Séance du
vendredi 1 novembre 2024 à
14h
3e
législature -
2e
année -
6e
session -
34e
séance
P 2196-A
Débat
Le président. Nous passons au traitement des pétitions en catégorie II, trente minutes. Voici la première: la P 2196-A. La parole va à M. Geoffray Sirolli.
M. Geoffray Sirolli (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes ici pour discuter de la pétition 2196, qui demande de faire passer la vitesse de 50 km/h à 30 km/h sur la route de Compois, juste à côté du hameau d'Essert. Il faut savoir que cette pétition a recueilli huit signatures. Huit signatures, c'est bien moins que le nombre d'habitants de la localité d'Essert. N'habitant pas loin, j'ai fait mes devoirs et je suis allé voir les résidents de ce hameau: le manque de soutien à cette pétition était flagrant, même dans la communauté directement touchée, puisque les gens ne se sentent pas du tout concernés, il s'agit du problème d'une seule personne.
Alors que faire ? Faut-il modifier toute une infrastructure pour une seule personne ? Si on commence à répondre à chaque demande individuelle visant à réduire la vitesse ou à limiter les nuisances sonores, on risque très vite de se retrouver submergés par des dizaines de requêtes similaires, ce qui représentera des coûts et des contraintes ingérables pour notre canton. Il est utile de rappeler que lorsque cette personne a acheté sa maison, elle était parfaitement au courant de la situation de cette route; elle n'est pas venue par hasard, elle s'est installée en toute connaissance de cause.
Par ailleurs, des efforts importants ont déjà été consentis pour améliorer la sécurité des usagers. De nouvelles pistes cyclables ont été aménagées le long de la route et un radar a été installé 50 mètres avant sa maison afin d'éviter le surplus de vitesse. Cela montre bien que le canton prend déjà en compte les besoins des résidents. Sur le plan technique, des contrôles réguliers indiquent que les seuils de bruit sur cette route restent acceptables pour une zone artisanale; ces relevés confirment que les limites légales ne sont pas dépassées. Le canton a tout de même pris des mesures pour atténuer les nuisances avec un radar, comme je l'ai dit, et un bitume antibruit, tandis qu'un nouveau revêtement phonoabsorbant est prévu lors de la prochaine réfection de la route.
Enfin, il faut souligner l'importance stratégique de la route de Compois pour la rive gauche genevoise. Ce n'est pas un petit chemin de campagne, mais un accès essentiel situé à proximité d'une zone artisanale et emprunté chaque jour par de nombreux usagers pour des déplacements aussi bien professionnels que personnels. Plutôt que de céder à des demandes de solutions isolées et inefficaces, il s'agit de poursuivre des aménagements durables et bien réfléchis en collaboration avec tous les acteurs pour que cette route continue à servir l'ensemble de la population. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission vous recommande de classer cette pétition. Merci beaucoup.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition concerne le bruit: elle évoque la souffrance des habitants qui vivent près d'une route très fréquentée, proche d'une zone industrielle en développement et qui connaît une constante augmentation de trafic. Derrière ce texte, il y a donc une souffrance. La demande est simple, il s'agit juste de prolonger la limitation de vitesse qui est déjà effective au sein du hameau.
Alors bon, M. Sirolli - vous transmettrez, Monsieur le président - a mené sa petite enquête et demandé aux habitants s'ils souffraient vraiment; son retour négatif, c'est peut-être l'effet village, le pétitionnaire nous a bien expliqué qu'il n'était pas simple de discuter au sein d'un hameau où tout le monde se connaît; les gens ont peur de s'engager. Il y a peut-être aussi une souffrance qui n'est pas entendue, parce que certains bénéficient de murs antibruit et d'autres pas. Ce n'est pas égalitaire, il y a un problème d'équité.
M. Sirolli - vous transmettrez encore - a parlé de propositions isolées et inefficaces, mais surtout très chères: ce qui a été mis en place, c'est un revêtement phonoabsorbant, un radar. Avec le temps, on voit bien que ces mesures n'ont pas d'effets. Le phonoabsorbant, ça s'use, ça coûte cher et il faut le renouveler régulièrement; un radar, c'est onéreux et on sait très bien comment se comportent les usagers de toutes sortes, que ce soit les automobilistes, les motards, les scootéristes ou les quarante tonnes: on ralentit avant le radar, puis on accélère, et ce bruit-là a un impact sur la santé des personnes qui vivent près de la route.
Nous, les Vertes et les Verts, soutenons toutes les mesures légères, faciles, gratuites et efficaces. On sait que faire passer la vitesse de 50 km/h à 30 km/h diminue les nuisances de moitié. Cette pétition demande simplement un prolongement de la limitation de vitesse sur quelques centaines de mètres - 150 mètres - pour que les habitants bénéficient d'une meilleure qualité de vie. Ce n'est pas énorme, il s'agit juste de dire aux personnes qui passent sur ce tronçon: «Il y a une limitation à 30 km/h, au lieu d'accélérer tout de suite, regardez le panneau et continuez un petit bout à 30 km/h pour la qualité de vie des habitantes et des habitants.» Nous vous invitons à soutenir cette pétition pour répondre à la souffrance des résidents, c'est une question de santé publique. Merci.
M. Jean-Pierre Tombola (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette pétition reflète un problème général qui est constaté dans tout le canton, du moins sur les axes très fréquentés par les véhicules. Les conséquences de la pollution émise par le transport individuel motorisé sur la santé des personnes ne sont plus à démontrer. Plusieurs études sérieuses indiquent clairement que l'exposition prolongée au bruit diminue la qualité de vie: anxiété, insomnie, maux de tête, pertes de concentration, etc. Selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), l'exposition prolongée aux nuisances sonores constitue un facteur de développement des troubles cardiovasculaires, c'est une évidence.
Ce que vise cette pétition, tout simplement, c'est une réduction de la vitesse; elle ne demande pas de stopper le trafic, mais juste de limiter la vitesse pour que les habitants puissent bénéficier d'une certaine quiétude. Vous savez que le phénomène des nuisances sonores affecte généralement les personnes les plus vulnérables: les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes. Ce sont des personnes prédisposées à certaines maladies cardiovasculaires ou respiratoires.
Ce texte demande que le Grand Conseil prenne en considération cette dimension de santé publique. La question de l'impact des nuisances sonores et du trafic individuel motorisé nous interpelle. En effet, on ne peut pas forcément choisir son lieu d'habitation, tout le monde n'a pas la chance de choisir son domicile. Le rapporteur de majorité a soutenu que la personne savait qu'elle emménageait à proximité d'une route, qu'il y avait des nuisances, mais le lieu d'habitation n'est pas toujours un choix pour les gens.
Le pétitionnaire souhaite juste faire passer la vitesse de 50 km/h à 30 km/h, et nous avons le devoir, la responsabilité d'accorder cette requête, ce n'est pas trop demander à notre Grand Conseil. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat et vous invite à faire de même. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC). Remettons cette pétition dans son contexte. Quelques rares personnes l'ont signée, elle n'émane que d'un seul individu qui se plaint depuis des années du bruit sur cette route alors qu'il existait déjà quand il s'est installé. Un radar a été posé et le tronçon en question a été placé à 50 km/h pour diminuer les nuisances. Les mesures de bruit révèlent que les valeurs limites ne sont pas dépassées. Un revêtement phonoabsorbant est aussi prévu à cet endroit.
L'office cantonal des transports nous a appris que le pétitionnaire se plaint également du développement de la Pallanterie, où 2500 emplois sont prévus à terme, alors que personne n'a remis en question cette zone d'activités. Selon l'OCT, il ne sera pas possible d'en faire davantage que ce qui a déjà été réalisé, puisque les normes sont respectées. Il n'y a pas de motif objectif pour baisser davantage la vitesse, car le hameau est en retrait de la route.
Ainsi, contrairement à des quartiers très denses de la ville qui subissent un bruit avéré et où il s'agit d'intervenir pour tenter d'améliorer la situation, dans ce cas, le canton a déjà fait autant qu'il le pouvait. Le Centre soutient le classement de cette pétition. Merci.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Effectivement, il ne s'agit pas d'un problème général, mais bien d'un problème particulier, tant le rapporteur de majorité que ma préopinante l'ont bien expliqué. Le hameau, cela vient d'être relevé, est décentré par rapport à la route. Avant la localité, on est en rase campagne; après, on est en rase campagne également, donc la limitation est à 80 km/h avant et après. La loi fédérale sur la circulation routière interdit de passer de 80 km/h à 30 km/h, il faut d'abord passer de 80 km/h à 50 km/h sur une centaine de mètres ou 200 mètres, puis à 30 km/h, ensuite de nouveau à 50 km/h avant de retrouver le 80 km/h.
On ne va pas tout changer pour un bonhomme qui refuse de déménager ! Il dit qu'il souffre du bruit depuis huit ans, mais bon sang de bois, ses voisins n'ont pas le même discours ! Non, non, ce n'est pas un problème général, c'est un problème strictement particulier. Je rejoins les préopinants: si c'était un village avec beaucoup de monde, passe encore, mais là, c'est un individu unique dans un hameau qui est décentralisé par rapport à la route dont on parle. J'en ai terminé et je demande qu'on suive le rapport de majorité.
Mme Lara Atassi (Ve). Permettez-moi, chers collègues de la majorité, de vous résumer le cercle du bruit que vous nous offrez avec vos décisions. Premièrement, vous nous dites qu'il faut pouvoir circuler en ville, que les travailleurs, les personnes qui viennent de loin, celles qui ont des difficultés à se déplacer doivent pouvoir venir en ville. Il y a donc du bruit en ville. Et vu qu'il faut les laisser passer, on ne prend pas de mesures pour réduire ces nuisances.
Ensuite, vous rétorquez: «Ils n'ont qu'à habiter à la campagne.» Certains partent ainsi à la campagne et ils ont besoin d'une voiture, puisque c'est plus loin, et il y a encore des voitures qui passent devant chez eux. Et là, vous nous sortez: «Ils savaient bien qu'il y avait du bruit, ils n'ont qu'à déménager ailleurs.» Mais que voulez-vous ? Qu'ils déménagent dans un trou paumé ? Là, ils auront vraiment besoin d'une voiture, parce qu'il n'y aura aucun moyen d'accéder à un quelconque service. Du coup, comme il faudra une voiture, eh bien on recréera du bruit pour toutes les personnes qui se trouvent en aval. Voilà ce que vous nous proposez.
Alors moi, Mesdames et Messieurs, je vous pose la question: où peut-on habiter dans ce canton pour ne pas subir le bruit, pour ne pas être réveillé la nuit, pour pouvoir s'apaiser, déstresser mentalement, mais aussi physiquement, laisser de côté toutes les difficultés qu'on vit durant la journée ? Pour ma part, je ne sais pas. En tout cas, je vois bien qu'il n'y a pas de solution à trouver du côté de la droite. Merci. (Applaudissements.)
M. Christian Steiner (MCG). J'aimerais profiter de ce énième sujet sur le bruit pour préciser que ce qu'on entend sur les rangs de la gauche, à savoir que 120 000 personnes souffrent du bruit, c'est tout simplement faux ! Ma chambre à coucher donne sur un axe secondaire comme celui-ci, limité à 50 km/h, avec deux fois deux voies, eh bien ma famille et moi, c'est-à-dire cinq personnes, ne souffrons pas. On entend les voitures, mais on ne peut pas parler de souffrance. Dans l'immeuble, qui comprend quelques centaines d'appartements, on entend le bruit, mais on ne souffre pas, on ne s'en plaint pas. De plus, avec la pose de revêtement phonoabsorbant, on n'entend presque plus les voitures, on se demande ce qu'elles sont devenues. Ainsi, parler de la souffrance de 120 000 personnes est exagéré. Nous voterons le classement de cette pétition.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de minorité. On entend des choses incroyables dans ce plénum, on entend la remise en question de statistiques officielles, on entend que parce qu'on ne souffre pas du bruit individuellement, les autres ne souffrent pas, on entend que si on souffre du bruit, il faut déménager. Mais déménager nécessite des ressources financières ! C'est aussi une question sociale, il faut avoir les moyens de déménager, ça coûte cher. Je rappelle en passant que Genève connaît une crise du logement, des milliers de personnes sont sur liste d'attente pour trouver un appartement, on le sait bien, donc trouver un logement est extrêmement difficile, ce n'est pas si simple de déménager.
Une personne se mobilise, propose une alternative qui, je le rappelle, est gratuite, ne coûtera rien à l'Etat, il s'agit juste de ralentir, de diminuer la vitesse pour des questions de santé, et toutes ces mesures gratuites qui sont proposées pour des questions de santé publique sont refusées par la majorité de droite qui, en revanche, est d'accord de fermer des douanes quand le bruit concerne un village. Il faut m'expliquer un peu la différence de contexte entre le bruit en ville, dans les villages, à la frontière ou sur des routes de campagne. Le bruit reste du bruit, la souffrance reste de la souffrance. Merci. (Applaudissements.)
M. Geoffray Sirolli (PLR), rapporteur de majorité. Je vais raconter l'histoire différemment, vu que nos amis Verts et socialistes semblent très mal connaître la campagne et encore moins bien, à ce que je vois, les villages. Je vais vous donner un exemple qui vous permettra peut-être de comprendre la situation. Imaginons que ça se passe à côté d'une gare - Cornavin, par exemple -, que quelqu'un achète un appartement à côté de cette gare. (Remarque.) Oui, ou loue un appartement.
Il trouve que les trains font beaucoup de bruit, alors que décide-t-il ? Il se dit: eh bien moi, j'aimerais avoir un peu de calme, je trouve que les trains, même si je savais qu'ils étaient là et qu'ils passeraient tous les jours, font beaucoup de bruit, j'aimerais que ça s'arrête, donc je vais lancer une pétition pour supprimer tout ça et tout le monde va me suivre, ça va très bien marcher.
Mesdames et Messieurs, ce n'est pas du tout réaliste. Il faut bien entendu penser à la communauté dans son ensemble, laquelle passe avant des intérêts particuliers. Voilà ce que nous allons mettre en avant en classant cette pétition. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. Nous procédons au vote sur les conclusions de la majorité, à savoir le classement de la pétition.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (classement de la pétition 2196) sont adoptées par 58 oui contre 32 non (vote nominal).