Séance du jeudi 31 octobre 2024 à 17h
3e législature - 2e année - 6e session - 32e séance

M 2810-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la proposition de motion de Florian Gander, Ana Roch, Françoise Sapin, Daniel Sormanni, Jean-Marie Voumard, Francisco Valentin, Patrick Dimier pour soutenir la population genevoise au bord de l'asphyxie
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 14 et 15 décembre 2023.
Rapport de M. Roger Golay (MCG)

Débat

Le président. L'ordre du jour appelle la M 2810-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. M. Golay ne siégeant plus, son rapport sera présenté par M. Baertschi, à qui je donne la parole.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Le compteur est mis à zéro, je vous remercie ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les auteurs de cette proposition de motion se sont inquiétés de la forte augmentation du trafic pendulaire, frontalier bien évidemment. Il faut impérativement trouver des solutions alternatives à l'automobile pour enlever la pression sur la circulation à Genève. Les motionnaires, qui cherchent avant tout des solutions pragmatiques, ont été rejoints sur ce constat par la commission des transports; ils étaient à l'origine opposés au projet du CEVA, lui préférant une autre solution. Contrairement à ce que disent par erreur de nombreuses personnes, il n'y avait pas une opposition de principe à un axe fort de transports publics, mais un soutien à un axe placé différemment pour être beaucoup plus efficace. Le Léman Express étant réalisé, il est important d'amener les pendulaires à l'utiliser de manière accrue. Ce report modal déchargera le réseau routier. On nous parle d'une hausse du trafic, mais on se rend très bien compte que les mouvements qui ont augmenté ne sont pas suffisants et qu'il faut aller beaucoup plus loin, c'est-à-dire mettre des moyens et étudier d'autres solutions proposées par cette motion, comme le développement de vélos en libre-service à proximité de la frontière.

Il est également demandé de prendre contact avec les entreprises pour que des solutions soient trouvées dans le but de résoudre les problèmes pendulaires. Il convient de souligner un autre élément: la motion d'origine pointait expressément, disons, le trafic des frontaliers. Ce dernier terme a été remplacé de manière beaucoup plus diplomatique dans la version finale du texte par celui politiquement correct de pendulaires, qui sonne mieux aux oreilles de certains dans la commission et dans ce plénum. L'essentiel consiste à donner une impulsion pour aller dans la bonne direction et ainsi à améliorer la vie des habitants de notre canton. Pour ces raisons, la majorité de la commission vous invite à accepter le présent texte.

M. Stéphane Florey (UDC). Cet objet, qui date quand même de 2021, avait tout son sens à l'époque; malheureusement, quand on lit ses invites, on constate qu'elles sont aujourd'hui déjà presque toutes réalisées, et même depuis un moment. Il faut ajouter que le rapport a été déposé en novembre 2023: il a donc été écrit avec quasiment une année de retard par rapport à ce qui était prévu. Cette motion a été gelée de nombreuses fois depuis son dépôt.

Que va nous répondre le Conseil d'Etat, si on la lui envoie ? Que tout est réalisé, que tout est fait ! Très franchement, ce texte aurait même dû être retiré par ses auteurs. Nous n'allons pas le refuser, parce que nous y étions favorables, mais nous abstenir. Très honnêtement, si c'est pour avoir des réponses à propos d'éléments déjà réalisés, ça ne vaut plus vraiment la peine. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'on aurait pu résumer grossièrement la teneur originelle de cet objet en ces termes: «Ils nous embêtent, ces frontaliers, ils n'ont qu'à prendre le bus !» Si je résume un tout petit peu moins grossièrement, il proposait de renforcer l'utilisation du CEVA par les frontaliers, de faire construire des P+R par les Français, d'améliorer l'offre de vélos en libre-service pour les frontaliers et d'inciter les entreprises à ne plus mettre à disposition de places de stationnement pour les travailleurs frontaliers. Vous me direz que c'est un schéma assez récurrent dans les motions du MCG ! Evidemment, le postulat de base de cette motion est faux: qu'elle ait des plaques françaises, genevoises ou vaudoises, une voiture, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, engendre les mêmes nuisances, nuisances sonores, pollution atmosphérique ou formation de bouchons.

Les propositions formulées dans cette motion permettent de répondre à une partie des problèmes de mobilité que nous connaissons dans notre canton, si elles sont étendues à la totalité des personnes qui se déplacent à Genève. C'est la raison pour laquelle une majorité de la commission a suggéré de reformuler les invites en indiquant notamment qu'il faut renforcer l'utilisation du Léman Express par les pendulaires en particulier, mais pas uniquement, accompagner le développement du réseau de vélos accessibles en libre-service à proximité des frontières et des gares du canton et inciter les entreprises à ne plus mettre librement à disposition des places de stationnement pour l'ensemble de leurs employés, quel que soit leur lieu de résidence.

Avec la reformulation des invites, cette motion qu'on aurait pu résumer grossièrement par: «Ils nous embêtent, ces frontaliers, ils n'ont qu'à prendre le bus !» peut désormais être résumée ainsi: «Prenons le bus !» Pour ces raisons, le parti socialiste vous invite à l'accepter. Je vous remercie.

M. Skender Salihi (MCG). Je voulais rebondir sur les propos de M. le conseiller d'Etat concernant le fait que les frontaliers sont entassés dans le Léman Express. Comme vous le savez, le MCG fait très attention aux droits humains, c'est pourquoi nous demandons que le nombre de frontaliers soit plafonné, pour éviter que ceux-ci soient entassés comme des sardines. Merci !

M. Amar Madani (MCG). Je reviens brièvement sur les propos de M. Florey - vous transmettrez, Monsieur le président. Il dit que cet objet est obsolète. Pour ma part, je ne le pense pas. Selon moi, il est d'autant plus d'actualité qu'on vient de voter une motion presque similaire. J'aurais souhaité que le Bureau lie les trois motions, ça n'a malheureusement pas été fait. Je vous invite à voter ce texte et à le renvoyer au Conseil d'Etat, lequel va donner sa réponse, comme on l'a fait avec la motion qui a été précédemment votée. Merci.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit, mais je souligne que cette motion va dans le bon sens. Elle propose des incitations à utiliser le Léman Express - il est déjà victime de son succès -, de trouver des alternatives à ces questions de déplacements quand même très nombreux - les chiffres ont été mentionnés: plus de 600 000 pendulaires par jour dans le canton -, de mutualiser des outils de transports, de développer de véritables services comme le vélo accessible, et j'en passe. On ne peut évidemment pas refuser une telle proposition à l'heure actuelle, étant donné que, je le répète, le trafic individuel motorisé doit absolument diminuer afin de respecter le plan climat cantonal et en vue d'une meilleure qualité de vie pour tous les habitants du canton. Merci.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Le PLR soutiendra cet objet, bien qu'il se soit abstenu en commission, surtout en raison des amendements rédigés en commission. Nous reconnaissons que l'essentiel de ce texte est déjà repris dans les différents plans, notamment le plan d'actions du stationnement que nous étudierons à 20h30.

Nous souhaitons insister sur la troisième invite et la précision qu'elle apporte. Comme on le verra lors du débat sur le plan d'actions du stationnement, si l'on veut favoriser le report modal, il est nécessaire de travailler avec les entreprises pour réduire les places de stationnement pour les employés. Il est toutefois important de tenir compte du fait que des personnes ont des horaires irréguliers ou habitent à des endroits difficiles à atteindre en transports publics à l'heure actuelle; dans ce cas-là, il faut leur laisser la possibilité de stationner. Afin que le nombre de ces cas soit réduit et ce report modal permis, nous reviendrons aussi sur l'idée d'augmenter les possibilités de prendre les transports publics, ce qui figurait dans le plan concernant les transports publics. Merci.

M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, ce soir nous traitons de motions qui enfoncent des portes ouvertes ou qui ne cassent pas trois pattes à un canard. Pour cette raison, Le Centre, dans son grand pragmatisme et pour simplifier les débats, a choisi de s'abstenir.

Quelles sont les portes ouvertes ? «Renforcer l'utilisation du Léman Express notamment par les pendulaires en les incitant à changer de mode de transport par le biais de solutions alternatives», j'ai l'impression qu'on en parle depuis huit ans, mais ce texte vient forcément apporter une réponse à cette question ! «Accompagner le développement du réseau de vélos accessibles en libre-service à proximité des frontières et des gares du canton», quelle bonne idée ! «Organiser des discussions avec les entreprises établies à Genève pour qu'elles limitent les places de stationnement à disposition», etc., c'est déjà fait, c'est déjà discuté, c'est déjà résolu ! J'aurais voulu proposer un quatrième amendement contenant plein d'éléments déjà discutés et qui sont acquis: je n'ai pas eu le temps de le faire, parce que j'y ai pensé à la dernière minute, et rien que pour cette raison je m'arrête là. Chers collègues, Le Centre vous propose de vous abstenir. Merci.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Nous apprenons que tant l'Union démocratique du centre que Le Centre - tout aussi démocratique - vont s'abstenir sur cette motion. C'est intéressant !

Une question me turlupine, et je souhaiterais que, dans la mesure où l'auteur de ce texte comme l'auteur du rapport ne sont plus membres de ce Grand Conseil, l'un des deux candidats du MCG à la Ville de Genève y réponde. La première invite est formulée comme suit: «à renforcer l'utilisation du Léman Express notamment par les pendulaires en les incitant à changer de mode de transport par le biais de solutions alternatives». Est-ce que ça veut dire que vous demandez aux pendulaires de prendre d'autres moyens de transport que le Léman Express ? Parce qu'en fait, voilà ce que ça signifie. Peut-être ai-je mal compris, peut-être mon interprétation est-elle délibérément taquine, mais une petite clarification serait la bienvenue. Merci beaucoup, Monsieur le président.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur ad interim. Je vais rassurer l'excellent député Murat-Julian Alder - vous transmettrez, Monsieur le président. En effet, je pense que vous avez mal compris. L'important est de trouver des alternatives à la solution actuelle. Si l'on écoute certaines personnes dans cet hémicycle, tout va bien à Genève, tout a été fait, il ne faut rien changer. A la rigueur, le Conseil d'Etat pourrait même abandonner sa politique de la mobilité, ne rien faire en la matière, puisque tout va bien à Genève !

Malheureusement, tout ne va pas bien à Genève, tout ne va pas bien s'agissant du trafic pendulaire ! Il y a encore beaucoup à faire et je crois qu'une majorité de la commission a, de manière tout à fait raisonnable, décidé de soutenir cette motion. Ne pas la soutenir, c'était dire: «Ne faisons rien ! Tout va bien !» Or, tout ne va pas bien et il y a encore beaucoup à faire. Les Genevois en sont témoins ! Il faut aller dans cette direction. Refuser cet objet ainsi amendé suite à... C'est vrai, des discussions ont malgré tout permis d'aboutir à un large consensus et de retrouver un large appui auprès des divers groupes de ce Grand Conseil. Cette action-là permet sans doute de donner une impulsion, comme le font les divers plans que nous étudierons tout à l'heure, bien évidemment de manière beaucoup plus modeste. Pour ces raisons, je vous conseille de soutenir la présente motion.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Fontaine pour trente secondes.

M. Stéphane Fontaine (MCG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Je tiens à rappeler que des courses du CEVA sont régulièrement supprimées, le soir ou le matin. Il ne faut donc pas s'étonner que les pendulaires soient serrés comme des sardines ! Dieu merci, heureusement que nous, les TPG (je suis employé aux TPG), sommes souvent là pour assurer les courses des CFF ou du CEVA régulièrement supprimées.

Je désire faire une petite parenthèse à propos d'un autre sujet. Je voulais présenter de la part du MCG ma sympathie au peuple espagnol en raison de ce qui se passe en ce moment là-bas ! Merci.

Le président. Je vous remercie. C'est au tour de M. Martin, qui dispose d'une minute cinquante-cinq.

M. David Martin (Ve). Je ne vous entends pas, Monsieur le président !

Le président. Pour une minute cinquante-cinq.

M. David Martin. Merci. Ça va être très bref ! Je voulais juste profiter de cette occasion rêvée pour clarifier un point. Avec ce débat, on a l'impression que le MCG devient le grand ambassadeur du CEVA et du report modal; je rappelle néanmoins que ce parti était toujours opposé au développement du Léman Express. Ça me semblait important de le rappeler et de le clarifier, pour que l'on ne se trompe pas. Je vous remercie.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je dois vous avouer une certaine perplexité, à l'écoute attentive de ce débat et à la relecture des invites - je remercie le député Alder de m'y avoir incité - et notamment de la première. Grâce à Mme Marti, on a bien compris qu'on était parti d'un point A et arrivé à un point Z et que la motion avait été quasi intégralement changée. On a aussi compris, et on remercie M. Florey de ses compliments pour l'action du Conseil d'Etat... Ça fait du bien de dire de temps en temps que des motions ont un effet et sont appliquées avant même d'être votées et qu'on a atteint les objectifs. Dans ces circonstances, d'autres diraient que ça fait toujours moins mal d'enfoncer une porte ouverte, ce qui est vrai.

Une voix. Ouvrir !

M. Pierre Maudet. D'enfoncer !

Monsieur le président, la difficulté pour le Conseil d'Etat est la suivante: vous pouvez voter cette motion, mais d'une part l'essentiel a déjà été fait et d'autre part - sur ce point, je rejoins un certain nombre de députés - les questions de base, donc les prémisses, se posent toujours. On a toujours une problématique de pendulaires, mais on ne saura vraiment pas quoi faire de cette phrase-ci: «renforcer l'utilisation du Léman Express notamment par les pendulaires en les incitant à changer de mode de transport par le biais de solutions alternatives». Veut-on qu'ils prennent le Léman Express ou non ? Ce n'est pas clair du tout !

Monsieur le président, le problème de ce genre de motion - je ne vais évidemment pas vous inciter à demander de la renvoyer en commission, ce serait le summum ! - est qu'à force de chercher des solutions de ce type-là, qui n'en sont pas, on noie le poisson.

Mesdames et Messieurs, s'agissant des pendulaires, le problème de base qui est identifié - on en parlera quand on traitera les plans d'action, la députée Zuber-Roy a eu raison de le mentionner tout à l'heure - est la relation aux entreprises et la capacité de travailler main dans la main avec les milieux économiques. Tout à l'heure, certains ont positivement ou négativement souligné le succès, la croissance du canton de Genève. Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le véritable enjeu actuel: des réponses originales doivent être trouvées, parce qu'elles ne se situent pas dans le champ de la contrainte, mais dans celui de l'incitation. Si c'est ainsi qu'il faut interpréter cette motion, Monsieur le président, le Conseil d'Etat se réjouira d'y répondre. Si c'est sur une autre interprétation que ce texte est adopté, je dois avouer cette perplexité en citant, avant de nous laisser aller nous restaurer, Raymond Barre qui avait à l'époque dit: «Il faut mettre un frein à l'immobilisme», pour faire nôtre cet apophtegme si d'aventure vous votez cet objet.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de passer au vote sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 2810 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 63 oui contre 8 non et 19 abstentions (vote nominal).

Motion 2810 Vote nominal