Séance du
vendredi 27 septembre 2024 à
18h
3e
législature -
2e
année -
5e
session -
26e
séance
M 2954-A
Débat
Le président. Nous continuons dans l'ordre du jour et traitons la M 2954-A en catégorie II, trente minutes. Monsieur Frédéric Saenger, vous avez la parole.
M. Frédéric Saenger (LJS), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. C'est la première fois que je prends la parole dans cette salle ! Monsieur le président, distingués membres du Grand Conseil, j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui mon estimé collègue Laurent Seydoux et souhaite attirer votre attention sur la M 2954 qui propose une refonte ambitieuse de notre modèle de coopération transfrontalière.
Cette proposition de motion, en s'attaquant aux enjeux de gouvernance du Grand Genève, ouvre de nouvelles perspectives pour notre territoire. Ainsi, elle ambitionne d'étudier la création d'un groupement européen de coopération territoriale (GECT), une structure qui faciliterait la gestion commune des politiques publiques entre Genève, la France voisine et le canton de Vaud.
Le contexte de la motion découle de cinquante ans de coopération transfrontalière dont les résultats sont jugés insuffisants par les auteurs. La coopération transfrontalière dans le Grand Genève a débuté il y a plusieurs décennies avec la mise en place d'institutions telles que le Conseil du Léman ou le GLCT (Groupement local de coopération transfrontalière).
Cependant, ces structures ont des limites en termes de portée de coordination, ce qui entrave la gestion efficace des défis transfrontaliers actuels, soit la mobilité, l'aménagement du territoire, l'environnement et la santé. Les instances existantes manquent de transversalité et sont peu compréhensibles pour les citoyens. De plus, la gouvernance actuelle est perçue comme éloignée des préoccupations quotidiennes des habitants du Grand Genève, créant un manque de dynamisme dans la coopération.
Le texte a comme objectif, premièrement, la création d'un GECT. Le GECT permettrait de structurer la coopération transfrontalière de manière plus formelle et efficace. Cette nouvelle entité aurait pour vocation d'améliorer la gouvernance dans plusieurs domaines clés: mobilité, gestion des ressources, santé, environnement. Ce GECT pourrait être reconnu comme une métropole par la France, ce qui lui accorderait plus d'autonomie vis-à-vis de Paris et faciliterait les relations avec Genève.
Ensuite, le renforcement de la coopération transfrontalière: les auteurs appellent à une mise en commun des compétences et des moyens dans des domaines cruciaux pour le développement du Grand Genève, par exemple la gestion de l'eau et des déchets. En effet, la gestion de l'approvisionnement en eau potable et du traitement des eaux usées est centrale dans cette coopération, notamment en période de changement climatique. Citons également la promotion de la santé et la prévention: il convient d'améliorer la coordination des services de santé entre Genève et la France voisine, qui fait face à une pénurie de personnel médical. En matière de mobilité et d'environnement, l'idée est de développer les infrastructures de transport pour faciliter les déplacements transfrontaliers tout en respectant les enjeux écologiques. Il s'agit de promouvoir des projets concrets qui améliorent directement la vie des citoyens dans le Grand Genève au lieu de se concentrer uniquement sur des réformes institutionnelles.
Après cinquante ans de coopération transfrontalière, les auteurs de la motion estiment qu'il est temps de franchir un nouveau cap en créant une structure plus visible et plus compréhensible pour les citoyens. Le GECT permettrait d'assurer une meilleure coordination des politiques transfrontalières tout en bénéficiant de fonds européens pour financer les projets communs. Des exemples réussis de modèles similaires existent dans d'autres régions frontalières d'Europe, par exemple la coopération entre 150 communes françaises et belges dans la région de Tournai.
La commission a auditionné Mme Strasser, auteure de la motion, qui a plaidé pour une meilleure structuration de la coopération transfrontalière, soulignant les limites des instances actuelles; elle a également évoqué le besoin de davantage de transversalité dans les thématiques abordées. Jean-Louis Meynet, auteur du livre «Le Mythe du Grand Genève», a exprimé des critiques sur la manière dont la coopération transfrontalière est gérée, soulignant un manque de cohésion et d'efficacité; il a défendu un nouveau récit pour le Grand Genève basé sur des projets concrets. Enfin, M. Hodgers a mis en garde contre l'ajout d'une nouvelle couche institutionnelle sans réel projet concret; il a plutôt recommandé de concentrer les efforts sur l'amélioration des projets en cours, par exemple les initiatives de mobilité transfrontalière comme le Léman Express.
La motion a été acceptée à la majorité: 8 oui contre 7 non. La majorité de la commission considère que le texte constitue un signal fort pour relancer la coopération transfrontalière et résoudre les problèmes structurels actuels. Par conséquent, elle vous encourage à l'adopter. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion propose deux choses: d'une part, étudier un développement institutionnel, notamment la création d'un groupement européen de coopération territoriale, et d'autre part, faciliter la coopération transfrontalière. Face à ces deux éléments, il faut relever que même le Conseil d'Etat est sceptique.
En effet, lors de son audition, M. Hodgers a expliqué que le Conseil d'Etat est dubitatif à l'idée d'une nouvelle institution, car la plus-value d'une telle entité n'est pas évidente. Une institution est un outil au service d'un projet, et il faudrait surtout se demander lequel. Le gouvernement a également souligné qu'une nouvelle instance dotée de pouvoirs implique que d'autres structures existantes, notamment le Grand Conseil, perdraient autant de compétences.
Une voix. Evidemment !
M. André Pfeffer. Actuellement, les organismes du Grand Genève ont des capacités déléguées et sont surtout très opérationnels. Pour les travaux actuels, les compétences se limitent à l'initiation d'un projet, aux études et à la coordination. Le droit de chaque pays est assuré et représente une contrainte inévitable.
Le Grand Genève est une agglomération très intégrée et figure dans le top cinq des régions transfrontalières européennes. La collaboration transfrontalière est similaire à Genève et à Bâle. Dans certains domaines, nous sommes à la traîne, mais notre canton est plus avancé dans celui de la mobilité, notamment grâce au Léman Express. Suite aux sages et pragmatiques recommandations du Conseil d'Etat, la grande minorité - nous étions tout de même sept commissaires contre huit - vous recommande de rejeter cette motion. Merci de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Le Grand Genève, ça ne marche pas, ça n'existe pas. Le Grand Genève, c'est une utopie, un mauvais concept, une sorte de néo-colonialisme prétentieux qui donne l'impression que Genève est le centre du monde; c'est méprisant pour toute la région frontalière. Nous n'avons pas le droit d'exploiter un concept aussi foireux. Derrière ce concept foireux, il y a une réalité.
Cette réalité, quelle est-elle ? Ce sont des résidents genevois qui souffrent de l'afflux massif - excessif ! - de travailleurs frontaliers. Actuellement, un travailleur sur trois à Genève est frontalier. C'est une réalité qui n'est pas appréhendée par le Grand Genève, c'est une réalité qui n'est pas appréhendée par Genève, c'est une réalité qui fait souffrir de nombreux habitants de ce canton. Cette réalité, nous devons impérativement nous y confronter, et ce n'est pas avec ce genre de concept que nous pourrons le faire.
Monsieur le président, je constate qu'il y a un petit problème quant à mon temps de parole; ça ne me dérange pas de disposer de plus de temps, mais je pense que je dois vous rendre le micro.
Le président. Effectivement, Monsieur le député, excusez-nous, nous n'avons pas enclenché le chronomètre. Par conséquent, je ne sais pas combien de temps il vous reste, mais je vous laisse encore une minute.
M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Je reviendrai plus tard. (Rires.)
Le président. Parfait, vous pourrez revenir pour une minute. La parole est à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Monsieur le président. Après cette belle envolée, je rétorquerai que le Grand Genève existe: le Grand Genève existe territorialement, culturellement et historiquement. C'est notre bassin naturel. D'ailleurs, si j'étais un dictateur à Genève, j'annexerais la Haute-Savoie de même que la Terre-Sainte; ainsi, nous aurions enfin un arrière-pays qui nous permettrait d'agir correctement !
La question soulevée par cette motion est déterminante, mais les structures sont tellement différentes d'un pays à l'autre qu'il est difficile de les faire collaborer. La commission a énuméré, après avoir mené passablement d'auditions, les problèmes qui pourraient se poser et quelles instances actuelles ne pourraient pas les régler. La minorité - la grosse minorité, comme le rappelait le rapporteur de minorité - a constaté que les entités existantes étaient suffisantes pour résoudre les difficultés que nous rencontrons.
Le problème le plus important, c'est que Genève - et c'est un avantage de notre fédéralisme - a plus d'aptitudes à négocier des accords. Du côté de la France, c'est assez compliqué, puisqu'il s'agit d'un Etat extrêmement centralisé, malgré la régionalisation opérée il y a quelques années. La nouvelle couche qui nous est proposée est peut-être intéressante, mais si cette entité détient un pouvoir décisionnel, cela générera des écueils extrêmement graves et des obstacles des deux côtés de la frontière, soit pour Genève, soit pour la France. Et si cette nouvelle structure n'a pas de pouvoir décisionnel, alors elle est inutile.
Le rapporteur de majorité a rappelé le rôle du GLCT, notamment en matière de santé. De nombreux échanges ont lieu. J'ai siégé quelques années au GLCT et il est vrai que nous entendions beaucoup de reproches quant au fait que nous allons chercher les infirmières en France pour les faire venir à Genève, car nous en avons besoin. Je rappelle que si l'hôpital emploie 60% d'infirmières frontalières, c'est parce que nous n'avons pas été capables, à l'époque, de former les personnes à Genève. Maintenant, les filières de formation s'améliorent, ce n'est pas un problème.
Les processus sont très lents dans les relations avec la France voisine. Il me semble - et je profite de la présence du magistrat de tutelle de ce dossier pour le souligner - que du temps de votre illustre aîné, M. Robert Cramer, les choses allaient un petit peu plus vite et qu'il y avait davantage de dynamisme. Mesdames et Messieurs, le groupe Le Centre vous recommande de rejeter cette motion. Je vous remercie.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion a été déposée par notre groupe sur l'impulsion de notre collègue et ancien député, Denis Chiaradonna - je voulais le signaler ici, puisque je suis première signataire; elle a été signée par plusieurs autres groupes de notre parlement et fait suite à divers constats autour de l'évolution des enjeux transfrontaliers et aux travaux qui ont longuement occupé la commission sur la résolution 889.
Aujourd'hui, les enjeux transfrontaliers se complexifient et s'étendent bien au-delà de l'aménagement du territoire ou de la mobilité: on peut penser à la santé - mon préopinant l'a rappelé -, à la culture ou encore au sport. De nombreux défis doivent être relevés, et cela en collaboration avec nos voisins.
J'ai lu avec intérêt dernièrement plusieurs prises de position dans la presse autour de la question du Grand Genève qui relevaient toutes l'importance de notre agglomération transfrontalière et surtout l'importance du récit construit autour de cette dernière, récit que nous pouvons influencer de manière positive ou négative. Claude Haegi, ancien conseiller d'Etat et président de la FEDRE, mentionnait par exemple dans la «Tribune de Genève»: «Ainsi l'agglomération transfrontalière de Bâle s'appelle-t-elle "Eurodistrict trinational de Bâle", alors que celle de Genève a été nommée, tout simplement, "Grand Genève". Ces aspects semblent symboliques, mais ils sont importants car ils dénotent un certain état d'esprit.»
Cette motion propose de soutenir un changement d'état d'esprit et de donner un élan nouveau à notre collaboration avec nos si proches voisins en explorant de nouvelles voies pour un développement institutionnel concerté du Grand Genève - je dis bien: en explorant de nouvelles voies, pas en les imposant. A notre sens, c'est un pas en avant pour renforcer la coopération transfrontalière et garantir un avenir durable à notre région en instituant les outils nécessaires pour affronter ensemble, des deux côtés de la frontière, les défis de demain. Nous vous remercions de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Cédric Jeanneret (Ve). Le Grand Genève, c'est plus d'un million d'habitants vivant dans 209 communes: 45 dans le canton de Genève, 47 dans le district de Nyon, 39 dans le département de l'Ain et 78 dans le département de la Haute-Savoie. Vous transmettrez à M. Guinchard, Monsieur le président, qu'il n'oublie pas d'annexer l'Ain quand il sera dictateur de la région ! C'est un bassin de vie transfrontalier; certains parlent d'une communauté de destins sur laquelle repose la prospérité de Genève, qui va puiser des ressources humaines et naturelles bien au-delà des limites de nos frontières cantonales.
Prenons l'exemple de la santé, qui a déjà été évoqué à de nombreuses reprises ce soir: les HUG ne pourraient tout simplement pas fonctionner sans le travail fourni par les infirmières et infirmiers formés en France et dont Genève bénéficie, au grand dam d'autres agglomérations de la région qui se transforment en déserts médicaux. Ce siphonnage de savoir-faire et de compétences conduit à un délabrement des services publics en France voisine, victimes d'un effet d'attraction-répulsion qui les vide de leur substance: attraction des employés pour quitter leur emploi français et en prendre un à Genève, répulsion pour celles et ceux qui travaillent en France et doivent fuir une région où le coût de la vie n'est pas conciliable avec des salaires de moins de 2000 euros par mois.
Malgré des études très bien construites qui ont notamment mené à la signature de la charte Grand Genève en transition, qui offre une vision, un projet à moyen terme pour notre région, malgré des projets d'agglomération qui ont permis le financement d'infrastructures de mobilité sur le territoire, le Grand Genève reste une organisation assez complexe, sans grand pouvoir, ne disposant pas de moyens à la hauteur des enjeux de notre région, laquelle a le malheur d'être relativement éloignée de Paris.
Alors oui, il convient, comme le suggère cette motion, d'explorer toutes les pistes pour mieux faire et mieux travailler ensemble. Nous vivons dans l'une des régions les plus dynamiques d'Europe, nous avons les moyens de mieux structurer notre développement, de rêver une région souveraine, par exemple pour l'accès aux ressources. A l'instar d'agglomérations comme New York ou, plus près de chez nous, Zurich, pourquoi ne pas imaginer un pass culture, voire une carte de résident du Grand Genève permettant de mieux vivre ensemble tout en veillant à ce que nos frontières ne se referment pas sur nous, dans l'hypothèse d'une nouvelle crise de type covid ?
Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, à accepter ce texte qui vise à étudier la manière dont renforcer la collaboration franco-valdo-genevoise sur laquelle reposent notre prospérité économique, notre équilibre social et notre transition écologique. Nous avons besoin d'une agglomération solide et stable dans laquelle on se sent bien et où on a envie de s'enraciner durablement, des deux côtés de la frontière. En 2021, notre Grand Conseil avait largement accepté la résolution 889 «pour une politique transfrontalière ambitieuse: donner au Grand Genève les moyens de ses ambitions». Les Vertes et les Verts vous proposent aujourd'hui de faire de même avec cette motion. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Baertschi pour une minute.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Juste une précision: il semble qu'une erreur se soit glissée dans le rapport de commission, puisque apparemment nos commissaires ont refusé la motion. Mais bon... (Commentaires.) Ils l'auraient refusée ! Or il est indiqué qu'ils l'ont acceptée, ce qui n'est apparemment pas le cas. Mais ne regardons pas le passé ni le détail de ce rapport ou du travail parlementaire.
Il est vrai que les questions restent ouvertes au niveau de l'agglomération, mais elles devraient l'être pour d'autres régions, il faudrait par exemple continuer à défendre les zones franches: nous avons des droits séculaires, des droits qui existent, que nous pourrions utiliser à la fois pour les intérêts de Genève et de la région frontalière, ce serait une possibilité.
On nous parle de pénurie d'infirmières, mais à l'époque, avant les bilatérales, notre système obligeait les personnes venant travailler à Genève à résider pendant quelques années en France voisine, ce qui permettait à nos voisins de disposer de personnel pour leurs propres hôpitaux et...
Le président. Merci, Monsieur le député...
M. François Baertschi. Oui, oui, je termine, Monsieur le président, très rapidement !
Le président. Mais très rapidement !
M. François Baertschi. Très, très rapidement ! (Rires.) Si on en a marre des frontaliers, on refuse cette motion !
M. Alexis Barbey (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous ferai pas mystère du fait que le PLR est favorable au Grand Genève, que nous pensons que c'est à cette échelle que nous devons concevoir notre développement et qu'il est dès lors tout à fait naturel de s'intéresser à ce qui se passe de l'autre côté de la frontière quand on s'occupe des affaires genevoises.
Maintenant, est-il besoin pour cela d'ajouter un étage au mille-feuille administratif, d'ajouter de la complexité aux relations que nous entretenons avec la France ? Ce alors que ces relations sont le souci quotidien de chacun de nos conseillers d'Etat qui, à un titre ou à un autre, traitent avec la France pour l'un ou l'autre sujet et doivent tenir compte de ce grand voisin parfois un peu pesant, mais qui nous rend néanmoins bien service par moments et, encore une fois, avec lequel il s'agit de réfléchir conjointement, et non pas l'un contre l'autre.
Les partisans de la tarte à la crème nous disent: «Il faut ajouter des instances qui auraient des tâches bien définies dans le concept de développement du Grand Genève.» Mais pourquoi ? Pour que cette entité vienne ensuite donner des leçons à notre Grand Conseil sur ce qu'il faudrait mettre en oeuvre pour développer le Grand Genève ? Non merci, nous n'en voulons pas ! Nous sommes assez grands pour savoir comment procéder pour développer le Grand Genève tout en protégeant les intérêts des Genevois. Plutôt que de nous perdre dans les complications inutiles de cette motion, le PLR vous propose de refuser celle-ci et de passer à autre chose. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Il y a eu de grandes déclarations, on a dit beaucoup de choses sur ce que le Grand Genève devrait être ou devenir, mais je rappelle que cette motion propose quelque chose de très précis, de très concret.
Voici les questions que soulève ce texte: le Grand Genève a-t-il besoin d'une nouvelle institution, le Grand Genève a-t-il besoin de la création d'un groupement européen de coopération territoriale ? Sur ces deux interrogations spécifiques, la réponse est non, du moins pour la très large minorité.
Je répète aussi que même le Conseil d'Etat - je pense qu'il s'exprimera à ce sujet - s'est montré très sceptique...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. André Pfeffer. ...pas forcément sur le Grand Genève en soi, mais sur les questions posées par cette motion.
Le président. C'est terminé !
M. André Pfeffer. Alors merci de votre attention et désolé...
Des voix. Il reste du temps du groupe !
M. André Pfeffer. Je prends volontiers le temps du groupe.
Une voix. Parle-nous de Bâle !
M. André Pfeffer. Je reviens juste sur les deux questions très précises que soulève cette motion: même le Conseil d'Etat s'est montré sceptique et, tout comme la grande minorité, vous proposera probablement de refuser cette motion. Merci de votre attention.
M. Frédéric Saenger (LJS), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Monsieur Pfeffer, je respecte et comprends les réserves de certains de la minorité - même si elle est grande, c'est une minorité -, mais le Grand Genève est inéluctable, et on aurait tort d'essayer de le freiner ou de se voiler la face. Ne soyons donc pas timorés; au contraire, soyons proactifs et instillons une nouvelle dynamique pour relever les défis de demain.
La création d'un GECT constitue une opportunité unique pour renforcer notre coopération transfrontalière et construire un avenir plus prospère pour tous les habitants de la région. Le GECT, c'est l'assurance d'une gestion plus efficace des ressources, d'une mobilité améliorée et d'une protection renforcée de notre environnement. Voter pour cette proposition de motion, c'est garder la main sur notre destin et investir dans l'avenir de notre région et de nos concitoyens. Merci.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, une étude ? Pourquoi pas, on peut toujours examiner les évolutions institutionnelles possibles de ce qui représente aujourd'hui l'organe politique du Grand Genève. Cependant, je ne crois pas que les institutions puissent faire vivre les identités; je pense que c'est plutôt l'inverse, en général: il y a d'abord les identités, les dynamiques collectives, puis les institutions viennent se greffer là-dessus. La Suisse en est un bel exemple.
Cela étant, il est intéressant, dans le cadre de ce débat, de se demander où nous en sommes avec le Grand Genève, où nous en sommes dans nos liens avec la France et le canton de Vaud, et quelles sont les limites du modèle actuel.
Tout d'abord, puisqu'on citait mes illustres prédécesseurs, que ce soit Claude Haegi ou Robert Cramer, il faut dire qu'on entreprend beaucoup plus de projets maintenant qu'à l'époque. Le projet d'agglomération numéro cinq comporte des dizaines de projets supplémentaires, des dizaines de millions de francs complémentaires de la Confédération, et l'action du Grand Genève est incontestable, que ce soit en matière d'environnement - on peut citer par exemple la protection de l'air -, d'eau avec des installations partagées, de corridors biologiques, de mobilité, bien sûr, mais aussi de patrimoine, de culture. Bref, dans bien des domaines, la collaboration s'est fortement étoffée ces dernières années.
Alors pourquoi ce sentiment «c'est moins bien qu'avant» qui revient régulièrement ? Eh bien parce que l'élan politique - et c'est peut-être là, Mesdames et Messieurs les députés, que nous devons mener notre débat -, notamment dans cette salle, correspondant à la posture qui consiste à dire que le Grand Genève constitue une réalité historique, économique, géographique, urbanistique, sociale, culturelle et que cette réalité s'impose à nous, cet élan-là manque.
Il manque, et le dernier exemple en date, c'est le refus par une majorité de votre parlement de la vision territoriale transfrontalière, ce document travaillé longuement avec les autorités françaises, un refus pour lequel je dois constamment me justifier auprès des élus français, qui ne comprennent pas comment une majorité du Grand Conseil en est arrivée à donner un signal aussi négatif, aussi fermé, aussi désagréable à l'égard des partenaires qui ont travaillé sur ce document pendant des années.
Je dois également expliquer auprès des partenaires français pourquoi, en raison d'une modification légale opérée par ce parlement, il sera désormais impossible à leurs résidents, qu'ils soient français, suisses ou genevois, d'acquérir un logement en PPE dans nos zones de développement, puisque ce Grand Conseil vient de fermer la porte à celles et ceux qui ont l'audace d'habiter de l'autre côté de la frontière, même s'ils souhaitent revenir dans le canton.
Ce sont là les projets de lois, Mesdames et Messieurs, notamment du Centre, qui a souvent interpellé le Conseil d'Etat en disant: «Pourquoi n'en fait-on pas davantage, pourquoi ne fait-on pas comme avant ?» Qu'est-ce qui a changé par rapport à la situation d'il y a dix ou quinze ans autour de ces questions-là ? A l'époque, ni le PDC ni le PLR ne s'acoquinaient avec le MCG et l'UDC sur ce type de sujet. (Applaudissements.) Or aujourd'hui, à travers les alliances politiques, le signal de la droite libérale de ce Grand Conseil est de se rabaisser à voter des propositions émanant de partis qui ont au moins pour eux la cohérence de s'être toujours montrés critiques, hostiles à la libre circulation des personnes, hostiles à la France voisine et hostiles à la coopération transfrontalière.
Voilà ce qui a changé depuis dix ans, Mesdames et Messieurs. On peut mener des études sur des institutions, on peut réfléchir à tout ce que vous voulez; pour ma part, ce que j'attends, c'est de retrouver les majorités qui défendent une Genève ouverte, prospère, basée sur la libre circulation des personnes et, partant, sur une collaboration active avec nos voisins français. Merci de votre écoute. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. (Remarque.) Effectivement, Monsieur Genecand, nous avions décidé avec le Bureau que si le conseiller d'Etat se montrait un peu excessif, on pouvait reprendre la parole après lui; vous l'avez donc pour trente secondes.
M. Antonio Hodgers. Je n'ai interpellé personne, Monsieur le président ! (Commentaires.)
M. Adrien Genecand (PLR). Ah ben oui ! (L'orateur rit.) Merci, Monsieur le président. (Commentaires.) Monsieur le président, c'est très aimable de votre part de rappeler au conseiller d'Etat qu'en théorie, du fait de la séparation des pouvoirs, l'exécutif exécute ce que le parlement veut. Le parlement décide, l'exécutif exécute. Il se trouve que depuis vingt ans, l'exécutif, particulièrement dans ce canton, a pris l'habitude de penser que c'est lui qui faisait les lois, que c'est lui qui faisait la politique. Ce n'est pas le cas, Monsieur le président. (M. Antonio Hodgers quitte la salle. Huées. Applaudissements.)
Une voix. Restez là, Monsieur le conseiller d'Etat !
M. Adrien Genecand. Et c'est extrêmement emblématique de la dérive de l'exécutif de ce canton... (Vifs commentaires.)
Le président. Je vous ai donné trente secondes, Monsieur le député.
M. Adrien Genecand. ...c'est exactement le problème du Grand Conseil: nous sommes le législatif... (Vifs commentaires.) C'est emblématique de la situation à laquelle nous faisons face, c'est-à-dire que l'exécutif pense...
Le président. C'est terminé !
M. Adrien Genecand. ...qu'il n'a pas besoin d'être là, qu'il peut légiférer... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Monsieur Carasso, vous avez la parole pour trente secondes.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je ne reviendrai pas sur la forme - vous l'avez senti, il arrive à tout le monde de commettre des faux pas -, mais sur le fond: pourquoi notre collègue Adrien Genecand s'émeut-il tout à coup alors que personne n'a été individuellement mis en cause ?
C'est juste un rappel assez désagréable à certaines oreilles du PLR - peut-être pas à celles de M. Genecand en particulier - qu'il y a plein de trucs qui changent: contreprojet sur Urbadem, développement du territoire, aménagement, au point qu'on se demande si le PLR d'aujourd'hui ne va pas bientôt rejoindre certains bancs pour prôner la décroissance, qui sait, stopper le développement de Genève, ne plus rien construire. Finalement, c'est le type d'écho que nous donnent à entendre certaines parties des bancs PLR dans cette enceinte en s'alliant toujours plus systématiquement, sur les enjeux d'ouverture, avec le MCG et l'UDC. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements. Huées.)
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous allons arrêter là, c'est terminé, je ne donne plus la parole ! Nous procédons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2954 est rejetée par 48 non contre 39 oui (vote nominal).