Séance du jeudi 26 septembre 2024 à 20h30
3e législature - 2e année - 5e session - 23e séance

M 2657-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de motion de Pierre Bayenet, Pierre Eckert, Helena Verissimo de Freitas, Marjorie de Chastonay, Nicolas Clémence, Salika Wenger, Léna Strasser, Badia Luthi, Jean Batou, Emmanuel Deonna, Amanda Gavilanes, Pierre Vanek, Adrienne Sordet, David Martin, Dilara Bayrak, Grégoire Carasso, Jocelyne Haller pour un inventaire des lieux géographiques portant des noms en lien avec le colonialisme, la traite négrière ou le racisme, et pour une meilleure information du public à ce propos
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 22 et 23 juin 2023.
Rapport de majorité de Mme Christina Meissner (LC)
Rapport de minorité de Mme Aude Martenot (EAG)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2657-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Dès lors que le groupe Ensemble à Gauche n'est plus présent dans cette enceinte, le rapport de minorité de Mme Aude Martenot ne sera pas présenté. Madame Meissner, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion demande que soit établi et rendu public un inventaire des lieux géographiques portant des noms de personnalités ayant soutenu ou participé au colonialisme, à la traite négrière ou au racisme et que soit offerte une meilleure information au public à ce propos.

Elle vise aussi à compléter les notices biographiques et historiques figurant sur le site internet de l'Etat de Genève pour y intégrer des éléments critiques. Enfin, elle demande que soient apposées sous les noms des personnalités concernées des plaques explicatives se distançant des actes commis ou des opinions émises par celles-ci.

Prenons comme exemple Albert Gallatin, en référence à l'avenue Gallatin à Saint-Jean, qui figure dans la liste de ces héritages racistes dans l'espace public dénoncés, et vous verrez qu'il est très délicat de se positionner a posteriori, des dizaines de décennies plus tard, en tant que dénonciateurs et condamnateurs - tout n'est pas gris ou blanc, chaque période et chaque personne a sa part d'ombre. Ainsi, faut-il mettre en avant le commerçant puis fermier en Virginie en 1784, soit à une époque où il est évident que tous les fermiers employaient des Noirs, parce que c'était la norme, et au sujet de laquelle on peut dire qu'ils étaient à peu près tous racistes ? Ou faut-il au contraire mettre en avant la personnalité américaine éminemment respectée, qui est considérée comme le père fondateur suisse du pays, car rédacteur majeur de la déclaration d'indépendance des Etats-Unis en 1776 ?

Faire la chasse aux supposés colonialistes, esclavagistes et racistes dans une perspective anachronique est absurde. Ce qui importe, c'est l'apport civilisationnel, même si l'ensemble normatif de l'époque à laquelle ces personnes ont vécu n'est plus la norme aujourd'hui. Etablir et rendre public un inventaire des lieux géographiques portant les noms de ces personnalités... Mais, à ce moment-là, il faudrait faire l'exercice pour toutes les rues, tous les parcs portant le nom d'une personne, sans oublier les statues, les bustes, etc. Et on en oublierait ! L'argent public que l'Etat dépenserait ainsi ne pourrait-il pas être investi ailleurs plus utilement ? On a déjà assez de projets de plaques, on n'a pas besoin d'en ajouter encore davantage. Quant à la demande de compléter les notices biographiques et historiques figurant sur le site internet de l'Etat de Genève pour y intégrer des éléments critiques, a-t-on véritablement besoin de cela quand les informations en ligne existent, qu'elles sont nombreuses et très diversifiées ?

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Christina Meissner. A chacun de faire preuve de discernement, mais nul besoin de créer encore un répertoire avec de l'argent public. Pour ces raisons - et je pourrais vous en donner bien d'autres -, la majorité de la commission a refusé cette motion, et je vous remercie d'en faire de même. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Yves de Matteis (Ve). Concernant cette motion, et ceci indépendamment de son contenu, je voudrais demander un renvoi à la commission des Droits de l'Homme - que je préside actuellement -, non pas pour la traiter, car nous sommes un peu surchargés, mais avant tout pour des raisons techniques et d'égalité de traitement.

En effet, il y a plus de deux ans, alors que nous devions examiner la future LED-Genre, nous avions gelé un certain nombre de projets de lois, motions, résolutions qui traitaient des thèmes concernés par la future loi, à commencer par les questions liées à l'égalité femme-homme, afin de les examiner en bloc lors de l'examen de la nouvelle loi. Par la suite, comme ces textes ont tous été peu ou prou repris et intégrés dans la LED-Genre, nous les avons refusés lors de l'adoption de la loi, car ils étaient dès lors caducs, mais ils nous ont quand même été utiles dans la mesure où ils nous ont servi dans le cadre du traitement de la loi.

Nous sommes ici sensiblement dans le même cas, dans la mesure où il s'agit d'un texte qui concerne des questions liées aux discriminations fondées sur l'origine. Il a été refusé de justesse par quatre voix favorables contre cinq refus - vous n'avez qu'à lire le rapport. Or, cette motion aurait idéalement dû être gelée pour être traitée lors de l'examen d'une future loi sur les discriminations basées sur l'origine, loi qui est prévue et d'ailleurs mentionnée dans la loi générale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations à son article 20.

La logique voudrait donc que nous gelions cette proposition de motion afin de l'examiner lors de l'élaboration de la future LED consacrée aux discriminations basées sur l'origine. C'est précisément pour cette raison que je demande un renvoi à la commission des Droits de l'Homme: il s'agit de geler cet objet en attendant le traitement de la future LED-Racisme. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole sur cette demande de renvoi.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion a déjà assez traîné à l'ordre du jour; sur le renvoi en commission, c'est non !

Le président. Merci. Je lance le vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2657 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 61 non contre 20 oui et 1 abstention.

Le président. Nous continuons donc notre débat, et je passe la parole à M. Taboada.

M. Francisco Taboada (LJS). Merci, Monsieur le président. Je veux reprendre les propos de mon éminent préopinant, le président de la commission des Droits de l'Homme. LJS est attentif à l'usage des deniers publics. Comme l'a évoqué la rapporteuse, cette proposition de motion date d'un autre temps; il y a effectivement des questions économiques; mais LJS pense que le sujet mérite quand même d'être traité de manière globale en intégrant ce texte aux travaux que s'attache actuellement à agender la commission. Pour ce motif et pour des questions d'efficience, je redemande le renvoi en commission.

Le président. Bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission, que je soumets à votre approbation.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2657 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 62 non contre 20 oui.

Le président. Nous poursuivons notre débat. Je cède le micro à Mme Fiss.

Mme Joëlle Fiss (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à établir et à rendre public un inventaire de lieux portant les noms de celles et ceux qui ont soutenu le colonialisme, la traite négrière ou le racisme ainsi que des personnes ayant pratiqué l'esclavage. Rappelons que ces actes sont abjects; des peuples entiers ont été massacrés et exploités par les puissances coloniales. Cela a affecté des générations, et le PLR reconnaît clairement ces atrocités. Soulignons par ailleurs que la Suisse n'a jamais été une puissance coloniale.

Malgré la gravité du sujet, je dois dire que cette motion me rappelle le roman dystopique «1984» de George Orwell. Pourquoi ? Parce qu'on propose à l'Etat de juger les gens du passé sur la base des valeurs défendues aujourd'hui. Faut-il aussi blâmer les héros de l'Escalade qui ont décimé des Savoyards en 1612 ? (Commentaires.) Et si les députés de 2140 jugeaient tous les comportements des députés de notre Grand Conseil de 2024 ?!

Mesdames et Messieurs, on ne peut pas permettre à l'Etat de jouer le rôle d'un historien, on ne peut pas demander à un gouvernement de juger chaque figure historique. La seule chose qu'on peut faire, c'est encourager les historiens à nous éduquer sur une époque passée et sur le contexte dans lequel il faut replacer tout comportement. Sans parler des grandes questions historiques relatives à la guerre ou à la paix, il arrive parfois que certains comportements qui étaient acceptables à une époque ne le soient plus du tout aujourd'hui.

L'objectif de cette motion, comme indiqué dans le texte, est de montrer que chaque héros a son côté obscur - c'est notamment le cas du scientifique Carl Vogt. Mais un texte parlementaire n'a pas besoin d'expliquer la condition humaine; oui, l'être humain a sa part de lumière et sa part d'obscurité. C'est aux philosophes de nous éclairer sur cela, et la morale ne doit pas se mêler à l'héritage des connaissances acquises au cours de notre civilisation, comme ce fut le cas pour l'héritage scientifique de Carl Vogt, en dépit de ses idées sur la hiérarchie des races.

Nous sommes tous le produit de notre époque. Une féministe d'aujourd'hui ne pense pas comme celle d'hier. Cela ne justifie pas l'histoire, mais l'étude de l'histoire est un mouvement constant, qui ne sera jamais achevé. Personnellement, je préfère mettre cet argent public à disposition de la population genevoise qui se trouve dans la précarité, cela en constituerait un meilleur usage. Le PLR vous propose donc de rejeter cette motion. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Leonard Ferati (S). Mesdames et Messieurs les députés, voilà un sujet délicat ! Il ne s'agit pas ici de juger avec nos yeux anachroniques et avec le poids de l'histoire, ni de renommer des rues ou de déboulonner des statues, il s'agit d'ajouter du relief et de la consistance aux actes passés afin d'y rendre sensibles nos concitoyens.

Prenons l'exemple de l'esclavage. La traite négrière n'a pas été une invention européenne; néanmoins, jamais dans l'histoire une déportation de populations systématisée d'une telle échelle et d'une telle envergure n'a eu lieu dans un laps de temps aussi court. La traite négrière s'inscrit sur plusieurs niveaux et n'a pas été le monopole des royaumes ou des individus. Les négriers ont eu besoin que leur macabre entreprise soit légitimée par les intellectuels, les artistes, les scientifiques ou les religieux.

Sur le papier, les religions monothéistes interdisaient d'asservir des êtres humains libres. Constatant le manque à gagner, le pape Nicolas V a légitimé ces actions pour la première fois en 1454 en donnant la faculté pleine et entière aux rois européens de capturer et de réduire en esclavage perpétuel tout Sarrasin ou païen. Un certain nombre d'intellectuels et de religieux ont oeuvré pour que les Noirs soient considérés comme des animaux sans âme et non comme des êtres humains afin de réduire leurs personnes en esclavage perpétuel, comme lors de la tristement célèbre controverse de Valladolid.

Vous voulez connaître les routes de l'esclavage ? Suivez les routes du sucre, du coton, du cacao, de l'or ou des épices, et ces routes, Mesdames et Messieurs, mènent parfois à Genève. Ces produits étaient essentiellement consommés en Europe par la haute bourgeoisie, les nobles et les rois; 70% des esclaves étaient déportés et asservis dans les plantations de sucre. Alors quel est le lien avec notre pays enclavé et entouré de montagnes ? Mesdames et Messieurs les députés, le lien, c'est le capitalisme et la mondialisation par le biais du commerce triangulaire.

Certaines personnalités notoires de notre beau pays ont profité directement ou indirectement de la traite négrière et de la colonisation ou ont acheté, échangé ou spéculé sur des produits provenant des différentes colonies, ou encore y avaient elles-mêmes des possessions. Parmi ces personnalités, certaines familles genevoises ont profité de ce business juteux, notamment des assureurs, car il fallait assurer les cargaisons des différents bateaux, des banquiers, qui prêtaient de l'argent aux entreprises coloniales et aux négriers, ou encore des intellectuels, qui justifiaient ces commerces par la prétendue infériorité des esclaves. Dès le départ, l'intérêt de la colonisation et de l'esclavage a été économique, bien loin des prétendues missions civilisatrices des Européens. L'esclave n'était qu'un produit parmi d'autres dans les actifs des entreprises; il était sujet à la spéculation lors de l'achat et de la revente et apparaissait même dans les bilans comptables des plantations de coton et de sucre.

Nous pouvons faire le choix de ne pas entendre, de ne pas voir. Pourtant, certaines personnalités de notre canton ont profité directement ou indirectement de ce commerce et d'autres ont contribué à le légitimer. Nous pensons qu'il est de notre devoir de nous saisir de cette question et que cela ne déshonorera pas Genève, bien au contraire ! Nous autres socialistes pensons sincèrement qu'il faut accepter cette motion et que notre société en sortirait grandie, car nous ne souhaitons pas réécrire l'histoire, mais bien pouvoir la regarder dans les yeux. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Yves Nidegger (UDC). Chers collègues, mon préopinant a été si éloquent pour faire détester cette proposition que je me demande s'il faut rajouter quoi que ce soit. (Rires.) Ça ne pourrait que ternir cette image de détestation. Cette motion pue l'arrogance d'une élite prétendument éclairée qui voudrait guider les masses aveugles vers leur destin prédestiné qu'elle seule, élite, connaît, en leur proposant une nomenclature «prêt-à-penser» de ce qu'il faut retenir de toute chose, dans le présent comme dans le passé. C'est une odeur nauséabonde que l'on nous propose de cautionner, c'est l'arrogance d'une époque qui part de l'idée qu'elle peut juger les époques passées à l'aune de ses propres critères; comme si cela était possible, et surtout - Mme Fiss l'a évoqué en passant - comme si elle était indépassable et ne pouvait pas être elle-même un jour critiquable, sachant que les critères d'aujourd'hui ne seront évidemment pas ceux de demain ! C'est la motion de l'arrogance.

La Suisse est un pays pauvre, dépourvu de matières premières, d'accès à la mer et donc dépourvu de colonies. La Suisse n'a pas pu remplacer son absence de matières premières par la colonisation de pays qui en possédaient. C'est un pays qui, certes, a su user d'opportunités - 1815 en fut une avec la neutralité et le rôle donné par les puissances à la Suisse au centre de l'Europe -, mais pour le reste, c'est du travail ! Que l'on cesse de vouloir absolument participer à la culpabilité du capitalisme - ai-je cru entendre - et à l'idée selon laquelle à travers ce lien, nous serions tous coupables des pires choses qui se sont produites dans le passé ! Non, chers collègues de gauche, ça ne marche pas, ça ne marche plus et, en ce qui me concerne, ça n'a jamais marché. Mesdames et Messieurs les députés, vous rejetterez donc cette motion ridicule et honteuse. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). Cette proposition de motion vise à clouer au pilori des personnes et des personnalités de notre passé liées à la traite négrière et au colonialisme. Bien... On a évoqué certains noms, on en a oublié d'autres. Parlons d'une personne, d'un frontalier justement, Voltaire ! (Vives exclamations. Hilarité. Commentaires.) Vous transmettrez à mon excellent collègue Leonard Ferati, Monsieur le président, Voltaire était bien frontalier. Il a été présent à Genève et s'est rendu des deux côtés de la frontière. C'est une personnalité éminente: un collège, une rue portent son nom, il a un musée.

Mais il était impliqué économiquement dans la traite négrière - ça reste encore à prouver, mais il y a de gros doutes et de grosses pistes ! (Rires.) Il faudrait donc renommer le collège Voltaire parce qu'il serait odieux d'évoquer le nom de quelqu'un qui a pu être mêlé, même de loin, par ses propres intérêts au financement et à des profits issus de cette traite négrière. Voilà pour le XVIIIe siècle.

Passons au XIXe siècle et pensons à une autre personnalité genevoise associée au colonialisme: Henry Dunant. Pendant un temps, le créateur de la Croix-Rouge a défendu les intérêts d'une société genevoise en Algérie, dans la région de Sétif, ce qui l'a d'ailleurs poussé à rencontrer Napoléon III durant la fameuse guerre dans le nord de l'Italie...

Une voix. A Solférino !

M. François Baertschi. A Solférino, bien évidemment, comment n'ai-je pas ça à l'esprit ? On pourrait reprocher à Henry Dunant d'avoir été lié au colonialisme, dans un moment d'égarement en Algérie, travaillant pour une société genevoise qui investissait là-bas. Va-t-on le clouer au pilori ? Déjà qu'il n'est pas très très bien traité dans notre cité; on lui donne toujours de petits emplacements ! (Rires.) Il a toujours eu un peu... Il a fait perdre beaucoup d'argent à une certaine bonne société genevoise, et on ne lui a jamais pardonné la chose.

Je pense qu'il faut respecter et un peu réhabiliter Henry Dunant sur ce point. Mais si on a l'esprit mal tourné - et c'est ce à quoi incite cette motion -, alors on finit pas clouer au pilori également Henry Dunant. Si l'on cherche à régler des comptes historiques, nous nous retrouvons véritablement dans une impasse; cela ne sert à rien et nous mène au ridicule. Merci de repousser avec conviction cette motion. (Applaudissements.)

Mme Lara Atassi (Ve). J'aimerais rebondir sur une chose qu'a évoquée Mme Fiss, qui est pour moi le fond du sujet: elle a dit que les historiens doivent nous éduquer sur ces questions. Or, c'est ça le but de ce texte, d'obtenir plus d'informations sur ces personnalités. Les historiens nous éduquent déjà; je vous invite à aller voir l'exposition au musée d'ethnographie et à écouter le podcast de la RTS «Nos esclaves», qui nous raconte comment la ville de Neuchâtel a largement été construite sur les bénéfices du commerce triangulaire avec la vente des indiennes.

Toutes ces informations, on doit les avoir et il faut les mettre à disposition du public. Comment s'y prendre ? Est-ce qu'il faut glorifier toutes nos personnalités et voir uniquement leurs côtés positifs ? Non, on doit leur donner de l'épaisseur, de la matière, voir quels sont leurs aspects positifs et négatifs, les analyser comme des personnes normales et non pas comme des êtres parfaits dont il faut uniquement chanter les louanges. Pour cela, faisons un inventaire des lieux géographiques, rajoutons du contexte. Quand il s'agit d'une statue de Dunant, nous pouvons rajouter qu'en plus de son activité remarquable dans le cadre de la création du CICR, il a par ailleurs également des défauts, c'est normal - ne soyons pas manichéens ! Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est à Mme Fiss pour vingt-deux secondes.

Mme Joëlle Fiss (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Vous transmettrez à Mme Atassi que ce que j'ai dit, c'est qu'on ne peut pas demander à l'Etat de jouer le rôle d'un historien. Ce n'est pas à l'Etat de faire de l'histoire, mais aux historiens; la population peut apprendre ce que les historiens nous enseignent. Et puis, l'histoire est dynamique; aujourd'hui, on sait certaines choses et on en saura d'autres dans trente ans, la connaissance est censée faire avancer la civilisation. Pourquoi voulez-vous aujourd'hui mettre un stop à certaines choses ?

Le président. Merci, Madame.

Mme Joëlle Fiss. Si je peux juste encore dire...

Le président. Oui, mais alors vite, vite, vite ! (Rires.)

Mme Joëlle Fiss. En fait, vous avez dit que vous voulez normaliser les gens qui ont de la connaissance. Je trouve cela super triste ! Moi, je pense que nous devons être inspirés par les gens qui ont de la connaissance ! Merci. (Commentaires. Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un débat intéressant ! Je passe la parole à Mme Chaker Mangeat.

Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Merci, Monsieur le président. Je voulais dire aux personnes qui nous écoutent que si cette motion ne passe pas, il y a un site mis en place par le musée d'ethnographie et la Ville de Genève, traces.colonialgeneva.ch, qui invite les gens à identifier et localiser sur un plan interactif de la Ville de Genève les monuments et symboles faisant référence à des personnalités ayant encouragé le racisme, le colonialisme et l'esclavagisme. Vous pourrez voir sur cette carte qu'ils sont fort nombreux, même si, par ailleurs, les personnalités en question se sont distinguées par d'autres qualités.

Ensuite, j'observe que ceux qui veulent qu'on ne juge pas les époques passées et qui se sont exprimés aujourd'hui sont ceux qui ne veulent pas non plus juger l'époque présente et notamment le colonialisme de la Cisjordanie. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Jacques Jeannerat (LJS). Je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais je trouve un tout petit peu limite de juger des gens qui ont commis des actions dans le contexte politique d'il y a cent vingt ou cent cinquante ans. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Jacques Jeannerat. Je mets ce parlement au défi de s'occuper du présent et de l'avenir. On a parlé tout à l'heure des citernes: posez des questions, faites en sorte que l'avenir soit bon pour Genève et les Genevois, avec des voies de circulation à la hauteur de l'avenir de la mobilité, avec le retrait des citernes de Vernier ! Allons de l'avant, ne regardons pas en arrière ! (Brouhaha.) Monsieur le président...

Le président. S'il vous plaît, Monsieur Jeannerat, un petit instant. Mesdames et Messieurs les socialistes, vous avez parlé et on vous a écoutés, de même que les députés de droite. Alors ayez, s'il vous plaît, l'obligeance d'écouter notre ami et collègue Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat. Je peux comprendre que nos valeurs d'aujourd'hui fassent qu'on soit choqué par les actions des gens du passé; il n'y a pas de problème. Mais il faut remettre les choses dans leur contexte. Les gens qui vont nous critiquer dans cent ans quand on n'aura pas été capables de faire une traversée du lac... (Exclamations.) ...pour éviter que les bagnoles circulent au centre-ville nous jugeront en disant que nous avons continué à polluer en faisant passer des bagnoles sur le pont - je regarde mon collègue Subilia - alors qu'elles n'ont rien à y faire ! Ils nous jugeront aussi, comme vous les jugez aujourd'hui ! (Vives protestations.) Vous avez honte ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2657 est rejetée par 53 non contre 32 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal