Séance du vendredi 1 novembre 2024 à 14h
3e législature - 2e année - 6e session - 34e séance

P 2174-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition pour une prime de solidarité exceptionnelle de 1000 francs pour les personnes qui touchent des prestations complémentaires et/ou l'aide sociale du service des prestations complémentaires SPC
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 31 octobre et 1er novembre 2024.

Débat

Le président. Nous enchaînons avec la P 2174-B (catégorie III). Je cède le micro à M. Julien Nicolet-dit-Félix.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le 22 mars dernier, vous vous en souvenez certainement, ce Grand Conseil renvoyait à une très large majorité au Conseil d'Etat cette pétition déposée en juin 2023 qui demandait qu'on octroie une prime exceptionnelle et unique à ceux parmi nos aînés qui vivent dans la plus grande précarité, c'est-à-dire ceux qui touchent les prestations complémentaires.

Il était évidemment implicite que ce renvoi au Conseil d'Etat invitait celui-ci à donner suite à cette pétition, éventuellement à l'aménager si certains de ses aspects devaient l'être, mais en tout cas à entrer en matière sur la demande des plus de quatre mille signataires de ce texte.

La réponse que nous avons reçue du Conseil d'Etat est franchement indigne, elle est inacceptable. Elle l'est sur les deux aspects qui prétendent justifier une fin de non-recevoir sur ce texte. Le premier, Mesdames et Messieurs, consiste en définitive en une série de dispositifs que l'Etat a pour certains indexés à l'indice des prix à la consommation et pour lesquels on nous suggère que l'Etat de Genève est particulièrement généreux envers nos aînés les plus précaires, qui seraient peut-être les gens les plus privilégiés de notre république. Il n'en est évidemment rien ! Genève partage avec le Tessin le triste record du taux de précarité le plus élevé parmi les aînés. Mesdames et Messieurs les députés, la situation depuis juin 2023 s'est aggravée en la matière, malgré les quelques actions entreprises pour aider ces personnes.

Ce rapport mentionne également la treizième rente AVS. Cette mention est intéressante, mais elle est également indigne, car elle dit clairement aux gens: «Attendez jusqu'en décembre 2026 pour cesser de crevoter ou de vivoter dans votre situation !» C'est une réponse également inacceptable.

Le dernier aspect, c'est le coût. 29 000 personnes fois mille, ça fait 29 millions. Alors évidemment, dit comme ça, c'est une somme qui est importante. Je vous invite à lire le rapport sur la baisse d'impôts qui nous sera proposée le 24 novembre: la dernière ligne de la ventilation concerne les contribuables qui déclarent plus de 2 millions de revenus imposables. Ils sont 412, Mesdames et Messieurs, dans ce canton, et le cadeau fiscal que le Conseil d'Etat s'apprête à leur accorder est de 31 millions, c'est-à-dire un montant supérieur à ce que le Conseil d'Etat refuse aux seniors, aux aînés les plus précaires de ce canton, sous prétexte d'austérité budgétaire !

C'est simplement honteux ! Il faut renvoyer ce texte au Conseil d'Etat en lui donnant la mission claire d'agir rapidement, afin que les personnes concernées puissent obtenir cette prime unique avant les fêtes de fin d'année. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S). Le parti socialiste fait siennes les excellentes remarques de M. Julien Nicolet-dit-Félix. Je reprendrai l'argumentation là où il s'est arrêté, parce que finalement, l'enjeu est bien là: quand le Conseil d'Etat nous dit que 29 millions pour les aînés, et les plus précaires d'entre eux... Il s'agit de ceux qui bénéficient des prestations complémentaires AVS/AI, à savoir ceux qui n'ont pas assez avec l'AVS et leur deuxième pilier pour vivre et à qui les prestations complémentaires permettent d'atteindre le minimum vital. Le Conseil d'Etat nous présente un peu benoîtement ce qui existe, les prestations complémentaires fédérales, cantonales, peut-être municipales. Il nous dit que nous faisons tout très bien, mais en même temps, il ne prend pas en compte l'augmentation du coût de la vie, l'augmentation des charges, comme celles de l'électricité, ni la précarisation constante induite en grande partie par l'augmentation des loyers - vous le savez, ces derniers ont été adaptés ces dernières années. Il semble donc vivre dans une espèce de bulle.

En parallèle, et je reprends l'argument de M. Nicolet-dit-Félix, à l'occasion de la votation du 24 novembre, le Conseil d'Etat nous dit que 29 millions, c'est trop, qu'on ne peut pas se permettre un «one shot» (soit simplement 29 millions, puis on s'arrête là), mais que par contre, il va pérenniser (et pas seulement pour une année, mais peut-être pour des dizaines d'années) ces cadeaux qui se trouvent dans la votation du 24 novembre, qui vont accroître les pertes fiscales et péjorer le pouvoir d'achat de ces mêmes aînés, en faisant une faveur aux plus riches, soit exactement 433 personnes, qui bénéficieront d'un cadeau fiscal de plus de 31 millions.

Comment voulez-vous, politiquement, aller devant des aînés précaires en disant que le Grand Conseil, ou en tout cas sa majorité, invite à voter une baisse d'impôts qui va bénéficier aux plus riches, mais que ces 29 000 personnes - là, ce ne sont quand même pas 433 personnes ! - n'ont pas droit à une fois mille francs, alors qu'on a eu des comptes majestueux en 2023 et en 2024 ! C'est inacceptable, c'est «inentendable», et le Conseil d'Etat, je m'excuse, est ici à côté de ses pompes. Evidemment qu'il faut renvoyer cette réponse. Et de grâce, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, ne nous prenez pas pour des dindons, faites le job et, s'il vous plaît, pensez à nos aînés ! Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je prie l'assemblée de se prononcer sur cette demande de renvoi au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2174 est rejeté par 39 non contre 34 oui et 2 abstentions.

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2174.