Séance du jeudi 3 octobre 2024 à 17h
3e législature - 2e année - 5e session - 27e séance

PL 13156-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de François Baertschi, Sandro Pistis, Ana Roch, Daniel Sormanni, Gabriela Sonderegger, Jean-Marie Voumard, Danièle Magnin, Patrick Dimier modifiant la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC) (H 1 31) (Electrification rapide de la flotte de taxis)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 14 et 15 décembre 2023.
Rapport de M. Philippe de Rougemont (Ve)

Premier débat

Le président. Nous nous penchons maintenant sur le PL 13156-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Philippe de Rougemont, à qui je passe la parole.

M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Bien sûr, toutes les entreprises aimeraient voir leur outil de travail renouvelé grâce à un subside de l'Etat, à plus forte raison lorsque ce renouvellement va dans le même sens qu'une priorité politique comme celle du climat. Ainsi, ce que demande le présent projet de loi est tout à fait compréhensible et, a priori, devrait obtenir notre approbation. Pourtant, dans un élan transpartisan, le PLR, Le Centre, les socialistes et les Verts, soit dix voix sur quatorze en commission, se sont prononcés contre son entrée en matière; en voici les raisons.

Premièrement, d'importants travaux sur la LTVTC ont été menés par la commission. Il serait plus opportun de laisser la loi évoluer avant d'intervenir. Cette loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur avait fait un premier passage dans ce plénum, puis était retournée en commission afin que certains points soient améliorés et avait finalement été adoptée en 2022. Par la suite, elle a été attaquée en référendum, lequel n'a pas abouti, puis par des recours rejetés par la Cour de justice. Les milieux professionnels ont été entendus plusieurs fois, dont les associations de taxis. L'un des recours a été porté devant le Tribunal fédéral. Il s'agit donc d'une loi qui a suivi un long parcours suite à de très nombreuses auditions et évaluations juridiques. Donnons-nous maintenant du temps pour en évaluer les effets.

Deuxièmement, un calendrier des exigences de performance environnementale des taxis et des VTC en général a été établi par la commission des transports pour accompagner l'évolution prévisible de l'offre de véhicules. Il est question de développer des bornes de recharge électrique de manière globale dans le canton. Le département du territoire planifie avec les communes la réalisation de ces installations. 150 bornes ont été installées par les SIG; il en reste 200 de plus qui sont en cours d'aménagement et devraient être terminées à la fin de cette année.

Troisièmement, la LTVTC traduit une volonté d'inciter les taxis et les VTC en général à utiliser des véhicules à faibles émissions. Cependant, le texte qui nous occupe ce soir ne prévoit de subvention que pour les taxis, ce qui créerait une distorsion de concurrence. Selon le raisonnement de la conseillère d'Etat de l'époque chargée de l'économie, si les taxis devaient considérer qu'une distorsion de concurrence existe déjà, la concurrence sans distorsion ne serait pas établie en en ajoutant une de plus.

Quatrièmement, il existe la Fondation d'aide aux entreprises; au lieu de créer de nouveaux mécanismes, subventions et cautionnements, il faudrait recenser ceux existants et en faire usage. Par exemple, un chauffeur de taxi peut aujourd'hui faire appel directement à la FAE. Les commissaires ne pensent pas qu'un autre dispositif doit être créé.

Cinquièmement, l'adaptation des stations de taxis aux personnes en situation de handicap est déjà prévue dans la LTVTC. Différentes mesures, par exemple une formation particulière, ont été mises en place. Cette problématique est donc couverte par la loi existante.

Avant-dernier point: l'ancien département des infrastructures et le département du territoire ont créé une task force électromobilité qui a pour but d'accompagner les objectifs d'électrification de l'ensemble de la flotte automobile à Genève: véhicules privés, taxis, véhicules d'entreprise. Cette task force réunit autour d'une même table les deux départements précités - infrastructures et territoire - de même que la Ville de Genève, les SIG et la Fondation des parkings; les secteurs immobiliers pourraient y être associés, comme des fondations immobilières ou d'autres détenteurs de parc immobilier. Puisque l'essentiel des habitants du canton de Genève est locataire, ils devraient, eux aussi, voir leur accès aux équipements et places de parking électrifiées facilité.

Dernier élément apporté lors de l'audition de M. Royer, directeur de l'office cantonal de l'environnement: la stratégie de l'électromobilité 2030 approuvée en 2017 comprend l'installation de 2500 points de recharge à l'horizon 2030. Pour ce faire, il a collaboré avec les SIG et la Fondation des parkings. Les chiffres actuels ont été indiqués tout à l'heure. Sur le plan des aides financières et des infrastructures, les taxis ont déjà été identifiés dans la stratégie de l'électromobilité dans le sens que propose le présent objet. M. Royer a relevé que si l'aide à l'achat devait être envisagée, elle devrait s'appliquer non seulement aux taxis, comme le texte le prévoit, mais également à tous les véhicules professionnels légers. Il a rappelé aux commissaires que l'emplacement des bornes est décidé d'entente avec les SIG et les communes.

Pour résumer, la question n'est pas tant de déterminer si les taxis passeront ou pas à l'électrique comme le reste du parc automobile du canton, mais si, pour y arriver, ce projet de loi y contribuera mieux que la stratégie 2030 sur le déploiement de l'électromobilité et la task force électromobilité. Pour la grande majorité des partis et des commissaires, la réponse est non: il convient de laisser agir les outils déjà mis en place au lieu d'en créer de nouveaux. Je vous remercie de votre attention.

M. François Baertschi (MCG). Le Grand Conseil a adopté - c'était le 28 janvier 2022 - une nouvelle loi sur les taxis, loi qui comporte des objectifs ambitieux et louables, mais difficilement atteignables par les chauffeurs de taxi, dont l'équilibre économique, chacun le sait, est souvent fragile. Au sens des auteurs de ce projet de loi, l'Etat doit se montrer responsable et assumer également ces objectifs, c'est-à-dire offrir une aide ou du moins permettre aux représentants de la profession d'assumer cet important changement de loi.

Le texte comporte deux axes principaux: d'une part, l'incitation à l'acquisition de véhicules électriques, et d'autre part, la construction de bornes de recharge pour permettre aux taxis électriques de fonctionner de manière efficace. Le problème de ce projet de loi, traité aujourd'hui après plusieurs années passées en commission, c'est que les délais ne correspondent plus à rien: il y a des échéances à 2024 et 2025 qui, si l'objet était voté maintenant, ne pourraient pas être respectées, quelque chose ne joue pas à ce niveau-là.

C'est la raison pour laquelle un renvoi en commission est nécessaire, et c'est ce que je propose ici - renvoi à la commission des transports, Monsieur le président -, parce qu'il est évident qu'en l'état, le projet de loi doit être modifié, réexaminé en commission ou au minimum actualisé. Merci, Monsieur le président.

Le président. Bien, je vous remercie. Sur la question du renvoi en commission, je redonne la parole à M. de Rougemont.

M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Etant donné le temps que prennent les processus au Grand Conseil - ils sont ce qu'ils sont -, la situation décrite par le député Baertschi est malheureusement commune, cela se produit aussi à l'échelon fédéral. Cela ne devrait pas changer grand-chose, mais puisque ce point a été mentionné et que rien d'autre n'a été relevé, les Verts peuvent vivre avec un renvoi en commission de cet objet.

Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser la proposition de renvoi en commission. Il me semble que M. Baertschi - vous transmettrez, Monsieur le président - a quelque peu anticipé notre programme et parle d'un autre projet de loi figurant un petit peu plus loin dans l'ordre du jour et visant effectivement à modifier la date d'application des normes. En l'occurrence, le présent texte ne traite pas de ce sujet, sauf si c'est moi qui suis tellement fatiguée que je ne sais plus où nous en sommes dans l'ordre du jour - mais je pense que je sais encore à peu près où nous en sommes.

Bref, tout cela pour vous dire que je vous recommande de rejeter le renvoi en commission. Toutes les modalités qui avaient été convenues dans la réforme de la LTVTC, toutes les dispositions relatives à l'atteinte de normes énergétiques pour les véhicules ont été souhaitées par ce parlement; des recours ont été lancés par les milieux des taxis, qui ont perdu devant le Tribunal fédéral. Dès lors, il me paraît plutôt normal que le Conseil d'Etat maintienne cette position de même que les objectifs à atteindre.

Maintenant, s'agissant des éléments spécifiques de ce projet de loi, notamment les incitations financières, bien entendu que cela pose des problèmes de distorsion de concurrence: on ne peut pas aider une catégorie de véhicules et pas les autres. Par ailleurs, dans la mise en oeuvre actuelle de la loi, nous ne rencontrons aucun problème, des circulaires ont été émises par mon département et les choses se passent tout à fait bien à ce stade. Dans le cas contraire, le Conseil d'Etat aurait toujours la possibilité de revenir devant votre plénum avec un projet de loi. Je vous engage par conséquent, pour tous les motifs évoqués par le rapporteur, à refuser définitivement cet objet. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13156 à la commission des transports est adopté par 50 oui contre 40 non.