Séance du
vendredi 30 août 2024 à
18h05
3e
législature -
2e
année -
4e
session -
21e
séance
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.
Assiste à la séance: M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michael Andersen, Diane Barbier-Mueller, Jacques Béné, Jennifer Conti, Véronique Kämpfen, David Martin, Xhevrie Osmani, Charles Poncet, Ana Roch, Skender Salihi et Celine van Till, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Oriana Brücker, Rémy Burri, Gabrielle Le Goff, Philippe Meyer et Daniel Noël.
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
Le président. Nous poursuivons le traitement de notre ordre du jour avec le PL 13199-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi... Ah zut, je dois prendre d'autres notes. (L'orateur quitte la table des rapporteurs pour chercher ses notes.)
Une voix. Ce ne sont pas les bonnes ?
Une autre voix. Eh bien bravo !
M. André Pfeffer. Mille excuses ! J'ai perdu du temps sur mon décompte. (L'orateur rit.) Mesdames et Messieurs les députés, pour la majorité, ce projet de loi est une fausse bonne idée. Certes, dans l'idéal, disposer de compteurs privés constitue une idée séduisante, mais toutes les auditions - je répète: toutes les auditions - que nous avons menées ont démontré que l'installation d'un tel dispositif poserait d'énormes problèmes techniques et surtout engendrerait des coûts très importants.
Pour les nouveaux bâtiments, il existe déjà des règles très strictes. De plus, même s'il y avait des décomptes personnalisés, il reste quand même des lieux comme les parties communes, les halls, les caves, etc., où il faudrait de toute façon continuer à réaliser les calculs comme nous le faisons aujourd'hui.
Par ailleurs, il a été relevé que de nouveaux standards sont exigés dans tous les immeubles, il y a des normes IDC, des rénovations énergétiques sont prévues. Ces travaux auront lieu que l'on décide de mettre en place des compteurs individuels ou non. Il faut également préciser que chaque bâtiment est particulier, possède des spécificités: pour certains, l'installation de compteurs individuels se justifierait éventuellement, pour d'autres pas.
Pour finir, j'aimerais vous donner l'opinion des SIG, dont les représentants ont été auditionnés. Ceux-ci indiquent très clairement: «L'installation des décomptes individuels des frais de chauffage [...] nécessite des travaux importants», et cela ne vaut pas seulement pour la pose: après, le relevé des compteurs représentera une lourde tâche. Toujours selon les SIG, «cette solution représente des investissements importants pour un résultat mitigé».
Pour en revenir à la position de la majorité, étant donné tout ce qui existe déjà et eu égard aux travaux de rénovation prévus, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de légiférer sur ce cas précis. Merci de votre attention.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, à titre liminaire, de quoi parle-t-on ? Aujourd'hui, à Genève, 99,9% des immeubles ne disposent pas d'un système de décompte individuel de chauffage et d'eau chaude. Cela signifie que les locataires ou les propriétaires - peu importe, dans le cas d'espèce - paient pour l'eau chaude et le chauffage qu'ils consomment selon un ratio au mètre carré. Que vous économisiez de l'énergie ou que vous la gaspilliez, c'est du pareil au même.
Genève - à la différence de Bâle, j'ai envie de dire - se distingue en la matière de la Suisse alémanique, de la France et de l'Allemagne. En Suisse alémanique et dans les pays que je viens de citer, pour ne parler que des plus proches, il est d'usage, à la construction - c'est ce qu'il y a de plus simple, c'était même la seule solution à l'époque -, de prévoir des compteurs individuels dans les appartements; ainsi, chacun paie en fonction de ce qu'il consomme. Genève fait exception à la règle.
Dans un contexte de crise climatique, énergétique et du pouvoir d'achat, cette proposition vise à diminuer les émissions de CO2, à économiser de l'énergie et donc, pour les ménages qui le souhaitent, à réaliser des économies sur leurs charges. Le statu quo vers lequel on se dirige assez sûrement, je crois, signifie mutualiser et donc favoriser le gaspillage énergétique. Pourquoi ? Je vous l'ai exposé: parce qu'il n'existe pas de compteurs individuels dans les bâtiments.
Alors que nous sommes toutes et tous invités à baisser le chauffage, à diminuer notre consommation d'eau chaude, comment expliquer à celles et ceux qui font ces efforts qu'ils sont quasiment réduits à néant parce que le voisin ou la voisine qui n'en a cure continue à prendre douze bains par semaine et à se chauffer en hiver à 24° en laissant les fenêtres ouvertes ? Dans un même immeuble, les petits gestes des uns sont ruinés par le gaspillage des autres, et au final, la facture, qui en plus augmente, est partagée par tous les habitants en fonction d'un ratio au mètre carré.
Selon une étude de la Banque cantonale de Zurich, passer d'un chauffage de 23° à 19° représente une économie sur la facture d'énergie de 35% - il s'agit, je le répète, d'une étude de la Banque cantonale de Zurich datant de 2022. Or pour bénéficier de cette économie financière et énergétique - une mesure donc bonne à la fois pour l'environnement et le porte-monnaie -, encore faut-il que les frais soient répartis selon la consommation et non au mètre carré.
Il y a encore une petite décennie, le système de décompte individuel était une solution qu'on pouvait envisager sereinement à la construction d'un immeuble, mais particulièrement compliquée pour équiper des bâtiments existants. Pourquoi ? Parce qu'il fallait démonter chaque conduite. Aujourd'hui, la technologie - c'est celle qui se développe et qui est opérationnelle dans de nombreux pays d'Europe, même pour de vieux immeubles - consiste simplement à poser sur ces mêmes conduites un petit appareil permettant de mesurer la consommation effective et de réaliser des relevés à distance.
S'agissant des arguments techniques, Monsieur Pfeffer, nous n'avons pas du tout la même interprétation des multiples auditions qui ont été menées, hormis peut-être celle des SIG. En effet, dans une période un peu chahutée pour la régie, il lui semble compliqué d'envisager un tel mécanisme; vous ne trouverez personne aux SIG, du moins dans des fonctions de responsabilités, qui serait prêt à ouvrir ce chantier, et c'est fort dommage.
C'est fort dommage, d'autant que les auteurs du projet de loi étaient largement ouverts à des amendements, mais une majorité des commissaires a refusé d'entrer en matière. On aurait pu envisager de modifier le texte et de prévoir ce dispositif au moins pour les nouveaux bâtiments, mais il y a eu une non-entrée en matière. Pour moi, le message est suffisamment clair.
Le groupe socialiste reste sur une position de principe: les décomptes individuels sont essentiels pour ne pas mutualiser le gaspillage et pour récompenser économiquement celles et ceux qui font des efforts. Si certains partis souhaitent réétudier la question en commission, libre à eux de demander un renvoi; ce ne sera pas notre cas.
En Suisse alémanique, mais également en France et en Allemagne, les systèmes actuels tiennent compte - c'est le dernier argument important - de certaines réalités. En effet, celui qui habite juste au-dessus des caves a besoin de plus d'énergie pour se chauffer que celui qui habite au milieu de l'immeuble. Ainsi, pour éviter les comportements de «free-riders», ce que font nos voisins et la Suisse alémanique, c'est simplement d'intégrer aux appareils un coefficient de répartition; vous habitez au-dessus des caves, vous avez besoin de plus d'énergie pour vous chauffer à 20°, il n'est pas normal que vous payiez plus, donc un coefficient est appliqué. Cela se pratique en Suisse alémanique, en France et en Allemagne, ce sera demain la norme, je l'espère, dans le reste de l'Europe, et peut-être qu'après-demain, on y viendra à Genève. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vais essayer de ne pas trop répéter les éléments qui ont été mis en avant par le rapporteur de première minorité. J'aimerais juste vous rappeler qu'il s'agit là d'une idée assez ancienne des Verts, puisque nous avions déposé le PL 11508 sur le même sujet en 2014 déjà. Comme cela a été souligné par le rapporteur de première minorité, il y a dix ans, les solutions technologiques n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui; maintenant, il y a dans tous les logements un réseau wi-fi qui permettrait très facilement de connecter une petite sonde qu'on poserait sur n'importe quel radiateur, je pense que ce serait extrêmement facile à installer.
Cela étant dit, je souhaite replacer les choses dans un contexte plus global. Le chauffage des bâtiments ainsi que l'eau chaude sanitaire, dont la consommation n'est pas négligeable, comptent pour environ un quart du bilan CO2 du canton de Genève. Or nous visons la neutralité carbone à l'horizon 2050. Des solutions de réduction des émissions ont été définies par le Conseil d'Etat dans le plan climat cantonal et dans le plan directeur de l'énergie. La part du lion ira à la rénovation énergétique des bâtiments et à la mise en place de sources de chaleur décarbonées, mais de façon complémentaire, des mesures de sobriété doivent être également promues, et c'est dans cette direction-là que nous nous dirigeons avec ce projet de loi.
L'abaissement du niveau des températures intérieures fait partie du lot; on peut l'obtenir soit par une diminution généralisée de la température du bâtiment, soit en faisant appel à la responsabilité individuelle des locataires. A cet égard, le modèle de décompte individuel des frais de chauffage (DIFC), que nous soutenons, apporte une incitation financière.
J'aimerais mentionner quelques points supplémentaires. L'exigence des DIFC figure déjà dans la loi sur l'énergie, mais il existe de nombreuses exceptions qui sont difficiles à vérifier; elles sont tellement difficiles à vérifier que personne ne sait combien de dispositifs sont actuellement opérationnels. Le rapporteur de première minorité les a estimés à 0,1%, mais en réalité, on n'en sait rien. Nous avons auditionné l'OCEN, l'USPI, la FMB, l'Association genevoise des entreprises de chauffage et de ventilation, et aucun de leurs représentants n'a su nous dire combien il existe d'installations actives.
Contrairement à ce qu'affirme la majorité, la mise en place de compteurs individuels n'est ni chère ni compliquée eu égard, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, aux évolutions technologiques, qui sont notables depuis dix ans. D'ailleurs - cela a aussi été évoqué par le rapporteur de première minorité -, des algorithmes éprouvés permettent de compenser la situation favorable ou défavorable d'un appartement.
Ensuite, le potentiel d'économies, simplement par la mise en place d'un système de décompte individuel des frais de chauffage, est estimé entre 15% et 30% ! Oui, cette seule mesure peut contribuer à une diminution de 15% à 30% de la consommation. En attendant la rénovation complète des bâtiments, qui prendra passablement de temps, il s'agit d'un mécanisme simple et rapide.
Pour finir, le gros défaut d'une répartition forfaitaire telle qu'elle existe majoritairement aujourd'hui, c'est qu'aucun occupant n'a la moindre idée de sa propre consommation ni de son évolution dans le temps. Même en faisant de grands efforts, en portant des pulls épais et des chaussettes en laine, non seulement la consommation personnelle d'énergie n'est pas connue, mais surtout il n'y a aucun intérêt financier. Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous invitons à soutenir ce projet de loi.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Mesdames et Messieurs, je n'aime pas tellement donner des exemples personnels et j'apprécie peu quand j'en entends au Grand Conseil, mais dans le cas d'espèce, je crois que j'en ai un à partager. Si vous vous rendez en Scandinavie et que vous regardez chez les habitants, vous verrez qu'ils disposent de petits appareils vissés aux radiateurs permettant de mesurer la consommation des appartements ou des maisons. Ensuite, la facturation est basée sur la consommation effective.
J'interroge ma famille et ma belle-famille en Scandinavie, que ce soit au Danemark ou en Suède, sur leurs comportements, des comportements que j'observe en hiver et dont je discute avec eux en été, parce que c'est un sujet qui m'intéresse; on parle de personnes de la classe moyenne tout à fait comparables aux gens qui sont dans cette salle, mais je ne retrouve pas du tout leurs comportements parmi les personnes que je connais, même celles engagées dans l'écologie. Le modèle proposé dans ce projet de loi représente vraiment un outil à côté duquel il ne faut pas passer.
A Genève, il y a une trentaine d'années, quand M. Cramer est devenu conseiller d'Etat, l'une des premières choses qu'il a demandées aux représentants de l'office cantonal de l'énergie en prenant ses fonctions, c'était ce qu'ils pensaient de cette mesure. C'est un peu un hasard de l'histoire si le haut fonctionnaire qui était son interlocuteur à l'époque lui a répondu que ce n'était pas un système intéressant. On est ainsi passé dessus comme chat sur braise.
Pendant ces trois décennies, on aurait pu réaliser des économies très intéressantes. On en a obtenu l'hiver passé grâce à la task force énergie, qui a bien travaillé, et avec l'audit de l'Université de Genève, on a constaté que nous étions vraiment capables de réduire notre consommation de chauffage, donc de mazout, donc nos importations, donc nos émissions de CO2. Je pense que l'idée est vraiment mûre maintenant, on le voit chez nos voisins d'Europe, il faut y aller. Ainsi, j'encourage les personnes qui ont prévu de voter contre ce projet de loi de changer leur position, nous devons aller de l'avant et accepter ce texte. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Steiner (MCG). Le PL 13199 vise à renforcer l'obligation de mettre en place des décomptes individuels de frais de chauffage et d'eau chaude en vue d'économiser de l'énergie. Cette exigence figure déjà dans la loi avec des exceptions qui font sens. En effet, actuellement, un compteur individuel dans une passoire thermique ne servirait qu'à savoir plus précisément combien on paie pour réchauffer des moineaux.
Dans un immeuble bien isolé (HPE, THPE) avec du solaire thermique, les différences entre les coûts de chacun seraient négligeables - sont négligeables - et sans rapport avec le prix d'installation et d'exploitation du système proposé. De plus, le potentiel d'économies éventuel d'un tel dispositif a fortement diminué avec la limitation des températures à 18-19°.
J'ajoute que personnellement, je n'ai pas de voisin ou je ne connais personne qui met le chauffage à fond avec les fenêtres ouvertes ou prend douze bains par semaine - si quelqu'un connaît de telles personnes, qu'il me fasse signe. L'obligation de mettre en place techniquement des décomptes individuels pourrait au mieux entraver les autres mesures qui, elles, sont nécessaires et urgentes pour réaliser de vraies économies d'énergie, comme l'assainissement ou l'isolation des bâtiments.
Petite parenthèse: dans un immeuble bien isolé, un algorithme n'est pas nécessaire pour calculer les différences entre un locataire vivant au-dessus du garage ou au rez-de-chaussée et celui à l'étage suivant. Comme le disait le rapporteur de majorité, ce projet de loi est une fausse bonne idée, en tout cas pour l'instant, et je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de le refuser. Merci.
M. François Erard (LC). Chers collègues, comme cela a été expliqué, ce projet de loi vise à généraliser l'installation de compteurs individuels dans l'ensemble - ou une partie - du parc immobilier genevois. Ce but est louable: cela permettrait d'une part de garantir une certaine équité entre les locataires dont la consommation d'eau chaude sanitaire et de chauffage est peu vertueuse et ceux qui sont particulièrement économes. En effet, chacun paierait ce qu'il consomme. Un second avantage serait de contribuer à la diminution globale de la consommation d'énergie du canton.
Or s'agissant de l'égalité, elle est impossible pour le chauffage - cela a été relevé par le rapporteur de majorité -, puisque les niveaux de consommation diffèrent fortement, indépendamment de l'usage réel, en fonction de la situation de chaque appartement. On a évoqué des systèmes de péréquation, encore faudrait-il savoir comment les appliquer avec ce dispositif.
Je dirais qu'un tel modèle a pour mérite d'avoir une portée pédagogique, c'est-à-dire que tout un chacun peut suivre sa consommation effective et éventuellement corriger le tir. Il faut cependant rappeler que les frais de chauffage sur lesquels l'occupant d'un logement a une emprise ne représentent pour finir qu'un tiers de la consommation globale de l'immeuble, donc l'avantage économique réel serait minime.
Pour ce qui est des économies d'énergie, les expériences en la matière effectuées à l'étranger montrent que suite à l'installation de compteurs individuels, il y a un effet de nouveauté, d'opportunité, mais que celui-ci s'estompe très rapidement. Sous cet angle, c'est bel et bien la rénovation des bâtiments telle que définie dans les excellentes modifications de la loi sur l'énergie que nous avons adoptées dernièrement qui nous permettra de réaliser des économies d'énergie et à l'ensemble des locataires d'en bénéficier.
Pour nous, un dernier aspect - et non des moindres - est lié au coût d'installation d'un tel système. Alors les sources varient, on a parlé de quelques dizaines de francs alors que certains spécialistes auditionnés en commission, eux, évoquaient passé 1000 francs par compteur; tout cela dépend fortement de la structure de l'immeuble. Somme toute, c'est quand même un investissement global de plusieurs centaines de millions qui devrait être consenti par les propriétaires, sans répercussions possibles auprès des locataires et pour des résultats peu convaincants.
Enfin - cela a été souligné aussi -, n'oublions pas la charge administrative: il faudrait que les SIG récoltent les données de chaque compteur, donc cela multiplierait le travail. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, comme l'a indiqué le rapporteur de majorité - ce n'est pas très original -, est une fausse bonne idée et le groupe Le Centre vous invite à le rejeter. Je vous remercie.
M. Alexis Barbey (PLR). Je ne vais pas amener beaucoup d'éléments nouveaux par rapport à ce qui vient d'être indiqué par mes deux préopinants. Pour le groupe PLR, il est clair qu'on a là une façon un peu spéciale de venir surveiller le comportement du consommateur moyen de courant. A nos yeux, une mesure d'économie est possible si elle n'exige pas de se rendre dans la salle de bains de chacun des habitants de ce canton pour observer la manière dont ils prennent leur douche. Je crois qu'on atteint là les limites de ce qu'il est concevable de faire de manière neutre et généralisée.
Le système de décompte individuel de chauffage est très facile à mettre en place au sein des maisons individuelles et dans les petits immeubles, mais dès qu'on passe à des dimensions supplémentaires, alors les frais d'installation sont extrêmement conséquents, et je ne suis pas sûr que les gens qui sont censés en bénéficier accepteraient qu'on mesure ainsi leur activité. On nous dit que la pose de tels instruments est devenue bon marché, je demande à voir; tout ce qu'on a entendu en commission, au contraire, c'est qu'il s'agit d'un dispositif très cher et pas évident à établir.
Se pose ensuite la question des inégalités structurelles entre les appartements, à commencer par la situation de chaque logement: naturellement, celui qui est tout en bas au nord consommera beaucoup plus d'énergie que celui qui est tout en haut au sud. Certes, ces disparités peuvent être compensées par des algorithmes qui remettent les compteurs à zéro, mais il y a encore des différences simplement entre une famille avec trois enfants dont le foyer consomme proportionnellement beaucoup et une personne qui vit seule et prend moins de douches.
J'en reviens à la dimension quelque peu philosophique: non seulement ce projet de loi n'est pas abouti et ne nous paraît pas facile à mettre en oeuvre, mais il s'agit de surcroît d'une intrusion forte dans la vie privée de chacun de nos concitoyens que ceux-ci ne sont pas forcément obligés d'accepter. Je vous invite dès lors, Mesdames et Messieurs, à refuser ce projet de loi. Merci de votre attention.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je suis irritée par les propos que je viens d'entendre, parce que la seule façon de responsabiliser les gens vis-à-vis de leur consommation d'eau et d'énergie, c'est qu'ils paient ce qu'ils dépensent. Maintenant, je m'alignerai bien sûr sur la position de mon groupe, mais je trouve vraiment regrettable de dire qu'on va chez les gens regarder comment ils prennent leur douche alors qu'il s'agit simplement de ne pas payer pour l'énergie que le voisin a dépensée inutilement. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Il me reste peu de temps, Monsieur le président, mais j'aimerais que vous transmettiez à M. Erard que je ne vois pas très bien ce que les SIG viennent faire là-dedans: les relevés de chauffage sont réalisés par les régies, lesquelles envoient ensuite la facture à leurs clients.
En dernier lieu, Mesdames et Messieurs, je précise que la solution pour parvenir à la transition énergétique consistera en une combinaison entre un certain nombre d'opérations lourdes - les rénovations énergétiques, par exemple - et des mesures de sobriété prises de façon individuelle. On n'y arrivera pas autrement. Vous ne pouvez pas juste tabler sur les rénovations énergétiques, il faut aussi d'autres types d'actions. Je vous remercie.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de première minorité. Brièvement, Mesdames et Messieurs, il ne faut pas opposer les mesures structurelles, structurantes - enveloppes thermiques des bâtiments, par exemple - et les actions individuelles, ces petits gestes du quotidien qui, en particulier depuis la guerre en Ukraine, nous ont été rappelés comme essentiels pour l'environnement, pour éviter des pénuries. Non, il ne faut pas opposer les mesures structurantes et les mesures individuelles.
Il y a dix ans, les coûts pour installer des systèmes de décompte étaient monstrueux - je les ai évoqués tout à l'heure -, parce qu'il fallait démonter chaque conduite. La Suisse alémanique, la France et l'Allemagne ont opté et optent pour la technologie qui existe aujourd'hui: quelques dizaines de francs pour poser une petite machine qui mesure la consommation effective sur la conduite principale. On parle d'un investissement de quelques dizaines de francs !
L'ajout d'un coefficient de pondération, c'est la base, c'est ce qui se pratique en Suisse alémanique, en France et en Allemagne notamment - je ne connais pas les cas des pays scandinaves, mais ils sont certainement pertinents. Grâce au coefficient de pondération, celui qui est exposé plein sud ne paie pas moins que celui qui n'a pas de lumière.
Enfin, s'agissant de l'argument philosophique du PLR, alors là, c'est le seul point qui me fait vraiment mal au coeur, dirons-nous. On parle d'une responsabilité individuelle que le PLR ne veut pas assumer, il préfère collectiviser les charges ! On mutualise: peu importe ce qu'on dépense, on met tout ensemble, on divise par mètres carrés et tout le monde est égal. Cette approche collectiviste du PLR me paraît complètement surnaturelle dans ce débat, et c'est bien parce que la dimension philosophique a été évoquée que je me permets de conclure là-dessus: c'est surnaturel ! Merci beaucoup, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que tout le monde est d'accord avec l'argument de Mme Magnin. Il est juste de vouloir payer uniquement ce que l'on consomme, mais avec ce projet de loi, nous parlons d'une transition importante. Comme cela a été relevé, il est vrai qu'en Suisse allemande et dans certaines autres régions, on a installé des compteurs individuels dès le départ. Chez nous, ce n'est pas le cas, donc nous devons passer d'un système à un autre. L'objectif est de déterminer si un tel changement est raisonnable ou pas.
Je crois que je vais simplement répéter les arguments de la majorité. Le premier point qui a été évoqué par tous ceux qui ont été auditionnés, c'est que les travaux nécessaires seraient extrêmement conséquents et, partant, déraisonnables. Si on opère cette transition, si on ajoute dans la loi l'obligation d'effectuer de tels travaux, les gains espérés avec ces décomptes personnalisés seront-ils suffisants ? Les spécialistes entendus, dont les représentants des SIG, ont clairement parlé d'économies discutables. Les décomptes individuels seuls ne changeront absolument pas les comportements.
Il s'agit vraiment de définir si ce système constitue la panacée. Comme l'ont souligné les rapporteurs de minorité, certains appartements nécessitent davantage d'énergie que d'autres en fonction de leur emplacement, selon la proximité du soleil et autres. Il faudrait de toute façon introduire un coefficient, donc ce n'est pas une solution idéale en soi. De plus... (L'orateur s'interrompt.) Bon, il y avait encore un autre argument, mais je l'ai perdu, je n'arrive pas à me relire.
Enfin bref, il est réellement question de savoir si procéder à un tel changement est raisonnable ou pas. La majorité vous recommande de voter non à ce projet de loi: nous sommes convaincus, suite à toutes les auditions que nous avons effectuées, qu'il est déraisonnable de l'accepter. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de voter.
Mis aux voix, le projet de loi 13199 est rejeté en premier débat par 53 non contre 28 oui.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 13216-A (catégorie II, trente minutes). Le rapport est de M. Marc Falquet, à qui je cède la parole.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, il s'agit d'un projet de loi du groupe des Verts qui demande que quand on construit des bureaux, ceux-ci puissent être transformés en logements sans que des travaux majeurs soient nécessaires. Le texte prévoit également que si de nouvelles surfaces commerciales restent vides après deux ans, elles sont obligatoirement converties en logements.
En commission, le premier signataire nous a expliqué un petit peu le but de sa proposition, qui vise à prévenir une future pénurie de logements tout en préservant un maximum de terres agricoles, indispensables pour nourrir la population, et cela dans une perspective 2050 à 2100 - je ne sais pas s'il prendra la parole, il a dit beaucoup d'autres choses, c'était intéressant.
Nous avons auditionné le département du territoire ainsi que les représentants de la Fédération des associations d'architectes et d'ingénieurs de Genève, qui nous ont indiqué que dans la pratique, un tel dispositif poserait beaucoup trop de difficultés en raison des normes et critères spécifiques qui diffèrent entre les bureaux et les logements. En effet, il y a des différences concernant l'ordonnance sur la protection contre le bruit, l'ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs, les prescriptions de protection incendie. Si nous voulions rendre les locaux commerciaux compatibles avec les critères appliqués aux logements, cela ferait exploser les coûts de construction des bureaux et découragerait définitivement les investisseurs - c'est aussi une politique...
L'article 57C prévoit l'obligation de transformer les bureaux en logements après deux ans d'inoccupation, ce qui constitue un vecteur de blocage et de stress pour les éventuels professionnels. En définitive, ce projet de loi provoquerait l'abandon complet de la construction de surfaces commerciales à Genève - j'ignore si c'est le but caché des auteurs - et la majorité de la commission du logement vous demande dès lors de le rejeter. Merci.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Mesdames et Messieurs, le but n'est évidemment pas d'empêcher la construction de bâtiments, qu'ils soient de bureaux ou de logements. Quand il y a une pénurie de logements grave, comme c'est le cas en ce moment, la première réponse est de construire davantage, mais on voit les tensions que cela crée à Genève, on voit les recours, les référendums, les oppositions qui trouvent parfois une majorité, on voit les difficultés aussi quand il est nécessaire de couper des arbres, on fait face à une résistance. Et bien sûr, il y a également une limite imposée notamment par la Confédération, qui nous interdit d'empiéter sur la zone agricole.
Alors que fait-on ? On construit dans le centre, on densifie, on crée de nouveaux quartiers, mais jusqu'à quand pourrons-nous procéder ainsi avec 5000 habitants supplémentaires par année, ce qui signifie 50 000 de plus sur dix ans ? Il doit bien y avoir une limite.
L'un des principes de base de l'écologie - qui ne devrait pas être seulement de l'écologie, mais du sens commun - est de faire avec ce dont on dispose. Et ce dont on dispose dans le canton, c'est d'un stock très impressionnant de bureaux vides; les conservateurs parlent de 160 000 mètres carrés, les autres évoquent plutôt 330 000 mètres carrés. Ces locaux sont déjà là, ils ont une emprise sur le sol, ils ont été construits et ils restent vacants. Malheureusement, on ne peut pas les transformer en logements, ce n'est pas possible, parce qu'ils n'ont pas été prévus pour cela: il y a des questions de hauteur de plafond, de largeur des cages d'escaliers, de dimension des conduites sanitaires pour pouvoir installer plusieurs cuisines, etc. On est donc bloqué.
Or il est tout à fait possible qu'à l'avenir, il y ait davantage de travail à domicile, d'espaces de coworking, c'est-à-dire un besoin encore moindre de bureaux. Ce projet de loi est très simple et demande que désormais, lorsqu'on prévoit de construire de nouvelles surfaces commerciales alors qu'il en existe déjà des vides, elles puissent être transformées plus tard en logements, donc générer des loyers, avoir une rentabilité intéressante et surtout une utilité eu égard au terrain pris sur le sol du canton.
Des amendements ont été présentés qui faciliteront l'acceptation du texte, que nous soutenons et que nous vous encourageons à adopter également. Pour faire avec ce dont on dispose, pour stimuler l'économie, pour répondre plus rapidement à l'immense demande de logements à Genève - en comparaison avec les places d'emploi, il n'y en a vraiment pas assez, donc il ne faut pas venir se plaindre ensuite du nombre croissant de frontaliers, qu'ils soient suisses ou français -, nous vous invitons à reconsidérer votre position et à voter en faveur de ce projet de loi, avec ou sans les amendements. Merci. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). En ce qui nous concerne, nous pensons que la loi actuelle est largement suffisante. Or on constate d'année en année qu'elle n'est malheureusement pas assez mise en oeuvre. De mémoire, quand je siégeais encore à la commission d'aménagement, on était venu nous parler de 188 000 mètres carrés de surface brute de plancher - c'est comme ça qu'il faut en parler - immédiatement transformables. Pourquoi ces 188 000 mètres carrés de bureaux n'ont-ils toujours pas été convertis depuis lors ?
D'une part, il y a la volonté du propriétaire, qui est encore libre de faire ce qu'il veut de son bien, mais il y a aussi le manque de promotion de l'Etat, qui ne valorise pas suffisamment cette possibilité auprès des propriétaires. L'Etat aurait sans doute dû axer sa politique là-dessus, essayer de convaincre les propriétaires potentiellement intéressés et leur faciliter la tâche.
Au-delà de ça, même si le propriétaire dit: «D'accord, je transforme», quand on voit les contraintes administratives qui en résultent, mais ça découragerait n'importe qui à Genève d'effectuer ne serait-ce qu'une simple démarche de renseignement ! Voilà ce qui ne joue pas dans notre canton. Concernant le projet de loi, quand on constate qu'il revêt un caractère obligatoire, ça ne peut juste pas fonctionner.
Dernière chose: qu'il s'agisse de logement ou de bureaux, il faut bien comprendre que la liberté de celui qui construit prime: du moment que son projet entre dans le cadre de la loi, qu'il correspond à la zone dans laquelle il est lancé, même s'il y a pléthore de bureaux vides, l'Etat ne peut pas s'immiscer sous prétexte qu'il y a trop de surfaces vacantes, ce n'est juste pas possible ! Quand son projet respecte le cadre légal, le propriétaire est libre de construire, tout bêtement. Après, s'il ne loue pas ses locaux ou s'ils restent vides, c'est son problème. Le Grand Conseil n'a pas à intervenir là-dedans, tout un chacun a encore la liberté de disposer de son bien comme il l'entend. C'est pour toutes ces raisons que nous refuserons ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, ce projet de loi s'inscrit dans l'ADN suisse, qui consiste à prévoir, à anticiper. D'ailleurs, je remercie son auteur d'avoir présenté un texte qui non seulement répond aux enjeux d'aujourd'hui, mais anticipe en outre les problématiques de demain. Avec les députés qui travaillent à la commission du logement, nous nous sommes penchés sur le problème des bureaux vides. Actuellement, il y a plus de 300 000 mètres carrés de surfaces commerciales vacantes à Genève; un tiers est transformable, mais pour un coût extrêmement élevé. Certains propriétaires seraient d'accord de les convertir en logements, mais c'est trop cher - voici le premier élément. Deuxièmement, c'est aussi très complexe au niveau administratif.
L'avenir, c'est maintenant. Si on entend prévoir pour demain, il faut réagir aujourd'hui. Le groupe LJS n'était pas là pendant les travaux sur ce projet de loi, mais sur la base d'un rapport assez limité de 18 pages, on a pu rapidement déterminer que non, cet objet n'a pas été étudié comme il faut, surtout eu égard à son intérêt pour les Genevois et les Genevoises, qui ont vraiment besoin de nouveaux logements. Si nous souhaitons apporter une réponse rapide et efficace à la crise du logement, il faut prendre en compte cet objet qui répond à des problématiques d'avenir.
Après notre analyse, nous avons décidé qu'il faudrait présenter des amendements pour faciliter certaines choses. Le groupe LJS a donc déposé deux amendements; avec ces modifications, nous sommes favorables au projet de loi. Certes, ce dispositif augmentera légèrement le coût de la construction, mais permettra de réduire les frais d'investissement en cas de future transformation de bureaux en logements.
Imaginez, chers collègues, que dans quinze ans - voire dix ou même cinq ans -, on n'aura plus autant besoin de bureaux que maintenant, car il y aura d'autres modèles de technologie, d'innovation, de créativité au sein des entreprises, ce qui fait qu'il ne sera même plus nécessaire de disposer d'espaces de travail, de rester toute la journée au bureau; peut-être que des robots travailleront à notre place et qu'on fera des choses plus intéressantes qu'envoyer quelques e-mails par jour ou rencontrer quelqu'un.
Ce projet de loi répond aux enjeux du futur. Comme le groupe LJS est un mouvement pragmatique en faveur de l'innovation, il vous invite à valider ce texte qui, je le répète, anticipe des problématiques d'avenir, car demain, ce sera trop tard. Je vous remercie.
M. Amar Madani (MCG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le MCG tient à saluer l'esprit de ce projet de loi, qui offre une certaine flexibilité. En effet, nous ne pouvons que soutenir une telle initiative, laquelle s'inscrit dans le sillage de la loi MCG votée dans ce parlement il y a quelques années et qui, contrairement à ce qui a été indiqué, a produit des effets, même s'ils sont relatifs. J'ai d'ailleurs déposé une question écrite à ce sujet et nous avons obtenu une réponse.
Il est vrai qu'il y a des contraintes administratives et financières. Cela étant, c'est une idée parmi tant d'autres de nature à répondre à la demande en matière de logements. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG vous invite à soutenir le projet de loi s'il est modifié par l'amendement qui a été déposé. Je vous remercie.
M. Sébastien Desfayes (LC). Je ne vais pas émettre des doutes quant à la bonne foi de l'auteur de ce projet de loi et à ses bonnes intentions, pour utiliser des formules établies, même si son parti avait voté contre la loi 11394 visant à favoriser la conversion de bureaux en logements. Cela étant, j'ai vraiment l'impression que c'est Candide au pays de la construction, parce que la portée de ce projet de loi est extrêmement importante, il faut juste que les gens qui vont voter soient conscients de ses conséquences: s'il passe ce soir, même avec les amendements, plus un seul bureau ne sera construit à Genève, plus un seul ! Pourquoi ?
D'abord, il y a la question des demandes d'autorisation: les normes de bruit, d'accessibilité ou de fuite, pour citer deux ou trois exemples, ne sont pas les mêmes pour un logement et un bureau - elles sont carrément contradictoires -, de sorte qu'un projet ne peut pas respecter simultanément les exigences d'un logement et celles d'un bureau. Dès lors, l'Etat ne pourra pas délivrer d'autorisations. Rien que pour cette raison, plus aucune surface commerciale ne sera construite.
Mais il y a plus. Si on se penche sur la construction même, les gabarits d'un immeuble de bureaux ou de logements sont totalement différents. La profondeur: 25 mètres carrés pour un bâtiment de bureaux, 14 ou 15 mètres carrés pour un immeuble d'appartements. L'orientation: complètement différente. Les normes: complètement différentes. Ce qu'on appelle les charges, c'est-à-dire ce que doit supporter un plancher: 500 kilos pour un appartement, 750 kilos pour des bureaux.
On ne peut pas construire en même temps des immeubles de logements et de bureaux, c'est absolument impossible, et si on devait concevoir une sorte de bâtiment hybride, il coûterait tellement cher qu'il ne serait pas rentable, donc il ne serait pas construit, voilà le problème.
D'aucuns dans cette salle pourraient dire: «Tant mieux, on ne construira plus de bureaux.» Mais quel est l'effet systémique pour l'économie ? C'est la hausse des loyers des locaux commerciaux, avec les conséquences que cela entraîne pour le tissu économique. Mais on est dans un monde de fous ! Si on vote ce texte ce soir, c'est une véritable crise économique qui s'annonce pour Genève ! Et je ne parle pas des entreprises de la construction. Que chacun ici prenne ses responsabilités et fasse preuve de sérieux, car je vous le dis, ce projet de loi ne l'est pas et il faut absolument le refuser. Merci.
Des voix. Bravo !
M. Thierry Oppikofer (PLR). Mesdames et Messieurs, j'abonde dans le sens de mon préopinant. Ce projet de loi serait parfaitement émouvant s'il n'était pas extrêmement dangereux. On est ici en plein catéchisme digne de celles et ceux qui sont persuadés qu'en se collant les mains aux routes ou en détruisant des oeuvres d'art, on va amener la population à réaliser que notre avenir réside dans la cueillette des céréales et que le Grand Genève devra les planter au plus vite après avoir dégrappé le bitume. (Exclamations.)
On part du principe, en l'occurrence, que la vente et la location de bureaux n'ont déjà plus aucun sens ou alors seulement celui de favoriser les promoteurs sans aucun scrupule - ils n'en ont jamais, vous le savez bien - qui s'enrichiraient en gérant des bureaux au lieu de créer des logements. Les auteurs n'ont évidemment aucune idée du taux de vacance des locaux commerciaux. La logique selon laquelle les méchants spéculateurs, encore attachés à une société où on travaillerait ailleurs que dans son potager, s'enrichiraient avec des bureaux vides peut légitimement surprendre.
En somme, les bureaux et commerces n'ayant plus aucun sens dans le futur écologique et bucolique qu'on nous décrit, il faudrait que, d'ores et déjà, chaque surface soit immédiatement convertible en logements. Mieux - ou pire ! - encore, cette conversion deviendrait obligatoire après deux ans d'inoccupation. L'amendement de dernière minute - on adore ça - venant de deux partis ne change finalement pas grand-chose et doit, lui aussi, être rejeté.
Les auditions ont permis à la commission de constater que transformer des bureaux en logements part d'une bonne intention, car c'est parfois possible, mais que dans la pratique, ce projet de loi, outre son caractère autoritaire, serait inapplicable en raison des normes qui ont été décrites il y a quelques instants, des exigences et critères spécifiques qui diffèrent entre les bureaux et les logements; je ne vais pas vous citer toutes les ordonnances - sur la protection contre le bruit, sur la protection contre les accidents majeurs, etc. Le groupe PLR - qui, depuis tout à l'heure, n'a toujours pas besoin de leçons de libéralisme - votera contre l'entrée en matière et vous invite à faire de même. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Diego Esteban (S). Je n'ai pas grand-chose à ajouter après toutes ces interventions, si ce n'est que le groupe socialiste soutenait déjà le projet de loi dans sa version originale et le soutiendra également amendé, donc votera l'amendement.
J'aimerais juste revenir sur certains propos, parce que chaque fois qu'il est question de solutions afin de rendre un nombre plus élevé de logements disponibles à la population qui en a besoin, on constate que de nombreux freins sont dressés dans le cadre des débats parlementaires, allant jusqu'à l'hyperbole absolue qui est de dire que le rendement supérieur obtenu par les surfaces commerciales par rapport aux logements serait complètement réduit à néant par le coût des travaux qui seraient nécessaires en cas d'acceptation de cet objet.
Il est tout de même extrêmement délicat d'affirmer ce genre de chose sans aucune démonstration statistique et alors que cet élément n'a pas été amené durant les travaux, donc ce catastrophisme ambiant n'est bien évidemment pas à prendre avec autant de sérieux que la crise du logement et les besoins de la population. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste soutiendra ce texte amendé.
Mme Danièle Magnin (MCG). Mesdames et Messieurs, il me semble que qui peut le plus peut le moins. Si, dans les nouvelles constructions, on prévoit des dimensions de colonnes d'évacuation un peu plus grandes, des escaliers un peu plus larges ou Dieu sait quoi, ce n'est pas extraordinairement coûteux. On évite de perdre les loyers quand on transforme des bureaux vides en appartements.
Je voudrais rappeler qu'en ville de Genève, un règlement prévoit qu'en cas de cessation d'activité d'une entreprise, le commerce reprenant les locaux doit être actif dans le même domaine. Je ne sais plus si ce règlement est passé, s'il a été adopté ou juste proposé, mais dans tous les cas, le fait de scléroser les choses n'apporte rien de bon à la population ni à l'économie. Après, vous voterez comme bon vous semble, mais je voulais attirer votre attention sur le fait que qui peut le plus peut le moins. Voilà, merci.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole retourne à M. Sangdel pour quinze secondes.
M. Djawed Sangdel (LJS). Oui, merci, Monsieur le président. Chers collègues, je vous invite à relire les amendements. On parle de «zones définies par un règlement d'application» tandis que l'obligation de transformation après deux ans d'inoccupation est supprimée. Je vous demande d'accepter ces modifications qui répondent aux besoins d'aujourd'hui et de demain. Merci.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur. Bon, de toute façon, si ce projet de loi était accepté, cela ne changerait pas grand-chose, puisqu'il n'y a plus de terrains disponibles dans le canton, on ne sait plus où construire de nouveaux logements ni des bureaux. En effet, les surfaces commerciales déjà existantes ne sont pas concernées par la mesure.
Mais de grâce, Mesdames et Messieurs, ne votez pas ce texte ! Il faut écouter l'avis des professionnels de la construction qui nous ont indiqué que cela engendrerait des surcoûts énormes, que ce n'était pas possible. Maintenant, les acteurs de la construction tout comme le département doivent nous dire si l'amendement va améliorer la situation; alors c'est déjà mieux, dans le sens que l'obligation après deux ans a été supprimée, mais on doit savoir si cela va diminuer le coût de la construction. Parce que si les coûts sont finalement les mêmes avec cet amendement, le dispositif bloquera toujours la construction de bureaux à Genève.
Par conséquent, je propose - je vous en prie, j'insiste - que la commission entende les professionnels concernés ainsi que le département pour qu'ils puissent se prononcer sur la modification. Monsieur le président, je demande un renvoi en commission.
Le président. Très bien, je mets cette proposition aux voix; en cas de refus, nous procéderons au vote sur le texte.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13216 à la commission du logement est rejeté par 55 non contre 38 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 13216 est adopté en premier débat par 54 oui contre 39 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Pourriez-vous attendre la fin de la procédure de vote pour applaudir ? Nous ne sommes pas encore au troisième débat !
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements présentés par MM. Sangdel et Madani. Voici le premier:
«Art. 57A, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Les espaces destinés à l'utilisation de bureaux dans toute nouvelle construction doivent pouvoir être transformés en habitations sans que des travaux majeurs soient nécessaires dans les zones définies par un règlement d'application.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 38 non.
Mis aux voix, l'art. 57A (nouveau) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 57B (nouveau) est adopté.
Le président. La seconde proposition concerne l'article 57C:
«Art. 57C (nouvelle teneur)
Un règlement d'application détermine les conditions que doivent réunir les dossiers de demande de construction de bâtiments administratifs ou de bureaux.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 37 non.
Mis aux voix, l'art. 57C (nouveau) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13216 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 39 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Mesdames et Messieurs, eu égard au fait que depuis deux séances, la température dans cette salle est difficilement supportable - je vois que certains députés s'endorment -, nous allons arrêter nos débats maintenant. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Passez une très belle soirée ! (Commentaires.) Et nous souhaitons bonne chance aux Jeux paralympiques à notre collègue Celine van Till, qui est arrivée à Paris aujourd'hui. (Applaudissements.)
La séance est levée à 19h05.