Séance du
vendredi 1 novembre 2024 à
18h05
3e
législature -
2e
année -
6e
session -
36e
séance
R 1044
Débat
Le président. Nous entamons notre dernière urgence, à savoir la R 1044, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteur, M. Julien Nicolet-dit-Félix.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je me réjouis de vous voir, mais je me désole que nous soyons si peu nombreux, j'espère que les retardataires arriveront en cours de débat pour que nous puissions statuer sur ce sujet de façon équitable.
Vous le savez, l'année passée, le Haut-Karabagh a été annexé de force par la république d'Azerbaïdjan. Le Grand Conseil avait d'ailleurs voté un projet de loi pour un soutien financier aux très nombreux réfugiés résultant de cette annexion.
Aujourd'hui, nous reparlons de cette région du monde, et ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas forcément un grand adepte des résolutions portant sur des questions internationales de la part de notre modeste parlement régional, à moins qu'elles cumulent trois critères que je trouve absolument indispensables et qui sont la légitimité, la gravité et l'opportunité.
La légitimité à intervenir auprès des autorités fédérales vient simplement du fait que dans cette affaire - vous aurez sans doute pris connaissance des considérants et des invites de la résolution -, il est question de conventions que notre république abrite, les Conventions de Genève, qui sont les fondements du droit international humanitaire, et plus précisément de la troisième convention de Genève qui traite des prisonniers de guerre et qui indique clairement que dès lors qu'un conflit est terminé, les prisonniers de guerre doivent être rendus à leur pays d'origine, ce qui n'est pas le cas en l'espèce: il ne s'agit donc plus de prisonniers de guerre, mais, selon l'appréciation qu'on peut en avoir, de prisonniers politiques ou éventuellement d'otages.
Le deuxième critère, c'est la gravité. Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez peut-être lu les nombreux rapports en provenance d'organisations non gouvernementales, mais également d'organisations gouvernementales, qu'elles soient nationales ou internationales, qui font la démonstration des multiples exactions que subissent à la fois les prisonniers, qu'ils soient d'origine arménienne ou azerbaïdjanaise - la question n'est pas là -, et le peuple d'Azerbaïdjan du fait de la gradation inquiétante des enfreintes aux droits de l'homme de la part des autorités de Bakou.
Je vous renvoie à une très longue résolution votée la semaine passée par le Parlement européen qui liste - c'est très impressionnant - tous les faits avérés qui se sont succédé et qui déshonorent le gouvernement de Bakou, et qui en arrive à une conclusion extrêmement proche de notre modeste résolution, à savoir - c'est donc le texte européen - demander instamment aux autorités européennes et plus particulièrement à Mme von der Leyen de ne pas se rendre à Bakou sans discuter avec les autorités azerbaïdjanaises, sans les rendre attentives au sujet, sans thématiser la question des nombreuses atteintes aux droits de l'homme et en particulier celle des prisonniers politiques qui nous concerne aujourd'hui, vu qu'en tant que Genevois, nous sommes là pour parler de cette fameuse convention de Genève.
Le dernier élément, Mesdames et Messieurs, c'est l'opportunité. Il s'agit de déterminer si c'est le bon moment pour déposer ce texte. Or, vous ne l'ignorez pas, d'ici quelques jours se tiendra à Bakou la Conférence des Parties, la COP29, censée - qu'on y croie ou non - trouver des solutions internationales pour lutter contre les changements climatiques. Il apparaît évident que le gouvernement azerbaïdjanais instrumentalise cette réunion internationale et son aura positive - pour l'instant, en tout cas - afin de redorer son blason. C'est une manoeuvre qu'il faut évidemment dénoncer et, comme dans certains arts martiaux, retourner contre son auteur.
Il est clair que les grandes démocraties, parmi lesquelles compte incontestablement notre Confédération, ne peuvent pas se rendre à Bakou uniquement pour discuter de sujets relatifs aux hydrocarbures - dont, au passage, l'Azerbaïdjan est un très gros producteur -, mais doivent impérativement mettre en évidence, thématiser, médiatiser la question des droits humains et, en ce qui nous concerne, celle des prisonniers de guerre, des prisonniers politiques dans les geôles de Bakou.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie chaleureusement d'avoir voté à une très large majorité l'urgence hier, ce n'était pas forcément acquis: on avait déjà essayé lors de la session précédente et, sur un malentendu, à quelques voix près, ça n'avait pas pu se faire. La fenêtre d'opportunité s'ouvre dans quelques jours, donc c'est vraiment le dernier moment pour adopter ce texte. Si j'ai bien compris, la majorité qui s'est dessinée hier pour accepter l'urgence devrait correspondre à celle que nous aurons tout à l'heure; je vous en remercie d'ores et déjà. (Applaudissements.)
M. Christian Steiner (MCG). Contrairement à ce que soutient mon préopinant, cette nouvelle résolution du Grand Conseil à l'attention de l'Assemblée fédérale ne remplit pas les conditions de forme prévues par les articles 54, 55 et 56 de la Constitution. C'est bien la Confédération qui a la compétence des affaires étrangères en Suisse, et dans le cas présent, le canton de Genève ne répond pas aux critères des articles 55 et 56. Le texte est ainsi inadéquat sur la forme.
Sur le fond, il y a une bonne nouvelle, c'est que le conflit, qui est encore en cours, mais avec un cessez-le-feu, est en voie de résolution: selon le premier ministre arménien, une paix dans les prochains jours est assurée à 90%, et je pense que ce dénouement inclura les prisonniers politiques. Ce n'est pas à nous de prendre parti pour ou contre l'un des belligérants, sachant au demeurant que nous représentons l'un des deux pôles mondiaux du multilatéralisme. En l'occurrence, ce qui est intéressant, c'est que cette paix ne semble pas être le produit du multilatéralisme, malgré la présence de la Suisse dans le Caucase, mais purement du bilatéralisme.
Maintenant, au sujet des invites, les termes «exiger» et «s'assurer» sont un peu présomptueux. En ce qui concerne la première invite, au lieu de donner des leçons à l'occasion de la COP29 qui aura lieu pour tous les pays du monde, puisque tout le monde est impliqué, la délégation suisse pourrait plutôt demander de compléter l'accord de Paris. En effet, on attend toujours la concrétisation de la dernière phase, c'est-à-dire que l'ensemble des participants versent 100 milliards aux pays en voie de développement et opèrent le transfert de technologies. C'est étonnant que le premier signataire, vu le groupe auquel il appartient, n'ait pas pensé à ça à la place de jouer au donneur de leçons et de morale. Au MCG, nous laisserons tout de même la liberté de vote sur ce sujet. Merci.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Pour commencer, Mesdames et Messieurs, j'indiquerai que le PLR est évidemment préoccupé par le sort des détenus arméniens, mais vous vous doutez de la suite de mon discours: cette question ne relève pas de la compétence de notre Grand Conseil. L'auteur tente de nous faire croire qu'il vise un renvoi à l'Assemblée fédérale, qui est effectivement l'autorité compétente, mais comme il l'a relevé lui-même, la COP aura lieu dans quelques jours, il sait qu'il n'y a aucun espoir pour que l'Assemblée fédérale traite ce texte avant, donc il s'agit juste d'une posture déclaratoire. Ce qu'il nous présentait à l'époque comme une résolution, il l'appelle maintenant une résolution à l'Assemblée fédérale; c'est purement fictif. Voilà pour la forme.
Je remercie le premier signataire d'avoir précisé ses trois critères pour le dépôt de ce texte: légitimité, gravité et opportunité. Si je peux le rejoindre en ce qui concerne les deux premiers, je diffère sur la question de l'opportunité. Il a dit: «L'important, c'est le moment.» S'agit-il du bon moment ? Pour moi, d'autres éléments entrent en ligne de compte. Déjà, avant de se demander si c'est le bon moment, est-ce que les avantages dépassent les risques ? Et là, je suis navrée, mais ça ne fonctionne pas. Les avantages, c'est un texte qui va faire plaisir, on va se donner bonne conscience - vous en tout cas, moi je dirai non, donc ce ne sera pas le cas. Bref, ceux qui vont voter oui se seront donné bonne conscience et dormiront mieux ce soir, je l'espère.
Par contre, au niveau des risques, je me permets quand même de rappeler que le CICR est domicilié dans le canton de Genève, que nous avons versé des montants importants à cette institution pour intervenir dans la région et que c'est l'une des seules organisations internationales à avoir un contact avec les prisonniers. Dès lors, il serait vraiment regrettable que suite à un texte comme celui-ci, le CICR - et par extension l'argent que nous lui avons donné - ne soit plus considéré comme neutre et qu'il perde son accès privilégié. Je pense vraiment qu'en termes d'opportunité, nous ferions mieux de laisser les personnes compétentes s'occuper de cette question, en l'occurrence la Confédération. Pour ces raisons, je vous invite à refuser cet objet. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais intervenir sous un autre angle et évoquer un opéra qui a été présenté tout récemment au Grand Théâtre de Genève, «La Clémence de Titus», un grand spectacle dirigé par un metteur en scène engagé de notre pays, Milo Rau, lequel a fait travailler, parmi les figurants, des personnes qui avaient toutes souffert, dans leur parcours de vie, à cause de la migration, de la guerre, de la misère, qui sont arrivées dans notre canton et qui ont pu développer une vie et un quotidien.
Parmi eux, il y avait un homme et son fils, tous deux figurants, qui étaient justement des représentants de la population qu'on aimerait pouvoir défendre aujourd'hui. Chacun a été appelé sur scène à faire témoignage de sa situation, et ces personnes ont insisté sur l'importance du politique pour faire cesser les exactions, ont rappelé le nombre de personnes encore détenues et mis en avant la nécessaire solidarité.
Le public a applaudi chaleureusement, a été convaincu par cet opéra, mais ce n'est pas seulement pour avoir passé un magnifique moment musical, c'est parce qu'il y avait du sens. La culture a montré à quel point la solidarité est essentielle. Qu'a voulu dire le metteur en scène à travers la figure de Titus ? Que le politique ne peut pas s'affranchir de ses responsabilités.
Alors vous transmettrez, Monsieur le président, notamment à Mme Zuber-Roy, qu'il ne s'agit pas d'avoir bonne conscience, qu'il ne s'agit pas de dormir mieux ce soir qu'hier ou avant-hier: il s'agit simplement de prendre ses responsabilités, de faire preuve d'humanité, de s'engager quand on ne risque rien, c'est tout de même un devoir minimal. Pour toutes ces raisons et au nom de l'esprit de la Genève internationale et des artistes qui sont les sentinelles de la société, je vous demande d'accepter cette résolution. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (LC). Merci à Mme la députée Valiquer pour son excellent argumentaire. Je souhaiterais quant à moi revenir sur quelques points plus politiques. Le Conseil fédéral peut prendre des mesures, et je rappelle à ceux qui soutiennent que ça ne vaut pas la peine, qu'il est préférable d'agir à Berne plutôt que d'y renvoyer une résolution, que le travail y est effectivement mené, mais qu'il doit absolument être soutenu par ce texte.
Le suivi d'une pétition a permis à la commission fédérale de politique extérieure de déposer un postulat qui a été adopté en juin 2024. D'ailleurs, la même commission a décidé, pas plus tard qu'en octobre, si vous lisez un petit peu les publications fédérales, par 13 oui contre 10 non et 2 abstentions, d'adresser une lettre au Conseil fédéral pour qu'il aborde, à l'occasion de la COP29 à Bakou, les problèmes liés au Haut-Karabagh et aux personnes détenues là-bas. Ainsi, en renvoyant cette résolution à Berne, Genève et notre parlement démontrent leur soutien au postulat de la commission de politique extérieure intitulé «Soutien de la Suisse à la population arménienne suite au conflit survenu au Nagorno-Karabakh» ainsi qu'à son courrier à destination du Conseil fédéral.
Il y a aujourd'hui un alignement de planètes qui nous permet de porter notre inquiétude au coeur des discussions internationales à travers un signal fort à la Confédération. A l'heure où l'Azerbaïdjan s'apprête à accueillir la COP29, la Suisse ne peut rester silencieuse et doit exiger le respect des droits de l'homme, du droit humanitaire et de la liberté d'expression, des principes bafoués par le gouvernement de Bakou. Notre délégation à la COP29 doit soutenir ces exigences avec force et détermination, seule ou avec d'autres nations partageant les mêmes valeurs.
L'Arménie, je le souligne, n'a pas besoin d'amis silencieux, elle a besoin d'alliés actifs qui défendent les vivants. La Suisse, et qui plus est Genève, héritière des valeurs humanitaires, doit faire entendre sa voix et agir pour que la dignité des Arméniens du Haut-Karabagh soit restaurée. Le temps n'est plus aux discours creux. Dans cette crise, notre silence serait dramatique: un silence de pantoufles, comme on a trop souvent l'habitude de le dire, alors que les bottes martèlent le sol du Haut-Karabagh. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Mesdames et Messieurs... (L'orateur est saisi par l'émotion.) Excusez-moi...
Le président. Vous avez droit à vingt-sept secondes, Monsieur.
M. Patrick Dimier. Excusez-moi, je ressens une certaine émotion lorsque j'évoque l'Arménie, bien entendu. Je crois qu'il est de notre devoir absolu de nous souvenir: souvenons-nous des terribles épreuves qu'a subies le peuple arménien, souvenons-nous surtout que nous avons la chance incroyable de vivre en paix et de pouvoir nous exprimer comme nous l'entendons. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Thévoz pour dix secondes très exactement.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. L'Azerbaïdjan est une autocratie dangereuse qui menace ses voisins. Une épuration ethnique est menée au Haut-Karabagh, et la Suisse, contrairement à ce que soutient le PLR, est directement concernée. Socar, entreprise nationale, fait ses affaires dans notre pays via Migrolino...
Le président. Merci, Monsieur le député...
M. Sylvain Thévoz. Il faut évidemment soutenir cette résolution, et il est faux de prétendre, comme le fait Mme Zuber...
Le président. C'est terminé.
M. Sylvain Thévoz. ...que nous avons voté des millions pour le CICR: c'était 500 000 francs et 1,5 million pour l'EPER il y a un an...
Le président. Merci !
M. Sylvain Thévoz. ...donc l'aide est minimale. Il faut se positionner... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
Le président. Monsieur Nicolet-dit-Félix, vous avez la parole pour deux minutes.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président, ce sera largement suffisant pour m'associer aux propos tenus et remercier mes préopinants qui, chacun dans leur registre, ont exprimé la nécessité absolue de soutenir les personnes, qu'elles soient d'origine arménienne ou azérie, qui souffrent aujourd'hui en Azerbaïdjan. L'angle adopté ici est en rapport avec les conventions que Genève abrite, c'est pour cela que l'on parle de prisonniers de guerre, mais la problématique est naturellement beaucoup plus vaste.
J'ai bien entendu les arguments de Mme Zuber, qui se fait du souci, qui estime qu'il est imprudent - certains parleraient peut-être de lâcheté - d'exposer Genève en disant la vérité, en disant ce qui est, pour nos entreprises, pour les organisations internationales. J'aimerais la rassurer: je n'en ai pas parlé tout à l'heure, mais la semaine passée, les deux commissions de politique extérieure du Conseil national et du Conseil des Etats m'ont communiqué qu'elles allaient déposer des motions de commission allant exactement dans le même sens, c'est-à-dire demandant que M. Cassis et les négociateurs mandatés par le DFAE ne se rendent pas en Azerbaïdjan sans évoquer la question des droits humains, sans s'indigner des exactions que subissent les personnes dans le Haut-Karabagh. Ainsi, il est assez peu vraisemblable que le vote de ce texte ce soir puisse avoir une influence diplomatique néfaste sur notre canton ou sur le pays.
Quant aux intérêts économiques, Mesdames et Messieurs, il est évident - M. Thévoz a essayé de l'exposer dans les dix secondes qui lui étaient accordées - qu'ils sont très importants entre certaines entreprises suisses, certaines entreprises genevoises et l'Azerbaïdjan; c'est sans doute ce qui explique cette pusillanimité à intervenir lorsqu'il s'agit de ce genre d'affaire.
Je vous renvoie encore une fois à la résolution du Parlement européen qui, noir sur blanc, indique que certains parlementaires européens ont été corrompus par les autorités de l'Azerbaïdjan. Cela ne se passe certainement pas en Suisse, pays dont la probité est parfaitement sûre, et c'est pour cela que nous solliciterons le vote nominal: il s'agit de savoir qui soutient véritablement la démocratie et les droits humains en Azerbaïdjan. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Yves Nidegger (UDC). Pour ceux qui auraient encore quelques doutes, deux correspondances figurent à l'ordre du jour de cette session qui traitent de résolutions genevoises adressées aux Chambres fédérales où elles ont reçu une très touchante unanimité pour une non-entrée en matière. Voilà le destin tout à fait classique de ces textes, quel que soit le sujet, lorsqu'un canton se pique d'être - quelqu'un a parlé de mini-Conseil de sécurité, c'est exactement ça - une mini-ONU ou que sais-je d'autre. Nous ne sommes pas du tout à notre place, et le fait que l'on se fasse du souci quant au respect des droits de l'homme n'y changera rien, parce que ce n'est pas le sujet.
Non seulement il s'agit d'une résolution à l'Assemblée fédérale et vous savez ce que j'en pense; j'espère que vous commencez gentiment à le comprendre lorsque vous constatez les retours effectifs: pour avoir été à Berne, j'ai vu comment étaient reçues ces brillantes initiatives genevoises, c'est-à-dire avec un haussement d'épaules plutôt dédaigneux et un certain agacement. Mais de surcroît, ce texte a la tare d'être rédigé, jusque dans son titre, de manière irréfléchie.
«L'annexion du Haut-Karabagh», cela figure dans le titre. Quiconque s'intéresse un tant soit peu à la position suisse en matière internationale sait qu'elle n'est du côté de personne, sinon de celui du droit international public. C'est logique: un petit pays qui a opté pour la neutralité comme politique extérieure souhaite que les choses soient réglées selon le droit plutôt que selon des rapports de force, parce que dans un rapport de force, il n'a tout simplement aucune chance. C'est notre ADN.
Que dit le droit international public sur le Haut-Karabagh ? Eh bien tout simplement que c'est une partie du territoire azéri, qui a été annexée certes, mais par une opération militaire que l'on doit à l'Arménie en 1992-1993, et le régime plus ou moins fantoche qui en a résulté, c'est-à-dire l'exercice d'une puissance publique soustraite à l'Etat auquel appartient le Haut-Karabagh de par le droit international public, n'a été reconnu par personne, pas même par l'Arménie.
Ainsi, venir expliquer aux commissions de politique extérieure à Berne - puisque c'est devant celles-ci qu'on se présenterait si par impossible vous deviez envoyer quelqu'un d'entre nous défendre ce point de vue - qu'il y a eu récemment une annexion du Haut-Karabagh par l'Azerbaïdjan, c'est une connerie telle qu'on ne peut pas imaginer qu'à Genève, siège des Nations Unies, on puisse atteindre une inculture de ce degré-là au niveau d'une assemblée d'élus comme l'est le Grand Conseil.
C'est un territoire azéri, il y a non moins de trois résolutions des Nations Unies qui demandent que les autres puissances qui s'en sont emparées le rendent à l'Azerbaïdjan, donc ne venez pas parler d'annexion lorsqu'un territoire appartient, de par le droit international, au pays en question. Chers collègues, je vous en conjure: ne renvoyez pas ce texte à Berne, vous allez ridiculiser Genève une fois de plus et recevoir dans quelques mois une note de la même teneur et du même tonneau que les deux que je vous recommande de lire aujourd'hui.
Le président. Je vous remercie. Nous procédons au scrutin.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Le vote nominal a lieu d'office.
Mise aux voix, la résolution 1044 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 50 oui contre 25 non et 2 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)