vigueur sans cet alinéa 4 de l'article 3. Il est vrai qu'en votant ce projet de loi dans sa teneur actuelle, même s'il ne change qu'un mot, eh bien on s'attend à ce que le résultat soit le même. D'où la proposition faite dans l'amendement déposé par la minorité d'inscrire cette interdiction dans la constitution, afin que ce soit l'Assemblée fédérale qui se prononce sur ce sujet, en examinant la compatibilité avec le droit fédéral supérieur.
C'est la raison pour laquelle la minorité vous propose cet amendement général. Et évidemment, on reprendrait alors l'article dans son ensemble. Mais il est vrai qu'il s'agit d'un amendement déposé dans le cadre d'un projet de loi qui, quant à lui, n'est pas de rang constitutionnel. Du point de vue juridique, cela a été jugé possible. Toutefois, pour préparer convenablement le travail, avec un véritable projet de loi constitutionnelle, cela vaudrait la peine de renvoyer cet objet en commission, et non pas simplement de le refuser. Pour cette raison, je demande le renvoi de ce projet de loi à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne). Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole sur cette demande de renvoi.
M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. En ce qui me concerne, et je crois qu'on l'a bien vu, j'estime qu'il s'agit avant tout de principes généraux. L'avis des commissaires me semble assez clair, en tout cas le mien l'est. Je crois que celui de ma préopinante, rapporteuse de minorité, est aussi très clair. Un examen devant la commission des Droits de l'Homme ne va absolument rien changer à ces positionnements ni à l'état de la loi actuelle.
Par conséquent, personnellement, je ne vois pas tellement l'intérêt de faire perdre son temps à la commission des Droits de l'Homme, qui a un certain nombre de sujets à aborder, avec un texte, qui, de toute manière, sera grevé de... Même si, à la limite, il pouvait éventuellement être accepté par l'Assemblée fédérale, ce texte serait de toute manière invalidé, en tout cas par la Cour européenne des droits de l'homme.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13035 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est adopté par 49 oui contre 36 non et 1 abstention. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Mesdames et Messieurs, nous mettons fin à nos travaux. (Applaudissements.) Je vous souhaite une belle soirée ainsi qu'un bon week-end !
La séance est levée à 19h40.