Séance du
vendredi 1 novembre 2024 à
16h10
3e
législature -
2e
année -
6e
session -
35e
séance
M 3050
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir la M 3050, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. La parole va à l'auteur, M. Erard.
M. François Erard (LC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, cette proposition de motion a été déposée au lendemain de la rupture d'une conduite d'eau potable, survenue la nuit du 29 septembre dernier. (Brouhaha.) Je ne vais pas vous remémorer... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député, un instant. Est-ce qu'on peut avoir un peu de silence ! Merci. Vous pouvez continuer, Monsieur.
M. François Erard. Merci. Je ne vais pas vous remémorer ici tout le déroulé de cet accident, dont vous avez toutes et tous pu prendre connaissance dans la presse. Je pense que nous devons, avant toute chose, remercier sincèrement les employés des SIG qui, sur le terrain, de nuit, durant le week-end, sont rapidement intervenus pour réparer cette fuite. Il en va de même pour les magistrats communaux, qui ont fait preuve de beaucoup d'initiative et d'inventivité pour répondre aux nombreuses interrogations et demandes d'aide de la population, alors qu'ils n'avaient pas beaucoup de biscuits sous la main.
Si les moyens mis en oeuvre par les SIG et leur rapidité d'intervention sur le terrain face à cette urgence ont bien fonctionné et doivent être relevés, la suite des opérations est beaucoup moins satisfaisante. En effet, il aura fallu attendre dix heures - dix heures ! - entre l'alerte suite à la rupture de la conduite et le moment où une information officielle est parvenue, via un mail, aux autorités communales. On peut aussi s'interroger sur les vingt-cinq communicants aux SIG et se demander ce qu'ils ont fait durant ce laps de temps ! Comment se fait-il par ailleurs que les nombreuses autorités cantonales impliquées dans cette crise aient autant tardé à communiquer ? Nul ne le sait à ce jour.
Il n'en demeure pas moins que durant ces dix longues heures, les 40 000 habitants des 13 communes concernées ont été à la merci d'un risque sanitaire potentiellement majeur ! Faute d'informations, les magistrats communaux n'ont pas été capables de répondre à leurs habitants, par ailleurs confrontés - et vous vous en souvenez peut-être - à un premier message anxiogène délivré par Alertswiss disant qu'il fallait éviter tout contact de l'eau avec la peau ! Ce malheureux événement a mis en lumière de graves insuffisances tant du côté des SIG que des autorités cantonales genevoises, et une impréparation patente dans la gestion d'une situation de crise.
Au vu de ce constat et de cette gabegie, ce texte vise principalement à demander, pour l'avenir, sur la base des enseignements qui pourront être tirés de l'événement du 29 septembre, une amélioration et une clarification de toute l'échelle de délégation entre les autorités cantonales, les autorités communales et les SIG. Il s'agit de définir quelles entités publiques doivent prendre les décisions dans les différentes étapes d'une situation d'urgence, comment elles doivent agir et communiquer et envers qui. Un répondant unique devra également être mis à disposition pour les magistrats communaux. En outre, l'Etat devra proposer un système d'information et d'alerte numérique simple et accessible à l'ensemble de la population, permettant de suivre l'évolution d'une situation d'urgence, de recevoir des conseils et des démarches à suivre pour faire face à cet événement. Le Centre vous invite donc à faire bon accueil à cette motion et à l'accepter. Je vous remercie.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous avons effectivement vécu, en tout cas ceux qui habitent sur la rive gauche, un dimanche assez particulier: nous nous sommes réveillés et avons bu l'eau du robinet, nous avons fait les biberons de nos enfants avec l'eau du robinet, nous avons donné à boire à nos aînés l'eau du robinet jusqu'à environ 15h, moment où nous avons appris qu'il y avait eu cette rupture de conduite pendant la nuit et que, potentiellement, nous n'aurions pas dû boire cette eau du robinet !
Il y a eu, à juste titre, beaucoup de réactions au sein de la population, qui s'est demandé pourquoi elle n'a pas été informée avant, au moins pour lui indiquer de ne plus boire l'eau du robinet - même si l'on ne pouvait pas donner des informations sur ce qu'il fallait faire d'autre, au moins lui dire: arrêtez de boire l'eau et vous serez bientôt informés sur la suite. Non ! Il y a effectivement eu des couacs de communication qui sont partiellement dus aux SIG, mais aussi à d'autres parties prenantes - la motion en parle. Toute une chaîne de crise doit se mettre en place, une chaîne de communication, et il y a manifestement eu plusieurs dysfonctionnements.
Nous sommes donc, au parti socialiste, tout à fait en faveur de cette motion - avec un amendement sur lequel je reviendrai - pour faire la lumière sur ce qui s'est passé, mais surtout pour trouver des solutions concrètes pour l'avenir, afin que de tels dysfonctionnements ne puissent plus arriver. Alors on sait que les SIG, que - je ne pense pas trahir un secret - nous avons reçus à la commission de contrôle de gestion, sont en train d'analyser l'ensemble de la chaîne de cette crise, et puis on sait aussi que le canton est en train de faire de même de son côté, mais sur l'ensemble des dysfonctionnements touchant l'ensemble des parties prenantes, et donc pas seulement les SIG.
C'est pour ça que le parti socialiste vous propose un amendement pour supprimer la première invite, qui demande au Conseil d'Etat d'effectuer un audit sur la gestion des SIG afin d'identifier tous les dysfonctionnements, etc. Nous pensons que ça ne sert à rien de faire un audit sur la gestion des SIG portant sur l'ensemble de cet événement; que chacun fasse son analyse, comme je l'ai dit. Sans cette première invite - si, donc, vous acceptez l'amendement visant à supprimer la première invite -, nous entrerons en matière sur les deux autres et nous soutiendrons par conséquent la motion du Centre.
Et par rapport à la rupture de conduite, Monsieur le président, permettez-moi de préciser que c'est certainement un problème de mécanique des fluides: quand vous injectez beaucoup beaucoup d'eau et beaucoup de pression, eh bien il peut y avoir rupture tout d'un coup. On peut imaginer que la même chose exactement peut arriver avec des autoroutes: si vous les élargissez trop, à un moment donné, vous amenez tellement de trafic qu'il peut y avoir rupture dans les centres urbains - mais ça, c'est un autre débat. (Rire.) Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai tout d'abord été assez surpris par le ton extrêmement populiste de cette motion, où l'on affirme à l'emporte-pièce des choses: on parle d'«insuffisances inadmissibles» et d'«impréparation patente» alors même qu'on ne sait pas vraiment ce qui s'est passé ! Ma première réaction était de me demander pourquoi ça vaut la peine de requérir un audit si l'on est déjà sûr que tout a mal fonctionné; je me suis posé cette question-là. Et, on l'a dit tout à l'heure, le fait qu'il y avait un potentiel de pollution de cette eau a été reconnu relativement tard et non au moment où la conduite a explosé; on ne peut donc pas dire que, de façon certaine, il y avait une pollution de cette eau. Par conséquent, j'ai trouvé les considérants de cette motion quand même très très affirmatifs.
Cela dit, je veux bien entendre qu'il y a eu des dysfonctionnements en matière de communication, que la population a probablement été informée tardivement, que les communes ont été informées de façon bizarre. Je veux bien entendre ça, et c'est pourquoi nous entrerons également en matière sur cette motion, en supprimant... Je remercie par ailleurs l'auteur de la motion d'avoir reconnu le travail effectué par les employées et les employés des SIG à partir du milieu de la nuit de samedi à dimanche - au moins ça, ça a été précisé.
Nous entrerons donc en matière sur cette motion moyennant la suppression de la première invite, qui est à mon avis trop ciblée sur la communication des SIG, sachant que ce n'était pas vraiment la responsabilité des SIG de faire l'analyse sanitaire de l'eau, mais plutôt celle des services de l'Etat. A partir du moment où l'on supprime cette première invite, je vais retirer mon amendement qui visait à éviter de cibler les SIG. Et moyennant le vote de la suppression de la première invite, nous soutiendrons cette motion.
Le président. Vous retirez donc votre amendement, Monsieur ?
M. Pierre Eckert. Oui, je retire mon amendement.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Sirolli.
M. Geoffray Sirolli (PLR). Merci, Monsieur le président. Le groupe PLR accueille aussi cette motion favorablement. Pour avoir été directement sur le terrain, impliqué dans les communes d'une part, mais également en tant que pompier volontaire, je me joins au premier signataire pour les remerciements à toutes les personnes concernées par cette crise, qui ont essayé de résoudre au plus vite cette situation problématique.
Mais des questions méritent réponse, clairement, et ce de la part de tous les acteurs. Aujourd'hui encore, on a un peu de peine à savoir si la responsabilité, en matière de communication, revenait aux SIG ou à l'Etat. On est un peu, même aujourd'hui, dans un flou total. Un travail doit donc être mené, un audit. C'était un coup, une balle à blanc, comme on dit, heureusement sans conséquences graves, mais nous devons être mieux préparés à l'avenir pour régler ce type de situation.
Sur place, quand je suis allé faire du porte-à-porte avec les pompiers volontaires, j'ai vu parfois de la crainte, de l'incompréhension de la part de la population - une incompréhension quant au fait qu'ils n'aient pas été avertis plus rapidement; une incompréhension à cause du micmac dans les informations reçues: certaines annonces disaient de ne pas toucher l'eau, d'autres expliquaient qu'il n'y avait pas de problème. Ce mélange des genres ne peut plus se produire, surtout pas dans une telle situation: l'eau potable est un bien essentiel et indispensable pour notre population. C'est pourquoi le PLR soutient entièrement cette motion et l'appuiera autant que possible. Merci beaucoup.
M. François Erard (LC). Je voudrais juste préciser que Le Centre accepte l'amendement de M. Thomas Wenger qui vise à supprimer la première invite. Merci.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Le problème est important, M. Sirolli l'a bien dit ! Je ne sais pas où sont les responsables de cette histoire-là ! Moi, je ne soutiendrai pas l'amendement, mais le problème est suffisamment grave pour que cette proposition de motion soit renvoyée en commission, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous avons donc une demande de renvoi; à quelle commission voulez-vous renvoyer le texte, Monsieur ?
M. Jacques Jeannerat. Ça m'est complètement égal, Monsieur le président. (Rires.)
Le président. Non, Monsieur le député, vous devez...
M. Jacques Jeannerat. Alors à la commission de l'énergie et des Services industriels ! (Protestations.)
Une voix. Mais non, à la commission de contrôle de gestion !
Le président. A la commission de l'énergie ou à la commission de contrôle de gestion, Monsieur le député ?
M. Jacques Jeannerat. Allons-y pour la commission de contrôle de gestion ! (Rires.) Il en reste encore quatorze, on a tout le temps !
Le président. D'accord. (Remarque.) Madame la conseillère d'Etat, vous voulez vous exprimer sur ce renvoi en commission, mais ce sera à la fin du débat, pas tout de suite: il y a d'autres intervenants. (Remarque.) Avant le vote sur le renvoi, oui. Monsieur Eckert, vous avez la parole.
M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, ça me paraît utile de renvoyer ce texte à la commission de contrôle de gestion si jamais il doit y avoir un renvoi en commission: nous avons commencé à y auditionner les diverses instances. Pour l'instant, nous avons, nous, renoncé à ce renvoi en commission au profit de l'amendement de M. Wenger. Mais si renvoi il doit y avoir, c'est clairement à la commission de contrôle de gestion.
M. François Erard (LC). Chers collègues, Le Centre s'opposera à un renvoi, partant du principe que la dernière invite de la motion est suffisamment claire pour déterminer et améliorer tous les processus de délégation de compétences; il n'y a donc pas besoin de renvoyer le texte en commission. Je vous remercie.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous venez de vous prêter à un exercice intellectuel des plus étranges. D'une part, vous dites - vous êtes plusieurs à dire: on ne sait finalement pas très bien ce qui s'est passé. Par contre, vous êtes aussi plusieurs à savoir exactement ce qu'il faut faire pour que ça ne se reproduise plus !
Ce n'est pas le point de vue du Conseil d'Etat, qui, comme vous, ne sait pas à ce jour ce qui s'est exactement passé. Mais lui a commencé à travailler pour essayer de le déterminer, tout comme - et c'est là le propos de mon intervention sur le renvoi en commission - la commission de contrôle de gestion, qui a également commencé à travailler dans ce même but. Le Conseil d'Etat a du reste écrit, très récemment, à cette commission afin de lui expliquer ce qu'il entend faire pour savoir ce qui s'est passé et comment il entend collaborer avec elle à cet égard. Mais, évidemment, ces communications ne peuvent pas... Enfin, les informations peuvent vous parvenir tant par le biais de la commission de contrôle de gestion que par celui du Conseil d'Etat, et c'est là le sens de mon intervention.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a décidé de faire un rapport - ce qu'on appelle un «retex», un retour d'expérience - sur les éléments positifs et négatifs de cet événement, avec tous les intervenants impliqués ce jour-là. Il propose de partager les résultats de ce rapport avec la commission de contrôle de gestion. Il me semble par conséquent que le renvoi à la commission de contrôle de gestion serait, une fois n'est peut-être pas coutume, la manière la plus rationnelle de traiter cet objet.
Si vous ne désirez pas renvoyer cette proposition de motion en commission, elle peut effectivement être votée sur le siège, et les éléments du rapport qui seront présentés à la commission de contrôle de gestion feront également office de réponse à la motion ! Les deux chemins nous mènent à Rome ! Il me semble que l'un d'entre eux, celui du renvoi à la commission de contrôle de gestion, est peut-être plus tourné vers une collaboration entre nos deux instances que celui qui passe par le renvoi au Conseil d'Etat, mais finalement peu importe: si vous préférez prendre les chemins de traverse, l'exécutif pourra néanmoins faire son retour d'expérience et le travail tel qu'il l'a convenu. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons tout d'abord voter sur l'amendement, puis nous nous prononcerons sur le renvoi à la commission de contrôle de gestion. (Commentaires.)
Une voix. D'abord sur le renvoi !
Le président. Effectivement ! Je lance donc le vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3050 à la commission de contrôle de gestion est adopté par 50 oui contre 28 non. (Commentaires pendant la procédure de vote.)