Séance du vendredi 1 novembre 2024 à 16h10
3e législature - 2e année - 6e session - 35e séance

M 3063
Proposition de motion de Céline Bartolomucci, Cédric Jeanneret, Angèle-Marie Habiyakare, Julien Nicolet-dit-Félix, Dilara Bayrak, Léo Peterschmitt, Emilie Fernandez, Marjorie de Chastonay, Sophie Bobillier, Laura Mach, Diego Esteban, Lara Atassi, Grégoire Carasso, Thomas Bruchez, Nicole Valiquer Grecuccio pour un soutien actif aux lignes internationales de trains de nuit desservant Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 31 octobre et 1er novembre 2024.

Débat

Le président. Notre prochaine urgence est la M 3063, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame Bartolomucci, vous avez la parole.

Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, vous avez dû en entendre parler, le Parlement fédéral a récemment voté en faveur d'une politique climatique ambitieuse, une nouvelle ordonnance sur le CO2 est actuellement en consultation. Cette stratégie vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à promouvoir les solutions de transport durables, dont les trains de nuit, avec un soutien financier de 30 millions par an.

C'était la situation initiale, mais depuis les dernières annonces du Conseil fédéral en matière d'économies, cette subvention est menacée de disparaître, mettant en danger également les trains de nuit, en particulier à Genève. Je dis en particulier à Genève, car notre canton occupe une position géographique stratégique au centre de l'Europe et pourrait clairement profiter d'une offre de trains de nuit à la fois pour les entreprises, les voyages d'études, le tourisme, ce serait un point de transit idéal pour toutes les liaisons ferroviaires. Malheureusement, avec la nouvelle décision du Conseil fédéral, tout cela risque d'être balayé. Cette motion a donc pour but de trouver un levier pour qu'on puisse pérenniser les trains de nuit même si le Conseil fédéral poursuit dans sa voie.

Les dernières statistiques font état d'une augmentation conséquente de l'intérêt pour les voyages en train de nuit, avec 500 000 passagers en 2022 et 600 000 en 2023. En un an, on dénombre ainsi 100 000 passagers supplémentaires, ce qui montre un engouement accru pour ce mode de transport, que ce soit - comme je le disais - pour des déplacements touristiques, professionnels ou éducatifs.

Cette motion vise à pallier le risque de disparition des trains de nuit, qui pourrait avoir un impact économique et touristique, cela permettrait de stimuler le tourisme et de contribuer à l'économie locale. Soutenir activement les trains de nuit contribuerait à positionner Genève comme un modèle en matière de transports respectueux de l'environnement et d'envoyer un signal fort non seulement en Suisse, mais également à l'échelle internationale en proposant une alternative concrète et écologique aux déplacements en avion. Face à la réduction du soutien fédéral, il est essentiel que le canton de Genève prenne des initiatives pour garantir la pérennité des trains de nuit. Ce texte invite le Conseil d'Etat à s'engager activement pour le développement de ces lignes et à envisager des financements compensatoires. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jacques Jeannerat (LJS). Effectivement, il faut rétablir ces lignes. Il y a trente ans, un train de nuit reliait Montpellier à Genève et inversement. Il n'existe plus depuis vingt ans, c'est une catastrophe. Il faut réhabiliter les trains de nuit, c'est très important. Seulement, ça ne peut pas se décider comme ça, sur le siège, en séance plénière ! Ça dépend des accords internationaux, ça dépend aussi des CFF. Nous sommes favorables au principe de cette motion, mais elle doit absolument être étudiée dans le détail en commission. Rien que les termes de son titre, «un soutien actif», qu'est-ce que ça veut dire ? Pesetas ou autre chose ? Je demande un renvoi à la commission des transports, Monsieur le président, mais nous soutiendrons le texte.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous proposons - c'est ma collègue Céline Bartolomucci qui a déposé cette motion - de soutenir les trains de nuit, parce qu'il s'agit d'une vraie alternative pour les longs voyages, surtout à l'aviation, qui est extrêmement polluante et source de nuisances sonores - on l'a vu tout à l'heure avec des pétitions des habitants. C'est une solution qui a de plus en plus de succès, la demande augmente, c'est une alternative aux avions et à la pollution qui permet de respecter l'environnement et de lutter contre le dérèglement climatique.

Malheureusement, cette demande n'est pas entendue par Berne. Nous avons effectivement appris en septembre que la subvention de 30 millions en faveur des trains de nuit passerait à la trappe pour des raisons d'économies. Par contre, la volonté d'élargir les autoroutes pour 5,3 milliards demeure. 30 millions pour les trains de nuit contre 5,3 milliards pour les voitures, vous concéderez qu'il y a un problème d'équilibre, surtout quand on sait que nous sommes en situation d'urgence climatique, c'est un fait que l'Etat de Genève tout comme le Grand Conseil ont validé.

Qu'est-ce que ça signifie ? Qu'il faut trouver des alternatives aux voyages, fournir des opportunités, répondre à la demande, augmenter l'offre, trouver des solutions. Puisque ce n'est pas à Berne que ça se fera - on l'a bien compris avec M. Rösti -, eh bien cette motion demande au Conseil d'Etat de chercher un financement, voire un subventionnement, pour cette alternative, car la demande augmente, la population souhaiterait voyager en train de nuit. Je vous remercie de réserver un bon accueil à cet objet.

M. Philippe Meyer (PLR), député suppléant. Non, il ne faut pas une alternative aux voyages, il faut favoriser tous les voyages possibles, puisque les voyages forment la jeunesse. Monsieur le président, qui a écrit: «Notre vie est un voyage constant, de la naissance à la mort. Le paysage change, les gens changent, les besoins se transforment, mais le train continue. La vie, c'est le train, ce n'est pas la gare» ? (Un instant s'écoule.) Monsieur le président, je vous pose une question. Bon, c'est Paulo Coelho, l'écrivain brésilien.

Mesdames et Messieurs, jusqu'à ce jour, Genève a plutôt regardé passer les trains, Genève est resté à quai. Résultat, au niveau des trains à grande vitesse et des trains de nuit, il y en a douze à Zurich - je précise qu'il n'y a pas de subventionnement - et un seul, quotidien, à Genève.

Mais les trains de nuit, ce n'est que le sommet de l'iceberg, il y a bien pire: pour les liaisons entre Genève et Lausanne, il n'y a qu'un axe, pas d'alternative possible, et on le sait, à chaque dérangement, tout est bloqué. Il n'existe pas de liaison directe entre Genève et Bâle, on doit changer une, voire deux fois pour rejoindre la deuxième ville du pays. On parle des deuxième et troisième villes du pays ! Nous avons un énorme problème ferroviaire à Genève.

La motion répond à certaines interrogations. Oui, Genève peut influencer la commission intercantonale pour développer les trains de nuit; oui, elle peut sensibiliser les opérateurs de nuit, mais envisager un mécanisme de financement, c'est plus discutable, il faut en tout cas examiner cela en commission.

Pour le PLR, le développement ferroviaire offre à Genève un vrai potentiel qui mérite d'être étudié dans toute sa pluralité, nous devons nous battre pour promouvoir les liaisons qui ont le plus de chances d'aboutir et pas juste sauter dans n'importe quel train. Par conséquent, nous vous proposons de monter dans le train de la commission des transports. Merci.

M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons une certaine compréhension pour le renvoi à la commission des transports. Toutefois, si M. Andersen, qui est probablement à la buvette maintenant, traite ce sujet aussi sérieusement que le contrat de prestations des TPG, c'est-à-dire ne dit rien en commission, puis sacrifie le texte en plénière, j'aurai de la peine à saisir l'intérêt d'un tel renvoi. Cela dit, nous ne nous y opposerons pas.

Ce qui est intéressant dans cette motion, c'est qu'elle vise à trouver des moyens de transport qui nous permettent d'être plus écologiques, de faire face tout simplement à l'urgence climatique, mais sans se priver de voyager. Là-dessus, je rejoins tout à fait mon préopinant PLR.

La question, c'est toujours le financement. A l'heure où certains et certaines ici souhaiteraient de nouvelles routes, que ce soit pour contourner Soral ou permettre à encore plus de voitures de circuler entre Genève et Nyon, puis Bâle, alors que nous pourrions trouver les 7 milliards que coûteront ces extensions autoroutières pour améliorer les liaisons que M. Meyer décrivait, en ce qui concerne les trains de nuit, nous devons décider ce que nous voulons et pas simplement soupirer: «Le voyage, c'est beau» en citant un auteur brésilien - que j'apprécie par ailleurs beaucoup -, nous devons réellement nous donner les moyens d'entreprendre les choses.

Or pour tous les transports publics, qu'on parle du contrat de prestations des TPG ou des trains de nuit, on se heurte constamment au même mur de la droite, c'est-à-dire de belles paroles - «Paroles, paroles !» - en faveur des transports publics, mais malheureusement toujours - toujours, toujours ! - à une position réfractaire au moment de voter les financements. C'est pourquoi nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission, mais nous invitons vraiment la droite à devenir beaucoup plus cohérente avec ses discours au moment de dépenser l'argent pour les transports publics. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, je ne comprends pas pourquoi vous avez demandé l'urgence sur ce texte alors que tout le monde est d'accord de le renvoyer en commission. La parole va à M. Baertschi.

Une voix. Bravo, président !

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Naturellement qu'il est intéressant de s'occuper des trains de nuit, même si je ne suis pas sûr qu'il existe une véritable demande actuellement - c'était à la mode à une certaine époque - étant donné le développement des trains à grande vitesse et d'autres modes de vie et de communication. Mais c'est un sujet qui doit être étudié, bien sûr.

Cela étant, on constate que les auteurs de cette motion font preuve de quelques contradictions, parce que les mêmes personnes, à un autre moment, ont considéré qu'il ne relevait pas de notre compétence de parler d'une ligne de chemin de fer ne se situant pas sur le territoire genevois, que cet enjeu nous échappait. J'ai lu cela dans des rapports de commission de la CACRI.

Les députés de ce Grand Conseil veulent-ils véritablement traiter de ce sujet ? D'après certains travaux antérieurs, il semblerait que ce ne serait pas d'actualité, puisque ce sont les propos qui ont été invoqués pour refuser une modeste motion sur un projet très utopique, hypothétique et, quant à lui, peu coûteux d'une ligne en direction du sud de l'Europe. Dans le cadre de cette motion que j'avais déposée, on a entendu des arguments qui, on le voit maintenant, sont de mauvaise foi.

Je crois qu'il ne faut pas faire preuve de mauvaise foi dans ce débat, même si un certain nombre de membres de cette députation sont habitués à l'exercice - c'est malheureusement quelque chose qui existe dans ce parlement. En l'occurrence, un peu de bonne foi, un peu d'esprit démocratique seraient tout à fait bienvenus. Pour cette raison, le groupe MCG demande le renvoi de cette motion en commission, comme l'ont proposé quelques préopinants.

Le président. Laquelle ?

M. François Baertschi. Je laisse à l'assemblée le soin de choisir.

Le président. Ah, ça va être difficile !

Des voix. Transports !

Le président. Bien. La parole est à M. Sayegh.

M. Souheil Sayegh (LC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, pour rompre tout suspense, Le Centre acceptera le renvoi de cet objet à la commission des transports, mais je me permets un petit commentaire au préalable. On va discuter d'une motion qui demande à Genève d'influencer les pays voisins, très bien. A l'heure où la gare de Cornavin est en passe d'être transformée, renouvelée, remodelée, peut-être que ce projet viendra amener de l'eau au moulin de cet ouvrage, et c'est très bien.

J'ai juste peur qu'on traite d'un sujet un peu prématurément, mais avec la vision avant-gardiste de nombreux groupes ici présents, je suis certain qu'on y arrivera. (Commentaires.) Je ne pensais pas aux membres qui ont déposé le texte, pas du tout, au contraire, je les félicite de l'avoir présenté. Tout cela pour vous dire que nous voterons la proposition de renvoi à la commission des transports.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Très rapidement, cela fait deux ou trois fois que nous renvoyons en commission des textes dont l'urgence a été adoptée hier soir. Je regrette cette situation, je trouve que c'est complètement incohérent, cela correspond à du travail de singes et ne nous fait pas avancer dans notre ordre du jour. Je vous remercie.

Des voix. Bravo !

Une autre voix. Bravo, Jean-Marc !

Une autre voix. Très juste !

Le président. Monsieur le député et ancien président, je vous remercie pour cette pertinente observation ! Monsieur Mizrahi, c'est à vous.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, je voudrais répondre sur quelques points à notre collègue François Baertschi eu égard à son semi-scepticisme par rapport aux trains de nuit. Je trouve regrettable, Monsieur Baertschi - vous transmettrez, Monsieur le président -, d'opposer les trains de nuit aux trains à grande vitesse, parce qu'il ne s'agit pas du même type de liaisons. Quand vous allez à Berlin ou à Barcelone, même en train à grande vitesse, Monsieur Baertschi, cela prend un certain temps, et il est clair que si on donne la possibilité, pour des liaisons de ce type, de voyager en train de nuit, on offre une réelle alternative à l'avion.

Bien sûr qu'il y a de la demande ! Simplement, en l'absence d'offre, eh bien cette demande... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...ne tombe sur rien, et avec l'offre minimale disponible actuellement, les prix sont très élevés. Je vais conclure, Monsieur le président ! Du coup, à ces conditions, il est évident que le réseau de trains de nuit ne peut pas être développé. Il est regrettable que la Confédération, sous la houlette...

Le président. Merci, Monsieur le député...

M. Cyril Mizrahi. Je termine, Monsieur le président ! ...du ministre Rösti, ne veuille pas aller dans le sens de soutenir ces trains de nuit et préfère - vous vous en doutez...

Le président. C'est fini !

M. Cyril Mizrahi. ...vous me voyez venir - élargir les autoroutes ! (Exclamations. Applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je serai très bref, Mesdames et Messieurs, parce que j'ai bien compris qu'il se dégageait une majorité dans cette enceinte pour un renvoi en commission. Il sera effectivement utile d'en discuter. Le Conseil d'Etat souhaite simplement vous rendre attentifs au fait que la motion telle qu'elle est rédigée impliquerait un engagement financier qui pose naturellement question.

Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, l'enfer est pavé de bonnes intentions. S'agissant des trains de nuit, il faut vraiment être conscient, on l'oublie souvent, que les sillons - puisque en matière ferroviaire, on parle de sillons - sont largement occupés, en Suisse comme à l'étranger, par des trains de marchandises, donc là où on verrait assez facilement des trains de nuit, en réalité, il est relativement compliqué de les faire circuler.

Il faudra bien sûr auditionner les CFF en commission, parce que la régie a développé une stratégie sur les trains de nuit. Par définition, le train de nuit sort de Suisse, donc il y a une expansion internationale qui suppose un soutien politique au niveau fédéral, mais également des rames, du matériel et une conception des horaires plus généreuse que celle qu'on a aujourd'hui.

Cela étant, sur le principe, bravo aux motionnaires, parce que cet objet soulève une bonne question. Le Conseil d'Etat est favorable, notamment dans sa perspective ferroviaire internationale, à ce que Genève puisse voir partir de sa cité un certain nombre de trains de nuit ainsi qu'accueillir des haltes pour ces convois. Dès lors, nous ne pouvons que nous associer à celles et ceux qui incitent à un renvoi en commission, où nous nous réjouissons de traiter cette intéressante matière.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer sur le renvoi en commission - ce qui aurait déjà pu être le cas si vous n'aviez pas voté l'urgence, mais enfin... (Remarque.) Il s'agit de la commission des transports.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3063 à la commission des transports est adopté par 71 oui (unanimité des votants).

Le président. C'est extraordinaire, c'est magnifique !

Mesdames et Messieurs les députés, nous allons marquer une petite pause jusqu'à 18h05. A tout à l'heure !