Séance du vendredi 4 octobre 2024 à 18h
3e législature - 2e année - 5e session - 31e séance

PL 13204-B
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de Murat-Julian Alder, Alexandre de Senarclens, Fabienne Monbaron, Jean Romain, Yvan Zweifel, Jean-Pierre Pasquier, Raymond Wicky, Céline Zuber-Roy, Cyril Aellen, Helena Rigotti, Antoine Barde, Jacques Béné, Beatriz de Candolle, Francine de Planta, Florian Gander, Stéphane Florey modifiant la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE) (H 1 21) (Pour le respect de la hiérarchie du réseau routier de notre canton et une stratégie routière démocratique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de majorité de M. Pascal Uehlinger (PLR)
Rapport de première minorité de M. Cédric Jeanneret (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Matthieu Jotterand (S)

Premier débat

Le président. L'ordre du jour appelle le PL 13204-B, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole revient au rapporteur de majorité, M. Pascal Uehlinger.

M. Pascal Uehlinger (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'ai écrit le rapport de majorité, la version B, mais le rapport de majorité le plus complet est certainement celui de mon excellent collègue Murat-Julian Alder, le PL 13204-A. (Remarque.) Pourquoi sommes-nous passés de A à B ? Parce qu'il y a eu des élections et, les majorités ayant changé suite à ces dernières, le rapport est à l'époque retourné en commission. La seconde étude a été relativement brève, les votes sont restés assez stables, mais les relations ont un peu changé, et je suis devenu rapporteur de majorité. Dans les grandes lignes, les partis ont des positions similaires: ça n'a pas beaucoup bougé. L'UDC, le MCG, Le Centre et le PLR conviennent que les accords sont des compromis qui peuvent plus facilement évoluer que des projets de lois.

L'avantage de ce texte est qu'il inscrit clairement les volontés du législatif dans la loi. En outre, il relève les problématiques dont on a discuté avec le procureur général, soit celles des véhicules d'urgence. Il est difficile de savoir si les 30 km/h sont instaurés pour des raisons de bruit ou de vitesse. Si c'est pour des raisons de vitesse, un véhicule d'urgence est autorisé à rouler à 45 km/h; si c'est pour des raisons de bruit, on a le droit de prendre en considération la vitesse d'origine, soit 50 km/h, et le véhicule d'urgence peut alors rouler à 75 km/h, ce qui complique tout le système et son fonctionnement. Le but de ce projet de loi est d'instaurer une cohérence en milieu urbain et de laisser des axes principaux. Je vous invite, au nom de la nouvelle majorité, à le voter.

M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de première minorité. Comme l'a dit mon éminent préopinant, ce sujet a déjà été amplement traité, et plus de deux cents pages de rapport ont été rédigées. J'aimerais néanmoins rappeler quelques faits. S'agissant du bruit, malgré le phonoabsorbant largement installé dans notre canton, un quart des habitants genevois subissent un niveau de bruit qui dépasse les normes fédérales. Ce n'est pas normal ! La solution que représentent les véhicules électriques est prometteuse jusqu'à 30 km/h, parce qu'au-delà de cette vitesse, ils produisent autant de bruit que les véhicules thermiques du fait des pneus et de divers frottements. Les véhicules électriques ne constituent donc malheureusement pas une solution au problème du bruit lorsqu'ils roulent au-delà de 30 km/h.

Concernant la question des délits de chauffard, un arrêté très clair du Tribunal fédéral a confirmé l'année dernière qu'ils ne pouvaient être retenus si l'excès de vitesse était commis dans un secteur où la limitation n'a pas pour objet la sécurité routière. Sur ce point, il n'y a pas non plus à discuter.

Il s'agit de faits, Mesdames et Messieurs, et fort de ces faits, le département a proposé un compromis, qui avait rassemblé une large majorité. Je vous le résume rapidement: 30 km/h de jour comme de nuit dans la zone I et dans les quartiers (ce qui paraît tout à fait compatible avec une vie citadine), 50 km/h le jour et 30 km/h la nuit (soit au moment où la population a besoin de se reposer) dans la zone II, sur les axes structurants, et 50 km/h le jour et 30 km/h la nuit seulement en cas de dépassement du bruit sur la ceinture urbaine. Voilà le compromis, et nous sommes prêts à l'accepter, car c'est une solution qui ne coûte pas cher, qui diminue en outre le risque d'accident et qui respecte la sacro-sainte liberté du choix du mode de transport chère à la majorité de ce parlement.

Malheureusement, cette proposition de paix des braves est attaquée par ce projet de loi, par une droite faisant preuve d'un dogmatisme qu'elle est d'habitude prompte à reprocher aux Verts. Rien n'est suggéré pour améliorer la santé et la qualité de vie de 120 000 Genevoises et Genevois qui subissent un niveau de bruit dépassant les normes fédérales, et ça pourrait coûter très cher à cette droite, notamment dans les urnes.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, voilà une droite qui semble malheureusement un peu en délicatesse avec la volonté populaire, précisément avec un large compromis approuvé il y a moins de dix ans par 68% des votantes et des votants: je parle évidemment de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, la LMCE. Depuis, la droite n'a eu de cesse de vouloir entraver notamment la mobilité active et les sites propres pour les transports publics, éléments contenus dans la loi, et s'est fait une obsession de défendre le 50 km/h comme s'il en allait d'un intérêt vital. Ce n'est pourtant pas le cas !

La difficulté de présenter un rapport de deuxième minorité, c'est qu'on risque de répéter les propos du précédent rapporteur. Cela dit, je souhaiterais apporter un élément supplémentaire: l'arrêté à propos des 30 km/h a en effet été pris pendant la précédente législature, des élections ont ensuite eu lieu, et le magistrat a changé. Celui-ci s'est évertué à trouver un compromis. Ce compromis peut être plus ou moins apprécié, mais toujours est-il qu'il a permis de sortir certains axes. Nous sommes face à un projet de loi qui, dans les faits, reflète déjà plus ou moins la pratique. Vouloir ancrer cela dans la loi constitue donc en réalité une sorte de manque complet de confiance du législatif, qui a peur de perdre un peu de pouvoir au profit de l'exécutif, alors que les deux sont de droite. Dès lors, ce n'est pas uniquement avec la volonté populaire que la droite est fâchée, mais également avec ses magistrats et magistrates.

Par rapport à ces éléments, le fait est que le 50 km/h est très néfaste pour la santé et que le 30 km/h offre de réels bénéfices. En plus, le bruit routier (rouler à 50 km/h est évidemment bien plus bruyant) est extrêmement problématique sur le plan économique - sur ce point, j'arriverai peut-être un peu plus à parler à mes chers collègues de droite ! Economiquement, ça nous coûte extrêmement cher de rouler à 50 km/h; les répercussions sur la santé notamment se comptent en milliards au niveau suisse. Vous le savez, sur le plan fédéral on est actuellement en campagne à propos de la question des autoroutes et, opportunément, un rapport sur les coûts liés au trafic routier et en particulier sur les effets du bruit sur la santé est repoussé. Cela dit, on le sait: ça coûte. Pour toutes ces raisons, nous pensons que les élections ne devraient pas dicter sur un coup de tête un retournement de majorité, mais qu'une réelle réflexion devrait être menée...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Matthieu Jotterand. ...en lien notamment avec le fait qu'une procédure juridique en cours pourrait aboutir prochainement, d'après ce qu'on entend. Notre proposition consiste donc à renvoyer ce projet de loi à la commission des transports afin d'attendre que la justice suive son cours et que nous obtenions un résultat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole aux rapporteurs concernant la demande de renvoi en commission dont nous sommes saisis, en commençant par M. Jeanneret.

M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Cette demande de renvoi en commission paraît tout à fait pertinente, d'autant qu'un problème de conformité avec le droit supérieur a été relevé: dans la Constitution fédérale, il n'est pas autorisé d'interdire les vitesses différenciées sur les tronçons routiers. Il y a donc un problème juridique. En réalité, il y a deux problèmes juridiques. Aussi, le retour en commission est parfaitement justifié et je vous demande de l'accepter.

M. Pascal Uehlinger (PLR), rapporteur de majorité. Il faut juste savoir que passablement de recours ont déjà été déposés par divers organismes, professionnels ou politiques. Je pense que toutes les discussions ont eu lieu et que la proposition est tellement pragmatique qu'elle n'a pas besoin d'être réétudiée en vue d'une version PL 13204-C. Je vous suggère donc de refuser ce renvoi en commission.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je comptais évoquer tout à l'heure lors du débat de fond le premier paragraphe du rapport de majorité, mais je suis obligé de le faire maintenant. Il est écrit que le motif principal du renvoi est le changement de magistrat en lien avec la nouvelle législature. L'ennui, c'est qu'il n'y a pas une traître trace de l'audition du Conseil d'Etat entre le renvoi de ce texte en commission et son retour en plénière. Moi, je veux bien, et c'est le rapporteur de majorité qui l'indique: le motif principal est le changement de magistrat - un changement non pas de majorité, mais de magistrat ! Le Conseil d'Etat a des choses à vous dire - un compromis a effectivement été négocié, la justice est sur le point de se prononcer, il n'y a plus qu'un recourant, une personne individuelle -, mais il n'a même pas pu le faire dans le cadre du renvoi en commission. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, ça tombe sous le sens ! Ce n'est pas pour des raisons propres à la gauche ou à la droite qu'il faut renvoyer ce document en commission, mais pour qu'on puisse au moins s'exprimer ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter sur cette demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13204 à la commission des transports est rejeté par 50 non contre 42 oui.

Le président. Très bien, nous reprenons nos débats; je vois toutefois que la parole n'est pas demandée. (Remarque.) Ah, quand même ! Madame Marjorie de Chastonay ! (Commentaires.) Monsieur le député, il faut que les gens s'inscrivent, car je ne peux pas deviner qui veut s'exprimer ! Je n'ai aucune capacité à deviner ! Madame la députée, vous avez la parole.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je n'avais pas envie de prendre tout de suite la parole, parce que j'avais imaginé qu'il y aurait d'abord un débat, mais je la prends avec plaisir. Je commence par rectifier les propos du rapporteur de majorité - ou par le remercier ! M. Uehlinger a adressé des compliments à M. Alder, son collègue PLR, pour l'excellent rapport de majorité PL 13204-A. Or la rapporteure de l'ancienne majorité, c'était moi, ce n'était pas M. Murat Alder ! Je tenais juste à apporter cette rectification pour le Mémorial, de sorte qu'on s'y retrouve entre les changements de majorités et de rapports.

Ce texte a effectivement été renvoyé en commission pour être étudié de façon sérieuse. Il semblerait néanmoins que le Conseil d'Etat n'ait pas pu s'exprimer. Il semblerait également qu'on mélange certaines problématiques. Je pense qu'à ce stade, il est important de rappeler le contexte: la stratégie vitesse était visée, il s'agit vraiment d'un projet de loi en réaction à la stratégie vitesse. Comme celle-ci repose sur la LMCE, nous sommes en train de discuter d'une modification de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. Cette loi - on l'a souligné, mais je le répète quand même - a été plébiscitée par la population genevoise en 2016 et serait remise en cause ce soir, juste parce que la majorité de droite élargie ne souhaite pas ralentir, ne souhaite pas diminuer sa vitesse. Pour quels motifs ? Des prétextes ont été invoqués. Je ne vais pas tous les citer, mais je crois que la raison principale est le refus de ralentir, ou alors la volonté de se déplacer plus vite. Les questions de santé publique, de bruit, de nuisances sonores (dont 120 000 personnes souffrent à Genève), ce sont des détails pour la droite élargie ! Les questions de sécurité, notamment la mort ou les morts des cyclistes, c'est aussi un détail ! On veut changer la LMCE pour des raisons de rapidité de déplacement. Juste pour ça ! Evidemment, nous nous opposons fermement à cette décision, à cette majorité de droite, et si celle-ci persiste et signe dans sa volonté de modifier la LMCE, nous réfléchirons très rapidement au dépôt d'un éventuel référendum. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jacques Jeannerat (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression que ce projet de loi est d'un autre temps, qu'il a un côté revanchard à l'égard des actions du Conseil d'Etat précédent en général, du conseiller d'Etat chargé de la question des transports en particulier, qui avait pris l'habitude de décréter des zones 30 sans consulter les gens qui utilisent nos routes. Ce projet de loi a donc vraiment un côté revanchard.

Depuis que cet ancien conseiller d'Etat a quitté le gouvernement, les choses ont avancé; il y a, au point suivant, trois rapports du Conseil d'Etat relatifs à l'évolution du dossier des zones 30. Je pense par conséquent que ce texte est inutile, et le groupe LJS va s'y opposer. Selon moi, il est inutile compte tenu des points suivants de l'ordre du jour. Ce dossier évolue, et je n'aime pas trop le côté règlement de comptes de ce projet de loi.

Je vais demander à mon tour un renvoi en commission, parce que je trouve qu'il faut vraiment le faire. Le Conseil d'Etat n'apparaît pas dans ce rapport. M. Maudet l'a dit tout à l'heure: on a renvoyé ce texte en commission sous prétexte qu'il y avait un nouveau gouvernement, un nouveau conseiller d'Etat chargé des mobilités, mais ça ne transparaît pas dans le nouveau rapport. On passe pour des charlots, là ! Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie. Une nouvelle demande de renvoi en commission ayant été formulée, je donne la parole aux rapporteurs. Monsieur Jotterand, c'est à vous.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Nous y sommes favorables !

M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de première minorité. Effectivement, comme l'a souligné mon presque homonyme Jacques Jeannerat, on assiste à un détricotage du travail du magistrat précédent. C'est un détricotage du compromis obtenu avec ce magistrat ! Une frange de la droite dogmatique s'oppose à l'intérêt du plus grand nombre, intérêt sanctionné par les urnes et qui pourrait l'être à nouveau. On peut aussi s'attendre à une pluie de recours, de demandes d'indemnisations, dont le montant a été estimé à 1,5 milliard ! Mesdames et Messieurs les Genevoises et les Genevois qui nous regardez, sachez que 1,5 milliard pourrait tomber dans vos poches si vous demandez des indemnisations pour les nuisances sonores que vous subissez, dans la mesure où elles sont supérieures aux normes fédérales. Il faut bien entendu étudier ce projet de loi sérieusement en écoutant le magistrat chargé du département et accepter ce retour en commission. Merci d'avance. (Applaudissements.)

M. Pascal Uehlinger (PLR), rapporteur de majorité. Je pense que tout ce qui a été évoqué n'est pas tout à fait juste. Dire qu'on va conduire comme des pilotes de Formule 1 à Genève... Ce n'est pas du tout le cas ! Si l'on prend par exemple la zone I, la zone la plus centrale où le 30 à l'heure est dogmatiquement posé, il a été demandé que l'on puisse être un peu plus rapide sur des tronçons, sur certains points, mais de loin pas sur toute la zone. Il faut aussi admettre que par rapport à la ceinture périurbaine, le rétablissement du 50 km/h... Cette vitesse est aujourd'hui reconnue comme officielle en zone urbaine. Je n'ai pas envie que la population pense que les demandes ont pour but d'augmenter les vitesses, comme il a été dit. Non, c'est toujours la même vitesse, soit 50 km/h en zone urbaine. Il s'agit de dire que sur certains axes structurants de la zone I, on peut encore rouler à cette vitesse de façon légitime. Selon moi, le projet de loi a assez avancé.

Quant au 1,5 milliard qui pourrait être demandé par la population, à mon avis celle-ci aura largement cent ans quand elle aura obtenu son indemnisation ! Les procédures de ce type-là, j'en ai connu dans une autre vie, et je vous promets que c'est très, très, très long. Je ne pense donc pas que la population se lancera dans ce genre de démarches.

Le président. A propos du renvoi en commission, Monsieur le député !

M. Pascal Uehlinger. Il existe aussi des alternatives, comme améliorer l'enveloppe énergétique des bâtiments de manière à limiter le bruit à l'intérieur. Je termine, Monsieur le président. C'est donc non au renvoi !

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur cette demande de renvoi.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13204 à la commission des transports est rejeté par 50 non contre 40 oui.

Le président. Nous reprenons nos discussions. Monsieur Sayegh, je vous cède le micro.

M. Souheil Sayegh (LC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas eu de débats sur les transports. Ça réveille !

Une voix.  Ça nous manquait...

M. Souheil Sayegh. Exactement ! J'ai entendu dire que ce projet de loi était d'un autre temps, mais j'aurais envie de répondre qu'il est intemporel. Il a été déposé durant une certaine législature et en réponse à une nouvelle, voire en prévision d'une future législature - on ne sait pas à quelle sauce on sera mangé en 2028. L'avantage de cet objet est de graver quelque part une certaine forme de cohérence au niveau du réseau routier.

Ce texte est modéré, on l'a dit - nous aurions même pu le cosigner à la législature précédente: maintien des zones 30 km/h en zone I et maintien des 50 km/h en périphérie, sur le réseau et la moyenne ceinture, ce qui permet de fluidifier le trafic, donc de dévier le trafic de la zone I et des quartiers à 30 km/h (que nous soutenons) et de le reporter en périphérie pour que l'on puisse circuler. Parce qu'il faut bien qu'on circule !

Ce texte est intemporel, il est relativement modéré et il répond à une problématique fédérale. En effet, ce qui est arrivé entre-temps, c'est qu'une motion ayant une force obligatoire a été adoptée par l'Assemblée fédérale, or elle propose aux cantons d'apporter dans les trois prochaines années une solution à la limitation de la capacité des collectivités cantonales et communales d'intervenir sur le réseau structurant. Au niveau fédéral, on nous demande donc d'intervenir sur le réseau structurant, soit exactement ce que propose ce projet de loi, à savoir que sur le réseau structurant, on circule, et dans les quartiers et les zones où l'on doit protéger nos enfants et nos habitants du bruit, le 30 km/h est maintenu. Il n'y a rien de plus dans ce texte.

Il apporte même un élément supplémentaire: cette planification sera soumise à l'approbation du Grand Conseil. C'est extraordinaire ! Je ne vois pas fondamentalement ce qui, dans ce projet de loi, dérange une partie de la population. Nous sommes attachés à la sécurité de nos concitoyens, à la lutte contre le bruit, nous maintenons et validons les zones 30 dans les quartiers et à proximité des habitations. Par contre, sur le réseau structurant on doit rouler, et on doit le faire à 50 km/h. Cette moyenne ceinture doit porter son nom, elle doit bien servir à quelque chose, autrement on ne reportera pas le trafic en périphérie. Pour ces raisons, par pragmatisme et par simple cohérence, Le Centre a décidé de soutenir ce texte. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède le micro à Mme Marjorie de Chastonay pour quinze secondes.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste ajouter que ce projet de loi est en réalité un recours masqué contre la stratégie bruit. Il s'agit véritablement d'un recours déguisé ! Grâce ou à cause de ce projet de loi, je dirais, on va permettre à des voitures, à des scooters, à des motos de rouler à 50 km/h sur des axes urbains, ce qui est contraire à la LMCE. Merci.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole revient au rapporteur de deuxième minorité pour deux minutes trente.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Ces deux minutes trente seront largement suffisantes pour saluer la versatilité des vestes du parti Le Centre, anciennement PDC ! Je trouve un peu piquant qu'il veuille graver un élément dans la loi parce qu'il ne sait pas à quelle sauce il sera mangé, alors même que ce parti précisément a intérêt à ne pas avoir d'éléments trop gravés, puisque ses convictions changent d'une législature à l'autre. (Exclamations.) Profitons-en d'ailleurs pour saluer M. Dal Busco, si quelqu'un a de ses nouvelles ! (Rires.)

Concernant la situation qui en découlera, je suis un peu interloqué par l'intervention de mon préopinant du Centre, qui ne voit pas en quoi il est problématique de fixer ces vitesses dans la loi. Eh bien simplement, un quart de la population cantonale souffre du bruit routier: ça veut dire du stress, de la fatigue, de l'agressivité... (L'orateur accélère son débit.) ...des troubles du sommeil et de la concentration, l'augmentation du risque de maladies cardiovasculaires. Voilà ! Un quart de la population est soumis à ce rythme. (Remarque. Rires.) Je vis à côté d'un endroit rempli de bruits routiers, c'est certainement à cause de ça, Mesdames et Messieurs ! (L'orateur rit.) Voilà le problème. Et dans quel but ? Pour que les personnes qui rentrent dans les zones périphériques puissent gagner deux minutes sur leur temps de trajet, arriver à la maison à 22h12 au lieu de 22h14. Oh là là ! Quel intérêt ! Et pour tout ça, un quart de la population genevoise souffre. C'est bien dommage ! Pour toutes ces raisons, il faut absolument renvoyer ce projet de loi à la commission des transports.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une troisième demande de renvoi en commission, et je passe la parole à M. Cédric Jeanneret.

M. Cédric Jeanneret (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Pouvoir en discuter me paraîtrait tout à fait pertinent, mais je ne me fais pas trop d'illusions quant au résultat de ce vote ! Néanmoins, le résultat sera peut-être différent dans les urnes.

M. Pascal Uehlinger (PLR), rapporteur de majorité. Je n'ai pas de boule de cristal s'agissant des urnes. Je vous propose toutefois de refuser ce renvoi, mais on prendra peut-être un coup de bâton dans le dos !

Le président. Merci bien. Je lance la procédure de vote sur cette troisième demande de renvoi.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13204 à la commission des transports est rejeté par 50 non contre 42 oui. (Vifs commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Des voix. Bravo !

Le président. Mesdames et Messieurs, le débat reprend, et je donne la parole à M. Maudet.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. J'ai écouté très attentivement l'intéressant débat qui vient de se dérouler et, comme certains dans cette salle, j'ai le sentiment d'être télétransporté dans la dernière législature, avec peut-être une volonté de ce côté-ci de l'enceinte... (L'orateur désigne les députés assis au centre de la salle.) ...d'exorciser la relation au magistrat précédent. J'en suis un peu consterné, à vrai dire, mais ce n'est pas grave, on ne va pas refaire ici la législature précédente ! C'est vrai que ce projet de loi, à l'origine, ainsi que le premier rapport ciblaient, voire crucifiaient mon prédécesseur. Il s'agit non pas de refaire son procès, mais de se concentrer sur les enjeux d'aujourd'hui. Je constate néanmoins qu'il n'y a pas tellement de volonté d'en débattre: je n'ai pas entendu - j'aurais souhaité le faire en commission, mais ça n'a pas été possible - les arguments des uns et des autres à propos d'une vraie question, celle du bruit, de la protection de la population face au bruit, de la modération du trafic. Je me plais à souligner que de nombreux élus communaux, de nombreux magistrates et magistrats communaux demandent le passage au 30 km/h dans des conditions assez claires et assez strictes. De ce point de vue là, ce texte, même si on parle de la zone I essentiellement (donc en ville de Genève) et de la LMCE, semble dater d'un autre âge.

Pour le gouvernement, le problème se situe dans la conformité au droit supérieur, dans le principe de proportionnalité, dans la compatibilité des décisions que doit prendre le département par rapport au droit fédéral. Je vous donne deux exemples, mais on aurait pu évidemment les développer en commission. Prenez l'article 5, alinéa 4, nouvelle teneur, qui indique ceci: «La moyenne ceinture routière n'est pas soumise au régime de priorité défini dans ces zones. La vitesse y est appliquée de manière uniforme de jour comme de nuit, de manière à assurer la fluidité du trafic.» Mais, Mesdames et Messieurs, c'est une disposition d'un autre âge ! On aimerait précisément pouvoir gagner en agilité (je crois que cette volonté est partagée par tous les groupes), avoir la possibilité de fixer des vitesses différentes en fonction de la période de la journée (c'est le cas partout en Europe), s'autoriser par exemple un basculement le plus général possible vers les feux orange clignotants moyennant une modération de vitesse dans certaines zones - c'est en tout cas le souhait du Conseil d'Etat aujourd'hui. Or ce projet de loi rigidifie tout, interdit ce type de mesures de ce point de vue là, parce qu'il préconise une application uniforme du droit, ce qui est contraire au droit supérieur. Le gouvernement ne peut évidemment souscrire ni sur le fond ni sur la forme à une pareille norme.

Voici un autre exemple d'incompatibilité: selon les sites concernés, et suite à une appréciation, le département doit pouvoir ne pas imposer une limite de vitesse à 50 km/h pour des motifs de bruit, sous peine, on l'a dit, de décisions judiciaires différentes. Sur ce point également, le texte introduit une tension inutile, qui par ailleurs viole la séparation des pouvoirs, entre les attributions du législatif, de l'exécutif et, le cas échéant, du judiciaire, avec toutes les prétentions de la part de recourants individuels qui peuvent ensuite en découler.

On aurait pu développer ces raisons en commission, on aurait du reste souhaité le faire. Encore une fois, je n'ai pas entendu le rapporteur de majorité me donner d'explications à ce sujet. Dans le premier paragraphe de son rapport, il est écrit que le motif principal, c'est le changement de magistrat. Ce texte a été renvoyé en commission, mais le magistrat n'a pas été entendu, le Conseil d'Etat n'a pas été invité et nous n'avons pas pu nous exprimer.

Mesdames et Messieurs, je ne vais pas vous faire l'affront de solliciter un nouveau renvoi en commission, mais je vous informe que, si d'aventure ce texte est voté, le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat... (Exclamations. Applaudissements.) ...pour le double motif précis et parfaitement fondé de sa non-audition en commission et de la violation caractérisée de certaines normes du droit supérieur. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 13204 est adopté en premier débat par 49 oui contre 42 non.

Le projet de loi 13204 est adopté article par article en deuxième débat.

Le président. Nous arrivons au troisième débat. Monsieur le conseiller d'Etat ? (Remarque.) Le troisième débat n'est pas demandé.

Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.

Troisième débat: Séance du jeudi 31 octobre 2024 à 17h