Séance du vendredi 27 septembre 2024 à 18h
3e législature - 2e année - 5e session - 26e séance

La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.

Assiste à la séance: M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Patrick Dimier, Florian Dugerdil, Raphaël Dunand, Laura Mach, Thierry Oppikofer, Xhevrie Osmani, Charles Poncet, Djawed Sangdel, Marc Saudan, Laurent Seydoux, Celine van Till et François Wolfisberg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Céline Bartolomucci, Rémy Burri, Christine Jeanneret, Gabrielle Le Goff, Patrick Lussi, Philippe Meyer, Frédéric Saenger et Nicole Valiquer Grecuccio.

Annonces et dépôts

Néant.

M 2954-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la proposition de motion de Léna Strasser, Christina Meissner, Caroline Marti, Marjorie de Chastonay, Jacques Jeannerat, Masha Alimi, Djawed Sangdel, Emilie Fernandez, Julien Nicolet-dit-Félix, Louise Trottet, Laurent Seydoux, Jean-Pierre Tombola, Léo Peterschmitt, Raphaël Dunand : Explorons de nouvelles voies pour un développement institutionnel concerté du Grand Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 29 février et 1er mars 2024.
Rapport de majorité de M. Laurent Seydoux (LJS)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Débat

Le président. Nous continuons dans l'ordre du jour et traitons la M 2954-A en catégorie II, trente minutes. Monsieur Frédéric Saenger, vous avez la parole.

M. Frédéric Saenger (LJS), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. C'est la première fois que je prends la parole dans cette salle ! Monsieur le président, distingués membres du Grand Conseil, j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui mon estimé collègue Laurent Seydoux et souhaite attirer votre attention sur la M 2954 qui propose une refonte ambitieuse de notre modèle de coopération transfrontalière.

Cette proposition de motion, en s'attaquant aux enjeux de gouvernance du Grand Genève, ouvre de nouvelles perspectives pour notre territoire. Ainsi, elle ambitionne d'étudier la création d'un groupement européen de coopération territoriale (GECT), une structure qui faciliterait la gestion commune des politiques publiques entre Genève, la France voisine et le canton de Vaud.

Le contexte de la motion découle de cinquante ans de coopération transfrontalière dont les résultats sont jugés insuffisants par les auteurs. La coopération transfrontalière dans le Grand Genève a débuté il y a plusieurs décennies avec la mise en place d'institutions telles que le Conseil du Léman ou le GLCT (Groupement local de coopération transfrontalière).

Cependant, ces structures ont des limites en termes de portée de coordination, ce qui entrave la gestion efficace des défis transfrontaliers actuels, soit la mobilité, l'aménagement du territoire, l'environnement et la santé. Les instances existantes manquent de transversalité et sont peu compréhensibles pour les citoyens. De plus, la gouvernance actuelle est perçue comme éloignée des préoccupations quotidiennes des habitants du Grand Genève, créant un manque de dynamisme dans la coopération.

Le texte a comme objectif, premièrement, la création d'un GECT. Le GECT permettrait de structurer la coopération transfrontalière de manière plus formelle et efficace. Cette nouvelle entité aurait pour vocation d'améliorer la gouvernance dans plusieurs domaines clés: mobilité, gestion des ressources, santé, environnement. Ce GECT pourrait être reconnu comme une métropole par la France, ce qui lui accorderait plus d'autonomie vis-à-vis de Paris et faciliterait les relations avec Genève.

Ensuite, le renforcement de la coopération transfrontalière: les auteurs appellent à une mise en commun des compétences et des moyens dans des domaines cruciaux pour le développement du Grand Genève, par exemple la gestion de l'eau et des déchets. En effet, la gestion de l'approvisionnement en eau potable et du traitement des eaux usées est centrale dans cette coopération, notamment en période de changement climatique. Citons également la promotion de la santé et la prévention: il convient d'améliorer la coordination des services de santé entre Genève et la France voisine, qui fait face à une pénurie de personnel médical. En matière de mobilité et d'environnement, l'idée est de développer les infrastructures de transport pour faciliter les déplacements transfrontaliers tout en respectant les enjeux écologiques. Il s'agit de promouvoir des projets concrets qui améliorent directement la vie des citoyens dans le Grand Genève au lieu de se concentrer uniquement sur des réformes institutionnelles.

Après cinquante ans de coopération transfrontalière, les auteurs de la motion estiment qu'il est temps de franchir un nouveau cap en créant une structure plus visible et plus compréhensible pour les citoyens. Le GECT permettrait d'assurer une meilleure coordination des politiques transfrontalières tout en bénéficiant de fonds européens pour financer les projets communs. Des exemples réussis de modèles similaires existent dans d'autres régions frontalières d'Europe, par exemple la coopération entre 150 communes françaises et belges dans la région de Tournai.

La commission a auditionné Mme Strasser, auteure de la motion, qui a plaidé pour une meilleure structuration de la coopération transfrontalière, soulignant les limites des instances actuelles; elle a également évoqué le besoin de davantage de transversalité dans les thématiques abordées. Jean-Louis Meynet, auteur du livre «Le Mythe du Grand Genève», a exprimé des critiques sur la manière dont la coopération transfrontalière est gérée, soulignant un manque de cohésion et d'efficacité; il a défendu un nouveau récit pour le Grand Genève basé sur des projets concrets. Enfin, M. Hodgers a mis en garde contre l'ajout d'une nouvelle couche institutionnelle sans réel projet concret; il a plutôt recommandé de concentrer les efforts sur l'amélioration des projets en cours, par exemple les initiatives de mobilité transfrontalière comme le Léman Express.

La motion a été acceptée à la majorité: 8 oui contre 7 non. La majorité de la commission considère que le texte constitue un signal fort pour relancer la coopération transfrontalière et résoudre les problèmes structurels actuels. Par conséquent, elle vous encourage à l'adopter. Merci.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion propose deux choses: d'une part, étudier un développement institutionnel, notamment la création d'un groupement européen de coopération territoriale, et d'autre part, faciliter la coopération transfrontalière. Face à ces deux éléments, il faut relever que même le Conseil d'Etat est sceptique.

En effet, lors de son audition, M. Hodgers a expliqué que le Conseil d'Etat est dubitatif à l'idée d'une nouvelle institution, car la plus-value d'une telle entité n'est pas évidente. Une institution est un outil au service d'un projet, et il faudrait surtout se demander lequel. Le gouvernement a également souligné qu'une nouvelle instance dotée de pouvoirs implique que d'autres structures existantes, notamment le Grand Conseil, perdraient autant de compétences.

Une voix. Evidemment !

M. André Pfeffer. Actuellement, les organismes du Grand Genève ont des capacités déléguées et sont surtout très opérationnels. Pour les travaux actuels, les compétences se limitent à l'initiation d'un projet, aux études et à la coordination. Le droit de chaque pays est assuré et représente une contrainte inévitable.

Le Grand Genève est une agglomération très intégrée et figure dans le top cinq des régions transfrontalières européennes. La collaboration transfrontalière est similaire à Genève et à Bâle. Dans certains domaines, nous sommes à la traîne, mais notre canton est plus avancé dans celui de la mobilité, notamment grâce au Léman Express. Suite aux sages et pragmatiques recommandations du Conseil d'Etat, la grande minorité - nous étions tout de même sept commissaires contre huit - vous recommande de rejeter cette motion. Merci de votre attention.

M. François Baertschi (MCG). Le Grand Genève, ça ne marche pas, ça n'existe pas. Le Grand Genève, c'est une utopie, un mauvais concept, une sorte de néo-colonialisme prétentieux qui donne l'impression que Genève est le centre du monde; c'est méprisant pour toute la région frontalière. Nous n'avons pas le droit d'exploiter un concept aussi foireux. Derrière ce concept foireux, il y a une réalité.

Cette réalité, quelle est-elle ? Ce sont des résidents genevois qui souffrent de l'afflux massif - excessif ! - de travailleurs frontaliers. Actuellement, un travailleur sur trois à Genève est frontalier. C'est une réalité qui n'est pas appréhendée par le Grand Genève, c'est une réalité qui n'est pas appréhendée par Genève, c'est une réalité qui fait souffrir de nombreux habitants de ce canton. Cette réalité, nous devons impérativement nous y confronter, et ce n'est pas avec ce genre de concept que nous pourrons le faire.

Monsieur le président, je constate qu'il y a un petit problème quant à mon temps de parole; ça ne me dérange pas de disposer de plus de temps, mais je pense que je dois vous rendre le micro.

Le président. Effectivement, Monsieur le député, excusez-nous, nous n'avons pas enclenché le chronomètre. Par conséquent, je ne sais pas combien de temps il vous reste, mais je vous laisse encore une minute.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Je reviendrai plus tard. (Rires.)

Le président. Parfait, vous pourrez revenir pour une minute. La parole est à M. Jean-Marc Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Monsieur le président. Après cette belle envolée, je rétorquerai que le Grand Genève existe: le Grand Genève existe territorialement, culturellement et historiquement. C'est notre bassin naturel. D'ailleurs, si j'étais un dictateur à Genève, j'annexerais la Haute-Savoie de même que la Terre-Sainte; ainsi, nous aurions enfin un arrière-pays qui nous permettrait d'agir correctement !

La question soulevée par cette motion est déterminante, mais les structures sont tellement différentes d'un pays à l'autre qu'il est difficile de les faire collaborer. La commission a énuméré, après avoir mené passablement d'auditions, les problèmes qui pourraient se poser et quelles instances actuelles ne pourraient pas les régler. La minorité - la grosse minorité, comme le rappelait le rapporteur de minorité - a constaté que les entités existantes étaient suffisantes pour résoudre les difficultés que nous rencontrons.

Le problème le plus important, c'est que Genève - et c'est un avantage de notre fédéralisme - a plus d'aptitudes à négocier des accords. Du côté de la France, c'est assez compliqué, puisqu'il s'agit d'un Etat extrêmement centralisé, malgré la régionalisation opérée il y a quelques années. La nouvelle couche qui nous est proposée est peut-être intéressante, mais si cette entité détient un pouvoir décisionnel, cela générera des écueils extrêmement graves et des obstacles des deux côtés de la frontière, soit pour Genève, soit pour la France. Et si cette nouvelle structure n'a pas de pouvoir décisionnel, alors elle est inutile.

Le rapporteur de majorité a rappelé le rôle du GLCT, notamment en matière de santé. De nombreux échanges ont lieu. J'ai siégé quelques années au GLCT et il est vrai que nous entendions beaucoup de reproches quant au fait que nous allons chercher les infirmières en France pour les faire venir à Genève, car nous en avons besoin. Je rappelle que si l'hôpital emploie 60% d'infirmières frontalières, c'est parce que nous n'avons pas été capables, à l'époque, de former les personnes à Genève. Maintenant, les filières de formation s'améliorent, ce n'est pas un problème.

Les processus sont très lents dans les relations avec la France voisine. Il me semble - et je profite de la présence du magistrat de tutelle de ce dossier pour le souligner - que du temps de votre illustre aîné, M. Robert Cramer, les choses allaient un petit peu plus vite et qu'il y avait davantage de dynamisme. Mesdames et Messieurs, le groupe Le Centre vous recommande de rejeter cette motion. Je vous remercie.

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion a été déposée par notre groupe sur l'impulsion de notre collègue et ancien député, Denis Chiaradonna - je voulais le signaler ici, puisque je suis première signataire; elle a été signée par plusieurs autres groupes de notre parlement et fait suite à divers constats autour de l'évolution des enjeux transfrontaliers et aux travaux qui ont longuement occupé la commission sur la résolution 889.

Aujourd'hui, les enjeux transfrontaliers se complexifient et s'étendent bien au-delà de l'aménagement du territoire ou de la mobilité: on peut penser à la santé - mon préopinant l'a rappelé -, à la culture ou encore au sport. De nombreux défis doivent être relevés, et cela en collaboration avec nos voisins.

J'ai lu avec intérêt dernièrement plusieurs prises de position dans la presse autour de la question du Grand Genève qui relevaient toutes l'importance de notre agglomération transfrontalière et surtout l'importance du récit construit autour de cette dernière, récit que nous pouvons influencer de manière positive ou négative. Claude Haegi, ancien conseiller d'Etat et président de la FEDRE, mentionnait par exemple dans la «Tribune de Genève»: «Ainsi l'agglomération transfrontalière de Bâle s'appelle-t-elle "Eurodistrict trinational de Bâle", alors que celle de Genève a été nommée, tout simplement, "Grand Genève". Ces aspects semblent symboliques, mais ils sont importants car ils dénotent un certain état d'esprit.»

Cette motion propose de soutenir un changement d'état d'esprit et de donner un élan nouveau à notre collaboration avec nos si proches voisins en explorant de nouvelles voies pour un développement institutionnel concerté du Grand Genève - je dis bien: en explorant de nouvelles voies, pas en les imposant. A notre sens, c'est un pas en avant pour renforcer la coopération transfrontalière et garantir un avenir durable à notre région en instituant les outils nécessaires pour affronter ensemble, des deux côtés de la frontière, les défis de demain. Nous vous remercions de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Cédric Jeanneret (Ve). Le Grand Genève, c'est plus d'un million d'habitants vivant dans 209 communes: 45 dans le canton de Genève, 47 dans le district de Nyon, 39 dans le département de l'Ain et 78 dans le département de la Haute-Savoie. Vous transmettrez à M. Guinchard, Monsieur le président, qu'il n'oublie pas d'annexer l'Ain quand il sera dictateur de la région ! C'est un bassin de vie transfrontalier; certains parlent d'une communauté de destins sur laquelle repose la prospérité de Genève, qui va puiser des ressources humaines et naturelles bien au-delà des limites de nos frontières cantonales.

Prenons l'exemple de la santé, qui a déjà été évoqué à de nombreuses reprises ce soir: les HUG ne pourraient tout simplement pas fonctionner sans le travail fourni par les infirmières et infirmiers formés en France et dont Genève bénéficie, au grand dam d'autres agglomérations de la région qui se transforment en déserts médicaux. Ce siphonnage de savoir-faire et de compétences conduit à un délabrement des services publics en France voisine, victimes d'un effet d'attraction-répulsion qui les vide de leur substance: attraction des employés pour quitter leur emploi français et en prendre un à Genève, répulsion pour celles et ceux qui travaillent en France et doivent fuir une région où le coût de la vie n'est pas conciliable avec des salaires de moins de 2000 euros par mois.

Malgré des études très bien construites qui ont notamment mené à la signature de la charte Grand Genève en transition, qui offre une vision, un projet à moyen terme pour notre région, malgré des projets d'agglomération qui ont permis le financement d'infrastructures de mobilité sur le territoire, le Grand Genève reste une organisation assez complexe, sans grand pouvoir, ne disposant pas de moyens à la hauteur des enjeux de notre région, laquelle a le malheur d'être relativement éloignée de Paris.

Alors oui, il convient, comme le suggère cette motion, d'explorer toutes les pistes pour mieux faire et mieux travailler ensemble. Nous vivons dans l'une des régions les plus dynamiques d'Europe, nous avons les moyens de mieux structurer notre développement, de rêver une région souveraine, par exemple pour l'accès aux ressources. A l'instar d'agglomérations comme New York ou, plus près de chez nous, Zurich, pourquoi ne pas imaginer un pass culture, voire une carte de résident du Grand Genève permettant de mieux vivre ensemble tout en veillant à ce que nos frontières ne se referment pas sur nous, dans l'hypothèse d'une nouvelle crise de type covid ?

Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, à accepter ce texte qui vise à étudier la manière dont renforcer la collaboration franco-valdo-genevoise sur laquelle reposent notre prospérité économique, notre équilibre social et notre transition écologique. Nous avons besoin d'une agglomération solide et stable dans laquelle on se sent bien et où on a envie de s'enraciner durablement, des deux côtés de la frontière. En 2021, notre Grand Conseil avait largement accepté la résolution 889 «pour une politique transfrontalière ambitieuse: donner au Grand Genève les moyens de ses ambitions». Les Vertes et les Verts vous proposent aujourd'hui de faire de même avec cette motion. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Baertschi pour une minute.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Juste une précision: il semble qu'une erreur se soit glissée dans le rapport de commission, puisque apparemment nos commissaires ont refusé la motion. Mais bon... (Commentaires.) Ils l'auraient refusée ! Or il est indiqué qu'ils l'ont acceptée, ce qui n'est apparemment pas le cas. Mais ne regardons pas le passé ni le détail de ce rapport ou du travail parlementaire.

Il est vrai que les questions restent ouvertes au niveau de l'agglomération, mais elles devraient l'être pour d'autres régions, il faudrait par exemple continuer à défendre les zones franches: nous avons des droits séculaires, des droits qui existent, que nous pourrions utiliser à la fois pour les intérêts de Genève et de la région frontalière, ce serait une possibilité.

On nous parle de pénurie d'infirmières, mais à l'époque, avant les bilatérales, notre système obligeait les personnes venant travailler à Genève à résider pendant quelques années en France voisine, ce qui permettait à nos voisins de disposer de personnel pour leurs propres hôpitaux et...

Le président. Merci, Monsieur le député...

M. François Baertschi. Oui, oui, je termine, Monsieur le président, très rapidement !

Le président. Mais très rapidement !

M. François Baertschi. Très, très rapidement ! (Rires.) Si on en a marre des frontaliers, on refuse cette motion !

M. Alexis Barbey (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous ferai pas mystère du fait que le PLR est favorable au Grand Genève, que nous pensons que c'est à cette échelle que nous devons concevoir notre développement et qu'il est dès lors tout à fait naturel de s'intéresser à ce qui se passe de l'autre côté de la frontière quand on s'occupe des affaires genevoises.

Maintenant, est-il besoin pour cela d'ajouter un étage au mille-feuille administratif, d'ajouter de la complexité aux relations que nous entretenons avec la France ? Ce alors que ces relations sont le souci quotidien de chacun de nos conseillers d'Etat qui, à un titre ou à un autre, traitent avec la France pour l'un ou l'autre sujet et doivent tenir compte de ce grand voisin parfois un peu pesant, mais qui nous rend néanmoins bien service par moments et, encore une fois, avec lequel il s'agit de réfléchir conjointement, et non pas l'un contre l'autre.

Les partisans de la tarte à la crème nous disent: «Il faut ajouter des instances qui auraient des tâches bien définies dans le concept de développement du Grand Genève.» Mais pourquoi ? Pour que cette entité vienne ensuite donner des leçons à notre Grand Conseil sur ce qu'il faudrait mettre en oeuvre pour développer le Grand Genève ? Non merci, nous n'en voulons pas ! Nous sommes assez grands pour savoir comment procéder pour développer le Grand Genève tout en protégeant les intérêts des Genevois. Plutôt que de nous perdre dans les complications inutiles de cette motion, le PLR vous propose de refuser celle-ci et de passer à autre chose. Je vous remercie.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Il y a eu de grandes déclarations, on a dit beaucoup de choses sur ce que le Grand Genève devrait être ou devenir, mais je rappelle que cette motion propose quelque chose de très précis, de très concret.

Voici les questions que soulève ce texte: le Grand Genève a-t-il besoin d'une nouvelle institution, le Grand Genève a-t-il besoin de la création d'un groupement européen de coopération territoriale ? Sur ces deux interrogations spécifiques, la réponse est non, du moins pour la très large minorité.

Je répète aussi que même le Conseil d'Etat - je pense qu'il s'exprimera à ce sujet - s'est montré très sceptique...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. André Pfeffer. ...pas forcément sur le Grand Genève en soi, mais sur les questions posées par cette motion.

Le président. C'est terminé !

M. André Pfeffer. Alors merci de votre attention et désolé...

Des voix. Il reste du temps du groupe !

M. André Pfeffer. Je prends volontiers le temps du groupe.

Une voix. Parle-nous de Bâle !

M. André Pfeffer. Je reviens juste sur les deux questions très précises que soulève cette motion: même le Conseil d'Etat s'est montré sceptique et, tout comme la grande minorité, vous proposera probablement de refuser cette motion. Merci de votre attention.

M. Frédéric Saenger (LJS), député suppléant et rapporteur de majorité ad interim. Monsieur Pfeffer, je respecte et comprends les réserves de certains de la minorité - même si elle est grande, c'est une minorité -, mais le Grand Genève est inéluctable, et on aurait tort d'essayer de le freiner ou de se voiler la face. Ne soyons donc pas timorés; au contraire, soyons proactifs et instillons une nouvelle dynamique pour relever les défis de demain.

La création d'un GECT constitue une opportunité unique pour renforcer notre coopération transfrontalière et construire un avenir plus prospère pour tous les habitants de la région. Le GECT, c'est l'assurance d'une gestion plus efficace des ressources, d'une mobilité améliorée et d'une protection renforcée de notre environnement. Voter pour cette proposition de motion, c'est garder la main sur notre destin et investir dans l'avenir de notre région et de nos concitoyens. Merci.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, une étude ? Pourquoi pas, on peut toujours examiner les évolutions institutionnelles possibles de ce qui représente aujourd'hui l'organe politique du Grand Genève. Cependant, je ne crois pas que les institutions puissent faire vivre les identités; je pense que c'est plutôt l'inverse, en général: il y a d'abord les identités, les dynamiques collectives, puis les institutions viennent se greffer là-dessus. La Suisse en est un bel exemple.

Cela étant, il est intéressant, dans le cadre de ce débat, de se demander où nous en sommes avec le Grand Genève, où nous en sommes dans nos liens avec la France et le canton de Vaud, et quelles sont les limites du modèle actuel.

Tout d'abord, puisqu'on citait mes illustres prédécesseurs, que ce soit Claude Haegi ou Robert Cramer, il faut dire qu'on entreprend beaucoup plus de projets maintenant qu'à l'époque. Le projet d'agglomération numéro cinq comporte des dizaines de projets supplémentaires, des dizaines de millions de francs complémentaires de la Confédération, et l'action du Grand Genève est incontestable, que ce soit en matière d'environnement - on peut citer par exemple la protection de l'air -, d'eau avec des installations partagées, de corridors biologiques, de mobilité, bien sûr, mais aussi de patrimoine, de culture. Bref, dans bien des domaines, la collaboration s'est fortement étoffée ces dernières années.

Alors pourquoi ce sentiment «c'est moins bien qu'avant» qui revient régulièrement ? Eh bien parce que l'élan politique - et c'est peut-être là, Mesdames et Messieurs les députés, que nous devons mener notre débat -, notamment dans cette salle, correspondant à la posture qui consiste à dire que le Grand Genève constitue une réalité historique, économique, géographique, urbanistique, sociale, culturelle et que cette réalité s'impose à nous, cet élan-là manque.

Il manque, et le dernier exemple en date, c'est le refus par une majorité de votre parlement de la vision territoriale transfrontalière, ce document travaillé longuement avec les autorités françaises, un refus pour lequel je dois constamment me justifier auprès des élus français, qui ne comprennent pas comment une majorité du Grand Conseil en est arrivée à donner un signal aussi négatif, aussi fermé, aussi désagréable à l'égard des partenaires qui ont travaillé sur ce document pendant des années.

Je dois également expliquer auprès des partenaires français pourquoi, en raison d'une modification légale opérée par ce parlement, il sera désormais impossible à leurs résidents, qu'ils soient français, suisses ou genevois, d'acquérir un logement en PPE dans nos zones de développement, puisque ce Grand Conseil vient de fermer la porte à celles et ceux qui ont l'audace d'habiter de l'autre côté de la frontière, même s'ils souhaitent revenir dans le canton.

Ce sont là les projets de lois, Mesdames et Messieurs, notamment du Centre, qui a souvent interpellé le Conseil d'Etat en disant: «Pourquoi n'en fait-on pas davantage, pourquoi ne fait-on pas comme avant ?» Qu'est-ce qui a changé par rapport à la situation d'il y a dix ou quinze ans autour de ces questions-là ? A l'époque, ni le PDC ni le PLR ne s'acoquinaient avec le MCG et l'UDC sur ce type de sujet. (Applaudissements.) Or aujourd'hui, à travers les alliances politiques, le signal de la droite libérale de ce Grand Conseil est de se rabaisser à voter des propositions émanant de partis qui ont au moins pour eux la cohérence de s'être toujours montrés critiques, hostiles à la libre circulation des personnes, hostiles à la France voisine et hostiles à la coopération transfrontalière.

Voilà ce qui a changé depuis dix ans, Mesdames et Messieurs. On peut mener des études sur des institutions, on peut réfléchir à tout ce que vous voulez; pour ma part, ce que j'attends, c'est de retrouver les majorités qui défendent une Genève ouverte, prospère, basée sur la libre circulation des personnes et, partant, sur une collaboration active avec nos voisins français. Merci de votre écoute. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. (Remarque.) Effectivement, Monsieur Genecand, nous avions décidé avec le Bureau que si le conseiller d'Etat se montrait un peu excessif, on pouvait reprendre la parole après lui; vous l'avez donc pour trente secondes.

M. Antonio Hodgers. Je n'ai interpellé personne, Monsieur le président ! (Commentaires.)

M. Adrien Genecand (PLR). Ah ben oui ! (L'orateur rit.) Merci, Monsieur le président. (Commentaires.) Monsieur le président, c'est très aimable de votre part de rappeler au conseiller d'Etat qu'en théorie, du fait de la séparation des pouvoirs, l'exécutif exécute ce que le parlement veut. Le parlement décide, l'exécutif exécute. Il se trouve que depuis vingt ans, l'exécutif, particulièrement dans ce canton, a pris l'habitude de penser que c'est lui qui faisait les lois, que c'est lui qui faisait la politique. Ce n'est pas le cas, Monsieur le président. (M. Antonio Hodgers quitte la salle. Huées. Applaudissements.)

Une voix. Restez là, Monsieur le conseiller d'Etat !

M. Adrien Genecand. Et c'est extrêmement emblématique de la dérive de l'exécutif de ce canton... (Vifs commentaires.)

Le président. Je vous ai donné trente secondes, Monsieur le député.

M. Adrien Genecand. ...c'est exactement le problème du Grand Conseil: nous sommes le législatif... (Vifs commentaires.) C'est emblématique de la situation à laquelle nous faisons face, c'est-à-dire que l'exécutif pense...

Le président. C'est terminé !

M. Adrien Genecand. ...qu'il n'a pas besoin d'être là, qu'il peut légiférer... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Monsieur Carasso, vous avez la parole pour trente secondes.

M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je ne reviendrai pas sur la forme - vous l'avez senti, il arrive à tout le monde de commettre des faux pas -, mais sur le fond: pourquoi notre collègue Adrien Genecand s'émeut-il tout à coup alors que personne n'a été individuellement mis en cause ?

C'est juste un rappel assez désagréable à certaines oreilles du PLR - peut-être pas à celles de M. Genecand en particulier - qu'il y a plein de trucs qui changent: contreprojet sur Urbadem, développement du territoire, aménagement, au point qu'on se demande si le PLR d'aujourd'hui ne va pas bientôt rejoindre certains bancs pour prôner la décroissance, qui sait, stopper le développement de Genève, ne plus rien construire. Finalement, c'est le type d'écho que nous donnent à entendre certaines parties des bancs PLR dans cette enceinte en s'alliant toujours plus systématiquement, sur les enjeux d'ouverture, avec le MCG et l'UDC. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements. Huées.)

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous allons arrêter là, c'est terminé, je ne donne plus la parole ! Nous procédons au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2954 est rejetée par 48 non contre 39 oui (vote nominal).

Vote nominal

M 2962-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Angèle-Marie Habiyakare, Julien Nicolet-dit-Félix, Marjorie de Chastonay, Céline Bartolomucci, Lara Atassi, Emilie Fernandez, Louise Trottet : Bois de Versoix - le premier parc naturel périurbain à Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de majorité de Mme Gabriela Sonderegger (MCG)
Rapport de minorité de M. Pierre Eckert (Ve)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2962-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Mme Sonderegger, vous avez la parole.

Mme Gabriela Sonderegger (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion 2962 vise à créer un parc naturel périurbain dans les bois de Versoix, l'une des plus grandes forêts genevoises, pour répondre au déclin de la biodiversité et renforcer la protection de ces milieux sensibles. (Brouhaha.) Il y a trop de bruit, là ! (Un instant s'écoule.) Ce texte propose d'évaluer la faisabilité d'une telle initiative en collaboration avec les parties prenantes locales. Le parc bénéficierait de ce statut fédéral pour permettre la sensibilisation du public, la recherche environnementale et la gestion durable des forêts, tout en maintenant certaines activités économiques compatibles.

Les travaux de commission ont permis de révéler plusieurs préoccupations des députés concernant la gestion de cet espace. Le parc prévu comprendrait une zone centrale restreinte au public et des zones de transition accessibles. Des questions ont été soulevées sur la comparaison avec d'autres parcs, l'impact sur la pêche et la régulation des cervidés ainsi que les risques de privatisation par des associations. La collaboration avec les cantons voisins et la France a été jugée essentielle, mais potentiellement contraignante. L'office cantonal de l'agriculture et de la nature, le directeur de Forêt Genève ainsi qu'un membre du comité GIFORGE, un groupement d'ingénieurs forestiers à Genève, ont été consultés. Ils nous ont décrit la gestion forestière de Genève, axée sur la biodiversité et l'exploitation durable du bois. Il a été souligné que 25% des forêts genevoises... (Brouhaha.)

Le président. Madame la députée, un instant, s'il vous plaît. Messieurs de l'UDC, pourriez-vous sortir et avoir votre discussion en dehors de la salle ? (Remarque.) Non, vous sortez alors ! (Commentaires.) Vous sortez, s'il vous plaît !

Mme Gabriela Sonderegger. Mon temps de parole continue à s'écouler.

Le président. Monsieur, vous sortez ! (Commentaires.) Dites à votre collègue de sortir. (Un instant s'écoule.) Madame la rapporteure, vous pouvez continuer.

Mme Gabriela Sonderegger. Merci, Monsieur le président. Il a été souligné lors des auditions que 25% des forêts genevoises sont déjà des réserves et que la création de ce parc périurbain pourrait entraîner une perte de biodiversité et d'accueil pour le public. L'importance de l'entretien forestier pour maintenir la diversité des habitats a également été mentionnée. Selon les auditionnés, les petites dimensions et la forte fragmentation des bois de Versoix compliqueraient la mise en place d'un parc périurbain viable. Ils ont estimé que ce projet était inadapté aux dimensions actuelles des forêts genevoises et ont considéré que cette motion risquait de nuire à l'équilibre actuel. Les discussions ont porté sur la faisabilité du parc périurbain, en particulier sur la taille requise, de 400 hectares, qui pourrait poser un problème pour les bois de Versoix. Cette mise sous cloche risquerait donc de nuire à la biodiversité et à la gestion locale.

Il a été relevé que la promotion de la biodiversité et des activités pédagogiques existent déjà sans changement de statut du parc. L'OCAN nous a mis en garde contre les contraintes que cela engendrerait, qui nécessiteraient de grandes ressources humaines et financières et qui pourraient en outre créer des restrictions inutiles. Auditionnés, les représentants de Pro Natura et du WWF nous ont présenté les avantages d'un parc périurbain pour la biodiversité, le stockage de carbone et l'éducation environnementale. Ils ont expliqué que la cessation de l'exploitation forestière permettait un vieillissement naturel des arbres favorable à la biodiversité. Ils ont reconnu que la création d'un tel parc poserait des défis de gestion et nécessiterait une coordination avec les propriétaires et les autorités voisines. Aussi, ils ont recommandé une étude de faisabilité pour évaluer l'impact d'un tel parc périurbain dans les bois de Versoix.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Gabriela Sonderegger. Lors de son audition, le maire de Versoix a exprimé des réserves quant à la création de ce parc. Il a mis en avant les défis de gouvernance, l'impact potentiel sur les usages locaux et les conflits entre la préservation de la nature, les activités humaines et l'agriculture. La commune préfère le cadre actuel du plan directeur forestier, qui permet une protection écologique adaptée et flexible. Selon lui, la motion semble inadaptée à la réalité locale et pourrait créer plus de contraintes qu'elle n'apporterait de bénéfices. Cette proposition a été rejetée par une grande majorité de la commission. Vous l'aurez compris, cette dernière vous recommande de refuser ce texte. Merci de votre attention.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ça n'a pas été dit, mais le concept de parc naturel périurbain est défini à l'article 23h de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, avec un certain nombre de caractéristiques que vous retrouverez dans le rapport.

Ces caractéristiques sont tout à fait compatibles avec les bois de Versoix. Ceux-ci se prêtent très bien à la mise en place d'un tel parc, d'autant plus qu'ils disposent d'ores et déjà de zones protégées et de parcours didactiques, comme l'a dit ma préopinante. Or du côté des Verts et de la minorité, nous pensons qu'on peut aller plus loin dans cette direction. Durant le traitement de cette motion, on a trop souvent pris pour référence les deux autres parcs naturels périurbains - le Sihlwald dans le canton de Zurich et les bois du Jorat dans le canton de Vaud. Leurs caractéristiques morphologiques sont bien différentes de celles des bois de Versoix, si bien qu'ils devraient servir de sources d'inspiration plutôt que d'exemples.

La loi est complétée par l'ordonnance sur les parcs d'importance nationale, qui fixe de façon plus précise les conditions relatives aux parcs naturels périurbains. Dans ce cadre, nous estimons qu'il existe une marge de manoeuvre et que l'étude de faisabilité demandée par la motion devrait l'explorer. Quelques éléments caractéristiques de la faisabilité d'un tel parc ont été mis en avant lors de l'audition du WWF et de Pro Natura, qui soutiennent ce projet. Même si l'OCAN, qui a aussi été auditionnée, préfère une gestion planifiée, nous estimons nécessaire de franchir un pas supplémentaire pour les bois de Versoix - le reste du territoire genevois pourra toujours être géré selon les méthodes actuelles; on parle ici par exemple des bois de Chancy ou de ceux de Jussy.

La question de la surface de la zone centrale ne doit d'ailleurs pas être considérée comme absolue. Il convient clairement d'explorer les possibilités de collaboration avec les tenants des surfaces de forêt contiguës situées sur le territoire de Collex-Bossy, du canton de Vaud et du Pays de Gex - tiens, on revient à un concept transfrontalier !

Je rappelle encore que nombre d'exigences qu'entraîne un parc naturel périurbain sont déjà réalisées: 113 hectares sont déjà classés en zone de réserve naturelle, le cours de la Versoix et ses environs sont reconnus d'importance nationale, des cheminements piétons et des parcours didactiques existent, un plan sur la biodiversité est en cours de développement et l'exploitation du bois en tant que matériau ou en tant que combustible est très limitée.

Les marges de manoeuvre sont largement présentes. Le canton de Vaud l'a fait, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire aussi à Genève ? Ce parc apporterait un réservoir de biodiversité exceptionnel et une importante plus-value pour Genève et sa région. Et rappelons que la motion ne demande finalement qu'une étude de faisabilité; personne n'a demandé que ce parc soit réalisé. Menons cette étude de faisabilité, je vous encourage donc à soutenir cette motion !

Mme Angèle-Marie Habiyakare (Ve). Le rapport du Conseil fédéral sur l'environnement de 2022 mentionne que le déclin de la biodiversité fait partie des défis les plus importants à relever. Pour répondre à cette crise, qui est corrélée à la crise climatique, il nous faut évaluer les plans et la situation de notre canton dans ce contexte, créer des espaces qui représentent des solutions concrètes et préserver notre patrimoine et notre Terre. C'est dans ce contexte que s'inscrit cette proposition de motion, qui demande d'étudier - j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une étude - la faisabilité d'un parc périurbain dans les bois de Versoix.

L'OFEV dit que ce type de parc contribue à améliorer la qualité de vie de la population en lui offrant des possibilités variées de découvertes, de détente et d'éducation, tout en promouvant et en sauvegardant la biodiversité et le paysage. Les bois de Versoix représentent une surface de 553 hectares et se trouvent dans une zone périurbaine. Plusieurs zones sont déjà reconnues nationalement. Elles abritent des groupes d'animaux menacés, un statut qui concerne 14 des 19 espèces indigènes suisses. Ce déclin s'explique principalement par la raréfaction de leurs sites de reproduction.

La proposition de motion vise principalement à étudier la faisabilité d'un tel parc, dans une perspective collaborative avec les actrices et acteurs concernés, notamment les communes et les forestiers. Cette approche est en phase avec l'article 23i de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, qui dit tout simplement: «1 Les cantons soutiennent les initiatives régionales visant à aménager et à gérer des parcs d'importance nationale. 2 Ils veillent à ce que la population des communes concernées puisse participer de manière adéquate.» Ce statut permet également de renforcer un aspect d'information et de sensibilisation envers le public ainsi qu'en faveur des recherches scientifiques. L'efficacité d'absorption du CO2 par les arbres et le sol est corrélée avec une connectivité entre différents milieux naturels, qui peut aussi se faire à travers des corridors biologiques. Un exemple cité par mon collègue, le député Eckert, est celui du parc naturel du Jorat, qui est fortement subventionné par la Confédération.

En résumé, je vous invite à voter en faveur de cette proposition de motion, qui vise à étudier la faisabilité d'un parc périurbain dans les bois de Versoix. Merci.

M. Sébastien Desfayes (LC). Le groupe Le Centre votera contre cette motion. Cela étant, il faut reconnaître que ce projet fait suite à un réel besoin de la population, parce que la densification à laquelle on assiste dans le canton de Genève a pour corollaire le besoin de se rapprocher de la nature et de vivre avec elle. On constate, notamment avec le Bioparc de Genève, que la population veut plus de nature. Par conséquent, ce projet partait vraiment d'une excellente intention, et quand je l'ai reçu, j'avais la volonté de le soutenir.

Cependant, il faut simplement regarder la réalité des faits et tenir compte des auditions: on nous dit qu'il faut procéder à la création d'un parc naturel périurbain à Genève en écoutant les milieux forestiers et les milieux agricoles. Or, nous les avons entendus, et tant les milieux agricoles que les milieux forestiers nous ont fait part de leur refus et nous ont expliqué que l'endroit n'est tout simplement pas indiqué pour créer un parc naturel périurbain à Genève. Un grand problème se pose avec les milieux agricoles, tout simplement parce que la création d'un parc naturel périurbain entraverait l'exploitation agricole dans les lisières des forêts. C'est bien malheureux, mais on ne peut pas faire de politique sans tenir compte de la réalité des faits.

Et c'est d'ailleurs dommage que le conseiller d'Etat ne soit pas là, parce qu'une solution, un projet qui pourrait être envisagé par ce Grand Conseil, c'est la création d'un grand parc naturel qui serait transfrontalier. Je pense que c'est dans cette direction qu'on doit aller. Malheureusement, les bois de Versoix sont trop petits et ont trop de contraintes, notamment liées à la zone agricole, pour que le projet proposé soit réalisable, mais nous accueillerons volontiers - et, cas échéant, nous proposerons - la création d'un parc périurbain transfrontalier. Merci.

Une voix. Bravo !

M. Geoffray Sirolli (PLR). Tout comme le député Desfayes, je regrette en premier lieu que le conseiller d'Etat ne soit pas là pour nous écouter débattre de cette motion plus qu'intéressante. (Commentaires.) Le groupe PLR a également reçu de façon favorable dans un premier temps cette proposition. En effet, vouloir valoriser une forêt aussi magnifique et attrayante que les bois de Versoix a de quoi faire plaisir. Mais comme cela a été dit, notamment par notre excellente rapporteuse de majorité, les auditions nous ont fait un peu déchanter.

Tout d'abord, soyons honnêtes, les bois de Versoix sont déjà bien protégés par les politiques existantes. Les communes concernées, au premier rang desquelles Versoix, font déjà un excellent travail pour préserver la biodiversité, tout comme le canton. Les services que nous avons reçus nous l'ont prouvé. Alors pourquoi vouloir ajouter une couche supplémentaire de bureaucratie ? Ça ne ferait que compliquer les choses, sans créer de réels bénéfices supplémentaires.

Ensuite, il y a un autre problème évident: finalement, personne ne veut vraiment de ce projet et personne ne veut le porter, ni le canton ni la commune ne souhaitent le gérer. La commune a clairement indiqué qu'elle n'était pas intéressée. Le canton, lui, ne se montre pas très enthousiaste à l'idée d'assumer cette charge supplémentaire. Alors si même les principaux acteurs locaux n'en veulent pas, pourquoi forcer cette idée ?

Enfin, parlons des conséquences économiques, qui, comme le député Desfayes l'a expliqué, sont autant agricoles que forestières. Cette motion risque de constituer une nouvelle mise sous cloche et de restreindre des activités importantes, comme l'exploitation du bois. Soyons réalistes: l'exploitation du bois, c'est non seulement une activité économique locale importante, qui fait vivre de nombreuses PME, mais c'est également un moyen d'assurer une certaine autonomie énergétique à Genève, qui nous est très chère. Si on arrête cette exploitation, il faudra importer du bois, ce qui va finalement à l'encontre de tous les principes écologiques que nous connaissons.

C'est pourquoi, au nom du groupe PLR, je vous invite à rejeter ce texte; le projet ne trouve pas de gestionnaire, personne n'en veut - ni le canton ni la commune - et il risque de compliquer des activités locales importantes. Restons concentrés sur ce qui fonctionne et évitons de créer des structures supplémentaires inutiles et coûteuses. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Aujourd'hui, l'exploitation du bois dans notre canton n'est absolument pas rentable, elle est subventionnée à 70% par l'Etat, ce qui fait que quand vous vous chauffez avec cette ressource, vous payez deux fois le bois. Tout ça pour dire que la réflexion autour de ce parc est l'occasion d'allier des intérêts différents et des buts communs...

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Céline Bartolomucci. ...la biodiversité, le déploiement du tourisme ainsi que la valorisation du patrimoine genevois. Nous vous invitons donc à voter en faveur de ce texte.

Le président. Merci, Madame. Mesdames et Messieurs les députés, je lance la procédure de vote sur cet objet.

Mise aux voix, la proposition de motion 2962 est rejetée par 54 non contre 18 oui et 4 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

M 2965-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Skender Salihi, Thierry Cerutti, Arber Jahija, Marc Falquet, Gabriela Sonderegger, Ana Roch, Jean-Marie Voumard, Danièle Magnin, Daniel Sormanni, Roger Golay, Sami Gashi pour une prescription applicable aux constructions datant de plus de 30 ans
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 29 février et 1er mars 2024.
Rapport de majorité de M. Matthieu Jotterand (S)
Rapport de minorité de M. Thierry Cerutti (MCG)

Débat

Le président. L'ordre du jour appelle le traitement de la M 2965-A émanant de M. Skender Salihi. (Le président prononce le prénom «Skender» à la française.)

M. Skender Salihi. Monsieur le président, mon prénom est Skender !

Le président. Skender, très bien. Excusez-moi, Monsieur Skender. (Rires.) Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je cède la parole à M. Matthieu Jotterand.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, encore un petit instant de concentration pour un sujet de la plus haute importance ! Non, pas vraiment, en fait. Il s'agit d'un cas particulier, celui d'une personne qui a hérité d'un terrain où une cabane avait été construite de manière illicite, et nous ne sommes pas là pour juger des cas particuliers.

On pourrait donc dire: «Fin du traitement de cet objet», mais comme nous sommes sérieux et que nous étudions les textes jusqu'au bout, nous avons auditionné le premier signataire, qui nous a expliqué que le propriétaire était embêté, parce qu'il avait engagé des travaux sans avoir reçu d'autorisation de construire. En effet, l'Etat n'ayant pas répondu à sa demande d'autorisation dans les années 80, il est parti du principe que qui ne dit mot consent. Or l'article 4, alinéa 4 LCI stipule que si l'Etat ne vous répond pas, vous devez le mettre en demeure, et là ça change les choses, mais vous ne pouvez pas juste considérer qu'une non-réponse constitue un blanc-seing.

Ce cas soulève la question des constructions qui se trouvent hors zones à bâtir, qui sont là depuis un certain temps, qui ont besoin d'être rénovées et qui, du coup, sont problématiques, parce qu'il n'y a plus le droit de les rénover. Il se trouve que le sujet est traité actuellement aux Chambres fédérales, ce qui fait que c'est un peu redondant de l'évoquer ici. En réalité, le cas particulier qui fonde cette motion devrait être examiné par la justice plutôt que par notre Grand Conseil.

Ce qui se cache derrière ce texte, c'est une sorte de prime à l'illégalité, c'est-à-dire que vous construisez n'importe quoi comme vous voulez dans la forêt, et dans trente ans, ce sera légal, on vous félicitera. Le problème principal de la motion, c'est qu'elle n'opère aucune distinction entre un cabanon prévu pour ranger quelques outils et, si on pousse jusqu'à l'absurde - même si, hors zones à bâtir, c'est peu probable -, un immeuble dans un champ, il n'y a aucune différence.

Le rapport de minorité indique que la construction a été érigée dans la légalité; malheureusement, ce n'est pas le cas, il n'y avait pas d'autorisation de construire, donc il faut rectifier ce propos. Je remarque par ailleurs qu'il a été rédigé uniquement sous forme de questions sans fournir la moindre réponse. Prenons-en acte, il n'y a pas vraiment d'arguments valables en faveur de cet objet. On peut éprouver une certaine sympathie pour les activités du particulier concerné, mais la motion doit clairement être refusée.

Le président. Je vous remercie. Avant de donner la parole au rapporteur de minorité, j'aimerais m'excuser auprès de M. Skender. (Le président prononce le prénom «Skender» à la française.) Mais vous savez, nous nous trouvons dans une région francophone et j'ai prononcé votre nom en français. Cela dit, je changerai dorénavant.

Une voix. C'est Skender !

Le président. Oui, mais en français, ça se prononce autrement. (Commentaires. Rires.) En français, c'est Skender ! Et ici, on parle français, Monsieur ! (Commentaires.) Bon, passons à autre chose. Monsieur Thierry Cerutti, vous avez la parole.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, il faut souligner que les Chambres fédérales se sont déjà positionnées tant au niveau national que de l'Etat, puisqu'une motion demandant que la prescription trentenaire s'applique hors zones à bâtir a été acceptée et entrera certainement en vigueur en juillet 2025, ce qui signifie que toutes les constructions datant de plus de trente ans dans notre canton seront légalement admises.

Le cabanon dont on parle a été pris comme exemple, mais la problématique touche des dizaines d'autres ouvrages réalisés dans les années 30, 40 ou 50 de manière légale, puisque à l'époque, il n'y avait pas toutes les interdictions et restrictions auxquelles on est confronté aujourd'hui dans les zones forêt et agricole. Nous avons mis en avant un cas d'école, parce qu'il y a un projet éducatif derrière pour sensibiliser à la nature; c'était un moyen pour nous de dire: «Stop, le sujet est en traitement actuellement à Berne, faisons en sorte que le Conseil d'Etat n'intervienne pas de manière illicite dans cette histoire, attendons simplement que la décision formelle des Chambres fédérales soit appliquée avant d'agir.»

J'aimerais rappeler qu'à Genève, de nombreuses dénonciations sont traitées par les employés du DT pour des bâtiments construits souvent il y a plus de trente ans, et ce alors que les autorités fédérales se sont clairement prononcées sur la question. Ainsi, des fonctionnaires sont chargés d'effectuer un travail qui sera passé à la broyeuse dans quelques mois. C'est une réalité que l'ensemble de ce parlement doit prendre en considération.

Pire encore, des dossiers sensibles ou méritant une analyse spécifique seront sans doute jugés entre-temps alors qu'un sursis de quelques mois leur permettrait d'obtenir un non-lieu salvateur. Il est important de le mentionner, parce que j'ai entendu notre collègue de la majorité indiquer que cette affaire doit être réglée en justice. Or qui dit justice dit frais, coûts, mobilisation de personnel, temps gaspillé alors que les Chambres fédérales ont statué là-dessus et sont d'accord de maintenir les autorisations pour des biens construits il y a plus de trente ans.

La motion dont il est question ici - puisque c'est tout de même ce texte qui importe et dont on doit débattre ce soir - n'a pas pour but de se substituer au droit supérieur ni aux décisions du Conseil fédéral ou des Chambres fédérales. Il s'agit de prendre un peu de recul sachant que la loi sur l'aménagement du territoire sera modifiée prochainement; il s'agit tant d'éviter aux fonctionnaires et juges de nos juridictions un travail superflu, comme je l'ai relevé tout à l'heure, que d'épargner les propriétaires actuellement confrontés à une loi fédérale qui, pour quelques mois encore, ne leur accorde aucune tolérance. Voilà le sujet.

Le cas qui a notamment déclenché le dépôt de cette motion est celui d'une parcelle située au bout du canton sur laquelle est érigé, depuis plus de septante ans - on ne parle pas de trente ans, Mesdames et Messieurs les députés, mais de septante ans, il faut que vous l'entendiez ! -, un chalet d'agrément.

Le nouveau propriétaire a décidé d'en changer la destination pour y promouvoir la nature et des activités en lien avec la vie de la faune sous la conduite du Centre ornithologique de réadaptation de Genève, qui en est le locataire et l'exploitant officiel. Il travaille aujourd'hui dans ce chalet et y accueille des enfants, leur explique la nature, leur offre un accès privilégié aux oiseaux, et pour cela, il a fallu rénover cette construction qui date d'il y a plus de septante ans, le but étant de recevoir les enfants dans des conditions favorables.

Les lieux devant être mis aux normes pour accueillir les enfants issus d'écoles genevoises, les quelques travaux effectués par le propriétaire ont fait l'objet de demandes de régularisation qui sont malheureusement querellées en justice en raison d'une application trop stricte du droit fédéral actuel, qui, je le rappelle, changera en juillet de l'année prochaine, soit dans quelques mois.

Pourtant, cet endroit permet à des enfants de nos écoles publiques - je l'ai déjà dit - de même qu'à des enfants d'écoles spécialisées, parfois lourdement handicapés, de suivre des ateliers théoriques et pratiques en lien avec la nature, sa sauvegarde ainsi que la richesse de ce patrimoine. C'est la raison pour laquelle le propriétaire a dû revisiter le cabanon qui a été construit il y a plus de septante ans.

Ce cas emblématique démontre qu'une application trop stricte est ou peut être préjudiciable à des démarches visant à garantir la préservation de la nature et des espèces à travers l'éducation de nos jeunes écoliers. Cela devrait parler à toutes et tous au sein de cet hémicycle. Ce n'est pas juste un fanfaron qui veut un chalet pour se détendre avec sa famille et faire des barbecues avec ses amis, on est tout à fait dans un autre contexte; il est vrai qu'il s'agit d'un cas particulier, mais c'est la réalité.

Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de réserver un accueil favorable à cette motion visant simplement à éviter de devoir trancher ce genre de situation alors que le droit supérieur est en passe de changer. Je vous remercie.

M. Adrien Genecand (PLR). C'est intéressant, parce qu'on peut enfin traiter d'un sujet sans l'exécutif, qui brille par son absence. Il s'agit de quelque chose d'assez fondamental dans les institutions, c'est-à-dire qu'ici, on doit punir quelqu'un qui n'a pas demandé les autorisations nécessaires, mais qui possède un bien. On pourrait se demander si cette construction fait sens par ailleurs, mais comme les bases de l'Etat - c'est le grand canevas qu'on a posé, n'est-ce pas ? - sont fondées sur la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire, eh bien on ne peut pas cautionner le fait qu'une personne construise sans autorisation.

Sauf que, Monsieur le président, on a encore une fois eu la démonstration ce soir que l'exécutif fait de la politique au niveau législatif, puisqu'il quitte les lieux quand il n'est pas content - il n'y a pas d'autre terme -, après avoir littéralement insulté la majorité de ce parlement...

Le président. Monsieur le député, concentrez-vous sur la motion, s'il vous plaît.

M. Adrien Genecand. On est tout à fait sur la motion, Monsieur le président, puisque je parle...

Le président. Non, vous n'êtes pas sur la motion.

M. Adrien Genecand. Mais écoutez-moi ! Si vous m'écoutiez, vous verriez qu'on est exactement dans le sujet. La force des institutions, c'est le caractère impénétrable de chacun des différents pouvoirs et leur capacité à rester là où ils doivent être.

Malheureusement, Monsieur le président, même si, au fond de moi, je ne peux pas cautionner les agissements d'un particulier qui a construit sans autorisation, quand je constate que l'exécutif de ce canton, de façon récurrente depuis maintenant une dizaine d'années, fait de la politique législative et se fâche quand il n'est pas suivi par le parlement, eh bien quand on nous demande de faire respecter strictement la loi s'agissant de quelqu'un dont l'activité, en gros, ne gêne personne - sous l'angle très, très historique de la loi, ça ne dérange personne, on s'en fiche complètement -, vous voyez, c'est un peu compliqué de faire la loi et la police. Voilà, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo, Adrien !

M. Sébastien Desfayes (LC). Très brièvement, Mesdames et Messieurs, il faut savoir que l'on parle ici de constructions illégales hors zones à bâtir - entendez par là les zones agricoles -, ce qui a un impact non négligeable sur l'environnement et l'agriculture. On peut s'étonner de la décision des Chambres fédérales d'étendre le délai de prescription, mais toujours est-il que l'on doit en prendre acte, de telle sorte que le débat de ce soir est sans objet.

Il faut arrêter de perdre du temps sur cette motion. Les Chambres fédérales ont tranché: le délai de prescription sera de trente ans. Le délai référendaire s'est terminé en février 2024, il n'y a pas eu de référendum, donc la loi entrera en vigueur. Je propose dès lors d'arrêter relativement rapidement les débats sur cette question. Le groupe Le Centre, dans la mesure où ce texte est sans objet, s'y opposera. Merci.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de majorité. En effet, pas besoin d'épiloguer des heures, mais j'aimerais encore dénoncer la démagogie du rapporteur de minorité qui invoque, s'agissant de quelqu'un qui a tout de même agi de façon illicite, le fait que c'est pour des enfants, et même - poussant ainsi encore plus loin la démagogie - des enfants handicapés, donc vraiment, on ne peut pas s'y opposer. Eh bien non, il y a des règles, il faut les respecter, on les respecte.

Enfin, un dernier mot pour sourire, on va dire, du combat de coqs auquel tente de se livrer M. Genecand - coq ou petit poulet, ça reste à déterminer. (Rires.) Je ne suis pas sûr que ça vaille le coup, on aurait certainement pu s'économiser trente secondes dans cette plénière. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole retourne à M. Cerutti pour cinquante secondes.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je demande que cette motion soit renvoyée à la commission d'aménagement afin d'entendre les Chambres fédérales. (Rires.)

Le président. Bien, nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission, la parole va donc au rapporteur de majorité, M. Jotterand.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aurais presque été prêt à soutenir ce renvoi en commission, mais pourquoi seulement les Chambres fédérales ? Si ç'avait été le conseiller fédéral ou la conseillère fédérale en charge, alors j'aurais dit oui ! Plus le pape, évidemment ! Mais là, c'est non.

Le président. Je vous remercie. (Remarque.) Non, je ne lui donne pas la parole, nous ouvrons maintenant la procédure de vote.

Une voix. Il a été mis en cause ! Il s'est fait traiter de petit poulet ! (Rires.)

Une autre voix. Vous savez que c'est un grand coq !

Une autre voix. Il a été mis en cause par la locomotive du PS !

Le président. Mesdames et Messieurs, vous êtes priés de vous prononcer sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2965 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 67 non contre 15 oui.

Le président. Nous poursuivons le débat. Je repasse la parole à M. Genecand pour cinquante-trois secondes. (Exclamations.)

M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Je constate avec tristesse que Matthieu Jotterand, employé des CFF - donc fonctionnaire, comme une bonne partie de la gauche -, ne conçoit pas l'importance de la séparation des pouvoirs. L'exécutif, Monsieur Jotterand, ce n'est pas vous, vous n'êtes pas censé voter ce que l'exécutif vous demande, mais peut-être n'avez-vous pas encore tout à fait compris le fonctionnement du pouvoir législatif.

Une voix. Tchou tchou !

Le président. Monsieur Thierry Cerutti, il vous reste quarante secondes.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité. Oui, merci, Monsieur le président. J'entends les propos de notre collègue Desfayes, qui souligne que les Chambres fédérales ont déjà tranché, mais c'est une question de forme. Je pense qu'on doit voter cette motion, qu'on doit soutenir toutes les personnes qui, à leur époque, ont développé un projet reconnu par les autorités, des autorités qui n'ont pas pris de décision dans l'intervalle.

Ne pas accepter cette motion aujourd'hui, c'est prétéritant pour toutes celles et ceux qui sont en procédure judiciaire avec l'Etat. Au contraire, la renvoyer au Conseil d'Etat permettra de geler les affaires en cours, du moins provisoirement, jusqu'à ce que la décision fédérale entre en vigueur et que le système actuel soit remplacé. Merci.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de majorité. Même s'il me reste deux minutes trente pendant lesquelles je pourrais parler poulet, coq et autres volailles, Mesdames et Messieurs, je serai très bref pour rappeler que cette motion, si on peut certes comprendre le cas particulier, n'est pas acceptable en l'état.

De toute manière, les Chambres fédérales sont d'un autre avis que la majorité de notre parlement, donc le texte sera de facto appliqué, si on veut, d'ici juillet, ce n'est qu'une question de délai. (Remarque.) Ou vous pouvez le retirer, Monsieur Salihi !

Encore un mot à l'attention de M. Genecand, qui apprendra que les employés des CFF ne sont plus fonctionnaires depuis 1999, donc il retarde un peu - comme les trains, parfois ! (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Je lance le vote sur ce texte.

Mise aux voix, la proposition de motion 2965 est rejetée par 69 non contre 14 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

R 841-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Jean Batou, Christian Dandrès, François Lefort, Salika Wenger, Jocelyne Haller, Claire Martenot, Caroline Marti, Roger Deneys, Marion Sobanek, Guillaume Käser, Pierre Vanek, Thomas Wenger, Christian Frey, Maria Casares, Jean-Charles Rielle, Christian Zaugg, Isabelle Brunier, Olivier Baud, Nicole Valiquer Grecuccio, Alberto Velasco, Cyril Mizrahi, Frédérique Perler, Sarah Klopmann, Lydia Schneider Hausser, Salima Moyard pour la réintégration au sein de l'Etat du personnel de nettoyage des bâtiments publics
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 28 et 29 janvier 2021.
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
Rapport de minorité de M. Pierre Eckert (Ve)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la R 841-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Serge Hiltpold; il est remplacé par M. Jacques Béné. Je lui cède la parole.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de résolution invite le Conseil d'Etat à engager directement les nettoyeurs qui sont payés par des entreprises, évidemment, puisqu'ils sont externalisés. L'objectif est donc de réintégrer, de réinternaliser les nettoyeurs engagés par des entreprises mandatées par l'Etat. Il se trouve que cet objet date de janvier 2018: entre-temps, il y a eu une votation sur le salaire minimum, qui est appliqué à Genève depuis novembre 2020. Cette résolution a été traitée en décembre 2020, soit après la votation et l'entrée en vigueur du salaire minimum.

Nous étions tous conscients qu'il y avait en effet des problèmes dans le domaine du nettoyage, et s'il y en a bien un - si ce n'est pas... En tout cas, s'agissant du nettoyage, c'est vrai qu'il y avait un réel problème en matière de salaire minimal et c'est grâce au salaire minimum que ce problème a été réglé.

Des voix. Ah !

Une voix. Bravo, Jacques ! (Rire. Applaudissements.)

M. Jacques Béné. S'agissant du nettoyage, on peut effectivement dire que le salaire minimum a réellement eu une influence. Maintenant, par rapport à la réintégration de ces nettoyeurs à l'Etat, du fait que le salaire minimal - une des critiques des signataires de la résolution de M. Batou... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur le député, un instant. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, au groupe socialiste, garder un peu le silence ? S'il vous plaît ! Vous pouvez continuer, Monsieur le député.

M. Jacques Béné. Merci, Monsieur le président. Il y a des problèmes en matière d'horaires de travail: souvent, le nettoyage se fait avant l'ouverture des bureaux et à la fin de la journée, après le travail. Il y a des problèmes de flexibilité, parce que les employés de l'Etat ne peuvent pas forcément se déplacer entre différents bâtiments alors que les entreprises peuvent le faire. Il y a des implications lors des pics d'activité, lors des remplacements en cas de vacances, etc.

Alors on sait que si on réintègre ces nettoyeurs, ça va coûter plus cher, mais, pour la gauche, ce n'est pas très grave. L'Etat providence, comme toujours pour la gauche, ça résonne favorablement, malheureusement cette réinternalisation n'apporterait strictement aucune plus-value en matière de service ou de prestation aux citoyens contribuables. C'est l'un des arguments très fréquemment relevés par la gauche quand on dit qu'on veut faire des économies: on dit toujours que c'est à cause... A gauche, on ne veut pas les faire parce qu'on va diminuer les prestations. En l'occurrence, ici, il n'y a pas d'augmentation de prestation, il n'y a pas de diminution de service: le service est assuré différemment. Encore une fois, du fait qu'il y a dorénavant ce salaire minimum, la problématique des nettoyeurs et de leur précarité - leur prétendue précarité, invoquée par la gauche - est résolue. Je vous invite donc à refuser d'entrer en matière sur cette résolution. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est connu, l'office cantonal des bâtiments (OCBA) a opté de façon accrue pour la sous-traitance du nettoyage des bâtiments publics à des entreprises privées. L'externalisation, à mon sens, peut se justifier pour des tâches spécialisées ou ponctuelles, mais elle est évidemment beaucoup plus difficile pour des tâches régulières comme le nettoyage. Le nettoyage se fait à peu près tous les jours et je pense qu'il n'est pas utile de voltiger d'un endroit à l'autre pour cela.

L'objectif avoué est bien entendu de pouvoir renouveler périodiquement les appels d'offres afin de choisir le prestataire moins-disant; vous me direz que c'est obligatoire dans le cadre des marchés publics, mais si on réinternalisait maintenant ces nettoyeurs, il n'y aurait plus besoin de recourir aux marchés publics. La conséquence est d'établir une rotation des entreprises sous-traitantes, avec tout le personnel qui était attribué à la tâche. Par ailleurs, l'entreprise qui aura perdu le contrat avec l'Etat sera souvent amenée à licencier une partie de son personnel, conduisant à une perte d'ancienneté et d'expérience en plus de la précarisation des personnes mises à pied.

Il est souvent mis en avant que faire appel à la concurrence permet d'abaisser les coûts, mais il faut garder à l'esprit qu'une entreprise de nettoyage n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre. Le principal levier pour abaisser les coûts reste bien entendu le salaire du personnel, même si - on l'a mentionné - l'adoption récente du salaire minimum empêche à présent des dérives excessives. Mais on l'a déjà dit à quelques reprises dans ce parlement: le salaire minimum est vraiment un salaire minimal ! L'objectif n'est pas du tout d'arriver à ce plancher; le nettoyage étant une tâche quand même relativement difficile, je pense qu'arriver à ce niveau-là n'est pas du tout un objectif. La concurrence tire donc les salaires vers le bas, avec le risque que les travailleuses et les travailleurs se retrouvent avec des ressources financières insuffisantes et que cela les précipite à l'aide sociale. Ça montre que ce n'est pas forcément une opération gagnante pour l'Etat: si c'est pour faire de la «moins-disance» sur les prestations et retrouver les personnes à l'aide sociale, ce n'est pas forcément intéressant. D'autre part, il existe de nombreux emplacements liés à l'Etat où le nettoyage n'a pas été complètement externalisé, si bien que deux catégories de personnel avec des conditions de travail totalement différentes sont mises en présence, d'où une iniquité flagrante dans le traitement.

Dans mon rapport, je mentionne encore des aspects liés à la sécurité, qu'on peut considérer ou non, et à la bonne connaissance des locaux: si du personnel de nettoyage est attribué à un lieu, il y aura bien entendu une meilleure prise en charge. J'y cite aussi un exemple qui n'est pas suisse, mais voilà: des voltigeurs et des voltigeuses assurant le nettoyage d'un hôpital ont sérieusement mis en danger la sécurité sanitaire de cet établissement. La minorité, composée à l'époque de trois groupes, vous recommande vivement d'accepter cette résolution; nous espérons que les groupes de ce parlement ne se revendiquant pas clairement de droite puissent nous rejoindre ! (Rires.)

Une voix. Bravo !

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Après le voeu pieux exprimé par M. Eckert, je reviendrai tout à l'heure à cette résolution. Mais alors que je me trouve face à sept fauteuils vides, je crois me souvenir - si ma mémoire ne me trahit pas - que la LRGC précise que le Conseil d'Etat assiste... (L'orateur met l'accent sur ce terme.) ...aux sessions du Grand Conseil. Elle ne dit pas qu'il peut y assister: elle dit qu'il y assiste ! (Applaudissements.)

Le but de la résolution que nous traitons était essentiellement de revaloriser les salaires d'un secteur où ils étaient en effet relativement bas, malgré l'existence de conventions collectives. Avec l'adoption du salaire minimum qui, il faut le rappeler, sera indexé automatiquement chaque année, on ne peut plus invoquer cet argument. L'auteur de la résolution a rappelé à plusieurs reprises que la précarité demeurait dans ce secteur, car une entreprise qui perd son contrat se verrait obligée de licencier. Il faut préciser à cet égard que si l'entreprise qui perd son contrat va vraisemblablement licencier, les travailleurs licenciés retrouvent presque automatiquement du travail auprès du nouveau mandataire. Il faut aussi rappeler que ce secteur cherche assez régulièrement de la main d'oeuvre, en particulier durant cette période.

L'internalisation de travailleurs pour le nettoyage augmente les coûts et n'apporte finalement aucune plus-value en matière de service ou de prestation en faveur des contribuables et de l'Etat employeur. Sur cette base, Le Centre vous recommande de rejeter cette résolution. Je vous remercie.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, lors du traitement de cette résolution, le groupe MCG s'était opposé au texte. Aujourd'hui, nous sommes en faveur de cette résolution et nous voterons donc pour. Pourquoi ? Monsieur le député Guinchard a dit: ça n'apportera pas de plus-value, économiquement, au canton. C'est faux ! Parce que le canton paie à l'heure actuelle une certaine somme à ces sociétés de nettoyage, lesquelles bien naturellement ne rétribuent pas leurs employés au même montant, voire les paient, malgré l'instauration du salaire minimum, beaucoup moins que ce que coûteraient ces employés à l'Etat. Ça veut dire que l'Etat pourrait engager ces personnes et avoir la mainmise sur ces emplois, avec un regard bienveillant.

C'est aussi le rôle de l'Etat, Mesdames et Messieurs les députés, d'apporter sa pierre sociale à l'édifice de nos... en faveur de nos citoyens et citoyennes, pas seulement en versant des subventions et des allocations, mais peut-être en créant des places de travail. Et moi je préfère avoir trois cents concierges qui travaillent à l'Etat et sont fonctionnaires - je sais que c'est un vilain mot pour certains, mais ça reste quand même une réalité - que d'avoir trois cents chômeurs qui traînent, qui courent les bureaux du chômage ou de l'Hospice pour essayer d'en tirer un certain gain. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député, un instant.

M. Thierry Cerutti. Donc l'un dans l'autre...

Le président. S'il vous plaît, Monsieur ! Le groupe socialiste, est-ce que vous pouvez aller à l'extérieur ? Vous pourriez aller à l'extérieur, s'il vous plaît ? (Commentaires.) Non, mais vous pouvez sortir de la salle - je vous le demande !

Une voix. Ah, tu les fous dehors !

Le président. Vous arrêtez de parler ou vous sortez !

M. Thierry Cerutti. Merci, Monsieur le président, merci d'avoir rappelé à l'ordre ce vilain garçon, qui est un peu trop bavard à mon goût... (Rire.) ...et m'a empêché de m'exprimer comme je le souhaitais ! (L'orateur rit. Rires.) Plus sérieusement, pour revenir à cette résolution, oui, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le rôle de l'Etat d'offrir des emplois et de le faire à des conditions convenables ! Ce qui permettra naturellement ensuite de récupérer une partie de cet argent par l'impôt, auquel nous sommes toutes et tous soumis. Mesdames et Messieurs, je vous recommande donc de voter cette résolution pour les raisons que je vous ai indiquées. Merci.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Vu l'heure tardive et l'atmosphère dissipée, je vais commencer par citer feu ma grand-mère, une excellente femme qui cumulait d'innombrables qualités et qui, malgré cela, avait l'habitude de voter à droite. (Rires. L'orateur rit.) Elle avait coutume de dire que le bon marché coûte souvent trop cher ! Pour illustrer cet adage, je vais vous narrer une petite anecdote relative à un épisode qui s'est déroulé dans la commune où je réside depuis un certain nombre d'années.

Autour de l'année 2010, la commune, suivant en cela la doxa libérale qui nous a été exposée avec verve par mon préopinant M. Guinchard, a décidé d'externaliser - donc de mandater une société privée à cet effet - l'engagement de la personne qui s'occuperait à la fois de l'entretien et du nettoyage de l'école et de ses abords. Le résultat a été absolument calamiteux, sur le plan des ressources humaines également, parce que la société n'a pas été capable de trouver des gens; plusieurs personnes se sont succédé parce qu'en définitive elles n'avaient pas les compétences ni même l'envie de travailler de façon adéquate pour accomplir une tâche qui n'est pas si évidente que cela.

Les magistrats de ma commune, qui eux aussi sont plutôt à droite mais sont des personnes extrêmement réalistes, en sont arrivés à la conclusion que non seulement cette opération avait coûté plus cher que la situation antérieure - comme l'a dit M. Cerutti, il a évidemment fallu rémunérer l'intermédiaire en plus du salaire trop bas qu'il versait aux différentes personnes qui se sont succédé -, mais que les personnes engagées ne donnaient en outre pas satisfaction. Ils ont eu la riche idée d'attendre qu'une personne donne enfin satisfaction - qu'elle ait de très bons contacts avec les élèves, le corps enseignant, et les citoyens et les communiers, en plus de travailler de façon très correcte - et ils lui ont proposé un contrat la réinternalisant. Et depuis une dizaine d'années, la commune d'Avusy bénéficie des excellents services d'une personne qui a été réinternalisée dans ce contexte.

C'est évidemment une anecdote, mais on peut l'élargir à l'Etat - au grand comme au petit Etat -, qui a la détestable habitude, cela a été dit, de sous-traiter des tâches particulièrement humbles mais qui nécessitent des compétences, qui nécessitent des gens bien formés, des gens loyaux, qui ont envie de travailler pour l'Etat et de servir la population. Et la sous-traitance, au-delà des enjeux économiques qui ont été évoqués par mes préopinants, ne garantit malheureusement pas cela. C'est pour cela qu'il faut évidemment voter cette résolution.

M. André Pfeffer (UDC). Cette ancienne résolution demande l'intégration à l'Etat - la fonctionnarisation - du personnel de nettoyage des bâtiments publics. Cet objet est vraiment obsolète, comme le montre aussi l'un des considérants - je le lis, il dit: «les salaires particulièrement bas versés aux nettoyeurs du secteur privé, salaires généralement fixés entre 19,60 F et 20,60 F de l'heure». Cela montre vraiment qu'à l'époque, lorsque cette résolution a été déposée, la situation n'était pas la même qu'aujourd'hui: aujourd'hui, nous avons effectivement le salaire minimum. Le salaire minimum, cela a déjà été dit, améliore très sensiblement la situation du secteur du nettoyage.

Il y a un autre point que j'aimerais relever ici: l'intégration de ce personnel à l'Etat créerait non seulement une augmentation des coûts, mais elle empêcherait également d'avoir une certaine flexibilité - le rapporteur de majorité l'a signalé -, et le coût, les dépenses pour les contribuables seraient certainement conséquents. Contrairement aux initiants, nous avons vraiment un principe à l'UDC: ce principe veut que l'Etat veille à se concentrer sur ses tâches régaliennes et qu'il encourage nos entreprises qui respectent les normes concernant leur personnel. Je répète ce deuxième point: à notre avis, l'Etat devrait encourager et soutenir nos entreprises qui respectent les normes légales concernant leur personnel.

Pour ces raisons, l'UDC vous propose de refuser cette résolution. Et je me permettrai peut-être juste encore de m'adresser à nos amis du MCG: je rappelle que les commissaires du MCG avaient également refusé ce texte et soutenu la majorité de la commission, qui vous demande de rejeter cette résolution ancienne et obsolète. Merci de votre attention.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis quand même heureux, après toutes ces années, d'entendre ce soir M. Béné, PLR, et M. Pfeffer, UDC, parler du salaire minimum en le vantant ! (Remarque.) En mentionnant que celui-ci a amélioré les conditions de travail ! Depuis le temps que la gauche promet l'amélioration de ces conditions de travail grâce au salaire minimum, la droite l'approuve enfin aujourd'hui ! Merci, Messieurs de la droite ! (Rires. Applaudissements.)

Cette résolution reste d'actualité. Pourquoi, puisque la question du salaire minimum - vous l'avez mentionné - est désormais réglée ? Parce que les conditions de travail, ce n'est pas que le salaire ! C'est aussi, M. Pfeffer le disait juste avant, la flexibilité des horaires; c'est également un point important en matière de conditions de travail. L'Etat ne peut pas faire des économies sur le dos des conditions de travail; il ne peut pas dire aujourd'hui que cela coûterait trop cher d'employer du personnel pour l'entretien des bâtiments publics dès lors qu'il s'agirait d'assurer de bonnes conditions de travail ! Non, l'Etat doit être responsable.

L'Etat ne peut pas faire des économies sur le dos d'employés du secteur du nettoyage pour avoir des comptes excédentaires, année après année, de plus d'un milliard. Mesdames et Messieurs, ce texte est parfaitement d'actualité; nous ne pouvons pas faire ces économies, nous devons aujourd'hui réengager le personnel de nettoyage des bâtiments de l'Etat. Raison pour laquelle le groupe socialiste vous invite à accepter cette résolution. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Cerutti pour cinquante secondes.

M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous communiquerez à notre collègue Pfeffer que s'il était attentif et s'il ne jouait pas sur son ordinateur, il m'aurait entendu expliquer, en préambule de mon intervention, que le MCG avait voté contre cette résolution mais qu'il est aujourd'hui pour: nous avons changé notre décision et je vous ai expliqué les raisons.

Non, Monsieur Pfeffer, ça ne coûtera pas une blinde à l'Etat, puisque ces gens-là seront rémunérés à juste titre de manière correcte et, je crois qu'on l'a dit, ils auront des conditions de travail acceptables et recommandables. Dès lors que l'Etat n'aura plus à verser cet argent aux sociétés, il pourra le verser à ses employés; il y aura un juste équilibre qui se fera entre l'un et l'autre. Merci.

M. Vincent Canonica (LJS). Le groupe LJS n'a pas participé aux débats lors du traitement de cette passionnante résolution. Celle-ci pose un certain nombre de problèmes et on voit qu'il n'y a eu aucune audition lorsque la commission s'est réunie; je trouve que c'est dommage. Si des éléments ont certes changé par rapport à l'exposé des motifs (on a mentionné évidemment que le salaire minimum est entré en vigueur), une autre question se pose néanmoins: la qualité de la prestation. Il faudrait également se demander si la qualité de la prestation qui est délivrée aujourd'hui est satisfaisante ou non, parce que c'est aussi un élément important s'agissant de son appréciation. Le groupe LJS souhaiterait donc que l'ensemble des problématiques soit réexaminé, et je demande un renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons voter sur votre demande, mais je passe d'abord la parole au rapporteur de minorité.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. En regardant le rapport, on s'aperçoit en effet qu'il n'y a pas réellement eu d'audition. (Remarque.) Je n'ai pas d'opinion définitive sur la question et je ne vous donne pas de recommandation. Plutôt oui, pour le renvoi en commission.

Une voix. Ben voilà !

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Si le renvoi en commission vise à faire le point sur le salaire minimum - on sait très bien que le dernier rapport sur le salaire minimum démontre aussi que les personnes les moins formées ont plus de peine à trouver du travail: à salaire égal, puisqu'il y a le salaire minimum, les employeurs préfèrent aujourd'hui prendre des employés formés -, pourquoi pas ! Malgré tout, je tiens à préciser pour M. Nicolet-dit-Félix que le lieu commun «les nettoyeurs ne donnent pas satisfaction, mais si on les internalise, qu'on prend exactement les mêmes personnes et qu'elles deviennent fonctionnaires, elles deviennent satisfaisantes» est à mon sens un petit raccourci. Mais j'accepte volontiers de retravailler en commission. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de résolution 841 à la commission de l'économie est adopté par 84 oui contre 1 non et 1 abstention.

R 949-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la proposition de résolution de Serge Hiltpold, Vincent Subilia, Yvan Zweifel, Jean-Pierre Pasquier, Beatriz de Candolle, Pierre Nicollier, Murat-Julian Alder, Alexis Barbey, Cyril Aellen, Jacques Béné, Philippe Morel : Réseau mobile et développement technologique, Genève dernière de classe ?
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 2 et 3 mars 2023.
Rapport de majorité de M. David Martin (Ve)
Rapport de minorité de Serge Hiltpold (PLR)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la R 949-A, classée en catégorie II, trente minutes. Il paraît que ce texte sera traité rapidement. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. David Martin.

M. David Martin (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, je pensais que notre cher président aurait la gentillesse de nous libérer à cette heure tardive, compte tenu du fait que nous avons une double session, mais apparemment, quelqu'un l'aurait convaincu qu'un objet est extrêmement urgent. De quel objet s'agit-il, chers collègues ? D'une proposition de résolution portant sur le réseau mobile à Genève, déposée par un député qui n'est plus dans cet hémicycle et traitée en 2022. Ce rapport traîne dans notre ordre du jour depuis bien longtemps, mais c'est vraisemblablement urgent ! Monsieur Subilia, c'est probablement votre avis !

Ce préambule fait, mon rôle, en tant que rapporteur de majorité, est de vous dire en quelques mots... Je serai bref, croyez-moi ! (Exclamations.) Je serai bref surtout si vous me donnez maintenant votre parole que vous allez refuser cette résolution ! (Rires.)

Ce texte comporte quatre invites. La première... (Brouhaha. Un instant s'écoule.) La première demande au Conseil d'Etat de «délivrer sans délai les permis de construire nécessaires à la mise en conformité des antennes de téléphonie mobile existantes pour le passage vers le réseau 5G». Cela vous rappelle probablement d'assez vieux souvenirs. Certes, il y avait de grosses inquiétudes au sujet de la 5G, et elles sont en bonne partie toujours présentes. Elles ont incité le gouvernement à décréter à l'époque un moratoire sur le déploiement des antennes; comme moi, vous savez toutes et tous très bien que ce moratoire n'est plus en vigueur, que la téléphonie mobile et la 5G se développent, au grand dam de certaines et certains, et que cela s'affiche sur la plupart de vos téléphones portables. Cette première invite n'est donc plus d'actualité !

La deuxième invite exhorte le Conseil d'Etat «à se mettre en contact avec les autorités fédérales pour surveiller les valeurs des rayonnements ionisants». Ça, c'est la tâche du service cantonal de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants, qui applique les prescriptions fédérales.

La troisième invite à «modifier rapidement la législation de sorte à pouvoir permettre la construction de nouvelles antennes compatibles avec la 5G et respectant les valeurs de rayonnement ionisant telles que prescrites par l'ordonnance fédérale en la matière (ORNI)». Moralité: on aborde un domaine qui dépend complètement de la législation fédérale. La marge de manoeuvre du canton est donc absolument nulle.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. David Martin. Pour terminer, on invite le gouvernement «à se mettre en conformité avec le droit fédéral en vigueur». Voilà ! Quatre invites qui, aux yeux de la majorité de l'époque, ne justifient en aucun cas un soutien à cet objet ! Au contraire, qu'on aime ou non la 5G, ces invites sont infondées, et pour cette raison, nous vous encourageons à refuser ce texte.

M. Vincent Subilia (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Je serai bref, Monsieur le président, ce d'autant que je sens poindre une légère impatience dans l'hémicycle. Je tiens à remercier votre mansuétude, parce que c'est effectivement moi qui ai demandé que ce point soit traité, nos séances ayant vocation à durer jusqu'à 20h, même si nous en avons davantage en deux semaines.

Au-delà de ça, si j'ai fait cette demande, c'est non pas parce qu'il y a urgence. Vous avez eu raison de le rappeler, l'urgence n'existe plus dans la mesure où cette résolution est appliquée. Simplement, s'il y a une chose qui nous unit au sein de l'hémicycle (et vous l'avez du reste souligné), c'est le fait que nous ayons tous un portable (je crois que c'est assez fédérateur) et que sur celui-ci, l'indication 5G apparaît.

Si nous avons été contraints de déposer cette proposition de résolution il y a un moment (je suis le premier à déplorer le temps qu'il aura fallu pour la traiter, et mon initiative de ce soir vise aussi à désengorger un agenda dont chacun conviendra qu'il est bien trop rempli; on pourra aller plus vite lors de nos prochaines séances), c'est simplement pour apporter la démonstration de l'absurdité de la situation dans laquelle nous nous trouvons. En raison des lenteurs chroniques que l'on connaît à Genève et des résistances du département du territoire à autoriser les opérateurs de téléphonie à implanter la 5G, comme c'était le cas dans tous les autres cantons suisses, notre famille politique - et je tiens à remercier mon prédécesseur Serge Hiltpold, auquel moi et d'autres collègues nous nous étions associés - a été contrainte de déposer ce texte, qui a eu le mérite d'apporter la démonstration que les ondes ionisantes que vous évoquiez ne présentaient pas, le principe de précaution étant pris en compte, les risques que certains y voyaient, et d'inciter par là même le département à délivrer les permis d'ériger les antennes 5G, qui sont aujourd'hui totalement déployées, vous l'avez souligné.

Quel chemin pour y arriver ! Nous aurions parfaitement pu faire l'économie de cet objet, et donc du débat, au-delà du plaisir que j'ai à échanger avec vous, Monsieur le député, si l'exécutif - pour rappeler la notion de séparation des pouvoirs chère à mon collègue Genecand... (Remarque.) - avait en l'espèce effectué le travail qui était attendu... (Remarque.) ...et évité de faire de Genève, ainsi qu'il est écrit dans le titre du texte, le dernier de classe en Suisse - ce n'est du reste pas dans ce seul domaine. Pour cette raison, et quand bien même la situation s'est améliorée, vous aurez toutes et tous bien compris que cette résolution, en raison du principe qu'elle porte, doit être adoptée. Je vous en remercie.

M. David Martin (Ve), rapporteur de majorité. Les propos du rapporteur de minorité, qui restera ce soir rapporteur de minorité - du moins, je l'espère -, sont clairs: on effectue un exercice de mémoire, d'archéologie. Il me semble que ce n'est pas une raison suffisante pour voter ce texte, puisqu'il n'est plus d'actualité - vous l'avez vous-même reconnu, Monsieur Subilia. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à le refuser et vous souhaite d'ores et déjà une excellente soirée et un bon week-end ! Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, je lance la procédure de vote.

Mise aux voix, la résolution 949 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 32 oui contre 17 non et 28 abstentions (vote nominal).

Résolution 949 Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous remercie et mets fin à nos travaux.

La séance est levée à 19h40.