Séance du vendredi 21 juin 2024 à 10h
3e législature - 2e année - 3e session - 15e séance

RD 1595
Rapport de la commission de contrôle de gestion sur la thématique « Ressources publiques et campagnes électorales »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de Mme Jennifer Conti (S)

Débat

Le président. Nous passons à la première urgence, à savoir le RD 1595, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à la rapporteure, Mme Jennifer Conti.

Mme Jennifer Conti (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier les membres de la sous-commission, MM. Cerutti et Nidegger, et les employés de la fonction publique qui ont participé à ce travail, le secrétariat général du Grand Conseil, en particulier Mme Dellwo, secrétaire scientifique de la commission de contrôle de gestion.

Si la commission de contrôle de gestion vous présente aujourd'hui son rapport, c'est grâce aux lanceurs d'alerte, aux médias et à l'ensemble des acteurs de la surveillance et de l'amélioration de l'action publique, à savoir le service d'audit interne, la Cour des comptes et la commission de contrôle de gestion elle-même - et ce malgré les nombreux freins auxquels nous avons été confrontés.

Il est important de vous donner quelques points de repère pour bien comprendre la situation. Nous avons pris comme temporalité la période commençant en mai 2022, soit la date à laquelle l'ancienne conseillère d'Etat a été désignée candidate à sa propre réélection. Un élément qui ressort en particulier, c'est que dès son entrée en fonction, ses demandes sortent un peu du cadre prévu par l'Etat. Très rapidement, elle demande par exemple à un haut fonctionnaire de gérer ses réseaux sociaux, et ce dernier lui rappelle le cadre.

Ensuite, le 1er septembre 2022, malgré le refus des responsables métier, signature d'un mandat à une plateforme. Courant 2022 toujours, un proche collaborateur de la magistrate sollicite ces mêmes responsables métier pour un mandat portant sur une monnaie locale, et ces derniers refusent carrément l'entrée en matière, ils ne procèdent même pas à l'analyse du dossier, considérant que le conflit d'intérêts est trop flagrant. Le 10 février 2023, le chef de campagne reçoit un e-mail d'un autre proche collaborateur l'alertant sur les risques qu'encourt le département, notamment liés aux mandats attribués à des organisations qui sont proches de la magistrate et au départ du secrétaire général. Courant mars 2023, nos travaux nous permettent d'établir que des effacements d'e-mails ont lieu. Les collaborateurs reçoivent clairement un rappel leur demandant de ne pas contribuer à la campagne.

Malgré ce rappel, de nombreux éléments montrent qu'une contribution assez forte à la campagne est apportée par trois communicants. Le 11 avril 2023, la première demande LIPAD est déposée, elle porte uniquement sur l'un des communicants. Deux jours après, soit le 13 avril 2023, a lieu la signature du mandat à la monnaie locale, via le département du territoire et le DEE. Le 21 avril, le secrétaire général demande la sécurisation de tous les e-mails des personnes concernées. Le 24 avril, il est procédé à l'extension de la demande LIPAD à l'ensemble des trois communicants. Concernant le mois d'août 2023, nos travaux confirment que la magistrate accède à sa seconde boîte e-mail pour procéder à certains effacements.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Madame la députée.

Mme Jennifer Conti. Oui, merci, Monsieur le président. Nous avons été confrontés à deux types de freins dans le cadre de nos travaux. Les premiers sont les refus d'auditions. Il y en a eu quatre: l'ancienne magistrate elle-même, le chef de campagne, l'employé externe chargé de la campagne sur les réseaux sociaux politiques et le chargé de communication stratégique et du développement organisationnel. Par ailleurs, on découvre grâce aux travaux de la cellule d'enquête et investigation que la demande LIPAD est incomplète. Il nous manque donc clairement des éléments.

Ensuite, il y a les freins plus généraux, à savoir un manque de transparence dans certains processus de l'Etat, une forte culture de l'oralité - certains communicants nous confirment qu'ils notifient de manière orale que certaines demandes sont beaucoup trop liées à la campagne, mais cela n'a pas pu être confirmé, car il n'y a pas de trace écrite -, beaucoup de processus papier, notamment pour les mandats, ce qui rend extrêmement compliqué par la suite de procéder à une analyse systématique, l'absence d'un système de clés comptables qui garantisse une transparence et permette d'analyser s'il y a une tendance claire, à savoir si, à l'approche d'une campagne, on constate ou non une augmentation de l'externalisation et des recours à des communicants externes - on n'avait pas les outils pour le déterminer -, et enfin six mois d'attente pour auditionner la cellule enquête et investigation.

Grâce aux travaux de celle-ci, on a eu la confirmation que des effacements d'e-mails avaient eu lieu, qu'il existait un dossier intitulé «affaires sensibles» contenant deux sous-dossiers intitulés «LIPAD monnaie Léman» et «LIPAD Je consomme local», créés après la demande LIPAD puis vidés par la suite. Comme je l'ai dit précédemment, nous avons également pu confirmer que la demande LIPAD était incomplète.

Nous avons été dans l'impossibilité d'étendre nos travaux, tout simplement parce que nous n'avions pas de lanceurs d'alerte ni d'éléments documentés sur les autres départements. Ensuite, s'agissant du cadre d'analyse, nous nous sommes basés sur celui du Conseil de l'Europe, qui fournit un cadre de questions avec des exemples concrets. Clairement, le recours à des communicants de la fonction publique constitue une utilisation de ressources publiques dans le cadre de campagnes électorales. Nous utilisons aussi le cadre de référence COSO, qui concerne toutes les questions en lien avec le contrôle interne, les règles mises en place à l'Etat pour surveiller justement toutes ces procédures. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

En synthèse, on constate que deux recrutements ne respectent pas les règles habituelles, que trois communicants réalisent clairement des actions de campagne, qu'un conflit d'intérêts est présent dans l'attribution d'un mandat à une association portée par le bureau d'étude du chef de campagne, signé dix-sept jours avant les élections, que la magistrate procède à l'attribution d'un mandat de 97 000 francs malgré le préavis négatif des responsables métier.

Les recommandations, en résumé, sont les suivantes: améliorer la transparence de l'Etat...

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Jennifer Conti. Je peux juste terminer ?

Le président. Vous avez quelques secondes.

Mme Jennifer Conti. Merci beaucoup. Pour terminer, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission de contrôle de gestion vous demande de bien vouloir accepter ce rapport. En le votant, vous dites à la population genevoise que vous défendez ses intérêts et que vous ferez tout pour que de tels événements ne se reproduisent plus. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Yves Nidegger (UDC). Je parle au nom de mon groupe et pas en tant qu'ancien membre de la sous-commission. S'agissant du contenu du rapport, il en a été très largement question dans la presse, il n'est pas forcément nécessaire de revenir sur les détails. J'aimerais plutôt m'exprimer sur ce que nous pouvons aujourd'hui en tirer en tant que parlement.

Certains vous diront qu'il n'y a finalement rien de très grave dans ce rapport et qu'il n'est pas nécessaire de tirer des conclusions importantes, parce que c'est Genève; j'ai le regard inverse: c'est bien parce que c'est Genève que ce qui est contenu dans ce rapport doit nous amener à en tirer des conséquences importantes. Pourquoi ? Genève est un canton qui se distingue en comparaison des autres par toutes les mesures institutionnelles prises pour que l'abus de pouvoir y soit, en théorie, plus difficile à commettre que dans tout le reste de la Suisse.

C'est un canton qui a une Cour des comptes - ce n'est pas le cas de tous -, cette dernière est active, opérationnelle, elle produit des rapports extrêmement nourris. C'est un canton qui a un SAI, service d'audit interne, qui, depuis quelques années en tout cas, fonctionne bien. C'est un canton qui a mis en place une plateforme pour que les lanceurs d'alerte soient certains d'être protégés lorsqu'ils ont quelque chose à transmettre, ce qui, institutionnellement, constitue probablement une des meilleures protections théoriques que l'on puisse imaginer. C'est enfin un canton - et ils sont rares - où nous autres, membres du parlement cantonal, disposons de l'initiative législative. Si nous constatons qu'une loi est insuffisante, qu'il faut la durcir, eh bien nous avons la faculté d'y introduire des changements, de proposer même de nouvelles lois si nous le voulons. En d'autres termes, sur un plan théorique, ce canton semble être taillé pour que ce qui est contenu dans ce rapport et qui a été révélé dans la presse - faisant pas mal de bruit et de secousses - ne se passe pas ou ne se passe que très peu probablement.

C'est ça qui sera la première conclusion choquante: alors qu'on a mis le plus de cautèles pour avoir le maximum de sécurité et éviter les abus de pouvoir, eh bien on en a plutôt régulièrement. Pourquoi ? Parce qu'il existe apparemment une forme de culture de l'impunité qui s'est installée depuis un certain temps dans les pratiques de l'Etat. C'est à cette culture qu'il s'agit aujourd'hui de s'intéresser, et il faut nous en alarmer. Le parlement et l'exécutif sont en ce moment dans une phase - ça ne vous aura pas échappé - où les rapports sont un peu tendus. Curieusement, ce n'était pas le cas précédemment. Qu'est-ce qui a changé entre ces deux situations, celle où les rapports avec le gouvernement sont tendus et celle où le parlement était un fan-club de l'exécutif ? Ce n'est pas l'exécutif, il est composé de manière identique, mais bien le parlement. Quand vous avez un parlement plus à droite, ce dernier veut faire son boulot de contrôle. Quand vous avez un parlement plus à gauche, vous avez un fan-club.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Yves Nidegger. C'est de cela que nous devons discuter et c'est de ces conclusions-là que nous devons conférer entre nous, en acceptant évidemment ce rapport, qui ne doit représenter qu'un début de prise de conscience.

M. Francisco Taboada (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce rapport essentiel de la sous-commission de contrôle de gestion «Ressources publiques et campagnes électorales» met en lumière des éléments qui sapent la confiance du public en nos institutions. Pour le mouvement Libertés et Justice sociale, il est inacceptable que des ressources publiques aient été utilisées à des fins de campagne électorale. Les conclusions de ce rapport sont claires et relèvent des manquements graves, notamment des recrutements irréguliers, un mélange des rôles et des mandats attribués de manière, on peut le dire, douteuse et questionnable.

Face à ces révélations, il est impératif de prendre des mesures fermes pour garantir que nos institutions restent transparentes et éthiques. Les recommandations de la sous-commission sont pertinentes et nécessaires. Nous devons sensibiliser et former nos collaborateurs pour qu'ils comprennent l'importance de ne pas utiliser des ressources publiques à des fins personnelles ou partisanes.

Il est crucial de garantir la transparence et le respect strict des procédures de recrutement pour éviter le népotisme et les conflits d'intérêts. La digitalisation des processus relatifs aux mandats et le développement d'outils de surveillance permettront une meilleure gestion des dépenses publiques et plus de transparence.

La commission de contrôle de gestion doit avoir un accès direct et sans entrave aux informations nécessaires au bon déroulement de ses enquêtes. Nous pouvons ici regretter que ses travaux aient été freinés et que la commission n'ait pas pu aller au bout des investigations qu'elle avait initialement prévu de mener.

Pour ces motifs, nous vous invitons à accepter ce rapport. Pour le mouvement Libertés et Justice sociale, il est primordial de restaurer la confiance des citoyens en démontrant notre engagement envers la transparence et l'intégrité; en soutenant ces recommandations, nous faisons un pas important vers un gouvernement plus ouvert et responsable. Monsieur le président, chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas répéter ce qui vient d'être dit - et très très bien dit - par mon collègue le député Taboada. Le rapport qui vous est présenté a fait l'objet de nombreuses auditions et d'un travail conséquent. Il reprend des éléments qui ont mis en lumière la nécessité d'aller de l'avant pour la poursuite des bonnes pratiques à appliquer.

Pour Le Centre, les recommandations, acceptées par le Conseil d'Etat, sont transversales et permettent de renforcer les processus de transparence à plusieurs niveaux: recrutement, système de clés comptables afin de comprendre les flux financiers dans les attributions de mandats, sensibilisation des collaboratrices et des collaborateurs au fait de ne pas utiliser les ressources publiques à d'autres fins que celles vouées aux prestations publiques !

Dans le but d'améliorer la transparence, il convient également de compléter le vade-mecum du Conseil d'Etat avec des règles éthiques de bonne gouvernance, en prévoyant un contrôle par les pairs. Le fait que la commission de contrôle de gestion et sa sous-commission aient accès à la cellule d'enquête et investigation devrait permettre de gagner du temps et d'obtenir tous les renseignements nécessaires afin de garantir l'efficience du travail parlementaire.

La vision et le but de ces recommandations sont essentiels puisque, in fine, il s'agit bien de redonner confiance dans notre système. Il nous faut aller de l'avant et renforcer ce système qui n'a pas été aussi transparent qu'il aurait dû l'être. Le Centre a accepté ce rapport en commission et le fera encore aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les Vertes et les Verts ont pris connaissance du rapport de la sous-commission de contrôle de gestion intitulé «Ressources publiques et campagnes électorales». Nous en soutenons les recommandations, notamment en matière de bonne gouvernance, d'attribution des mandats, de transparence et de protection des données personnelles. Toutes les mesures susceptibles de renforcer l'éthique et la transparence dans la gestion du Conseil d'Etat et l'activité de l'administration sont soutenues sans ambiguïté par les Vertes et les Verts - et c'est une très bonne chose que la sous-commission de contrôle de gestion se soit penchée sur les pratiques en place.

Notre groupe reconnaît que des erreurs d'appréciation politique ont été commises par la conseillère d'Etat sortante; dans le cadre d'une campagne de réélection, la séparation entre les activités de campagne et les activités ordinaires du département doit être conduite de façon rigoureuse, et nous constatons - comme l'a fait la commission - que cette séparation a été insuffisante.

Mais justement, à ce titre, il aurait été très utile que la commission apporte un cadre clair pour délimiter ce qui a trait à l'activité courante d'un département et ce qui a trait à la campagne électorale d'un conseiller ou d'une conseillère d'Etat sortant. Autrement dit, où se trouve la frontière entre le bilan d'un département et celui, plus politique, d'un élu sortant en campagne ? Malheureusement, ce travail n'a pas été mené par la sous-commission, nous n'avons pas de réponse. L'examen transversal des pratiques de l'ensemble des départements n'a pas été mené, l'analyse s'étant concentrée uniquement sur le DEE. In fine, le rapport n'apporte pas de délimitation claire sur le cadre de travail des communicants lors de campagnes électorales.

Si nous soutenons les recommandations du rapport, nous restons critiques sur les méthodes d'investigation et les conclusions. Les lacunes du rapport étaient déjà clairement visibles à la première lecture, elles ont été confirmées la semaine passée par le Conseil d'Etat. Une partie des accusations du rapport sont donc infondées. Par exemple, il ressort que l'engagement de deux postes qualifié d'irrégulier ne l'était en fait pas. L'engagement d'agents spécialisés dévolus à une mission spécifique n'est en effet pas soumis à une obligation de mise au concours, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport - cet élément aurait d'ailleurs été très facile à vérifier.

Malgré le fait que les agendas de tous les communicants ont été fournis à la sous-commission, aucune preuve n'a été apportée que du temps de travail de fonctionnaires du DEE aurait effectivement été dévolu à des activités de campagne. Ce dernier point se trouve d'ailleurs entre les mains de la justice, que nous laissons poursuivre son travail.

En conclusion, nous ne sommes pas d'accord avec la méthode utilisée, qui n'a retenu que des éléments à charge sans étudier l'ensemble des départements. Nous refuserons ce rapport, et dans l'intérêt de l'objectivité que ce parlement se doit de garder, vous appelons à en faire de même. En revanche, nous partageons sans réserve les exigences d'éthique, de transparence et de bonne gouvernance envers l'ensemble des magistrats et élus de notre canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Tout d'abord, je tiens à remercier la commission de contrôle de gestion, en particulier les trois sous-commissaires, pour leur excellent travail sur ce sujet qui est difficile. Ils ont fait un travail véritablement exceptionnel étant donné les limites qui sont les nôtres dans un parlement de milice. Encore bravo pour l'excellent travail que vous avez fait !

Ce rapport met au jour des éléments inquiétants. Nous constatons qu'un système mafieux s'est mis en place; on efface des e-mails, on camoufle certaines réalités dérangeantes, des rôles sont mal définis, une campagne électorale des Verts est financée par le contribuable, on confie à des fonctionnaires des activités qui s'éloignent de leurs tâches pour faire un travail de militants; ce n'est pas au contribuable genevois de payer la campagne d'un parti politique !

Les Verts sont en train d'entrer dans une dérive, on l'a vu notamment avec leur représentant au Conseil d'Etat actuel, qui tient certains propos assez douteux. Nous en avons eu la preuve encore hier: nous sommes face à des Verts moralistes à tout bout de champ, qui donnent des leçons à la terre entière, et en particulier à ce parlement, alors qu'eux-mêmes feraient bien de balayer devant leur porte et d'avoir un peu plus de rigueur morale et de rigueur tout court ! C'est quelque chose qui leur manque résolument, ce qui nous fait craindre pour le bon fonctionnement de l'Etat, malheureusement.

Nous assistons même - et nous en sommes témoins au travers du remarquable rapport de la commission de contrôle de gestion - à une petite Camorra à la genevoise... (Exclamations.) ...qui certes, heureusement, a des proportions limitées. Mais cette petite Camorra Verte a malheureusement sévi avec des activités douteuses au niveau d'une pseudo-banque qui a voulu... En fait, ce sont des écolos qui ont voulu jouer aux grands financiers. On s'est trouvé dans une sorte de mini délire; on pourrait soit en rire soit en pleurer. Malheureusement, c'est grave, parce que c'est l'Etat de Genève, la rigueur de notre Etat et son bon fonctionnement qui sont mis en cause. Je vous demande donc de soutenir activement le remarquable travail réalisé par la commission de contrôle de gestion. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (PLR). On peut quand même s'interroger sur les trente minutes dont nous disposons pour ce débat qui est un débat de fond. On vient de passer sept heures sur les comptes à disserter sans grand intérêt, mais dont acte, on a trois minutes par groupe, donc je vais les prendre. Tout d'abord, je tiens à remercier Mme Conti et ses deux collègues pour le travail qui a été effectué dans des conditions difficiles mais a permis de relever des points très factuels.

Les conseillers d'Etat ont des prérogatives. Nous ne les remettons pas en cause, mais il ne faut pas qu'ils en abusent. Ce sont essentiellement des prérogatives politiques, et c'est pourquoi le PLR a souhaité intégrer dans les recommandations la notion de contrôle entre pairs, qui au départ ne figurait pas dans ce rapport et qui nous paraît essentielle. Nous attendons en effet que le Conseil d'Etat revienne avec un processus qui permette que la marge de manoeuvre politique de chaque conseiller d'Etat soit préservée tout en garantissant que les règles de notre Etat de droit soient respectées.

Au-dessus de chaque conseiller d'Etat, il doit y avoir le Conseil d'Etat. Si l'on veut rétablir la confiance entre les conseillers d'Etat et le parlement, comme l'a souhaité encore cette semaine Mme la présidente Nathalie Fontanet, il nous faut rétablir cette confiance avec un processus très très clair, une distinction des différentes responsabilités et un contrôle entre pairs.

Au-delà de ces éléments, nous sommes atterrés de la position des Vertes et des Verts dans cette affaire, qui cautionnent, qui essaient de justifier, qui minimisent la gravité des faits...

Une voix. C'est faux !

M. Jacques Béné. ...qui, au fond, défendent l'indéfendable ! (Commentaires.) Eux qui nous assènent à longueur de journée leurs discours moralisateurs sur la responsabilité sociale et environnementale... (Commentaires.)

Le président. Chut, s'il vous plaît.

M. Jacques Béné. ...sur l'inclusivité, etc., et qui, à la première occasion, rompent le contrat social qui nous lie et se placent au-dessus de l'Etat de droit. C'est insupportable, c'est inadmissible et cela décrédibilise totalement leurs actions et l'image de nos institutions !

Les donneurs de leçons, ça suffit ! Non, Monsieur Eckert, il n'y a pas de mais; vous voulez défendre l'éthique et la transparence, il n'y a pas de mais ! J'aurais espéré qu'il y ait un sursaut de lucidité et de responsabilité et que vous accepteriez ce rapport, il n'en a rien été. Je n'ose même pas imaginer la situation si Mme Fischer était encore en fonction. Honte à vous, Mesdames et Messieurs les Vertes et les Verts !

Nous accepterons ce rapport tel qu'il est sorti de la commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, le Conseil d'Etat s'engage pleinement en faveur de la transparence de l'Etat vis-à-vis de la population, vis-à-vis des médias, il s'engage également en faveur d'une collaboration constructive avec le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Le Conseil d'Etat s'efforcera de mettre en oeuvre les recommandations émises par la commission de contrôle de gestion, et il le fera notamment en tenant compte de celles qui découlent de l'audit du SAI du 13 juin 2024 sur la gouvernance des achats et de l'audit en cours de la Cour des comptes sur les mandats de tiers.

Quant au contenu et à la conclusion du rapport, le Conseil d'Etat entend rappeler qu'un volet pénal reste ouvert, qui doit déterminer si oui ou non il y a eu gestion déloyale des intérêts publics; la justice n'ayant pas encore donné sa réponse, il ne peut s'exprimer sur ce volet.

Le Conseil d'Etat entend néanmoins revenir sur quelques points précis. Concernant la collaboration institutionnelle, le Conseil d'Etat a pleinement collaboré, et avec diligence. Il a notamment remis à la commission en moins de six semaines les organigrammes, les agendas des communicants et la liste des mandats de tous les départements pour la période 21-23. Il a fourni à la commission trois réponses circonstanciées relatives au travail conséquent effectué par la cellule d'enquête et d'investigation. Quant aux e-mails supprimés, il est important de rappeler que s'ils sont supprimés dans les boîtes mail, ils sont néanmoins conservés ! Aucun e-mail n'a pas été conservé. Les messages supprimés par les collaborateurs restent conservés pendant 365 jours sur les serveurs de l'Etat, voire plus longtemps en cas de demande spécifique, et ce fut le cas dans cette situation. Par conséquent, sur la période instruite par la commission de contrôle de gestion, il n'y a pas de messages perdus dans la nature ni ailleurs: ils sont tous trouvables, il n'y a pas de messages introuvables !

Sur le fait que les réponses à la demande de la commission de contrôle de gestion auraient été insuffisantes, respectivement n'auraient pas été aussi complètes que les demandes LIPAD, Mesdames et Messieurs, la comparaison ne peut pas être tirée entre les éléments qui sont transmis au moment de la demande LIPAD d'avril 2023 et les éléments transmis à la commission de contrôle de gestion. Ces transmissions portent sur des données de natures différentes, ne répondent ni aux mêmes lois ni aux mêmes règles, il n'y a pas de secret de fonction opposable à la commission de contrôle de gestion, alors qu'évidemment, un secret est opposable dans le cadre des demandes de remise LIPAD. Ça, c'est vraiment important de le rappeler.

S'agissant des questions relatives aux mandats, le Conseil d'Etat regrette que la sous-commission n'ait pas auditionné les spécialistes de l'administration afin d'avoir un échange sur ces questions ou attendu l'examen de la Cour des comptes, qui porte exactement sur le même champ et qui apportera à n'en point douter des éléments concrets à cet égard. Au sujet du mandat Monnaie Léman, qui a été co-porté par le DEE et le DT, j'aimerais rappeler qu'il se basait sur un préavis positif de la direction de la durabilité et du climat, donc du DT, en lien avec le plan climat cantonal. Le livrable est un rapport de 68 pages, co-rédigé par l'Université de Lausanne, qui a été remis à l'administration en février 2024. Le DT n'a eu connaissance d'aucun document ou d'éléments selon lesquels le compagnon de Mme Fischer aurait été impliqué dans la préparation, l'élaboration ou la réalisation du mandat.

Ensuite, quelques précisions sur les recrutements: des directives et des procédures existent, qui cadrent très clairement les recrutements au sein de l'Etat. Mais dans certains cas très spécifiques, et notamment, Mesdames et Messieurs, pour les agents spécialisés engagés pour des périodes limitées, une certaine souplesse est possible et il n'y a pas d'obligation de publier des offres d'emploi, en raison des compétences très particulières qui sont attendues de ces collaboratrices et collaborateurs.

Je veux dire un dernier mot sur la culture d'oralité qui est reprochée: j'aimerais rappeler, pour avoir vu les éléments dans le rapport, que c'est justement grâce au fait que cette oralité n'est pas présente qu'a pu figurer sur un des mandats contestés le préavis du secrétaire général du DEE de l'époque, qui indiquait qu'il était opposé au financement du mandat en question. Et c'est bien la preuve, Mesdames et Messieurs les députés, que les institutions fonctionnent et que la hiérarchie, respectivement les responsables, ont fait leur travail. Le politique, en l'espèce la conseillère d'Etat, a décidé d'exercer son pouvoir politique, pour aller au-delà. Votre commission a pu travailler, elle rend des recommandations, que le Conseil d'Etat s'efforcera de mettre en oeuvre, parce qu'effectivement, il est d'avis qu'elles seront utiles, que la formation des collaboratrices et collaborateurs sera bénéfique et que s'assurer que soit marquée une différence très claire entre mener des campagnes personnelles et faire son travail de conseillère ou conseiller d'Etat est un élément essentiel. Vous avez pu analyser la situation, et nous estimons que vous avez fait un travail intéressant, que tout n'est pas absolument tel que cela ressort de votre rapport, mais c'est normal, nous avons pu mettre en lien des éléments et des précisions une fois votre document étudié. Cela étant, nous acceptons vos recommandations. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mis aux voix, le rapport divers 1595 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 73 oui contre 13 non et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal