Séance du jeudi 26 septembre 2024 à 20h30
3e législature - 2e année - 5e session - 23e séance

M 2620-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Thierry Cerutti, Ana Roch, Francisco Valentin, André Python, Patrick Dimier : Mettons fin au scandale des citernes de Vernier !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 13 et 14 octobre 2022.
Rapport de Mme Danièle Magnin (MCG)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2620-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame Danièle Magnin, vous avez la parole.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse. Je vous remercie, Monsieur le président. La première chose qu'il faut savoir à propos de ces citernes, c'est qu'elles sont là depuis 1910 et qu'elles inquiètent la population depuis à peu près aussi longtemps - ce sujet est un serpent de mer, on y revient régulièrement, de dix ans en dix ans, on reparle de ces citernes. Aujourd'hui, on arrive à une conclusion: un, on a moins besoin de capacité de stockage de produits pétroliers pour différentes raisons - on se chauffe de moins en moins au mazout, on n'a d'ailleurs plus le droit, je crois, de faire des installations de chauffage au mazout dans les immeubles neufs -, et deux, oui, on en a besoin, mais l'idée initiale était d'éviter de mettre cela au centre-ville, or la ville s'est tellement étendue que les citernes se trouvent désormais vraiment au centre d'une agglomération: un groupe de citernes se trouve juste en face d'Ikea.

Beaucoup de gens craignent que les citernes puissent exploser, qu'en cas d'acte terroriste, il puisse y avoir des dégâts gigantesques. Les personnes auditionnées, les représentants des sociétés pétrolières ou tout simplement d'offices de l'Etat qui s'occupent de ça nous ont expliqué que non, ça n'explose pas; ça peut brûler et ça peut brûler longtemps, mais au pire, c'est le toit de la citerne qui pourrait sauter sous l'effet de la chaleur.

On est passé à l'examen de tout cela et on a décidé, au sein de la commission, de supprimer toutes les invites et de les remplacer par deux autres: la première consiste à dire qu'il ne faut pas reconduire le droit distinct et permanent, soit le droit de superficie, lorsqu'il sera arrivé à échéance. Cette échéance n'est pas toute proche. La deuxième invite le Conseil d'Etat «à définir et déployer une stratégie de planification avec les propriétaires publics et privés des parcelles en cause afin de remplacer, à terme, les citernes par des projets immobiliers et des équipements publics en conformité avec les objectifs du plan climat cantonal». Ces deux nouvelles invites ont été acceptées à une grande majorité. La rapporteuse vous invite à voter oui à cette proposition de motion.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, vous le savez, il s'agit d'un combat de longue haleine, d'une lutte pour laquelle on ne lâche rien et on continuera à se battre. C'est vrai que ces citernes sont d'un autre temps. Pendant une certaine période, il n'y avait rien et on a estimé que c'était le bon endroit pour ces installations. Le problème qu'il y a sur le territoire de Vernier, c'est que la commune accumule différentes sources de nuisances, entre l'aéroport, les citernes, le train et autres, ce qui fait que les personnes qui ont des terrains et le souhait de développer leur bien ne peuvent pas le faire pour des raisons que vous connaissez bien.

Il y a aussi eu un accident il n'y a pas si longtemps avec ces citernes - il faut le relever -, et personne ne nous a rien dit. Aujourd'hui, on se trouve dans une période incertaine, entre le conflit en Ukraine, le conflit au Liban, le conflit en Palestine et Israël. On n'est pas à l'abri d'un attentat, et vous savez très bien que c'est un sujet sensible. Les citernes sont un lieu dangereux. S'il y a un attentat sur ce site, ça va prétériter un grand grand nombre de nos habitants et résidents, entre les Avanchets, Vernier, le quartier de l'Etang. C'est quelque chose d'extrêmement sensible et on doit aujourd'hui se réveiller afin de faire partir ces citernes.

Un délai est fixé à 2032, je ne sais pas pourquoi on est en train de le repousser; apparemment, c'est parce qu'il y a des frais. Mais selon moi, on est ici dans un esprit de pollueur-payeur et sur la base de ce principe, il faudrait peut-être inviter celles et ceux qui occupent le terrain aujourd'hui et qui l'ont pollué à mettre la main à la poche pour le dépolluer et le libérer le plus rapidement possible. C'est vrai que des contraintes fédérales nous obligent à garder ces réserves et qu'on a aussi le pipeline qui vient depuis Marseille et qui est directement connecté chez nous, mais il y a une vraie volonté de la commission d'aménagement, en tout cas d'après ce que j'ai pu ressentir, de faire dégager les citernes le plus rapidement possible, pour donner de l'espace, pour effectivement faire autre chose, des constructions, des logements, j'en passe et des meilleures. Je vous remercie toutes et tous de soutenir cette motion ! Merci.

Mme Dilara Bayrak (Ve). C'est un sujet pour le moins explosif, pas seulement en ce qui concerne les questions de sécurité, qui ont été étayées par M. Cerutti tout à l'heure, mais surtout pour l'impact de ces citernes sur Genève et sur la région. Saviez-vous par exemple qu'en avril 2023, plus de 1500 litres d'essence se sont infiltrés dans le sol d'une parcelle qui appartenait à l'Etat ? Cette nouvelle a été rendue publique par la RTS en date du 2 juillet de cette année. Combien d'autres déversements ont eu lieu ? Aucune idée, mais on ne va pas spéculer, concentrons-nous déjà sur ce qui existe.

Alors pourquoi sont-elles là, ces citernes ? M. Cerutti l'a mentionné tout à l'heure, il s'agit de réserves fédérales qui garantissent que la région ne manque pas de pétrole en cas de X, Y, Z - on ne sait pas, mais il nous faut ces réserves. Le problème est que si l'emplacement choisi était peut-être tout à fait pertinent il y a de nombreuses années, il ne l'est plus aujourd'hui. Les citernes se trouvent au milieu d'une ville, au milieu de logements, en plein milieu de là où circulent les gens.

Il faut aussi savoir qu'on a fermé les autres sites en Suisse romande; et aujourd'hui, il faut réellement se demander pourquoi les autres régions de Suisse romande, qui ont pourtant peut-être plus de place et moins de densité que Genève, peuvent se soustraire à cette obligation des réserves fédérales et pas nous. Pourtant, notre région est dense, très peuplée, exiguë, et on se retrouve à devoir supporter la charge de ces réserves au niveau fédéral dans notre petit canton.

Le groupe des Verts et moi-même sommes d'avis que ces citernes n'ont pas leur place à Genève, en tout cas pas dans le volume que nous leur connaissons aujourd'hui. Et puis l'argument qui, je le sais, va vous convaincre est celui du réchauffement climatique: nous allons devoir changer notre rapport au pétrole et nos habitudes, nous allons devoir respecter le plan climat cantonal, et pour ce faire, nous devons réduire notre utilisation du pétrole. Soyons pragmatiques, nous n'aurons pas besoin d'autant de citernes à l'avenir, en tout cas nous l'espérons. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

C'est pour ces raisons que nous vous invitons vivement à voter cette motion, pas uniquement pour les questions sécuritaires mentionnées, mais aussi juste pour des questions d'évolution et de mutation de société, que nous devons accompagner. Je précise qu'aujourd'hui, nous n'avons pas les informations sur le niveau de remplissage de ces citernes...

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Dilara Bayrak. ...c'est tout bonnement scandaleux, il doit y avoir plus de transparence. Merci, Monsieur le président.

M. Sébastien Desfayes (LC). Le groupe Le Centre soutiendra bien entendu cette motion. On m'a dit que vous aimiez le film d'Oshima «L'Empire des sens»; ici, c'est l'emprise de l'essence ! (Exclamations. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Une autre voix. T'es brillant, là, mon gars !

M. Sébastien Desfayes. Merci ! Et une emprise malheureusement assez dévastatrice ! Emprise d'abord au niveau de la sécurité, d'autres l'ont dit, mais ça ne sera jamais assez répété: quand les citernes ont été installées, c'était en rase campagne, alors qu'aujourd'hui, elles se retrouvent au milieu de la cinquième ville de Suisse romande, ce qui n'a absolument aucun sens. On nous a dit en commission que tout était sûr, qu'il n'y avait aucun risque, etc.: c'est ce qu'on disait à Toulouse, c'est ce qu'on disait partout où ensuite des explosions ont eu lieu, causant un nombre considérable de victimes. Le risque zéro n'existe pas, et si un jour un drame arrive, le Conseil d'Etat ne pourra pas dire qu'il ne savait pas !

Et puis, il y a aussi une emprise aberrante sur le territoire, parce que ce sont des terrains qui ont une valeur considérable. On pourrait les développer, construire des équipements publics, des logements, mais là, on a des citernes dont la plupart ne servent plus à rien et qui sont d'un autre temps. L'Etat de Genève est d'ailleurs un peu le dindon de la farce, car ces terrains ont une valeur énorme, mais le droit de superficie est de 7 francs par mètre carré, ce qui est ridiculement bas.

Je pense que le Conseil d'Etat va soutenir cette motion, parce que suite à une question écrite de Christina Meissner, la QUE 775, il y a à peu près six ans...

Une voix. Six ans !

M. Sébastien Desfayes. ...le Conseil d'Etat disait ceci: «Les possibilités de redéploiement des citernes situées sur les parcelles dont l'Etat est propriétaire [...] ont largement été analysées ces dernières années. Pour rappel, le secteur est occupé par la société Sasma qui est au bénéfice d'un droit de superficie qui prendra fin en 2032. Le Conseil d'Etat a déjà exprimé sa volonté de ne pas renouveler ce droit.» La grande question - et on attend évidemment une réponse du Conseil d'Etat ce soir à ce propos - est la suivante: qu'est-ce qui s'est passé ces cinq dernières années ? Parce qu'aujourd'hui, nous sommes malheureusement dans une situation différente, sachant que le droit de superficie a été renouvelé: il y a eu exercice d'un droit d'option du bénéficiaire du droit de superficie, tant et si bien qu'on en a encore - si tout va mal ! - pour quarante ans de citernes à Vernier !

A notre sens, le Conseil d'Etat aurait dû anticiper cette problématique. J'aimerais quand même avoir des informations sur le comportement de l'OCBA notamment pendant cette période, parce que manifestement, on n'a pas su anticiper, ce qui est dommage pour la sécurité et le développement du canton. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, je ne suis pas juriste, mais quand on signe un contrat de plus de cinq ou dix ans, je pense qu'il faut prévoir des articles qui permettent d'en sortir. Je pose une question: comment est-il possible à l'échelle communale, cantonale ou fédérale que nous signions des conventions ou des contrats de trente, quarante ans sans articles portant sur la révision de l'engagement en cas de besoin ? On signe ces contrats en fermant les yeux alors qu'on met en danger les citoyens.

J'aimerais passer un message au Conseil d'Etat avant qu'il ne soit trop tard et qu'on dise que nous n'avons pas anticipé ni imaginé ce genre de risques: il faut écouter les experts. Ce n'est pas mon domaine; moi, je ne maîtrise pas, il faut appeler les experts, ceux qui maîtrisent ces sujets, les juristes, les techniciens, pour trouver une solution à cette problématique.

Je vous fais part du témoignage de ma petite fille, un enfant de dix ans: «Papa, qu'est-ce que c'est tout ça ?» Je réponds que voilà, il y a du pétrole. Elle me dit: «Papa, ce n'est pas dangereux pour nous ça ? S'il arrive quelque chose, qu'est-ce qu'on doit faire ?» Cela montre qu'aujourd'hui, même un enfant de dix ans est capable de comprendre que c'est extrêmement dangereux d'avoir ces citernes dans notre ville, proches de l'aéroport, proches des organisations internationales, proches des ambassades. On stocke du pétrole, ce qui représente un risque énorme pour notre canton et pour la commune de Vernier.

J'invite et je demande au Conseil d'Etat, en tant que résident de Vernier et en tant que député, de prendre cette problématique au sérieux: il faut trouver des solutions le plus vite possible, avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'on dise: «On aurait dû...» Voilà, chers collègues, Monsieur le conseiller d'Etat, je vous invite à considérer cette situation et à trouver une issue le plus vite possible, en faisant de ces actions une priorité, afin que les citoyens de notre canton et particulièrement de Vernier soient satisfaits, tranquilles et vivent dans leurs appartements sans penser aux risques que représentent ces citernes. Merci beaucoup. (Remarque. Rires.)

Une voix. Non, pas à Vernier !

M. Grégoire Carasso (S). Oui, on est à Vernier et pas en ville de Genève, pour le cas d'espèce, quoique ! Il y a aussi des citernes sur le territoire de la ville, mais ce n'est pas le cas de la majorité d'entre elles. A titre liminaire, je souligne ce qu'il y a de plus absurde dans cette situation: refaire l'histoire, c'est intéressant, il fut un temps où on jetait des munitions dans le lac et où il était évident que d'avoir du pétrole proche d'un poumon économique comme Genève... Si on avait fait un vote dans les années 60, lorsque ces DDP ont été négociés, il y aurait eu l'unanimité, à n'en pas douter ! C'est peut-être un biais d'historien, mais quand j'entends aujourd'hui des âneries sur le prix de l'époque... Alors ce ne sont pas des âneries énoncées par un économiste, certes, mais ça correspondait au prix de l'époque, sachant que c'était considéré comme une chance.

Là où la situation est absurde aujourd'hui, c'est que neuf dixièmes des citernes en Suisse romande se trouvent à Genève, le canton le plus exigu. Eh oui ! Ce sont ces droits de superficie des années 60, valables jusqu'en 2032. Il n'y a peut-être pas une grande stratégie du côté de l'Etat aujourd'hui, mais il faut relever que depuis le départ, il y a une option qui s'étend jusqu'en 2062, en raison de laquelle, si l'Etat voulait résilier ces DDP, il devrait payer le prix fort pour enlever au privé trente ans d'exercice de son droit de superficie. Eh oui, ça ne s'invente pas !

La sécurité, je ne reviens pas dessus, parce que s'il y a bien quelque chose qui est fait de manière particulièrement sérieuse à Genève, ce sont les contrôles de sécurité, en particulier sur ces citernes. Tout le monde sait que ce n'est pas un risque. Par contre, c'est moche ! C'est absurde que Genève concentre toutes ces réserves essentiellement sur le territoire de la ville de Vernier.

Chers collègues, j'aimerais terminer cette intervention au nom du groupe socialiste, si vous le voulez bien, Monsieur le président, en saluant le travail de la commission: on est parti d'un texte «y a qu'à, faut qu'on», on a bossé pendant une année, on a auditionné toutes les parties - sans créer de sous-commission, je vous rassure -, à l'aune de cinq, six séances, mais en travaillant vraiment. Vous trouvez toutes les annexes dans le rapport que notre collègue Danièle Magnin a bien voulu rédiger.

J'allais oublier, quant à l'amendement déposé par notre collègue Cerutti sur la fuite qui aurait eu lieu cet été et qui avait été couverte et relatée par les médias: franchement, je me réjouis d'entendre ce que le département a à nous dire sur ce cas. Je pense que si cette fuite avait été grave, on en aurait plus entendu parler que via un article publié au milieu de l'été. Bref, pour cet amendement, le groupe socialiste s'en remettra à l'avis du conseiller d'Etat.

Pour le reste, nous vous invitons à voter la motion telle qu'amendée - avec un peu plus de sérieux que la plupart des interventions de ce soir - afin de ne pas reconduire le DDP. Par ailleurs, si l'on peut négocier avec les privés pour faire autre chose de ces terrains aujourd'hui, c'est une excellente chose, et il est donc également intéressant de définir une stratégie dans ce but.

Dernière mention pour nos amis qui détestent les DDP et qui veulent toujours vendre les terrains publics aux privés: vous hurlez aujourd'hui parce que ce n'est pas assez cher; vous imaginez si à l'époque on avait vendu ces parcelles à des privés comme vous souhaitez si souvent le faire quand il s'agit de terrains publics ! On n'aurait même pas ce débat et la collectivité publique aurait perdu bien plus que dans le cas d'espèce. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Ah, ce que j'aurais aimé vous entendre, tous ceux qui ont pris la parole, en 2008 ou 2009; si les majorités de l'époque n'avaient pas loupé la possibilité de voter un certain nombre de textes contre ces citernes - M. Cerutti pourra le confirmer, ce n'est pas la première fois qu'on en parle ici -, on aurait déjà fait un bon bout du chemin.

J'ai entendu dire: «Oui, mais comment ont-ils fait à Colombey ?» Bah, ils ont été beaucoup plus malins que nous, parce qu'eux aussi, ils se sont posé la question depuis bien des années. Simplement, quand ils ont compris que Genève ne ferait rien et qu'ils allaient de toute façon fermer leur raffinerie pour des raisons de quota, ils se sont dit que les citernes de Genève pourraient couvrir le quota de la Suisse romande et ils ont vite fermé les leurs. Genève n'y a vu que du feu, bêtes que nous sommes... Enfin, bêtes qu'étaient les majorités de l'époque, vu qu'elles n'ont rien voulu faire !

Aujourd'hui, on se trouve dans une situation où soit on est coincé jusqu'à la fin du droit de superficie, pour les raisons qui ont été énoncées, soit on paie, mais ce serait un prix tellement élevé que ça risque de nous coûter plus cher que d'attendre le délai. Voilà, c'est donc un peu tardivement que je me réjouis de voter cette motion - il y avait déjà à l'époque un certain nombre de textes, qui émanaient notamment du MCG et de l'UDC, plusieurs groupes ici présents s'en étaient déjà inquiétés. On va donc voter à nouveau un texte sur cette thématique. Nous accepterons aussi l'amendement déposé ce soir. On espère que cette fois, de vraies solutions seront amenées et qu'on n'aura pas besoin d'en reparler d'ici une dizaine d'années ! (Commentaires.)

M. Jacques Jeannerat (LJS). Le jeune Florey - parce qu'il parle de 2009... En 2002, je siégeais déjà dans ce parlement... (Exclamations.) ...et il y avait un jeune député Vert qui s'appelait Antonio Hodgers, et nous tenions le même discours, cher Tonio. Tu permets que je t'appelle comme ça ? (Commentaires.) On était déjà face à cette proposition. C'est vrai que ce n'est pas facile à gérer comme dossier, parce qu'on dépend de règles de la Confédération sur l'énergie, d'autres émanant de l'Etat de Genève.

Le groupe LJS va voter cette motion, il faut maintenant qu'on puisse réduire le nombre de citernes. Je crois que le Conseil d'Etat a les compétences pour dire à la Confédération que certes, on doit avoir des réserves, c'est bien... Mais à mon avis, pour l'avenir énergétique, on pourrait en enlever en tout cas les deux tiers. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Monsieur Hodgers, j'ai confiance en votre gouvernement pour qu'on puisse aller de l'avant. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite tous à voter cette motion si importante. Mais ce n'est pas si simple, on peut ne pas voter, le Conseil d'Etat peut résilier ou non le bail, elles seront toujours là. Même si Tonio ne le résilie pas, elles seront toujours là ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat. Excuse-moi, je m'adresse à toi parce qu'à l'époque, on parlait comme ça ! (Rires.) Non, mais j'ai confiance en mon ami Antonio Hodgers ! (Exclamations. Rires.) C'est un dossier qui est très très complexe, mais il faut aller de l'avant.

Le président. Nous vous remercions, Monsieur le député.

M. Jacques Jeannerat. Nous devons à la fois discuter avec la Confédération pour garder le minimum de réserves, faire un inventaire pour éliminer une partie de ces citernes... (Brouhaha.) A l'époque, en 2002, on avait dit qu'il fallait les enterrer, mais on ne peut pas le faire parce que c'est une question de...

Le président. Merci !

M. Jacques Jeannerat. Donc s'il vous plaît, votez cette motion, donnez plein pouvoir au Conseil d'Etat de gérer cette histoire ! (Exclamations.) On ne peut pas... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse. Je voudrais juste ajouter un petit détail en passant. Quand j'ai entendu la députée Dilara Bayrak dire que c'était épouvantable, que 1500 litres s'étaient répandus... Alors oui, c'est embêtant... (Rires.) ...mais ça ne représente jamais qu'un mètre cube et demi, soit ça ! (L'oratrice montre le volume équivalent avec ses mains.) Ce n'est vraiment pas la mer à boire ! (Exclamations. Hilarité.)

Une voix. On la boirait pas !

Mme Danièle Magnin. Pourquoi ils rigolent ? (L'oratrice rit.) Je m'interroge sur la dangerosité des trains chimiques...

Le président. Merci, Madame la députée, c'est terminé.

Mme Danièle Magnin. Ce n'est pas grave; simplement, quand ils rigolent tous, c'est mon temps de parole qu'ils prennent ! (Rires.)

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cher Jacquot ! (Eclats de rire. Applaudissements.) Moi qui étais député au siècle passé - 1997 ! -, je peux confirmer que ces citernes sont un vieux débat. Je remercie l'historien et néanmoins député Grégoire Carasso d'avoir souligné que si on se retrouve avec ces infrastructures, c'est parce qu'on les a voulues.

Genève, capitale de l'automobile, voulait ses routes, voulait l'essence qui allait avec, voulait le kérosène qui allait avec l'aéroport. Genève qui abrite aussi - et là, c'est la Genève historique à la croisée des chemins - l'arrivée des conduites de gaz européennes, notamment depuis Marseille, et qui a voulu par conséquent installer ces infrastructures de réserve dans le lieu où elles se trouvent, qui était à l'époque bien entendu beaucoup plus périphérique qu'aujourd'hui.

La réalité, c'est que plusieurs obstacles se présentent à nous. D'autres l'ont dit, rien que d'un point de vue territorial, ces citernes, leur volume, leur positionnement sont problématiques. Néanmoins, j'attire votre attention sur le fait que la loi fédérale sur l'approvisionnement économique du pays - à vrai dire, il ne s'agit pas de questions d'énergie, mais de sécurité d'approvisionnement -, loi qui, vous le savez, a été très prégnante durant la crise du covid et durant les crises liées au conflit entre la Russie et l'Ukraine et à son impact sur l'énergie, prévoit qu'on doit garantir quatre mois et demi de consommation, ce qui veut dire environ 4,4 millions de mètres cubes. Pour le canton de Genève, on a une consommation de 1,5 million de mètres cubes garantie sur la même période; en réalité, on n'a donc pas assez de réservoirs pour remplir l'obligation fédérale.

Nous ne sommes pas le seul canton à ne pas la remplir, et cet argument-là n'est pas trivial. C'est au niveau fédéral que se joue l'assouplissement de la capacité dans les cantons, notamment urbains, en ce qui concerne ce genre d'infrastructures: or, chaque fois qu'on s'est approché de Berne sur ces questions (et je l'ai fait comme conseiller national, à l'époque sans aucun soutien de l'UDC évidemment, Monsieur Florey !), la réponse a été un niet absolu des majorités, du Conseil fédéral et de la majorité de droite qui allait avec, etc. Voilà pour poser quand même le contexte fédéral.

Un autre débat a été soulevé, et j'entends la question ou plutôt la remarque du député Desfayes sur les DDP. J'aimerais dire tout d'abord que la plupart des citernes sont en pleine propriété, ce qui devrait réjouir une partie de l'hémicycle. Par conséquent, on n'a rien à dire, compte tenu du respect de la propriété, n'est-ce pas ! (Remarque.) Donc l'essentiel des citernes restent si elles veulent rester, fin du débat ! S'agissant de la partie minoritaire des citernes qui sont en DDP, effectivement, il a été dit que le contrat du droit de superficie arrivait à échéance en 2032, mais, clause en note - à vrai dire, pour être très sincère avec vous, je l'ai appris après coup, par l'OCBA -, si l'une des deux parties fait la demande, cela peut être prolongé de trente ans. Voilà ! (Remarque.)

On arrive donc à 2062, sans possibilité de résilier. Si l'Etat s'y oppose, cela équivaut à une expropriation matérielle pure et simple. Mesdames et Messieurs, il y a donc quand même une dureté foncière qui s'oppose à nous dans ce cadre. Cela signifie que pour la levée des citernes, il faut plusieurs dizaines de millions pour indemniser et exproprier ces entreprises, qui ont un rendement, qui fonctionnent, qui sont contentes de continuer à fonctionner, puisque même pour ce qui est du DDP, Sasma a demandé à le prolonger. Si les citernes étaient vides, s'il n'y avait pas un modèle économique derrière, elle ne l'aurait pas fait. C'est donc la preuve que ça marche. Par conséquent, pour enlever ces citernes, Mesdames et Messieurs, il faudrait effectivement établir une stratégie d'expropriation, d'indemnisation et ensuite engager le travail pour se débarrasser de la pollution et de la contamination de ces parcelles.

A ce sujet, j'entends que quand la presse découvre parfois une information contenue dans un rapport qui n'avait pas été lu, c'est une news; en l'occurrence, des accidents comme celui-là, impliquant un peu plus de 1000 litres d'essence, ça peut paraître beaucoup, mais en réalité, ce sont des incidents totalement mineurs, qui sont documentés. En tant que député, vous pouvez faire une demande. N'importe quelle démarche LIPAD aurait abouti au même résultat. Il n'y a donc aucune volonté de cacher des informations.

L'entreprise a immédiatement averti, comme il se doit, le service de l'environnement, qui a tout de suite procédé aux échantillonnages nécessaires pour réaliser les examens et démontré qu'aucune pollution ne s'était dégagée. Effectivement, 1000 ou 1500 litres d'essence, ça peut être beaucoup d'un coup, mais n'importe quelle station-service en déverse beaucoup plus avec toutes les gouttelettes qui tombent tout au long de l'année. Il y a une forme d'évaporation. C'est certes regrettable, mais vraiment, d'un point de vue environnemental et scientifique, c'est un incident totalement mineur, sans aucun impact non seulement sur la santé - ça, évidemment -, mais surtout sur la nappe phréatique, sur les sols; rien n'a été détecté suite à cet accident.

Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut donc pas grossir le trait; c'est évidemment regrettable, l'entreprise s'en est excusée, elle a pris des mesures et nous les avons suivies. Il n'y a eu aucune volonté d'occulter les choses, tout ça s'est fait dans les règles de l'art. Je vous assure qu'on ne fait pas un communiqué de presse pour tous les petits incidents dans le canton, mais je reste volontiers à la disposition des députés et de la presse si vous souhaitez voir ce genre d'événements d'un peu plus près.

Je dis donc bien sûr oui à cette motion, mais avec tout le réalisme du Conseil d'Etat, je dis aussi qu'il faudra qu'on fasse des choix, à l'égard de Berne, mais surtout à l'égard de cette activité économique et industrielle qui, pour l'instant, malheureusement pour nous, tourne extrêmement bien dans ce périmètre du canton. En tout cas, la volonté du gouvernement est de faire évoluer la situation, mais son honnêteté commande aussi de vous expliquer toutes les difficultés, comme je viens de le faire. Merci donc de nous renvoyer cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote sur l'amendement de M. Thierry Cerutti, visant à ajouter une nouvelle invite dont la teneur est la suivante: «à suspendre avec effet immédiat l'autorisation d'exploitation de Petrostock afin de procéder à tous les contrôles de sécurité qu'impose le dernier incident (fuite de carburant) et aussi au carottage des sols sous Petrostock (mes informations indiquent que le sol est infecté depuis un bail, il faudrait creuser sur plus de 20 mètres pour dépolluer le site, 8 millions l'estimation de la dépollution).»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 21 oui et 6 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2620 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui contre 2 non et 17 abstentions (vote nominal).

Motion 2620 Vote nominal