Séance du vendredi 30 août 2024 à 14h
3e législature - 2e année - 4e session - 19e séance

M 2973-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Sophie Bobillier, Emilie Fernandez, Julien Nicolet-dit-Félix, Marjorie de Chastonay, Léo Peterschmitt, Dilara Bayrak, Céline Bartolomucci, Masha Alimi, Alia Chaker Mangeat, David Martin, Jean-Louis Fazio, Laura Mach, Angèle-Marie Habiyakare, Jean-Marie Voumard, Pierre Eckert, Lara Atassi : Mineurs et jeunes majeurs requérants d'asile non accompagnés (RMNA) - mobilisons des familles d'accueil
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 29 et 30 août 2024.

Débat

Le président. Le prochain point est la M 2973-A (catégorie III). Je cède le micro à Mme Bobillier.

Mme Sophie Bobillier (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion, déposée en octobre dernier, demandait une intervention du Conseil d'Etat afin que l'on trouve davantage de familles d'accueil pour les mineurs et jeunes majeurs requérants d'asile non accompagnés. Le rapport du Conseil d'Etat était très attendu, mais je souhaite aujourd'hui exprimer une position nuancée.

Tout d'abord, les efforts en faveur d'une meilleure prise en charge de ces mineurs et jeunes adultes non accompagnés sont à saluer; depuis de nombreuses années, la société civile demandait notamment l'ouverture de foyers à taille plus humaine. Ces avancées sont positives, mais force est de constater que malheureusement ces efforts restent toujours insuffisants. Le décès tragique du jeune Ali Peyvandi en décembre dernier, peu après le dépôt de cette motion et un an seulement après le décès du deuxième Alireza, nous rappelle cruellement le besoin urgent d'agir et la nécessité d'offrir un accompagnement plus individualisé à ces jeunes en quête de liens et de repères.

Si la réponse à la motion soulève des points pertinents, notamment quant à la nécessité de mobiliser davantage de nouvelles familles d'accueil, sa mise en oeuvre se heurte à d'importantes difficultés pratiques. Les campagnes menées, qui sont décrites dans le rapport, n'ont pas donné les résultats escomptés, malgré la communication mise en place.

Plusieurs pistes d'amélioration semblent néanmoins envisageables: la première est de renforcer la visibilité et l'exhaustivité des informations que l'on trouve sur le site internet du canton ge.ch concernant les familles d'accueil. Les ressources mentionnées dans la réponse à cette motion, notamment le manuel du Service social international sur le parrainage qui peut être mis en place ou les actions comme «Un set de plus à table», devraient y figurer, tout comme le lien direct vers «Caritas Placement Familial», car une simple recherche Google ne permet pas forcément d'être dirigé au bon endroit.

Il serait en outre nécessaire pour les lecteurs et lectrices de comprendre immédiatement la distinction qui existe au niveau du cadre légal entre l'accueil de mineurs, soumis à des contraintes légales strictes, et celui de jeunes majeurs, qui n'est soumis à aucune exigence légale particulière. Si ces informations étaient visibles sur le site internet, elles permettraient d'encourager ou en tout cas de ne pas décourager de potentielles familles souhaitant se porter volontaires.

Il semble aussi important de développer des partenariats plus étroits avec les communes, afin d'identifier les personnes vivant dans des logements disposant de chambres supplémentaires qui permettraient d'accueillir des jeunes.

Cette motion met en lumière cette problématique cruciale et favorise une approche globale réunissant l'ensemble des acteurs et actrices du terrain, comme le canton, les communes et la société civile, de même que toutes les associations, qui font un travail formidable. En conclusion, nous prendrons acte de ce rapport, tout en incitant à poursuivre les efforts déjà déployés. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Falquet.

Une voix. Ah, enfin la vérité !

M. Marc Falquet (UDC). Oui, la vérité ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, c'est vrai que le nombre de familles candidates pour accueillir des requérants mineurs non accompagnés est ridiculement petit; il se compte en dizaines, ce qui fait donc un ratio de moins de 1 pour mille dans la population. Mais vous savez qu'il y a aussi des centaines d'enfants genevois qui sont placés, sans plus de succès en ce qui concerne les familles d'accueil; on a de la peine à en trouver pour nos propres enfants !

On peut déjà poser la question suivante à tous les gens qui ont signé cette motion ou d'autres textes du camp de la gauche: est-ce que vous avez hébergé des enfants ? Si ce n'est pas le cas, pourquoi ? On doit se demander pourquoi les Genevois ne veulent pas accueillir d'enfants. Voilà la bonne question qu'on doit poser à la population. Il ne s'agit pas de faire une campagne de publicité ! C'est une question de mentalité, non pas d'argent: s'ils ont du coeur, les gens vont accueillir des enfants même s'ils n'ont pas d'argent, ce n'est pas la question.

La question est déjà de savoir si la société, si les institutions aiment nos enfants. On voit des dizaines de milliers de familles dans lesquelles on a séparé les enfants, les fratries, on a cassé la relation entre les parents et les enfants et celle avec les grands-parents ! Vous pensez que suite à cela, ces gens vont vouloir accueillir un enfant ?! On a une politique institutionnelle qui n'aime pas les enfants, qui est contre les enfants, évidemment sous le prétexte du bien supérieur de l'enfant. Mais ça, c'est la réalité des placements.

Les 600 enfants placés à Genève - ou peut-être 800 maintenant - représentent un immense business. Ces enfants ont tous des parents, et ce n'est pas parce qu'il a pu y avoir de la maltraitance ou que les parents ne s'entendent pas qu'ils ne pourraient pas s'occuper de ces enfants. Moi j'ai eu des enfants... On n'est pas des bons parents, on fait tous des bêtises dans la vie, peut-être qu'aujourd'hui je serais un meilleur parent, mais bon, c'est comme ça. Quoi qu'il en soit, le fait est que les gens sont dégoûtés.

C'est une question non seulement d'égoïsme, mais aussi de mentalité. Il faudrait demander aux gens pourquoi ils n'accueillent pas d'enfants, pourquoi ils ne veulent pas accueillir déjà les nôtres. Tous nos enfants devraient être placés prioritairement dans des familles d'accueil. Ce n'est pas une question d'argent: si on aime les enfants, on en accueille, ce n'est pas ça qui va nous coûter cher. L'incitation financière, c'est bien, mais ce n'est pas ça le moteur de l'accueil. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le moteur de l'accueil, c'est l'amour de l'enfant, et c'est ce qui manque à notre société, qui est basée sur l'égoïsme, l'égocentrisme, la vanité et la cupidité ! Voilà, c'est comme ça. Il faut accepter le fait que nous vivons dans une société égoïste. Ce n'est pas en forçant la population... Dans le domaine de l'asile, on nous force à accueillir des gens. Vous pensez que, moi, on va me forcer à accueillir quelqu'un ? Non, jamais ! On nous impose déjà des gens ici par la politique de l'asile, on leur paie tout, et on doit en plus les prendre à domicile ?! Non !

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Marc Falquet. Voilà, merci ! Il y a donc une réflexion à mener sur les raisons pour lesquelles nous n'accueillons pas les enfants.

Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme on vient d'entendre un petit exposé du député Falquet - vous lui transmettrez, Monsieur le président - sur la nécessité d'accueillir les enfants, j'aimerais dire que, oui, un enfant, quelle que soit sa nationalité, est un enfant et qu'il n'y a absolument pas lieu de séparer, de cliver, de prendre en considération son origine, sa provenance; c'est un enfant, il mérite d'être protégé et il n'y a pas de tort à lui prêter pour ne pas l'accueillir. Les enfants RMNA ne prennent en aucun cas les places d'autres enfants. Ce sont des publics et probablement des familles d'accueil différents, qui peuvent héberger des enfants dans le cadre de projets diversifiés.

Pour ma part, je ne peux que remercier le Conseil d'Etat d'avoir rendu ce rapport, qui montre toutes les pistes recherchées, notamment le travail de Caritas et de l'Hospice général. Comme le disait ma préopinante Mme Bobillier, il faut poursuivre ces efforts. Il convient peut-être de chercher des pistes plus alternatives pour casser cette image de la complexité d'accueillir une personne chez soi. Je pense qu'il faut aller jusqu'à imaginer que des appartements contiennent des chambres vides, disponibles, où des personnes seraient prêtes à accueillir un enfant, qu'il soit de chez nous ou pas, un étudiant, etc., et pourquoi pas créer des partenariats avec des acteurs du logement et d'autres départements de l'Etat. Il y a des pistes à trouver pour dédramatiser et montrer que le fait d'accueillir quelqu'un chez soi n'est pas synonyme de problème. Voilà, je remercie le Conseil d'Etat pour les efforts accomplis et je pense qu'on peut les poursuivre en vue d'en faire un bilan par la suite. Merci. (Applaudissements.)

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord vous dire au nom du Conseil d'Etat que nous prenons note des remarques et des pistes d'amélioration proposées, notamment par le biais de l'intervention de Mme Bobillier. En revanche, je m'inscris en faux contre ce qui vient d'être indiqué: le placement d'enfants n'est pas un business à Genève ! C'est faux et je ne peux pas ne pas réagir. Il a été fait mention de 600 enfants qui seraient arrachés à leurs parents, mais ce n'est pas le cas, je suis désolée. Le placement d'enfants est décidé par un tribunal sur la base de règles qui sont connues, précises, et avec des possibilités de recours. Il ne s'agit pas du tout d'un business. Je rappelle que le rôle de l'Etat consiste aussi à protéger les enfants et qu'à aucun moment il ne s'agit de faire du placement d'enfants un business. Voilà, je voulais le rectifier, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre écoute. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2973.