Séance du vendredi 1 novembre 2024 à 14h
3e législature - 2e année - 6e session - 34e séance

M 2927-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Natacha Buffet-Desfayes, Yvan Zweifel, Murat-Julian Alder, Pierre Conne, Alexis Barbey, Jacques Béné, François Wolfisberg, Francine de Planta, Michael Andersen, Véronique Kämpfen, Marc Falquet : Stop à la diminution des jours de cours et au prolongement des sessions d'épreuves et d'examens pour les élèves genevois !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 31 octobre et 1er novembre 2024.

Débat

Le président. Nous abordons à présent la M 2927-B (catégorie III). Madame de Chastonay, vous avez la parole.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la réponse du Conseil d'Etat ne satisfait pas les Vertes et les Verts puisque dans la conclusion, il est mentionné que la journée du 14 juin (ça dit peut-être quelque chose à ce parlement, c'est la journée de la grève des femmes) sera dorénavant traitée comme un jour ordinaire - je parle bien évidemment de la session d'examens des jeunes étudiantes, collégiennes et apprenties.

Grâce à une motion Verte, il avait été décidé en 2019 que ce jour soit dépourvu d'examens afin de permettre à ces jeunes de participer à cet événement, parce qu'il est important et qu'il fait aussi partie de notre histoire. Je rappelle quand même que la grève des femmes, mais aussi l'histoire des suffragettes, du droit de vote des femmes, enfin le féminisme, tout cela est enseigné dès l'école primaire - c'est dans les programmes scolaires dès la 8P -, puis au cycle, au collège ainsi que dans d'autres écoles.

Par conséquent, le jour où l'événement se déroule, si la jeunesse souhaite se mobiliser, c'est important qu'elle puisse le faire. Cette motion Verte avait permis d'ouvrir la possibilité de ne pas prévoir d'examens ce jour-là. Pourquoi ? C'est une question d'anticipation: pour éviter tout stress, pour s'organiser au mieux, pour permettre l'implication de ces jeunes - quels qu'ils soient, filles, garçons ou autres - et qu'ils puissent prendre part à cet événement. Si effectivement il y a des examens, ils manquent quelque chose d'important et cela a des conséquences sur leur parcours scolaire.

Bref, tout ça est très compliqué à gérer, surtout quand on connaît l'engagement des jeunes. On l'a vu pour le climat et également lors de la grève des femmes en 2019 et les années suivantes. Il est donc important de maintenir cette mesure pour des raisons d'anticipation et d'organisation, pour éviter des conséquences néfastes sur cette jeunesse, qui souhaite étudier mais aussi s'engager, militer et participer à cet événement. Pourquoi ? Tout simplement parce que les discriminations existent encore. Tout simplement parce que le cadre légal n'est pas appliqué. Tout simplement parce qu'il n'y a pas encore d'égalité entre les femmes et les hommes. Tout simplement parce qu'il y a encore des discriminations, il y a encore des violences, il y a encore des féminicides. Et pour toutes ces raisons, je demande le renvoi au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)

Mme Caroline Renold (S). Je me joins aux propos de ma préopinante, et j'aimerais ajouter que le rapport du Conseil d'Etat, enfin sa motivation, tient sur une demi-page. En réalité, il y a un seul paragraphe de contenu, que je me permets de vous lire: «Après analyse du calendrier scolaire, il n'a pas été établi de liste de critères stricts qui permettent de définir si une manifestation extrascolaire peut, de manière exceptionnelle, justifier l'absence de cours, d'épreuves et d'examens ce jour-là, car il n'a pas été identifié de manifestation susceptible de faire valoir une libération des élèves et de déplacer des épreuves.»

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le regret de vous informer que le Conseil d'Etat n'identifie pas nos droits fondamentaux ou nos textes constitutionnels. Le Conseil d'Etat n'a pas lu notre constitution cantonale, par exemple son article 32 sur la liberté de réunion et de manifestation, ni notre Constitution fédérale et son article 22, qui consacre la liberté de réunion, ou son article 23, qui garantit quant à lui la liberté d'association, ou encore la Convention européenne des droits de l'homme ou la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le Conseil d'Etat ne semble pas comprendre qu'il y a des critères pour restreindre les droits fondamentaux, soit l'existence d'une base légale - il n'y en a aucune en l'espèce -, le respect de la proportionnalité, qui est violé par une interdiction générale de manifester telle que celle que constitue ce rapport. Ce dernier revient donc à adopter une mesure anticonstitutionnelle. Il est vraiment regrettable que tant le Conseil d'Etat que la droite parlementaire ne fassent pas le lien entre ce mépris pour le droit de manifester des jeunes, moyen d'expression politique d'autant plus important pour ceux qui ne disposent pas encore du droit de vote, et la perte de confiance de la jeunesse dans un système politique qui ne prend au sérieux aucune de ses préoccupations, qu'il s'agisse de la crise environnementale ou de la grève des femmes, et ce alors que le monde du travail que l'on promet à ces jeunes propose à ce jour aux femmes moins de salaire, moins de rentes et plus de tâches domestiques. Le parti socialiste prend donc acte du fait que ce rapport a oublié de tenir compte du droit supérieur et des droits constitutionnels et que la mesure qui vise à forcer par le biais d'examens les élèves à ne pas manifester est simplement anticonstitutionnelle.

Cela découlant du droit supérieur, le parti socialiste ne demande pas nécessairement le renvoi au Conseil d'Etat, mais soutient la demande de ma préopinante et suggérera simplement au Conseil d'Etat de se référer à nos textes constitutionnels, qui garantissent les droits fondamentaux. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Moi, je relève d'abord une chose, c'est que dans la multitude d'articles qui viennent d'être cités, on a oublié l'obligation d'aller à l'école. Clairement, la loi le dit: les enfants doivent aller à l'école, c'est une obligation, les parents doivent envoyer leurs enfants à l'école, sans quoi ils sont sanctionnés. Ça, c'est la première chose.

Maintenant, je ne sais pas si vous avez bien lu le rapport ou si vous l'avez lu en travers, mais on n'a jamais dit qu'on interdisait de manifester. C'est un mythe, ce que vous racontez là ! On indique simplement que si vous n'allez pas à l'école, si vous allez manifester, alors vous prenez vos responsabilités et, le cas échéant, vous serez sanctionné. (Rires.) C'est exactement ce qu'on dit, et pas autre chose. Il faut donc arrêter de faire croire qu'on bafoue les droits démocratiques des habitants de ce canton, c'est un mensonge. Ce que vous racontez relève du mythe. Il y a simplement des lois et des principes qu'il faut respecter.

Voilà ce que dit ce rapport. Ma foi, chacun prendra ses responsabilités. Si des élèves veulent aller manifester, qu'ils le fassent, mais qu'ils prennent alors leurs responsabilités. En ce qui nous concerne, nous prenons acte de cette réponse et nous vous invitons à faire de même. Je vous remercie.

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, juste quelques précisions par rapport à la réponse à cette motion que vous considérez comme sibylline. En effet, je pense qu'on peut dire les choses de manière rapide sans faire des tartines pour répondre à la motion votée par ce Grand Conseil et qui adressait quatre invites au Conseil d'Etat: rétablir la date du 14 juin comme date d'épreuves, ne pas raccourcir l'année scolaire en faveur de manifestations, ne pas prolonger la période d'examens et formuler des critères précis et stricts pour définir si une manifestation extrascolaire peut, de manière exceptionnelle, justifier une absence à une épreuve.

Ce qu'on répond aujourd'hui, c'est que non, on ne considère pas qu'il y ait des critères objectifs stricts qui permettent de libérer des élèves pendant des périodes d'examens. Ce que je vous avais aussi dit au moment du vote de cette motion, c'est que nous pouvions tout à fait être pragmatiques, c'est-à-dire que si on arrive à ne pas prévoir d'examens le jour du 14 juin, cela n'est en effet pas exclu, mais nous ne pouvons pas interdire non plus de mettre des examens à cette date, notamment pour la formation professionnelle.

Et finalement, pour répondre à cette motion qui a été votée, effectivement, le 14 juin est un jour où il peut y avoir des examens. Je rappelle aussi que les élèves concernés par des examens en juin sont avant tout des élèves du secondaire II; il s'agit plutôt d'examens qui ont lieu le matin, or les manifestations auxquelles vous faites référence ont lieu en général en fin de journée. Il nous semblait qu'en l'occurrence, l'un n'empêchait pas l'autre.

On est tous d'accord, Mesdames et Messieurs les députés: on est évidemment contre les violences envers les femmes, on veut retrouver une certaine, enfin pas une certaine, mais l'égalité dans les salaires, etc. Ce n'est pas parce qu'on répond qu'il pourrait y avoir des examens le jour du 14 juin qu'on va mettre en péril le droit des femmes et le respect de l'égalité entre hommes et femmes. Je voulais préciser ces choses-là. Je vous invite à prendre acte de ce rapport. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2927 est rejeté par 52 non contre 31 oui.

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2927.