Séance du
vendredi 1 novembre 2024 à
14h
3e
législature -
2e
année -
6e
session -
34e
séance
M 2996-A
Débat
Le président. J'ouvre le débat sur la M 2996-A (catégorie III) en cédant la parole à M. Sylvain Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Nous avons pris connaissance du rapport du Conseil d'Etat sur la motion adoptée par ce parlement le 1er mars par 57 oui contre 12 non et 18 abstentions. Elle était formulée ainsi: «Genève peut, Genève doit agir». Tristement, la réponse du Conseil d'Etat est plutôt: «Genève pourrait, mais Genève ne devra, ne pourra pas agir», ce que l'on trouve extrêmement regrettable.
Pour rappel, la motion contenait des verbes à l'infinitif, des verbes d'action. Elle invitait le Conseil d'Etat à intervenir auprès de la Confédération pour que la Suisse agisse avec tous les moyens politiques, diplomatiques, économiques et humanitaires à sa disposition afin de favoriser un cessez-le-feu, de déployer des mesures pour prévenir les crimes de guerre et d'oeuvrer à la libération de toutes et tous les otages de ce terrible conflit. Elle invitait également le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour acheminer si possible de l'aide humanitaire, mais aussi bien évidemment à contribuer à faire venir à Genève des personnes victimes de ce terrible conflit pour qu'elles y soient soignées.
Mesdames et Messieurs, nous sommes vraiment extrêmement choqués par cette réponse du Conseil d'Etat - il aurait pu la faire il y a environ quatre ans ! Le rapport indique en gros qu'on a toujours eu un intérêt pour la paix, qu'on a toujours financé le CICR et MSF et qu'on va continuer à oeuvrer dans ce sens. Je vous le résume peut-être un peu durement, mais il ne répond en aucune manière à la motion et aux demandes soutenues par le parlement. Donc soit nous nous en contentons, soit nous sommes dignes de notre rang de députés et des choix que nous avons effectués en renvoyant cette motion, et alors nous demandons au Conseil d'Etat de faire quelque chose. Parce que c'est bien ce que réclame cette motion: que le gouvernement agisse et qu'il en fasse un peu plus que ce qu'il a toujours fait dans le cadre, je dirais, de la Genève internationale. Il y a là un conflit extrêmement violent, extrêmement néfaste pour le droit humanitaire et les habitants, et depuis le 1er mars, vous en conviendrez, la situation n'a fait que se détériorer et empirer.
Par conséquent, le besoin d'action que nous avons exprimé le 1er mars est encore plus fort aujourd'hui, soit sept mois après - parce qu'après les six mois impartis, le Conseil d'Etat a pris un mois supplémentaire pour apporter cette réponse, qui n'est pas satisfaisante. L'urgence est donc encore plus grande. Je vous invite, et avec moi le parti socialiste, à renvoyer ce rapport du Conseil d'Etat à son expéditeur pour lui demander quelles mesures il va prendre et comment il souhaite agir aujourd'hui. En effet, nous sommes maintenant en novembre et les victimes à Gaza continuent de s'accumuler, la situation humanitaire se détériore toujours plus et Genève, contrairement à la requête formulée par le parlement le 1er mars, n'agit pas à la hauteur de sa responsabilité historique et de son statut de ville défendant les droits humains. Merci de votre attention, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
M. Philippe de Rougemont (Ve). Le rapport du Conseil d'Etat est choquant. Nous qui avons la chance d'habiter dans un pays qui bénéficie de la paix depuis des siècles, dans la ville hôte des Conventions de Genève, qui héberge également le CICR, nous avons voté cette motion à une large majorité, or la réponse du Conseil d'Etat est totalement en deçà de nos attentes.
Voici une anecdote susceptible d'apporter un éclairage: un médecin genevois est allé à titre privé en expédition à Gaza il y a plusieurs mois afin de porter assistance et d'organiser un vol pour des enfants qui n'arrivaient pas à trouver des soins d'urgence et risquaient par exemple des amputations. Ce vol à titre privé a été financé par ses propres soins. Lors de ses contacts avec les autorités sur place et en Egypte, ces dernières lui ont fait part de leur étonnement en constatant que cette action n'était pas diligentée par le canton de Genève ou la Confédération. Il leur a répondu qu'il regrettait effectivement que cette initiative soit menée à titre individuel.
A Genève, on possède des infrastructures hospitalières. L'un des éléments demandés par la motion, c'est que Genève organise un autre vol humanitaire de ce type. Il est donc extrêmement triste et choquant de voir la faiblesse de cette réponse du Conseil d'Etat, qui est inacceptable. Je vous enjoins dès lors de la retourner à son expéditeur, car on peut faire beaucoup mieux, c'est-à-dire faire quelque chose ! Merci. (Applaudissements.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). J'ajouterai quelques mots en réponse aux dernières interventions. Effectivement, la situation dans cette partie du monde est absolument dramatique, préoccupante, et on la suit depuis plus d'un an. Avec j'imagine l'ensemble des députés ici présents, nous souffrons de voir cette situation sous nos yeux. Les choses s'enveniment et deviennent plus dramatiques de mois en mois. Le conflit s'étend.
La question, c'est maintenant de savoir ce que peut faire le Conseil d'Etat. Je rappelle que nous n'avons pas de compétences en termes de diplomatie. Nous sommes un canton hôte d'organisations internationales, et le gouvernement possède des pouvoirs qui sont limités.
A titre personnel, la réponse du Conseil d'Etat me convient. Il rappelle le rôle essentiel de Genève, en particulier pour le CICR, mais aussi pour de nombreuses autres organisations internationales que le canton soutient. Il relève également le rôle de la Confédération en tant que dépositaire des Conventions de Genève. Le canton est prêt à organiser une réunion en lien avec ces conventions. Mais cette question est bien sûr de nature internationale ou relève des autorités actives sur le plan national, confédéral. C'est bien entendu au sein du Conseil national et du Conseil des Etats que ces problématiques sont traitées. Les partis qui se sont exprimés ont des représentants à l'Assemblée fédérale et c'est évidemment là que doit se tenir ce débat. Cette volonté systématique de faire de notre Grand Conseil un mini Conseil de sécurité ou une mini Assemblée générale des Nations Unies est complètement déplacée.
Pour ma part, je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse, qui est complète et qui rappelle nos obligations morales en tant que canton. Genève assume ses responsabilités, et je pense que nous pouvons en être fiers, même si - je l'ai dit en introduction - la situation est absolument terrible, nous émeut et nous donne envie de réagir. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Puisqu'il n'y a plus de demande de parole, je lance la procédure de vote sur le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2996 est adopté par 47 oui contre 29 non et 5 abstentions.
Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2996 est donc rejeté.