Séance du
jeudi 20 juin 2024 à
17h
3e
législature -
2e
année -
3e
session -
12e
séance
PL 13442-A
Suite du deuxième débat
G - AMÉNAGEMENT ET LOGEMENT (suite)
Le président. Nous reprenons le débat sur la politique publique G «Aménagement et logement». La parole est à M. Madani.
M. Amar Madani (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, bien que ces comptes soient positifs - et nous remercions celles et ceux qui ont travaillé pour la bonne marche de notre administration cantonale -, quelques constats, remarques et interrogations s'imposent en ce qui concerne la stratégie de l'Etat en matière d'aménagement du territoire et de logement.
Tout d'abord, il est essentiel de souligner que le gouvernement semble travailler en silos plutôt qu'en transversalité. Cette approche compartimentée limite l'efficacité et la cohérence de nos actions; nous devons impérativement adopter une méthode de travail plus intégrée et collaborative pour maximiser nos efforts. L'emploi, le logement, la mobilité, les infrastructures, tous ces domaines sont intimement liés pour mener à bien une politique globale cohérente et efficace, c'est pourquoi une approche transversale est plus qu'indispensable.
Ensuite, il est légitime de demander quel modèle de développement et de croissance notre canton aspire à atteindre dans les années à venir. Quelle vision stratégique avons-nous pour l'avenir de notre territoire et de nos concitoyens ? Il est important de définir clairement ce modèle afin de guider nos actions et nos investissements. Un autre point qui est aussi fondamental est la nécessité de disposer de données fiables et détaillées, notamment sociographiques. Sans ces informations, nous risquons de prendre des décisions mal informées qui ne répondront pas aux besoins réels de la population.
Il est indiqué dans le rapport qu'à l'horizon 2050, le canton de Genève s'apprête à accueillir 130 000 nouveaux habitants, c'est très vague. La question qui se pose est la suivante: est-ce un chiffre brut ? Est-ce le résultat des naissances et des décès ? Est-ce le nombre d'arrivées de personnes venant de l'extérieur, soit l'immigration, les réfugiés, ou autre chose ? En même temps, nous avons occulté les prévisions du nombre de frontaliers que va compter notre canton à la même période pour pouvoir répondre efficacement à cette problématique.
Par ailleurs, les objectifs que nous fixons doivent être réalistes et prendre en compte les contraintes sociologiques, environnementales, physiques et autres. Il ne s'agit pas simplement de grands rêves, mais de planifier de manière pragmatique et durable. Ils doivent être mesurables et s'inscrire dans un calendrier: il faut prioriser un ordre d'objectifs dans un temps pour éviter ce qu'on appelle le saupoudrage et finalement les glissements continus dans le temps où, à chaque fois, un nouveau plan fait oublier les faiblesses des précédents. Pour cela, il nous faut une vision holistique concertée et partagée; tous les acteurs publics et privés doivent être impliqués dans l'élaboration et la mise en oeuvre de cette vision. C'est seulement par une telle approche que nous pourrons répondre efficacement aux défis complexes de notre société.
La planification aussi doit être rigoureuse, prenant en compte à la fois les besoins et les contraintes spécifiques de notre canton. Il ne suffit pas de disposer de ressources, il faut les utiliser de manière stratégique et coordonnée. Il est également crucial de déterminer les moyens nécessaires et de définir une temporalité non glissante pour nos projets. Les échéances doivent être claires et respectées pour assurer la continuité et l'efficacité des actions que nous entreprenons.
Ainsi, et pour finir, en dépit du boni affiché dans nos comptes, une question demeure, d'une actualité brûlante: où va-t-on ? Nous avons besoin de réponses fiables et consolidées qui dépassent les approches en silos. Seules une vision partagée et une stratégie coordonnée nous permettront de construire un avenir prospère et durable pour notre canton. En conclusion, j'invite le gouvernement à répondre à ces interrogations et à travailler de manière plus intégrée et concertée, pour le bien de tous les citoyens. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune des représentants des centres d'hébergement collectif de l'Hospice général de Presinge et d'Anières, qui viennent assister à notre séance. (Applaudissements.) Ensuite, nous souhaitons un joyeux anniversaire à notre collègue Celine van Till ! (Applaudissements.) La parole est à M. Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette politique publique pose un sérieux problème. Je ne vais pas rappeler la saga de la loi sur l'énergie, que le Conseil d'Etat a traitée d'une manière un peu douteuse, ni la loi sur le climat, dont on parlera tout à l'heure - même si elle n'est pas en lien direct avec cette politique publique, c'est le même département qui s'en occupe.
Ce qui pose problème, c'est aussi la vision territoriale transfrontalière. D'autres l'ont dit, il y a une opposition frontale sur cette feuille de route, que nous trouvons dangereuse. Il y a une opposition frontale de la part des communes françaises, alors peut-être à l'exception d'Annemasse - j'ai vu qu'il y avait aujourd'hui un article dans «Le Courrier» où on lit que selon M. Dupessey, il ne faut surtout pas démolir cette vision territoriale transfrontalière. Les communes genevoises n'en veulent pas non plus, parce qu'elles aussi ont peur de la création de zones de développement sur leur territoire - y compris des communes de gauche, pas que des communes de droite; il y a beaucoup de communes de gauche qui ne veulent pas de ces zones de développement.
Moi, je pense qu'il y a un problème de méthode. On veut une vision territoriale transfrontalière, mais il y a d'autres manières de faire que celle souhaitée par le département, sans concertation, sans consultation. J'en veux pour preuve que dans l'impressum de cette vision territoriale transfrontalière d'environ 120 pages sans les annexes, au niveau de la direction de projet, 80% ou 90% des personnes qui y ont participé sont des employés de l'office de l'urbanisme du département du territoire, sans que soient intégrés les autres départements, qui ont aussi quelque chose à apporter à cette vision territoriale transfrontalière. C'est d'ailleurs assez surprenant, parce qu'on sent qu'il y a une vision très politique et partisane dans ce projet, comme si on voulait éviter le processus démocratique, même si on se trouve au début de ce processus, qui vise à mettre à jour le plan directeur cantonal 2030 et à anticiper déjà ce que devait être le plan directeur 2050.
Et quand tout le monde appelle de ses voeux une vraie concertation, une vraie consultation, un vrai consensus, eh bien là, on dépose une feuille de route sur laquelle on va s'appuyer ensuite en nous disant, à nous, députés: «Il y a eu la feuille de route, le plan directeur cantonal en est directement issu», comme c'est le cas par exemple avec la LMCE. A chaque fois qu'on fait quelque chose en matière de mobilité, on dit: «Ah, c'est la LMCE, il y a eu un consensus, donc il ne faut rien dire !» C'est d'autant plus important que c'est le début, cette vision transfrontalière est l'une des premières pierres du plan directeur cantonal 2050.
Ce qui a été dit en commission, c'est que si les milieux économiques, cités tout à l'heure comme étant effectivement opposés à cette vision territoriale transfrontalière - essentiellement d'ailleurs parce qu'ils n'y retrouvent pas ce qu'ils auraient pu y apporter s'il y avait eu une véritable consultation -, tout comme le PLR, sont évidemment pour un développement maîtrisé, on ne veut pas non plus que Genève devienne un canton seulement urbain. On est pour un équilibre entre zones naturelles et zones urbanisées, on veut aussi préserver l'environnement, mais on voudrait également une vision claire pour accueillir les 130 000 habitants supplémentaires qu'on aura d'ici 2050 et pour lesquels il faudra 65 000 logements. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Dans cette vision territoriale transfrontalière, on parle de la primauté du socle du vivant et surtout d'environnement, de préservation, de revitalisation, de régénération, mais sur le côté économique, qui est aussi très important, il n'y a rien. C'est donc à notre avis une vision beaucoup trop conceptuelle. Nous demanderons avec la résolution qu'elle soit retirée, et surtout, puisque c'est l'heure des questions, on aimerait savoir comment le Conseil d'Etat va répondre à la population de ce canton en lui disant comment... J'ai plutôt le sentiment qu'aujourd'hui...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Jacques Béné. J'ai le sentiment que c'est plutôt une vision dans laquelle on va dire aux gens d'aller voir ailleurs pour se loger, parce que dans le canton de Genève, ce ne sera malheureusement plus possible. Je vous remercie.
Mme Caroline Renold (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la politique publique G «Aménagement et logement» influence massivement le quotidien de chaque habitant et habitante de notre canton, quels que soient son âge, son origine ou ses revenus. En effet, le droit au logement est un droit constitutionnel fondamental qui doit être garanti pour toutes et tous et qui est garanti par cette politique publique. Or, comme vous le savez, le contexte genevois, qui affecte chacun des habitants et habitantes, est celui d'une grave pénurie de logements: de nombreuses personnes ne sont pas logées ou sont mal logées, dans des appartements trop petits, de mauvaise qualité ou situés beaucoup trop loin de leur lieu de travail.
De plus, les coûts du logement sont exorbitants à Genève; pour tous, il s'agit du premier poste pour les ménages. Lorsque les revenus du ménage sont plus faibles, ce dernier en consacre une part encore plus grande au logement. Les locataires sont 80% de la population et paient des loyers excessivement élevés, qui sont abusifs parce qu'il n'y a pas de contrôle général des loyers. Malgré ce que vous dira la droite immobilière, cela est dû au fait que les locataires ne contestent que peu leur loyer initial, non pas parce qu'ils sont satisfaits de leur loyer, mais parce qu'ils sont terrorisés d'entrer en conflit judiciaire avec leur bailleur. Et puis comme vous l'aurez lu encore récemment dans les journaux, le canton de Genève connaît actuellement une hausse de loyers comme il n'en a pas connu depuis dix ans: les locataires reçoivent des hausses de loyers, un loyer sur cinq a augmenté entre mai 2023 et mai 2024, ce qui représente la plus haute progression depuis dix ans.
La pénurie de logements profite aux bailleurs, qui peuvent fixer les prix qu'ils veulent face à des locataires désespérés de se loger, et ainsi, des propriétaires peuvent s'enrichir du seul fait qu'ils disposent d'un bien de première nécessité qui est en quantité insuffisante pour les personnes qui ont besoin de se loger. Comme vous le savez aussi, les propriétaires ne se contentent pas de ces rendements excessifs, ils tentent encore de pousser leur avantage plus loin en attaquant tant au niveau fédéral que cantonal le droit qui protège les locataires, notamment par des dispositions qui rendront les contestations du loyer initial encore plus difficiles au niveau fédéral ou encore, comme récemment à Genève, en s'attaquant à des dispositions visant à construire du logement abordable, notamment au PAV. Heureusement que les citoyens et les citoyennes, en tout cas au niveau cantonal, peuvent déjouer ces attaques.
La politique publique G doit dès lors contenir des ambitions à la hauteur des défis auxquels fait face la population. Il faut construire des logements et non des bureaux, et nous saluons les environ trois mille logements construits en 2023, mais encore faut-il que ces appartements soient à des prix abordables ! Nous saluons aussi l'augmentation des montants des allocations logement, qui est rendue nécessaire par les augmentations de loyer que j'évoquais tout à l'heure. Il faut continuer à construire du logement abordable pour les besoins de la population, par des maîtres d'ouvrage sans but lucratif, dont l'objectif est de loger - et de bien loger - les habitants et habitantes et non de se faire de l'argent. Il faut construire du logement de qualité dans des quartiers de qualité.
Il est nécessaire de densifier la zone villas. Comme vous le savez, les terrains densifiables en ville ont déjà été utilisés ou vont l'être, et les campagnes et zones de verdure doivent être préservées pour faire face au réchauffement climatique; alors que la zone villas, qui représente 46% des surfaces bâties, ne permet de loger que 10% de la population, il est nécessaire de la densifier.
Il faut une politique publique plus incisive sur la poursuite des infractions aux lois qui protègent les locataires et les acquéreurs de logements, soit la LDTR et la LGZD. Nous demandons donc une politique publique qui défende le droit de chacun et de chacune de se loger. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (LC). Le Centre s'abstiendra sur cette politique publique. Il faut être juste avec le département, c'est quand même un peu la quadrature du cercle: on a en même temps une croissance énorme de la population - ces dernières années, c'étaient plus de dix mille habitants supplémentaires par année - et une rareté des terres. Genève a un territoire très restreint, qui doit aussi obéir à des règles imposées par la loi sur l'aménagement du territoire. (Exclamations.) Et c'est tant mieux ! Heureusement que les terres agricoles et les SDA sont protégées. Contrairement à ce que vient de dire la députée du parti socialiste, je ne crois pas qu'il faille bétonner la zone villas, bien au contraire, la zone villas est importante notamment pour les recettes fiscales. Elle est aussi importante pour l'équilibre de la biodiversité. Il faut donc la protéger autant que faire se peut.
Alors c'est vrai, on a des chiffres qui donnent le vertige, on nous annonce d'ici 2050 plus de 150 000 habitants supplémentaires. Comme l'a dit le député MCG Madani, je pense qu'il est important que l'on sache un peu, que l'on connaisse mieux la typologie de ces nouveaux arrivants, parce qu'on doit certes avoir une croissance, mais on doit la maîtriser et il faut qu'elle soit de qualité.
Je parlais de quadrature du cercle: effectivement, si on ne peut pas toucher à la zone agricole et si la zone villas doit être protégée autant que faire se peut, quelle est la solution ? Déjà maîtriser l'augmentation de la population, mais aussi essayer de profiter des terrains qui sont constructibles et les utiliser au maximum de leur potentiel. Ça veut aussi dire construire de la ville en ville, ça veut dire privilégier la surélévation. Quand on a des terrains comme ceux de la Suzette - je reviens souvent sur ce projet parce qu'il est assez éloquent -, au lieu de construire un espace bobo, une ferme bobo urbaine, voulue par les Verts du Grand-Saconnex, il s'agit au contraire d'essayer de densifier au maximum et de créer du logement.
Une autre inquiétude que l'on peut avoir en matière d'aménagement du territoire, c'est la question des terrains industriels. Comme vous le savez, une grande partie des industries va quitter le PAV. Il faudra bien trouver une nouvelle localisation dans le canton de Genève pour ces industries, et à cet égard, on ne peut que partager les inquiétudes des milieux concernés.
Deux députés ont évoqué avant moi la question de la VTT: si elle déraille, la VTT n'est pas un vélo, c'est une vision, on va dire, issue d'un entre-soi, une vision territoriale transfrontalière d'un seul milieu, qui s'est réuni et qui a fixé l'oukase qu'il cherche à imposer à l'ensemble de la population. Cet oukase ne passera pas, j'aborderai ce sujet plus en détail demain, mais je tiens à dire que je partage l'opinion exprimée par deux députés avant moi: sur un sujet aussi fondamental que le plan directeur cantonal, on ne peut pas avoir simplement deux, trois adeptes de la novlangue qui nous parlent d'orientation et qui disent «primauté du vivant». A la question de savoir si nous faisions, nous, les bipèdes, partie du vivant, ils nous ont répondu que non, car nous ne sommes pas une espèce vivante. Primauté du vivant, voilà une des premières orientations; il y en a d'autres, c'est le bien vivre ensemble: alors en matière d'aménagement, on ne sait pas ce que ça veut dire, mais il n'y a personne qui souhaite mal vivre, ensemble ou séparé, c'est certain !
Bref, un catalogue de mesures bobos et de novlangue, qui ne veulent strictement rien dire, mais qui démontrent un grave déficit démocratique, parce qu'en effet, il n'y a pas eu de concertation, la loi sur l'aménagement du territoire a été méprisée, nos institutions n'ont pas été respectées. Donc quand on vient nous dire - et ça figure sur le site de l'Etat - que ce torchon, cette farce, cette sinistre farce servira de base au plan directeur cantonal 2050, cela fait peur !
Parce que nous sommes conscients des difficultés de ce département au regard des circonstances exprimées au début de mon intervention, Le Centre, chrétiennement, s'abstiendra. (Rires.) Merci.
Des voix. Bravo !
M. David Martin (Ve). Vous transmettrez, Monsieur le président, que je remercie mon préopinant, le député Desfayes, de porter sur cette politique publique des propos plus nuancés que ceux prononcés précédemment au sein du camp bourgeois et de rappeler que la politique publique G est étroitement liée aux questions de dynamiques économique et démographique. Il a rappelé les dix mille nouveaux habitants par an, qui sont la réalité de notre canton et l'enjeu de la rareté des terrains.
La gauche avait mis en évidence l'opportunité, au moment de la RFFA, de peut-être calmer autant que possible la dynamique économique en activant le levier fiscal, ça n'a pas été fait. Et par conséquent, on assume maintenant les conséquences de cela, avec aussi, il faut le reconnaître, de la prospérité pour notre canton - je pense que peu de personnes s'en plaignent ici, peu de personnes se plaignent de la prospérité d'un canton et d'une ville. Les villes qui ont des difficultés économiques nous envient certainement tous nos chiffres positifs. Cela étant dit, il faut un développement maîtrisé, et c'est bien l'objectif de cette politique publique G.
Maintenant, au niveau du bilan de cette année 2023: 2500 logements construits, 8000 logements en projet, pour accueillir notre population, qui est en partie nouvelle, mais aussi les enfants des Genevoises et des Genevois, qui ont toutes les peines du monde à se loger dans des conditions correctes, comme l'a rappelé une de mes préopinantes.
Sur un plan un peu plus opérationnel, il faut aussi relever dans ce rapport sur les comptes l'accélération du processus de numérisation des autorisations de construire, qui apporte satisfaction et qui permet de faciliter le travail des professionnels. Dans le PAV, beaucoup de choses bougent, les travaux de remise à ciel ouvert de la Drize ont débuté, ce qui permettra de développer un quartier dans lequel la nature prendra sa place. On peut aussi relever, même si c'est un peu en marge de la politique cantonale et que ça a eu un impact plus communal, l'adoption du PLQ Acacias 1, qui montre que la population soutient ce projet - un signal donc très positif.
Egalement au niveau des PLQ, celui de Bourgogne, qui a aussi été accepté, en zone villas, après une campagne animée, mais qui montre encore une fois que le soutien à la planification urbaine reste présent, aussi à Bernex plus récemment, et parfois même sans référendum: au Grand-Saconnex, le PLQ Carantec a été approuvé sans opposition. Ce sont des signaux positifs, qui montrent que lorsqu'il y a un effort pour que ces plans de quartier apportent de la qualité, des espaces publics généreux, de la mixité, et qu'un soin est aussi apporté au patrimoine, tant bâti que naturel, eh bien la population les soutient.
Sur un plan un peu plus technique, nous avons porté le projet de bilan carbone des constructions. Il s'agit de faire en sorte que quand on construit, on tienne compte de l'empreinte carbone, qu'on évite de gaspiller le béton. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous saluons une avancée sur cette question de la réglementation du carbone bâti. Cela a pris du temps, on nous dit que ça vient. Nous tenons à cet élément parce que nous pensons que la critique de bétonnage, qu'on entend souvent, pourra évoluer si on utilise des matériaux plus durables, plus locaux, au service d'une économie circulaire et locale, des matériaux plus diversifiés, notamment le bois. L'acceptation de la construction de logements...
Le président. Il vous faut conclure.
M. David Martin. J'observe ma barre de temps de parole, qui est encore bien verte !
Le président. Vous aviez cinq minutes à disposition, vous devez conclure, mais vous pourrez reprendre la parole après.
M. David Martin. Je conclus sur ce point du carbone bâti: il y a des avancées, nous attendons la fin de ces projets et saluons également le travail mené en soutien aux coopératives. Merci. (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). J'ai mis mon chronomètre en route, vu qu'on ne voit rien sur le tableau, pour savoir combien de temps il nous reste. Je reprends la parole parce que je n'ai malheureusement pas pu terminer. Je suis assez content de parler après M. Martin, parce que si je suis d'accord avec une partie de ce qu'il vient de dire en matière environnementale, il y a un concept qui est totalement faux, celui qui consiste à dire que c'est l'économie qui fait que des gens viennent. Non, ce n'est pas l'économie qui fait que des gens viennent, l'attractivité du canton, ce n'est pas que l'économie; c'est l'attractivité, c'est le bien-être qu'il y a à Genève, ce sont les organisations internationales, c'est aussi l'aéroport - là, je sais qu'on ne sera évidemment pas d'accord avec M. Martin -, c'est un tout, en fait: on est au centre de l'Europe, on est attractifs, et ces 130 000 personnes qui vont arriver à Genève d'ici 2050, quoi qu'on fasse, elles viendront - à moins qu'on ferme les frontières, ce qui plaira peut-être à certains partis.
Je reviens sur ce que je voulais dire tout à l'heure, à savoir que cette VTT est beaucoup trop conceptuelle et dangereuse. (Des personnes assises à la tribune du public parlent à voix haute. L'orateur s'interrompt.)
Une voix. Vous ne pouvez pas parler à la tribune !
Une autre voix. Mais c'est quoi, ça ?! Dehors !
Une autre voix. C'est inadmissible !
Une autre voix. Monsieur le président, faites évacuer !
Le président. Je rappelle aux personnes qui sont à la tribune qu'elles ne peuvent pas s'exprimer. (Un instant s'écoule.) Merci beaucoup. Monsieur le député, vous pouvez reprendre.
M. Jacques Béné. Je vous remercie, Monsieur le président. J'espère que je n'ai pas dit quelque chose de trop choquant - enfin, il ne me semblait pas ! J'aimerais dire que cette VTT est très conceptuelle, notamment parce qu'on n'y parle pas du tout d'économie, on ne la cite qu'une fois et c'est pour parler d'économie circulaire. Je ne pense pas que tous les panneaux solaires qu'on pourrait mettre sur les tous les toits à Genève vont faire partie d'une économie circulaire, on va certainement les fabriquer ailleurs.
C'est pour ces éléments-là que cette VTT doit être complètement remise en question, il n'y a pas de raison d'avoir une feuille de route comme celle-là sans avoir eu de concertation au sujet des éléments sur lesquels on pourrait tous être d'accord, leur permettant de devenir les prémisses du plan directeur cantonal 2050. Si on veut garder la prospérité de notre canton, si on veut garder une partie des 1,4 milliard de boni qu'on a fait l'année passée, c'est bien parce qu'il y a de la prospérité à Genève, c'est bien parce qu'il y a de l'activité, de l'attractivité et parce qu'il faut maintenir cette économie forte pour le bien de tous, sinon, nous aurons effectivement un problème.
L'objectif pour nous est donc clair, il s'agit de remettre en question cette vision territoriale transfrontalière, cette vision territoriale... (L'orateur insiste sur le mot «cette».) ...pas une vision territoriale. (L'orateur insiste sur le mot «une».) On a besoin d'une vision territoriale, et ce qu'on ne souhaite pas, c'est que le Conseil d'Etat vienne avec une feuille de route à laquelle il aura rajouté trois ou quatre pages sur l'économie, deux pages sur la mobilité pour la rendre belle. Notre problème en effet aujourd'hui à Genève, c'est un problème de méthode et de réponse adéquate à la population genevoise. On doit pouvoir dire où les gens vont se loger et où on place les 130 000 nouvelles personnes; je suis désolé, mais dans cette vision territoriale transfrontalière, on ne répond pas vraiment à ces questions. On y répond par bribes, encore une fois, avec des concepts, mais sans concertation. On a besoin de leur dire clairement: «Vous allez pouvoir rester dans ce canton», ou alors: «Vous, vous allez peut-être pouvoir rester, mais vos enfants, il faut qu'ils aillent voir ailleurs.» Ça, c'est juste inadmissible, raison pour laquelle nous allons refuser cette politique publique, essentiellement à cause de cette vision territoriale transfrontalière que nous ne partageons pas.
J'aimerais poser une dernière question au Conseil d'Etat: combien a coûté cette procédure de non-consultation ? Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Stéphane Florey (UDC). Bon, finalement, la question qu'il faut se poser sur le logement, quand on entend les chiffres articulés par chacun, c'est: est-ce que nous sommes véritablement obligés d'accueillir ces prétendues 130 000 nouvelles personnes ? Pour l'UDC, la réponse est clairement non. Il n'y a aucun intérêt à démolir les trois quarts de notre canton, à détruire notre zone agricole, à détruire ce qui fait également la qualité de vie de notre canton, à savoir notre zone villas, qui contribue à une bonne économie, puisque dans leur très grande majorité, les habitants de cette zone sont des gens qui paient des impôts, rapportent donc également de ce côté-là.
Quand on dit - je ne sais plus qui l'a dit - qu'on a construit 3200 logements, ok, bravo, mais pour qui ? Allez voir un peu à qui on attribue ces logements ! Ce n'est pas à nos enfants, ça, c'est clair et net ! Quand on voit que les jeunes mettent aujourd'hui en moyenne deux à trois ans pour trouver un logement, c'est plutôt surprenant au vu du nombre de constructions de ces deux, trois dernières années. Cela veut dire que dans les faits, on démolit la zone villas, on détruit les zones agricoles pour de prétendus nouveaux arrivants.
Mais on peut se poser les questions différemment: aujourd'hui, si on faisait les choses à peu près correctement, on pourrait libérer demain environ vingt mille logements. Ces derniers proviennent de qui ? Essentiellement des sans-papiers, qui arrivent malgré tout à se loger dans notre canton, sans aucune autorisation. On pourrait également se pencher sur cette question, parce que c'est quand même vingt mille logements occupés de manière illégale par des personnes qui n'ont rien à faire chez nous, alors que - encore une fois - certains de nos enfants ne trouvent pas à se loger.
Après, on aura le conseiller d'Etat qui viendra nous dire: «Oui, mais vous comprenez, en France voisine, ils ne veulent plus les accueillir.» Mais dans un sens, ils ont raison ! Il y a un tel laxisme politique de la part du Conseil d'Etat en matière d'immigration que finalement, tout se reporte... On compte sur les uns et les autres. Regardons plutôt chez nous comment on construit et pour qui on construit ! Là, vous aurez résolu la moitié du problème du logement, à savoir que si on s'occupait réellement de nos résidents, on n'aurait pas la moitié de nos problèmes en matière de logement. Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Le MCG s'est opposé au plan directeur cantonal: nous voyons venir cette vision territoriale transfrontalière avec beaucoup d'inquiétude, en tout cas compte tenu de ce qu'il ressort des échos que nous en avons, puisqu'on n'a pas directement accès à cette vision, qui est vraiment venue de je ne sais pas quel univers ! Elle a l'air issue de la plus belle eau bureaucratique, ce qui d'ailleurs nous effraie, comme nous a effrayés le plan directeur cantonal. On s'est bien rendu compte que c'étaient des urbanistes venus pour l'essentiel de l'université de Grenoble, ayant une vision de l'urbanisme qui ne correspond pas à ce qu'est Genève, à ce que doit être Genève, mais plutôt à des visions franco-françaises. Voilà où on en est, une sorte de colonisation bureaucratique, c'est ce que malheureusement nous connaissons avec le plan directeur cantonal. On en voit les effets négatifs.
Le MCG n'est pas contre tout développement; nous voulons un développement au profit des résidents genevois, au profit de la population locale, et non pas selon des termes bureaucratiques. Il y avait un élément qui m'avait particulièrement choqué dans le plan directeur cantonal, c'est qu'on prévoyait déjà le nombre de chômeurs qu'il devait y avoir sur le territoire du canton de Genève. Ce genre d'élément apparaissait, on voit qu'on prévoit déjà notre misère au lieu de se dire qu'on doit trouver des solutions - mais celles qui nous sont proposées sont malheureusement inopérantes. Nous ne demanderions qu'à voir de bonnes solutions; malheureusement, ce n'est pas en écartant l'être humain et en ayant une vision purement théorique des choses qu'on va dans la bonne direction.
Pour en venir à cette politique - mais nous y sommes toujours -, malheureusement, nous nous rendons compte que ce sont toujours ces mauvaises solutions qui sont choisies. C'est la raison pour laquelle nous refuserons cette politique publique. Merci, Monsieur le président.
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, je pense que nous pouvons tous être fiers et contents que les gens aient envie de venir chez nous, d'habiter chez nous, de travailler chez nous et aussi de créer des valeurs chez nous. En ce qui concerne le problème du logement, il ne s'agit pas seulement du département, de la construction. Il faut poser la question suivante: pourquoi notre canton connaît-il une crise du logement ? Si on effectue une analyse intellectuelle et de terrain, on relève plusieurs facteurs qui nous mettent en difficulté. Il y a des avantages et des inconvénients. Je commence par les avantages.
Tout d'abord, la ville de Genève constitue un rêve pour tout le monde, des immigrants aux hommes d'affaires: tout un chacun a envie de vivre à Genève, de travailler à Genève. C'est ça, l'ADN de Genève ! Deuxièmement, il y a la question des divorces. Aujourd'hui, les parents ont besoin de deux logements; je ne parle pas de studios, mais de grands logements pour pouvoir accueillir leurs enfants pendant qu'ils en ont la garde. Le troisième élément, c'est l'économie: si on a enregistré un certain nombre de succès l'année passée, ce n'est pas grâce aux chômeurs, ce n'est pas grâce aux gens qui n'ont pas envie de vivre ici, c'est grâce à l'économie, grâce à la Genève internationale. Voilà le troisième point.
Ensuite, la politique fédérale joue également un rôle. Au niveau de la Confédération, on encourage les diplomates de nombreux pays à s'installer dans notre canton, il y a même certaines subventions pour la location des ambassades et consulats afin que Genève puisse représenter les nationalités du monde entier qui habitent ici, qui travaillent ici. Pour ceux qui n'ont pas analysé la situation, je précise que des représentants de 192 nationalités vivent ici, travaillent ici. C'est une fierté ! Ce sont des opportunités !
Maintenant, qu'est-ce qu'il nous manque ? L'innovation, la créativité. Il faut s'associer à l'évolution, penser au changement positif, pas au changement négatif. On parle d'immigration; bien sûr que des immigrants viennent ici, mais c'est parce qu'ils sont obligés de quitter leur pays, ils font face à des difficultés.
On ne peut pas lancer comme ça qu'il y a vingt mille personnes sans papiers à Genève. Appuyez-vous sur une démarche intellectuelle, donnez des exemples précis. On ne peut pas inventer des chiffres, prétendre qu'il y a vingt mille sans-papiers. Même les Suisses avec un salaire élevé n'arrivent pas à trouver de logement, et vous soutenez que des gens sans papiers obtiennent des appartements de quatre ou cinq pièces ? Pour moi, c'est un choc intellectuel, on parle dans le vide. Il faut vraiment être précis. Nous sommes là pour étudier des chiffres, pour trouver des solutions, il ne s'agit pas de jeter la faute sur des personnes venues ici afin de créer des valeurs pour notre pays, pour notre canton.
En effet, nous devons saisir les opportunités pour créer des valeurs. Une belle occasion s'annonce: d'ici 2050, nous accueillerons 130 000 personnes. Au groupe LJS, nous sommes fiers, nous sommes très contents que les gens aient envie de s'installer ici pour travailler et créer des valeurs.
Cela étant, il faut penser aux solutions. C'est simple: quand la construction d'un immeuble prend entre sept et onze ans, il est compliqué d'offrir de nouveaux logements; quand des PLQ sont bloqués pendant plusieurs années, bien sûr que vous ne pouvez pas créer de logements; quand, en 2025 ou 2030, vous construisez encore à la façon du début du XXIe siècle avec quatre ou cinq niveaux alors qu'il en faudrait douze ou treize, vous ne pouvez pas répondre aux besoins de la population.
Il ne faut pas se cacher derrière des difficultés ou des problèmes, il faut aller de l'avant, il faut penser autrement la façon dont nous pourrions satisfaire tout le monde, il faut respecter l'ADN de la Suisse, l'ADN de Genève, il ne faut pas se défiler avec des excuses non valables. Nous encourageons le département du territoire ainsi que l'ensemble des autres départements, que ce soit celui des finances, de l'économie, de la cohésion sociale, à se coordonner, à créer des collaborations, des managements communs afin de gérer les crises et de transformer celles-ci en opportunités.
Espérer que le département trouve des solutions miracles et réussisse à construire 150 000 ou 200 000 logements demain, c'est un rêve non réalisable. Il faut rêver à quelque chose de réalisable: se coordonner, travailler ensemble afin de construire des logements pour tout le monde en respectant l'ADN de notre canton et de notre pays. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Caroline Renold (S). Il ne m'est pas possible d'assister à pareil manque de respect dans ce débat sans brièvement réagir. Premièrement, merci au PLR pour ce joli pléonasme: l'attractivité est causée par notre attractivité. Non, l'attractivité est la conséquence de la croissance économique, et il faut être cohérent: s'il n'y a pas d'action contre cette croissance économique, de nouvelles personnes seront attirées, notre population va augmenter et il faudra trouver des solutions pour loger tout le monde. Il faut de toute façon trouver des solutions pour construire vu la pénurie qui dure depuis des décennies à Genève, nous n'avons clairement pas assez de logements.
Par ailleurs, je me permets de rappeler au député de l'UDC que personne n'est illégal. Il n'est pas illégal de conclure un contrat de bail lorsqu'on ne possède pas de titre de séjour - puisque en général, ces personnes sont locataires -, et ces gens dont vous parlez avec manque de respect construisent nos routes, s'occupent de nos personnes âgées, nettoient nos maisons et effectuent bien d'autres tâches encore, donc nous devrions plutôt les remercier. (Applaudissements.)
Quant au manque de respect dont font preuve tous les députés des bancs de droite en parlant de la VTT... Vous devriez consulter ce document et peut-être le lire jusqu'au bout: vous constaterez qu'il y a une consultation citoyenne, des ateliers participatifs, deux concertations auxquelles les communes genevoises ont été invitées, et il nous a été indiqué que celles-ci n'ont pas... (Remarque.) Non, non, je ne plaisante pas, vous pouvez le lire, c'est indiqué à la page 2 ou 3 ! ...les communes genevoises n'ont pas été extrêmement présentes, et il me semble que les députés des commissions concernées ont également été invités.
Nous nous défaussons sur la France de la tâche de construire des logements au lieu de prendre nous-mêmes cette responsabilité, nous nous défaussons sur la France du devoir de former du personnel qualifié, notamment dans le domaine médical; nous devrions plutôt remercier les Français de nous fournir notamment les soignants dont eux-mêmes manquent cruellement. En tous les cas, nous devons concevoir la politique de l'aménagement en tenant compte du territoire du Grand Genève; c'est ce que tente de faire cette VTT, et en ce sens, il faut la saluer. Merci. (Applaudissements.)
M. Philippe de Rougemont (Ve). Je voudrais également réagir aux propos de M. Florey - vous transmettrez, Monsieur le président. En fait, qu'a-t-on entendu ? On a entendu quelqu'un parler de pénurie, en l'occurrence de pénurie de logements, avant de procéder à une catégorisation de populations: telle catégorie a droit au logement, telle autre n'y a pas droit. Il s'agit d'un terrain extrêmement glissant eu égard à ce qu'on a connu dans l'histoire, et j'espère qu'on aura tous eu le réflexe d'être choqués. Il existe des règlements pour l'accès au logement, il existe des règlements pour toutes sortes de choses en ville, dans les communes et dans les cantons. Nous sommes tous égaux devant la loi, il n'est pas question de catégoriser, de prioriser; faisons très attention à ce genre de discours. Merci. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez ceci à M. de Rougemont et à Mme Renold: la catégorie dont on parle ici, de qui s'agit-il ? Ce sont des illégaux qui profitent de toutes nos infrastructures, qui ne paient pas d'impôts, qui contreviennent à la loi sur le travail ainsi qu'à la loi sur les étrangers. Voilà, c'est de ceux-là qu'on parle, il faut juste dire les choses clairement. Ce sont des profiteurs... (Exclamations.) ...qui ne viennent pas pour vivre ici, mais qui tirent simplement avantage de notre économie de manière illégale. C'est de cela qu'il est question, et il faut le dire ouvertement. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, j'aimerais que vous transmettiez à une préopinante que nous n'avons pas à remercier les frontaliers de travailler ici; au contraire, c'est eux qui doivent nous remercier... (Exclamations. Applaudissements.) ...de voir leur salaire multiplié par trois, quatre, voire davantage. Ils ont trouvé une aubaine à Genève, colonisent nos postes de travail, opèrent des discriminations dans les services étatiques, aux HUG et ailleurs... (Protestations.) ...et créent des problèmes sur le marché de l'emploi, ce qui empêche de nombreux jeunes et moins jeunes de notre canton... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) Poursuivez, Monsieur le député.
M. François Baertschi. ...ce qui empêche les jeunes et moins jeunes d'avoir accès au monde du travail.
Toutefois, dans ce contexte, ce n'est pas eux qui sont à blâmer, ils profitent simplement d'un effet d'aubaine; non, ceux qui sont à blâmer, c'est l'Etat de Genève, c'est la classe politique, qui est coupable de compromissions en la matière, ce sont certains employeurs - je dis bien: certains employeurs - qui abusent. Ces personnes-là portent une responsabilité, et dans la salle, certains partagent cette responsabilité. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Voilà, bravo.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, pourrions-nous nous concentrer sur le rapport de gestion ? (Rires.) Merci beaucoup. La parole est à M. Genecand.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste dire à Mme Renold... Vous pardonnerez ma perte de voix, qui n'est pas liée au malheureux match de la Suisse hier soir - même si on aurait pu faire mieux. Mme Renold a oublié une chose sur la question de la démocratie participative. D'abord, je note que dans l'impressum de la VTT figure un député, même si à mon avis, il n'y est pas en qualité de député, mais de mandataire. Pour le reste, la démocratie participative, en vrai, c'est le parlement: on organise des élections, tout le monde a le droit d'être élu en fonction de ses talents divers et variés, et c'est là que se joue ensuite le vrai processus démocratique, pas au sein d'assemblées que l'on constitue selon les avis des uns et des autres. C'était le premier point.
Deuxièmement, je souscris largement à la volonté du département de faire la ville en ville, mais quand, en Ville de Genève, un magistrat Vert refuse de densifier à la Jonction, refuse de créer plus de logements à proximité du tram, à côté d'une école, Mesdames et Messieurs, il y a un problème fondamental, et on va le traiter. Voilà pourquoi le débat est aussi animé ce soir, parce qu'évidemment, construire, que ce soit dans son jardin ou ailleurs, ça gêne.
Ensuite, la question est la suivante: si on construit, c'est pour quelle raison ? Evidemment, pour l'attractivité économique, si les gens paient des impôts, c'est mieux, ça permet notamment, de temps de temps, de verser une annuité qui coûte 50 millions par année - je le précise, puisqu'on en est aux comptes -, et c'est toujours bien quand un peu plus de personnes participent à l'annuité des fonctionnaires - il est sûr que tout le monde n'y contribue pas forcément. A cet égard, qu'est-ce que l'on construit ? Si on construit du logement social, il n'y a pas de problème, mais il faut également un peu de mixité.
Quand, à la Jonction, qui constitue l'un des quartiers les plus défavorisés de ce canton, le magistrat de la Ville de Genève chargé des finances vous explique par A + B qu'on ne va pas créer plus de logements, se coupant par là même de la possibilité d'attirer des gens qui aimeraient habiter en ville et pourraient payer un peu plus d'impôts, eh bien au bout d'un moment, on aura un problème. C'est toute l'histoire de ce débat. La question, c'est: pour qui construit-on ?
Si on ne veut pas toucher à la campagne, parce qu'on ne peut plus déclasser de surfaces agricoles - nos amis paysans sont assez stricts là-dessus, Berne aussi -, les choses vont être compliquées, donc on va devoir faire la ville en ville. Mais si le magistrat de la première commune de ce canton ne veut pas construire davantage quand il a la possibilité de le faire, ça va être très compliqué. Et à la fin, on ne sera pas en train de rigoler pour savoir ce qu'est l'attractivité économique. L'alternative à l'attractivité économique - qui est en fait la croissance -, c'est la décroissance: ça signifie moins d'argent, moins de fonctionnaires, moins de gens, et ce n'est jamais très drôle à arbitrer dans les comptes. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (LC). Monsieur le président, j'ai bien entendu votre appel: je dois me concentrer sur l'aspect purement comptable de cette politique publique. Malheureusement, je me vois contraint de répondre aux propos du député MCG - dont le nom m'échappe, mais qui vient d'intervenir -, parce qu'il y a quand même une limite à la mauvaise foi; il faut savoir faire preuve d'honnêteté intellectuelle et de dignité.
Pour ma part, je remercie la France de même que les frontaliers à bien des égards. D'abord, ils fournissent du personnel qualifié à nos entreprises et à nos services publics, personnel qualifié qui est exceptionnel, bienveillant. Tous ceux qui, par malheur, ont dû être hospitalisés aux HUG peuvent reconnaître l'extraordinaire compétence, la formidable humanité de ces employés qui, pour la plupart, sont effectivement issus de France voisine.
Mais je remercie également la France d'accueillir ces personnes: 113 000 frontaliers. Le canton de Genève serait tout bonnement incapable de construire 55 000 logements pour cette main-d'oeuvre dont il a besoin. Merci à la France ! Et merci à ces gens d'habiter en France, et non dans le canton de Vaud, parce qu'il se trouve qu'ils rétrocèdent une très grande partie de leur fiscalité à Genève, ce qui n'est pas le cas, je le rappelle, des pendulaires vaudois. Aussi, merci encore à la France ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien, Sébastien !
Une autre voix. Très bien !
M. David Martin (Ve). Puisqu'on en est au stade des remerciements, j'aimerais remercier la politique publique G de nous offrir une si merveilleuse occasion de mener un débat animé à l'occasion de ces comptes, parce que normalement, on est plutôt partis pour s'ennuyer.
Je prends brièvement la parole pour réagir, comme l'a fait M. Desfayes, aux propos de M. Baertschi, en me demandant comment il arrive à se mettre d'accord avec lui-même. Au tout début du débat, il a vivement interpellé le Conseil d'Etat: «Comment allez-vous faire pour recruter les gens dont vous avez besoin afin de faire tourner l'administration publique, comment allez-vous faire face à la pénurie de personnel, puisque apparemment, pour tel ou tel poste, vous ne trouvez personne à embaucher ?» Deux heures après, il enflamme la salle en arguant qu'il est absolument terrible d'engager des frontaliers. Personnellement, je souhaiterais savoir comment on arrive à rester cohérent avec soi-même dans ce genre de situation. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
M. François Baertschi (MCG). Je vais essayer d'être très court, même si ce sera difficile... (Rires.) ...en répondant aux divers préopinants. Il y a une vision idyllique des frontaliers - vous transmettrez, Monsieur le président -, une vision qui est fausse, puisqu'on observe une discrimination systémique. D'ailleurs, j'ai informé les autorités genevoises de cas de discrimination de résidents genevois au sein d'institutions publiques.
En effet, on fait fuir une partie des habitants de ce canton qui sont souvent des gens venus d'ailleurs, parce qu'il y a un fond de racisme chez certains frontaliers, c'est une évidence malheureuse. Tout récemment encore, on m'évoquait l'exemple de certains frontaliers se revendiquant du Rassemblement national et se plaignant du nombre trop élevé de personnes issues de l'immigration dans notre canton. Voilà une autre réalité qui déplaît beaucoup aux bien-pensants d'une certaine gauche.
Cette gauche ne comprend pas qu'il faut défendre les résidents genevois, c'est-à-dire les Suisses, les permis B et les permis C qui sont là, qui font partie de notre essence. Les gens ne doivent plus se faire marcher sur les pieds dans notre canton. Il s'agit d'un discours difficilement audible pour beaucoup de personnes, malheureusement, mais il faut dire les choses. Je suis désolé - vous transmettrez, Monsieur le président, au député Martin -, mais les contradictions sont, il me semble, beaucoup plus de votre côté que du mien. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle qu'il s'agit de la politique publique du logement et de l'aménagement, pas de celle de l'immigration ! Monsieur Pistis, vous avez la parole.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur. Oui, merci, Monsieur le président. En ce qui concerne cette thématique, la commission des finances a posé plusieurs questions, notamment sur le lieu de résidence des fonctionnaires. Je voudrais quand même rappeler à ce Grand Conseil - vous trouvez cette information à la page 134 des annexes au rapport - que 323 collaborateurs de l'IMAD sont domiciliés en France, hors Grand Genève. Je pense que ce chiffre doit être retenu: 323 personnes travaillant à l'IMAD habitent hors Grand Genève, soit au-delà de l'Ain et de la Haute-Savoie.
Plusieurs députés de la commission des finances, tous bords confondus, se sont interrogés quant à cela, mais on aura l'occasion de revenir plus tard sur le nombre de personnes résidant en France, hors Grand Genève, qui travaillent à l'Etat de Genève, soit dans le petit Etat, soit dans le grand. On a même relevé des personnes domiciliées - sauf erreur de ma part, je le dis de mémoire - en Italie, en Espagne, au Tessin; c'est ce qu'a rapporté le Conseil d'Etat de manière très objective dans ses réponses à diverses questions écrites. Ce sujet a donc été débattu au sein de la commission des finances, tous partis politiques confondus.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle qu'il existe une politique publique «Economie et emploi», vous aurez l'occasion de vous exprimer sur ce thème lorsque nous la traiterons. Puisqu'il n'y a plus d'autre demande de parole, c'est le tour de M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de signaler - j'hésite presque à le faire - que les comptes de la politique publique G ont été tenus, car c'est en définitive la question qui est posée au parlement. Je le précise, parce que vous savez, derrière le Conseil d'Etat, il y a surtout une administration, des directeurs financiers qui, toute l'année, ont été attentifs à respecter les limites budgétaires, à garder en tête qu'un franc est un franc.
Or une majorité s'apprête à refuser les comptes de cette politique publique, c'est-à-dire à considérer que ceux-ci sont faux. Quand ma direction me demandera pourquoi, je répondrai: «Parce que.» En effet, aucun autre argument n'est sorti de votre débat, et c'est malheureux; c'est malheureux et irrespectueux à l'égard des personnes qui travaillent au sein de l'administration publique, qui s'en tiennent aux budgets alloués par l'Etat, qui présentent des comptes respectant les limites.
Il en va de même pour la gestion. Somme toute, quel est le principal fait marquant de la politique publique G en 2023 ? C'est que nous avons construit plus de trois mille logements, et ce pour la troisième année consécutive. Voilà peut-être le fond du problème, Mesdames et Messieurs, c'est que Genève n'a jamais autant construit depuis les années 70, nous atteignons des scores que l'on n'a pas vus depuis cinquante ans. Il est intéressant pour moi d'observer l'opposition du PLR et de certains milieux économiques, de voir ceux qui se disent plutôt attachés au développement et à la construction, année après année, passer dans le camp de ceux qui se plaignent de ce qui se passe en matière d'aménagement dans le canton. Ne vous en faites pas, c'est ma dernière législature; après, vous aurez certainement un magistrat qui sera plus au diapason et s'attachera à construire beaucoup moins, et alors là, j'espère que vous lui apporterez un soutien bien plus conséquent.
Pourquoi est-ce que je le souligne ? Parce que c'est le coeur du débat: nous nous trouvons à un moment de forte croissance démographique et d'important développement territorial du canton. Il est normal qu'on se questionne, il est normal que la population s'inquiète quant à la perte des lieux de biodiversité, de l'espace public, du patrimoine. Nous sommes tous attachés à la Genève de notre enfance. En même temps, on le sait, une ville évolue, une ville se transforme. Pour anticiper et organiser ce changement, la législation fédérale oblige les cantons à prévoir, tous les quinze ans, une planification directrice, stipulant que ce plan directeur cantonal doit être précédé d'une vision qui dépasse les frontières cantonales.
Chez nous, c'est la vision territoriale transfrontalière. La démarche a été entreprise il y a quinze ans. Il s'agit de développer avec les collectivités françaises et vaudoises - on oublie souvent ces dernières - une vision partagée du territoire métropolitain que nous avons en commun, celui à l'échelle de 1,2 million de personnes. Cette VTT a été ouverte très officiellement il y a deux ans par le Conseil d'Etat, puis pilotée par sa délégation à l'aménagement du territoire - laquelle, pour cette législature, est composée de Mme Bachmann et de M. Maudet - qui suit ses évolutions au fil de l'eau. Dernièrement, elle a abouti à un niveau de maturité suffisant pour que nous consultions plus largement; elle a fait l'objet d'une validation par la commission d'aménagement du territoire - pas la vôtre, parlementaire, mais officielle -, dans laquelle siègent - ah ben tiens ! - le président de la Chambre genevoise immobilière, celui de Pic-Vert. Tous les acteurs ont été mis au courant, impliqués. Cela étant, il ne s'agit que d'une étape.
Dès lors, le procès qui lui est fait aujourd'hui est pour le moins surprenant. Au moment même où nous consultons, des organisations s'exclament: «Nous n'avons pas été consultées !» Eh bien nous vous consultons maintenant, nous n'avons encore rien tranché. Cette VTT n'a rien de décisionnel; puisque la consultation a lieu actuellement, elle n'a pas été adoptée par le Conseil d'Etat, nous attendons les retours. Le document fondateur sera le plan directeur cantonal qui, lui, fait l'objet d'un vote du Grand Conseil.
Fondamentalement, quel est le défi ? Selon les projections, notre agglomération pourrait accueillir entre 200 et 400 millions de nouveaux habitants d'ici 2050. (Commentaires.) Entre 200 000 et 400 000 nouveaux habitants d'ici 2050, en effet. Pour le canton de Genève, la part de ce grand volume serait de 70 000 à 130 000 personnes. Ces estimations ont été réalisées par l'Office fédéral de la statistique. Alors qu'est-ce qu'on décide ?
Voilà, Mesdames et Messieurs, le coeur du problème politique. Bien évidemment, comme cela a été relevé, c'est avant tout la dynamique économique de Genève qui attire la main-d'oeuvre. «Ils voulaient des bras et ils eurent des hommes», écrivait notre poète national Frisch dans les années 70 déjà. Les seules possibilités pour obtenir une résidence dans le canton de Genève, c'est soit de bénéficier du regroupement familial, soit de relever de l'asile - mais cela concerne moins de 1% de la population -, soit - et c'est le gros morceau - de disposer d'un permis de travail. Les gens demandent d'abord un permis de travail, puis cherchent un logement, cela se passe dans ce sens. En France, il y a des villes pleines de logements disponibles, mais dans lesquelles on ne trouve pas d'emploi: ces logements restent vides. La construction ne constitue pas la cause première de la croissance, c'est notre activité économique, notre attractivité économique avec tous ses aspects positifs, mais également avec tout ce qu'il faut assumer derrière: le besoin de loger les gens, de construire des écoles, de renforcer les moyens de la sécurité, ceux de la mobilité, etc.
Or jusqu'à présent, Mesdames et Messieurs les députés, cette question faisait l'objet d'un consensus, c'est-à-dire que nous nous entendions quant au fait qu'il convient de gérer l'évolution de la croissance. A quelle frontière politique s'arrêtait ce consensus ? A celle de ce qu'on appelle le front républicain, celle qui différencie les propos anti-migrants de l'UDC et anti-frontaliers du MCG du reste de la classe politique, laquelle prône une vision d'ouverture, de respect et d'accueil, notamment vis-à-vis du migrant, parce que celui-ci a le droit au respect, mais aussi parce qu'il représente une force de travail; c'est la vision d'un certain équilibre social, du pacte social sous-jacent au pacte du logement. Et jusqu'à aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, cette majorité-là s'était toujours faite avec le PLR.
Mais les temps sont durs pour la droite républicaine. On l'a vu en France avec le président Ciotti, on le voit ici. S'abritant derrière des prétextes organisationnels, le PLR s'apprête encore une fois, sur des questions d'aménagement et de logement qui sont intrinsèquement liées aux problématiques migratoires, à voter avec l'UDC et le MCG, ses frères ennemis. Alors que quand des PLQ passent dans les urnes, ces trois partis politiques sont rarement d'accord.
Aujourd'hui, j'invite vraiment les milieux de droite, pour lesquels j'éprouve un grand respect et parmi lesquels le PLR joue un rôle majeur, à clarifier leurs positions: sont-ils toujours pour la libre circulation des personnes ? Sont-ils toujours pour l'ouverture ? Sont-ils toujours pour une Genève ouverte et solidaire ? Si c'est le cas, eh bien il faut accompagner la politique du Conseil d'Etat en matière de développement urbain, à laquelle s'emploie le gouvernement contre l'avis du MCG et de l'UDC, qui sont cohérents dans ce débat mais, à travers leur position, viennent jeter le trouble sur la réelle volonté du PLR.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat tient à une politique de développement concertée et équilibrée; il s'agit maintenant pour vous de former des majorités politiques claires au sein de ce parlement afin que nous puissions déterminer qui soutient une Genève ouverte et prospère et qui veut la vautrer dans le repli et certainement l'oubli. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous procédons au vote sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique G «Aménagement et logement» est rejetée par 49 non contre 33 oui et 12 abstentions.
F - FORMATION
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je passe la parole à Mme de Planta, qui va donner à chaque groupe le temps de parole qui lui reste. Madame la députée, je vous en prie.
Mme Francine de Planta. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je rappelle qu'au début du débat, chaque groupe avait droit à trente minutes et que les interventions sont limitées à cinq minutes. Le rapporteur disposait de vingt minutes, il lui reste quatorze minutes trente. Le PLR dispose de dix-sept minutes quarante, les socialistes de treize minutes cinquante-quatre, les Verts de dix-sept minutes zéro sept, le MCG de quinze minutes zéro trois, l'UDC de dix-huit minutes dix-neuf, LJS, qui a le moins parlé, de vingt-trois minutes quarante-deux et Le Centre de quatorze minutes zéro cinq. Quant au Conseil d'Etat, il lui reste trente-neuf minutes et cinquante-deux secondes. Voilà où nous en sommes.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer à la politique publique F «Formation». La parole revient à M. Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues...
Le président. Monsieur Mizrahi, est-ce que vous permettez ? Une communication doit être faite. Je vous en prie, Madame la conseillère d'Etat.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous informer que je suppléerai ma collègue Anne Hiltpold pour la politique publique F «Formation», car elle est retenue ailleurs en Suisse - à Berne - pour une conférence intercantonale fort importante à propos des hautes écoles. Dans la mesure où notre système de suppléance fonctionne bien et que je suis prête, je l'espère, à répondre à vos questions sur la politique publique F aussi bien qu'elle le ferait, le gouvernement a considéré que la présence de ma collègue à cette conférence intercantonale était plus importante.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, «mon enfant est traité comme une poubelle». Ces mots résonnent encore dans ma tête; ils ont été prononcés au téléjournal par la mère en colère d'un enfant autiste privé de rentrée scolaire en août 2023. Ces mots sont le symbole d'une école élitiste, de notre école genevoise d'aujourd'hui. C'est une école ségrégative à l'égard des enfants avec handicap, qui a exclu certains élèves lors de cette rentrée catastrophique, pudiquement qualifiée de rentrée différée dans le rapport de gestion ! Des dizaines d'enfants ont ainsi été «différés», puis certains ont été provisoirement intégrés dans des écoles régulières, ironiquement faute de place dans les écoles spécialisées. Mais rassurez-vous ! Ils retourneront bien dans des écoles spécialisées à la rentrée prochaine, faute de la nécessaire réallocation des ressources que nous avions demandée dans notre PL 13245 !
Toujours selon le rapport de gestion, le taux d'inclusion des élèves du spécialisé recule en 2023. C'est une école élitiste, qui correspond bien à celle appelée de ses voeux par le président du PLR suisse dans une interview édifiante parue aujourd'hui, dans laquelle il appelle à davantage de ségrégation et à une école encore plus élitiste. Quelques jours à peine après la cérémonie de clôture des festivités des dix ans de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, il fallait oser ! Mais comme disait Michel Audiard...
Mesdames et Messieurs, le président du PLR pourrait se réjouir de l'école genevoise, dans laquelle, selon les travaux parlementaires sur les comptes, le département assume parfaitement le fait qu'une nouvelle école séparée, dans laquelle les élèves sont cachés et mis de côté, ouvre chaque année dans notre canton. Pourtant, contrairement à ce que dit le président du PLR, cette école élitiste ne donne pas de meilleurs résultats. Pour preuve, 2200 élèves (ce chiffre est en augmentation constante) sont dans l'enseignement spécialisé à Genève pour une population de 500 000 habitants. Ces chiffres sont à mettre en rapport avec les 670 élèves dans des structures spécialisées bien plus inclusives au Tessin, pour une population de 350 000 habitants et habitantes. L'école modèle du Tessin ne coûte pas plus cher, les enfants tessinois sont même meilleurs que la moyenne suisse selon l'étude PISA, notamment en français, en maths et en sciences, et il y a également moins d'écarts entre les élèves de différents niveaux. Une école pour toutes et tous n'est donc ni plus chère ni moins performante, mais plus juste, et elle offre une chance à chaque jeune de participer à la société de manière pleinement égalitaire. Nous formons donc le voeu que le département et sa cheffe en prennent conscience et vous invitons à refuser cette politique publique. Je vous remercie.
Mme Laura Mach (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, les comptes présentés nous annoncent une somme non dépensée de près de 12 millions pour la politique publique F «Formation», dont 3,6 millions sur des charges de personnel. Il nous reste donc un montant considérable.
Or, selon un article paru ce jour sur la RTS, la Source bleue, lieu d'accueil et d'intervention précoce qui aide de nombreuses familles à Genève et dont l'utilité a été reconnue par la Cour des comptes, se voit amputée de 40% de son équipe professionnelle à la rentrée prochaine. De très nombreux suivis seront interrompus. C'est incompréhensible !
Dans sa réponse aux journalistes, le département se déresponsabilise de ce lâchage budgétaire en se défendant par des arguments comptables: les postes étaient temporaires et rien n'obligeait à les renouveler. Et pourtant, le département nous dit, à propos de sa feuille de route 2023-2028: «[...] le département affiche une volonté forte de soutenir le meilleur développement de l'enfant, et ce dès sa conception.» Comment doit-on interpréter cette décision ? Le département a-t-il oublié ses engagements pris il y a si peu de temps ? A-t-on oublié que la période préscolaire est le moment le plus profitable pour lutter contre les retards de langage, et que ceux-ci impactent de plus en plus d'enfants à leur arrivée à l'école primaire, avec des listes d'attente pour des prises en charge logopédiques qui ne font que s'allonger ?
Le département se défausse en disant que ce n'est pas une prestation thérapeutique ou que ce serait de la responsabilité des communes. Or, la socialisation et la stimulation des enfants constituent la base de la prise en charge des retards de développement si l'on veut éviter des traitements lourds et onéreux par la suite ! On se renvoie une fois de plus la balle d'un département à l'autre ou du canton aux communes, et la petite enfance se retrouve dans une zone de non-droit menant les parents de la Source bleue à déposer une pétition désespérée pour qu'enfin on les entende. Mesdames et Messieurs, les entendra-t-on ?
Cette situation, tout comme celle de la structure d'accueil Les Coccinelles, qui a récemment été soutenue par un vote dans cet hémicycle, révèle l'urgence de reconsidérer la gouvernance des structures de la petite enfance et de mettre en place un véritable programme de prévention des troubles du développement, qui nous coûtent si cher en enseignement spécialisé, surtout lorsqu'on attend des années avant de les prendre en charge. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Le problème de cette politique publique F «Formation», c'est qu'en 2023 - nous le constatons une fois de plus -, le département est incapable d'orienter correctement les élèves dans les métiers dont notre économie a besoin. Ça fait des années qu'on le dit, et on peut le redire pour 2023 ! La problématique n'a absolument pas changé, et on peut même dire qu'elle s'est largement empirée, puisque maintenant nous sommes arrivés dans les années où les baby-boomers partent à la retraite. Il est nécessaire d'engager des milliers de personnes pour remplacer tous ces départs à la retraite, et on est tout bonnement incapable de combler ce manque d'effectifs, même à l'Etat. Aujourd'hui, il faut être clair: l'Etat ne fait plus rêver ! Je le dis dans le cadre de cette politique publique, mais c'est valable pour l'ensemble des politiques publiques, on l'a constaté à la commission des finances, tous les départements ont un problème de recrutement. Mais ce problème ne provient pas du fait qu'il n'y a pas de monde sur le marché ! Plein de personnes pourraient être employées, mais il leur manque un complément de formation pour remplir pleinement le cahier des charges demandé. A ce propos, l'Etat ne fait rien, et même les personnes qui viennent du chômage... Bien souvent, on peut constater que bon nombre de personnes se font sèchement refuser. On leur répond: «Vous ne correspondez pas au poste» alors que si on y regarde de plus près, parfois il suffirait de pas grand-chose: trois mois, six mois de formation complémentaire sur des modules informatiques, sur deux ou trois programmes, voire une petite remise à niveau dans certains cas. Ce sont des personnes qui, du jour au lendemain, pourraient être employées à Genève; on pourrait donc employer ces personnes au niveau local.
Au sujet de ce que disait M. Mizrahi, j'ai moi-même doucement rigolé en entendant cette annonce, parce que je me suis souvenu qu'il y a une douzaine d'années, l'UDC avait sorti exactement le même programme, au grand dam de notre ami et ex-collègue Jean Romain, qui était à l'époque furax contre son propre parti. Il disait ici même: «Je ne comprends pas: c'est le PLR qui aurait dû sortir ce programme à la place de l'UDC !» Ce que demande le président du PLR, oui, ça fait des années que l'UDC le prône, le clame à qui veut bien l'entendre. Vous entendez peut-être ce qu'on dit, mais vous n'avez pas l'air de comprendre ni même d'écouter. A notre grand regret !
Je reviens sur l'école inclusive. J'entends les arguments, ils sont toujours les mêmes. Le grand échec de tout ça, des études le prouvent aujourd'hui clairement: l'école inclusive ne mène à rien, c'est la réalité... (Exclamations.)
Le président. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît !
M. Stéphane Florey. ...on a énormément de problèmes avec ça et les problèmes que cause l'école inclusive sont bien plus importants et nous coûtent bien plus cher que le système dans lequel certains élèves malheureusement pas intégrables dans des classes normalisées doivent suivre des programmes particuliers. Là où Mme Torracinta avait largement échoué, et Mme Hiltpold se dirige malheureusement un peu dans la même direction et est en ce moment un peu sur des sables mouvants.... Ce qui me déçoit, c'est qu'on a malheureusement toujours été incapable de dire à cet hémicycle combien coûterait précisément cette école inclusive. Et c'est uniquement pour cette raison... (Remarque.) C'est faux, Monsieur Mizrahi ! Vous ne pouvez pas comparer ce qui est incomparable !
Le président. Monsieur le député, adressez-vous à la présidence, s'il vous plaît !
M. Stéphane Florey. Le système tessinois n'a rien à voir avec le système genevois. Si nous avons toujours refusé les centaines de postes demandés à longueur de budgets, c'est pour ces raisons, et parce que nous n'avons aucune vision claire sur cette politique d'école inclusive. Tant que nous ne l'aurons pas, nous ne ferons aucun pas dans cette direction, et nous restons convaincus que l'école inclusive telle que proposée aujourd'hui n'est vraiment pas la solution et que d'autres solutions bien moins coûteuses et beaucoup plus profitables à tout un chacun devraient être mises en place. Pour ces raisons, l'UDC refusera cette politique publique. Je vous remercie.
M. Xavier Magnin (LC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, que de chantiers dans cette nouvelle dynamique du département de l'instruction publique ! L'enseignement, c'est comme d'autres matières: chacun a son avis personnel parce que chacun a été à l'école, chacun sait ce qu'on doit faire et comment on doit faire.
J'évoque en vrac certains éléments. Transformer le cycle d'orientation est une priorité. Ce sujet comprend des axes, des lois, des projets de lois, des refus, des acceptations, et transformer le cycle d'orientation pour qu'il oriente réellement est une des principales choses qui doit être menée par le département, par délégation du Grand Conseil. Orienter vers la formation professionnelle est également un axe important et on souhaite que le département, avec les associations faîtières, prenne le taureau par les cornes et promeuve la formation professionnelle.
Mes préopinants ont parlé d'inclusion; elle est importante et figure dans les textes de lois et les conventions. On parle de formation initiale, chaque enfant doit pouvoir aller au maximum de ses capacités et trouver l'endroit pour ce faire. Tout le monde ne peut néanmoins pas être inclus, il faut aussi le reconnaître et il faut trouver la bonne mesure pour chacun.
La formation des enseignants, nous en avons débattu. Je rappelle la position... du moins la mienne: trois ans, mais en HEP, soit une Haute école pédagogique, comme dans les autres cantons. En trois ans, c'est possible: tous les autres cantons le font. C'est une question qui va passer en votation et dont on sait à peu près comment ça va tourner.
Les transitions entre les niveaux d'enseignement, primaire, secondaire I et secondaire II, doivent aussi être travaillées pour faciliter les parcours et permettre aux élèves de s'y retrouver. Aux élèves, oui, mais aux parents également, pour que cela soit facile et pour que chacun trouve chaussure à son pied dans l'orientation qui aura été donnée au futur CO.
J'aborde les parcours individualisés ou de transition. Pour des jeunes de 15 ans, il est difficile, quand ils se retrouvent en situation d'échec - oui, ce sont de situations d'échec -, ou en difficulté, de réfléchir alors que ceux qui réussissent n'ont pas besoin de le faire et peuvent repousser cette tâche à 18 ans. C'est aussi à travailler.
De nouvelles pédagogies émergent et on les voit dans d'autres écoles, privées ou non. Il faut s'y intéresser et regarder ce qui peut être amené à des élèves qui ne sont pas à l'aise dans le système tel qu'on le connaît actuellement.
Quant à la digitalisation, aux nouvelles donnes qui vont avec les nouvelles pédagogies, à la lutte contre le harcèlement, je suis très content que le département et le Conseil d'Etat dans sa globalité s'en occupent.
S'agissant du fait de favoriser l'accueil préscolaire... On parle de l'enseignement, des écoles, mais le dicastère de la formation et de l'enseignement comprend aussi le préscolaire. On sait les manques et le canton doit être le partenaire des communes pour pousser à ce qu'il y ait le plus d'offres possible.
Enfin, dans ce vrac que j'énonce - il y a tellement de choses à dire -, les discussions avec les syndicats. Un enseignant convaincu est en effet un enseignant qui ira de l'avant pour porter ces politiques.
Modifier, révolutionner, réorganiser en une année, ça aurait été miraculeux. C'est une question de mesures, d'anticipation, de planification, de conviction, de politique bien sûr, si l'on veut viser juste et bien centrer les objectifs et les moyens de les atteindre. On ne peut pas tout changer en une année, et nous devons donner du temps pour effectuer ces révolutions, ces changements. A Genève, nous avons besoin de personnes formées, bien formées, c'est notre plus-value, notre avenir, notre responsabilité. On aurait dit avant, c'est notre pétrole, mais on ne peut plus le dire exactement comme ça. L'instruction publique est un chantier extraordinaire. Le Centre apporte son soutien, sa volonté d'une évolution nécessaire, et nous accepterons cette politique publique.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je suis absolument choquée quand j'entends certains propos que je vais essayer de transformer et auxquels je vais essayer de répondre. J'ai bien compris que l'école inclusive était le coeur du sujet aujourd'hui. Je vais en donner la définition. Quand on parle d'école inclusive, on ne parle pas d'école pour des personnes en situation de handicap, mais d'école pour toutes et tous. Dire: «Je suis contre l'école inclusive», ça veut dire: «Je suis contre l'école.» Il y a déjà un problème de compréhension. L'école inclusive, c'est l'école pour toutes et tous, donc pour tous les enfants, pour tous les jeunes et pour tous les élèves, quels qu'ils soient. Tous les élèves peuvent apprendre ! Tous les élèves peuvent apprendre ! Tous les élèves peuvent apprendre; évidemment, ils ont tous et toutes des rythmes différents et des capacités et des aptitudes différentes, mais ils peuvent apprendre.
Jamais l'inclusion n'a baissé le niveau de l'enseignement dans une classe. Jamais ! Jamais l'inclusion n'a péjoré le parcours d'élèves neurotypiques. Jamais ! Jamais l'inclusion n'a empêché le fonctionnement de l'école. Jamais ! Tout ça, ce sont des préjugés, je le dis études à l'appui, que je peux vous sortir si vous les demandez. Par contre, l'exclusion, la ségrégation, la discrimination - c'est ça que j'ai entendu ce soir -, telles qu'appliquées à Genève d'ailleurs, créent des inégalités et une stigmatisation, et ensuite des institutionnalisations, comme on les aime bien ici, parce qu'on a un système institutionnel bien ancré, avec un système ségrégatif ancré depuis quarante ans. On ne peut pas changer des choses en une année ! Vous allez me dire: «On ne va pas tout changer en une année, vous comprenez, il faut du temps.» Mais ça fait quarante ans que ça dure ! Ça fait quarante ans que ce système séparé existe !
Puisqu'on parle des comptes, ce système séparé, ségrégatif, coûte deux fois plus cher à notre communauté, vous qui êtes si près du budget. Deux fois plus cher ! C'est donc complètement anti, on va dire, anti... C'est incohérent ! Il n'y a pas d'autres mots ! Alors je pose la question à ce parlement qui a une majorité de droite: quand est-ce que la majorité de ce parlement donnera les moyens à l'école de former tous les élèves ? Tous ! Y compris celles et ceux qui ont des besoins spécifiques. Quand est-ce que Genève, et en particulier le département de l'instruction publique, soutiendra tous les élèves et, surtout, formera les enseignants réguliers de l'enseignement régulier ? Selon la LIP, la loi sur l'instruction publique, l'enseignement régulier, c'est l'enseignement ordinaire. Quand est-ce que les enseignants bénéficieront de cette formation pour mieux accompagner les élèves, qu'ils doivent parfois accueillir parce qu'ils n'ont pas le choix ? Quand est-ce qu'ils auront de l'aide pour mieux accueillir, mieux accompagner ces élèves ?
S'il n'y a pas de moyens, on va forcément vers l'échec. Si vous ne donnez pas les moyens, c'est un échec. Bien sûr qu'il faut des moyens ! Si vous ne voulez pas en donner, au moins, je ne sais pas, acceptez les propositions de réallocation des ressources qui sont faites ! On a des personnes de l'enseignement spécialisé qui sont très bien formées pour accompagner des élèves, et on peut essayer d'en mettre quelques-unes dans l'enseignement régulier.
J'aimerais aussi dire que l'école inclusive, c'est un droit humain. On parle des droits fondamentaux ! On est au niveau des droits humains, là ! Dire qu'on est contre l'école inclusive, c'est comme dire qu'on est contre les droits humains ! Alors je vous laisse réfléchir à notre implication en Suisse dans la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. On a fêté les dix ans cette année, il y a une grosse campagne d'affichage. On explique encore aux gens que ce sont des personnes comme les autres; on explique encore à la population, et peut-être à cette majorité du Grand Conseil, que ce sont des êtres humains. On en est encore là, quarante après ! Non, on ne peut pas bafouer les droits humains ! (Applaudissements.)
La Suisse a déjà été condamnée au niveau international. Le canton de Genève a déjà été condamné s'agissant de la Convention relative aux droits de l'enfant. Au niveau international, Genève a cinquante ans de retard ! A l'époque, c'était quarante, maintenant c'est cinquante ans. Alors être contre l'école inclusive, c'est être contre l'école, tout simplement. Avec deux milliards de revenu extraordinaire aux comptes 2023, c'est une honte et une grosse hypocrisie ! Merci ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, le groupe LJS soutient la politique publique F. Avant d'émettre certaines remarques, le groupe LJS remercie bien évidemment l'ensemble des personnes impliquées dans le système éducatif, parce que gérer l'éducation d'un canton, ce n'est pas facile. Nous remercions surtout l'ensemble des enseignants et des enseignantes pour leur implication et les remercions de former nos enfants ainsi que nous-mêmes: grâce à eux, nous sommes là aujourd'hui !
La politique publique F, chers collègues, ce ne sont pas des tâches particulièrement faciles, et les investissements que nous faisons actuellement auront des résultats peut-être dans cinq ans, six ans, huit ans, dix ans. Si nous analysons la formation de base au niveau universitaire, pour former quelqu'un au niveau du bachelor, c'est trois ans, au niveau du master deux ans, et il faut huit ans jusqu'au doctorat. Ça veut dire que c'est une implication assez longue. Pour cette raison, il faut anticiper certains besoins dans divers domaines.
Tout à l'heure, nous avons parlé de certains besoins, de capital humain, de haut potentiel humain dans divers secteurs. Pourquoi, aujourd'hui, avons-nous des difficultés à engager les gens ? Nous engageons des gens qui viennent de hors de Genève, d'autres cantons suisses ou bien d'ailleurs, de pays voisins, voire plus lointains, parce que nous n'avons pas suffisamment de capital humain qualifié pour le besoin économique de l'ensemble des activités de notre canton ou de notre pays. L'ensemble du développement économique, politique et social d'une région, d'un pays, et plus largement du monde entier dépend du capital humain, des compétences, des talents; actuellement, on parle même de la guerre des talents. Toutes les entreprises, le monde entier sont à la recherche des meilleurs talents. Grâce au capital humain, nous pourrions créer des valeurs ou nous pourrions garder nos valeurs.
Le groupe LJS invite le département de l'instruction publique à se concentrer avant tout sur les besoins d'aujourd'hui et de demain, à anticiper non seulement les besoins de demain dans certaines formations traditionnelles mais aussi de nouveaux métiers. Quels sont les nouveaux métiers ? Quels sont les besoins de nos différentes entreprises, de nos institutions, de nos fondations, de notre administration publique ? Il faut identifier les priorités, certaines formations ou responsabilités de certaines de nos institutions, comme l'Université de Genève ou les Hautes écoles spécialisées. Est-ce que ces institutions, avec cinq cents ans d'histoire, une belle expérience, sont aujourd'hui obligées de donner certaines formations de base que nous pourrions déléguer à certaines de nos institutions privées, des institutions à taille humaine ? Est-ce que ce n'est pas le moment d'encourager nos institutions étatiques qui ont une certaine expérience à se concentrer sur certaines formations qui répondent plus aux besoins ou sur l'anticipation de nouveaux métiers ? Il est question d'encourager non seulement certaines recherches scientifiques, mais aussi la recherche appliquée qui répond aux besoins des citoyens. Il s'agit d'orienter les jeunes pour qu'ils puissent choisir des formations répondant à leurs désirs et à leur potentiel au lieu de les orienter vers une formation qu'ils quitteront quelques années après.
Il est aussi bien évidemment question de se concentrer sur les formations numériques, sur l'intelligence artificielle. Nous avons tous constaté que d'ici 2030, il nous manquera en Suisse à peu près cent mille personnes compétentes dans le domaine technique; nos institutions à l'échelle nationale arriveront à en fournir environ soixante mille, mais il y aura toujours un trou de quarante mille. Ça signifie se concentrer sur les formations sur l'intelligence artificielle et les formations techniques qui répondent aux besoins de nos entreprises. Il est nécessaire de se concentrer sur ce domaine afin d'éviter que celles-ci se déplacent ailleurs, comme c'était dernièrement le cas de certaines entreprises, notamment la Poste qui a ouvert un bureau à Lisbonne avec 150 personnes engagées. Ça veut dire que nous encourageons les formations sur les besoins d'aujourd'hui et de demain, car bien évidemment, l'avenir c'est maintenant. Il faut se concentrer maintenant pour éviter d'avoir demain des problèmes de talents, de capital humain. Dans tous les cas, nous félicitons le département, nous soutenons la politique publique F «Formation», mais nous encourageons la réflexion sur l'innovation, la créativité et les changements qui répondent aux besoins de nos entreprises ainsi que de l'administration publique. Je vous remercie.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). Je reviendrai à la question de l'enseignement spécialisé puis aborderai toutes les autres tâches - nombreuses et complexes - qui incombent au DIP. Il est clair que pas mal de débats se cristallisent autour de l'enseignement spécialisé, puisqu'il soulève des questions délicates et complexes, nous l'avons bien vu. De nombreuses erreurs ont été commises ces dernières années. Il est temps pour tout le monde, et tout le monde s'en rend bien compte, de redresser la barre et d'améliorer le système. Néanmoins, même si c'est difficile à entendre et que certains préféreraient que nous ne le disions pas, il est évident que cela prend du temps, que c'est un gros bateau à mener, que les ressources à disposition doivent pouvoir déployer leurs effets et que les essais et les tentatives pour tout améliorer seront nombreux ces prochaines années.
Il n'empêche que nous avons affaire à la question du personnel à former. C'est une question évidemment centrale dans l'ensemble du dispositif du DIP, mais encore plus centrale dans l'enseignement spécialisé. Une autre question absolument centrale est celle du manque d'infrastructures. Que ce soit pour un accueil scolaire classique ou pour n'importe quel type d'accueil, nous avons affaire à un manque de places criant, je ne vous apprends rien en disant tout cela.
En améliorant le système et en mettant en place un certain nombre de tentatives pour l'améliorer, nous pouvons déjà voir les progrès faits depuis une année: je vous rappelle qu'à la rentrée scolaire entrera en vigueur le co-enseignement en 1P et en 2P. Selon nous, ça sera une avancée majeure qui permettra d'accompagner dès le plus jeune âge les enfants, et tout type d'enfants, ainsi que de soutenir les enseignants. Permettez-moi de le dire, puisque je connais bien et de très, très près les enseignants, qui sont évidemment sur le terrain, des personnes engagées et dont la seule mission est de faire en sorte que chacun trouve sa place dans l'enseignement et que le système fonctionne. C'est important de le rappeler, leur rôle est central dans la société, il est crucial, et tout est fait pour que les choses se passent bien au sein du DIP. C'est pour ça que nous vous demandons un tout petit peu de patience pour mettre au point tout ce qui doit se développer ces prochaines années.
Outre le soutien au terrain, évidemment central parmi les améliorations à apporter, nous avons à coeur de rappeler aussi tous les projets en cours, dont certains sont à bout touchant. Nous vous rappelons que nous avons traité ensemble la question de la fin des hospitalisations sociales, qui constituent une aberration complète et sont largement délétères pour les personnes concernées et leur famille. Nous avons clairement en tête la nécessité d'améliorer et surtout d'augmenter les places en foyer pour les gens qui en auraient besoin et les jeunes qui en auraient besoin dans des phases - on l'espère - transitoires de leur vie. Il en va de même à propos des familles d'accueil, qui sont aussi au centre du dispositif.
Pour revenir à une question amplement débattue il y a quelques années, une réforme du cycle d'orientation apportera bientôt les réponses souhaitées à toutes les interrogations que nous avons en ce moment.
Vous avez également mentionné la question de l'apprentissage. Nous tombons tous d'accord sur ce point: il faut faire en sorte qu'il y ait le plus de places d'apprentissage possible, mais il faut aussi faire en sorte que les jeunes puissent être employés dès la sortie du cycle d'orientation, puisque de manière générale, et on le sait, les personnes qui signent des contrats d'apprentissage sont plutôt passées par un autre système et signent après quelques années un tel contrat. Pour essayer de corriger le tir et pour améliorer le système, il est envisagé de s'inspirer de ce qui se passe dans certains autres cantons: une première année à plein temps, c'est-à-dire à l'école, et ensuite un basculement dans une place d'apprentissage en dual, c'est-à-dire en entreprise. Ça permettrait de faire la transition souvent difficile entre le cycle d'orientation et le secondaire II et aux élèves de gagner en maturité et en bases scolaires suffisantes pour qu'ils se sentent à l'aise dans un apprentissage.
En outre, je mentionne la volonté de soutenir davantage la parentalité; c'est aussi, on le sait, au coeur de toutes les discussions qui nous occupent aujourd'hui. En ce qui concerne les infrastructures dont j'ai parlé au début, qu'elles soient destinées à l'enseignement spécialisé ou au reste de l'enseignement, il y a la volonté de penser et d'anticiper... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...autant que possible leur construction et surtout de veiller à ce qu'elles soient petites, proches des gens et du lieu d'habitation des élèves...
Le président. Madame la députée, il vous faut conclure.
Mme Natacha Buffet-Desfayes. Je conclus. ...pour ne pas compliquer davantage la vie des élèves et de leurs parents. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). J'aimerais surtout souligner ce qui fait la force de notre système: sa diversité. Des personnes sont scolaires et peuvent très très bien accomplir leur formation par une voie scolaire. Des gens le sont moins, et s'ils arrivent à des formations plus que satisfaisantes par un autre chemin, c'est très bien. Cette puissance-là, nous devons la cultiver. James Fazy a dit que ce qui fait la valeur d'une société, ce sont ses équilibres, et les équilibres d'une société reposent évidemment sur un savoir aussi large et diversifié que possible.
Je veux juste prendre pour exemple une famille qui vient de Neuchâtel et qui est dans une institution à Genève, parce qu'il n'y avait pas de structures à Neuchâtel; des enfants qui marchaient à peine et ne parlaient pas, aujourd'hui marchent et s'expriment. Ça veut dire que si on fait les efforts qu'il faut, on arrive à donner une instruction ou en tout cas une culture à des gens qui, au départ, pensaient ne pas pouvoir y accéder. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Cette politique publique F «Formation» est centrale. Investir dans l'avenir, dans la formation, c'est quelque chose d'important. Comme le conseiller d'Etat Apothéloz l'a indiqué précédemment... Il a pris l'exemple de la HETS, donc la Haute école de travail social, et expliqué qu'on n'arrive pas à former suffisamment de travailleurs sociaux et qu'on a toutes les peines à augmenter le nombre de classes de cette école, où il y a une espèce de numerus clausus puisqu'on ne peut pas accueillir dans la formation tous ceux qu'il faudrait. Voilà un problème parmi d'autres qui montre que notre système de formation est sclérosé et devrait s'adapter aux véritables enjeux de notre époque.
Beaucoup de nouveaux enjeux sont présents, comme l'intelligence artificielle et d'autres éléments qui vont chambouler complètement notre société, et nous devrons nous adapter à cet avenir par la force des choses, ce qui nous éloigne bien de nos petites «politicailleries» genevoises. Voilà ce qui va être crucial pour la jeunesse et pour la Genève de demain. Pour le MCG, il est important de promouvoir ces talents locaux. Nous sommes donc un peu embarrassés à l'égard de cette politique publique: nous voudrions bien la soutenir, et nous voyons qu'en 2023, une action a certes été menée, mais elle n'est malheureusement pas suffisante selon nous. Du fait qu'elle n'est pas suffisante, nous allons nous abstenir sur cette politique publique. Merci, Monsieur le président.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le débat qui vous anime, qui nous anime, montre bien l'importance de cette politique publique F, que ce soit effectivement dans le domaine de la pédagogie stricto sensu, donc celui de l'école, ou plus largement dans celui de l'éducation, donc celui de la jeunesse. L'école inclusive a été évoquée ce soir. L'école inclusive n'est pas une question politique, mais une obligation cantonale. (Applaudissements.) Ma collègue a présenté sa vision aux députés en décembre, puis dans la feuille de route du département et en commission: elle a réaffirmé ce principe !
La question de l'enseignement spécialisé est une préoccupation très importante pour le département de l'instruction publique. La rentrée des enfants du spécialisé en 2024 a pu être beaucoup mieux préparée que celle de l'année passée: le DIP a en effet obtenu il y a quelques semaines des crédits supplémentaires nécessaires pour des postes dans l'enseignement spécialisé pour la rentrée 2024. Chaque année, une nouvelle école de pédagogie spécialisée s'ouvre, ça n'a rien de spécial. Malheureusement, le nombre d'enfants qui présentent des déficiences intellectuelles ou des troubles autistiques est en très forte hausse et, par conséquent, le nombre d'enfants ayant des besoins spécialisés dès l'âge de 4 ans ne cesse d'augmenter, ce qui est effectivement très préoccupant. Dans ce contexte, il est crucial de donner les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de l'inclusion, de l'école inclusive, ainsi que d'avoir des moyens pour l'éducation, soit le vivre-ensemble, dans d'autres domaines de la politique publique F.
A propos de la Source bleue, vous aurez demain une réponse publique sur cette question spécifique, mais j'aimerais déjà vous dire que la Source bleue ne perd pas de postes. Elle a pu être renforcée temporairement, pendant une année - elle le savait. Ces postes reviennent au niveau antérieur, c'était prévu. Ce n'est pas une crèche mais un accueil parents-enfants. C'est un accueil parents-enfants comme il en existe dans d'autres communes, dont la spécificité, le déficit du langage, peut être renforcée, mais ce n'est pas une crèche. Il faut être très clair: ce genre de prestation essentielle doit être offert en partenariat avec les communes. Je suis certaine que les ressources temporairement admises pour la Source bleue vont rester allouées à l'éducation spécialisée, vont rester pour favoriser l'inclusion de toutes et tous et permettront que les enjeux que vous avez si bien décrits soient relevés. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique F «Formation» est adoptée par 36 oui contre 31 non et 14 abstentions.
H - SÉCURITÉ ET POPULATION
Le président. Nous passons à la politique publique H «Sécurité et population».
Une voix. On ne va pas manger ?
Le président. A sept heures ! 19h ! Monsieur le rapporteur, prenez-vous la parole ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant pas demandée, nous allons procéder au vote.
Mise aux voix, la politique publique H «Sécurité et population» est adoptée par 59 oui et 16 abstentions.
I - IMPÔTS ET FINANCES
Le président. Nous poursuivons nos travaux avec la politique publique I «Impôts et finances». La parole échoit à M. Thomas Bruchez.
M. Thomas Bruchez (S), député suppléant. Non, c'était pour... Merci, Monsieur le président. C'était pour prendre la parole sur la politique publique H, mais vous êtes allé trop vite.
Le président. Ah, tant pis. Monsieur Nicolet-dit-Félix, c'est à vous.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis un petit peu troublé par ce qui vient de se passer. Je ne sais pas si c'est un problème d'élocution de la présidence ou de distraction des députés, mais nous nous retrouvons effectivement privés de débat sur la politique publique H alors que celui-ci méritait d'être mené au même titre que les autres. A moins qu'on estime que les discours sur les comptes sont purement déclamatoires ? Y a-t-il quelque chose à faire pour revenir sur cette discussion ? Sinon, j'interviens volontiers sur la politique publique I.
Le président. Vous êtes sur la politique publique I, Monsieur le député.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Bien, je vous remercie, Monsieur le président.
Mesdames et Messieurs les députés, nous approchons du 21 juin. Comme vous le savez, il s'agit du solstice d'été. Le solstice, c'est ce moment de l'année où l'écart entre la durée de la nuit et celle du jour est le plus grand. Or - est-ce une coïncidence ? - nous avons aussi affaire à un solstice budgétaire, vu que jamais dans l'histoire de notre république nous n'avons connu de variation aussi importante entre les prévisions de recettes et les recettes effectives, cela a déjà été souligné à plusieurs reprises. Dans les... (Remarque.) Oui ! Nous savons - Mme la conseillère d'Etat l'a relevé - que le département travaille sur cette question, et il n'est pas le seul.
Dans les temps anciens, les druides celtiques prenaient leur serpette et enfumaient un bouquet de gui pour incanter les dieux; le groupe des Verts préfère la voie parlementaire et a déposé la proposition de motion 3009 - à laquelle, j'en suis certain, chacune et chacun réservera un bon accueil - qui suggère une solution parmi d'autres. En effet, ainsi que cela a été évoqué, plusieurs acteurs de ce parlement et du gouvernement agissent pour que, à terme, nous atteignions une forme d'équinoxe budgétaire, c'est-à-dire que les projections correspondent aux revenus effectifs. Mais en l'état, compte tenu de cet écart abyssal, il est évident que nous ne pouvons pas accorder notre satisfecit à cette politique publique. Par conséquent, nous la refuserons. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). En ce qui concerne la politique publique I... Alors bon, nous en avons déjà beaucoup parlé pendant les travaux de commission ainsi que de manière générale lors du débat d'entrée en matière. Néanmoins, j'aimerais revenir sur deux éléments, en particulier la péréquation intercantonale, un sujet important, mais souvent négligé dans nos discussions. Il faut savoir qu'au fil des années, nous allons devoir verser des montants de plus en plus conséquents aux autres cantons, cette charge supplémentaire va grever nos budgets, et c'est très inquiétant.
Certes, nos finances sont florissantes, mais il s'agit malgré tout d'une charge qui va arriver. Je vois la conseillère d'Etat réagir - vous transmettrez, Monsieur le président, car je n'ose pas m'adresser directement à elle, je dois passer par vous, même si elle se trouve sur le chemin de... Pas le chemin d'Annemasse ni de Damas, mais celui du président du Grand Conseil. (Commentaires.)
Pour en revenir à la péréquation intercantonale, il s'agit d'un sujet essentiel qui préoccupe le MCG, un sujet malheureusement très technique. Je vais renouveler le voeu que je formule chaque année, désolé de me répéter: je souhaiterais que l'on essaie de négocier ou du moins de discuter - négocier, c'est peut-être un peu trop ambitieux - avec les autres cantons, avec tous les partenaires concernés afin d'adapter la péréquation à notre avantage; il s'agirait de renégocier les montants sur la base d'accords conclus avec les autres cantons contributeurs comme Zoug, Zurich et autres, c'est-à-dire ceux qui versent de l'argent, pas ceux qui le reçoivent.
Il faut savoir que de nombreux cantons nous font la leçon sur notre gestion, par exemple celui de Vaud... Enfin non, les Vaudois sont plutôt sympathiques avec nous, mais des représentants d'autres cantons de Suisse romande nous prennent parfois de haut en matière de finances alors que nous leur cédons des sommes considérables. Je pense notamment au canton de Berne, qui perçoit plus d'un million...
Une voix. Un milliard !
M. François Baertschi. Un milliard, oui, excusez-moi ! Comme l'un des conseillers d'Etat, je mélange les millions et les milliards, ce que je devrais éviter. Le canton de Berne touche donc plus d'un milliard chaque année au titre de la péréquation intercantonale.
Dès lors, je suis inquiet pour Genève. Je voudrais que nous ayons les meilleures finances possibles et que notre canton négocie au mieux. Je ne nourris aucun doute à ce sujet, mais je tiens tout de même à insister une fois de plus pour qu'on aille dans cette direction, Madame la conseillère d'Etat, malgré les nombreuses tâches qui ne vous permettent pas toujours de le faire; je serais très intéressé à ce que Genève défende de manière active ses intérêts vis-à-vis des autres cantons.
J'ai également constaté - c'est une question assez technique également, mais qui a son importance - que les montants de l'impôt à la source des frontaliers sont compris dans la péréquation. A mon sens, il faut que le calcul soit le plus juste possible, et là aussi, des négociations sont à mener. Il s'agit ici d'une séance publique, ce n'est pas le lieu de pourparlers, mais c'est celui où on peut exprimer des désirs et des volontés; c'est sans doute le bon moment, puisque nous sommes aux comptes, voilà pourquoi je me permets de le faire. Je n'évoquerai pas - en tout cas pas pour l'instant - la question de la rétrocession à la France. Merci, Monsieur le président.
M. Stéphane Florey (UDC). Bon, une chose est sûre aujourd'hui, c'est qu'à Genève, on continue à payer beaucoup trop d'impôts, à être fortement ponctionnés alors que les ménages s'en sortent de moins en moins et connaissent des fins de mois toujours plus difficiles.
En ce qui me concerne, j'ai une question à poser à Mme la conseillère d'Etat. En France, on entend à longueur de mois - certaines chroniques ressortent cela régulièrement - que le Français qui paie des impôts, en moyenne, à partir du 16 de chaque mois, travaille pour l'Etat. Il s'agit d'un fait établi, toutes les études le démontrent clairement: vous êtes travailleur en France, vous payez des impôts, à partir du 16 du mois, vous ne travaillez plus pour vous-même, pour vos propres besoins, pour votre famille, pour nourrir et loger vos enfants, vous travaillez pour l'Etat.
Ma question à Mme la conseillère d'Etat est la suivante: existe-t-il ce type d'études à Genève ? Sommes-nous capables de déterminer à partir de quelle date le Genevois qui paie des impôts travaille pour le canton ? Voilà ma question. Je vous remercie d'y répondre si vous avez l'information.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais rebondir sur la question de la RPT. Ma question s'adresse à Mme Fontanet, magistrate. Nous payons actuellement un montant important, Genève est l'un des six cantons contributeurs pour le reste de la Suisse. Mon souci concerne le futur, car vu nos excédents énormes, pour ne pas dire plus, nous aurons des problèmes à l'avenir, peut-être dès 2027 ou 2028: il nous faudra ajuster notre versement fédéral. Je ne sais pas si la somme va doubler, mais elle va en tout cas augmenter fortement. Je vous serais reconnaissant, Madame la conseillère d'Etat, d'avoir l'amabilité de me répondre sur ce point. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Monsieur le président, j'aimerais très brièvement indiquer à M. Florey - vous transmettrez - que personne, ni en France, ni en Suisse, ni ailleurs ne travaille pour l'Etat. Vous travaillez pour bénéficier d'une certaine sécurité, vous travaillez pour que vos enfants puissent aller à l'école... Je ne veux pas énumérer l'ensemble des politiques publiques menées ici, mais personne ne travaille pour l'Etat.
M. Sylvain Thévoz (S). Les comptes 2022 de l'Etat de Genève affichaient déjà un excédent considérable de 727 millions de francs, qui contrastait avec le déficit de 93 millions prévu au budget. Ce résultat positif nous avait alors été expliqué avant tout par des revenus fiscaux hors norme, exceptionnels, extraordinaires. Les comptes 2023, eux, présentent un excédent record de 1,4 milliard de francs, alors qu'un déficit de 476 millions avait été inscrit au budget. Il s'agit d'une augmentation des recettes de plus de 20% par rapport au montant budgétisé.
Une telle variation dans les prévisions, une telle différence de résultats entre le budget et les comptes n'est pas acceptable. Dans quelle entreprise, Mesdames et Messieurs, pourriez-vous vous tromper à ce point et vous en satisfaire ? La droite aime comparer le budget de l'Etat à celui d'un ménage; quel ménage genevois, au moment de boucler ses comptes, réalise tout à coup qu'il enregistre 20% de revenus de plus que prévu, que son salaire a augmenté de 20% à la fin du mois ? Aucun. Jamais.
La ficelle est trop grosse, le Conseil d'Etat à majorité de droite veut nous embobiner. Il a voulu accomplir rapidement la promesse faite dans son programme de législature de baisser les impôts. Ainsi, il a volontairement sous-estimé les rentrées fiscales au moment du budget 2023 pour s'ébahir de bénéfices gargantuesques aux comptes et essayer de nous faire croire que l'argent tombe littéralement du ciel et qu'il peut désormais faire des cadeaux fiscaux aux plus fortunés, et ce sur le dos des classes moyennes et populaires. Nous ne sommes pas dupes.
Le peuple votera en septembre et novembre sur deux projets de lois visant à faire des cadeaux fiscaux aux plus aisés de ce canton; des cadeaux fiscaux qui ont été soufflés au Conseil d'Etat par les mêmes personnes que celui-ci a consultées pour ses projections fiscales et pour la construction du budget 2023. La prudence à géométrie variable du Conseil d'Etat est jetée aux orties quand il s'agit de complaire aux milieux qui l'ont élu.
Mesdames et Messieurs, nous, contrairement au MCG, sommes pour une participation genevoise à la péréquation intercantonale; nous sommes profondément patriotes, attachés à nos liens confédéraux, et nous pensons que Genève doit rester un canton contributeur via la péréquation intercantonale. Mais nous avons surtout besoin de sincérité, Mesdames et Messieurs, et au moment où les fortunes continuent à progresser de manière extraordinaire à Genève, au moment où la croissance est bonne - c'est la BCGE qui l'affirme -, une énorme marge demeure pour une redistribution plus équitable à travers l'impôt, et notre dette - c'est également quelque chose que la droite rappelle régulièrement - pourrait rapidement être remboursée. Il n'est donc pas temps de faire des cadeaux fiscaux aux plus gros contribuables, qui n'en ont pas besoin.
Mesdames et Messieurs, s'ils sont le reflet d'un dynamisme économique à relever, ces comptes sont surtout le résultat biaisé d'une planification financière approximative et non sincère. Standard & Poor's donne la note AA au canton de Genève, cela ne nous étonne guère; de notre côté, nous lui flanquons un B- et ne voterons pas cette politique publique. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (LC). Je n'avais pas l'intention de le faire, mais je suis à nouveau contraint de réagir. Je voulais parler de comptabilité, mais M. Thévoz m'oblige à évoquer le fond. Il a tenu un propos intéressant: «L'argent ne tombe pas du ciel.» C'est bien la première fois que je l'entends dire quelque chose de juste en matière fiscale... (Rires.) ...parce que d'habitude, il croit plutôt que l'argent pousse sur les arbres. Voilà, donc ce que vous avez indiqué est exact, l'argent ne tombe pas du ciel: il se gagne par la productivité, par l'activité de nos entreprises. Je le redis, ce n'est pas l'Etat qui crée la richesse, mais bien le dynamisme privé.
Par ailleurs, la gauche s'étonne du fait que les comptes présentent une volatilité par rapport aux prévisions, mais il y a une raison très simple à cela que l'on répète depuis à peu près cinquante ans - on ne va pas dire depuis 1917 -, c'est qu'à Genève, les recettes fiscales dépendent d'un nombre extrêmement restreint de contribuables: un petit nombre de personnes physiques et un très, très petit nombre de personnes morales. Tant et si bien qu'il suffit qu'une ou deux entreprises surperforment ou, au contraire, sous-performent pour qu'il y ait une volatilité terrible des revenus fiscaux. C'est ce que l'on vous martèle à longueur d'année, j'espère que vous finirez par le comprendre.
Vous ne pouvez pas accuser le département de ne pas se fonder sur des chiffres précis, parce qu'il n'y a pas une masse homogène de contribuables, au contraire, vous le savez très bien, il y a une pyramide fiscale. Et ce n'est pas - je le répète également - la pyramide de Gizeh, c'est vraiment le genre de pyramide que l'on retrouve chez les Mayas, extrêmement fragile à son sommet. Comme on vous le serine constamment aussi, il ne faut pas porter atteinte à ces contribuables-là, il ne faut pas les menacer, il ne faut pas les désécuriser en déposant sans arrêt des textes aussi absurdes que vains.
Au final, vous reprochez au département vos propres turpitudes, ce qui n'est pas acceptable. Mais tout de même, ce que je retiens aujourd'hui du député Thévoz - vous transmettrez, Monsieur le président -, c'est que l'argent ne tombe pas du ciel. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Je vais répondre aux différentes questions qui m'ont été adressées. Pour le député Florey - vous transmettrez, Monsieur le président -, je n'ai pas la réponse, nous ne disposons pas des éléments nous permettant de déterminer à partir de quel moment un contribuable non pas travaillerait pour l'Etat, mais affecterait son salaire au paiement de ses impôts, je ne possède pas cette information.
S'agissant des éléments soulevés par M. Baertschi sur la péréquation intercantonale, vous avez raison, Monsieur le député, celle-ci va augmenter. Tous les quatre ans, un rapport d'efficacité est réalisé à ce sujet. Les cantons, avec la Confédération et un groupe d'experts, décident s'ils ouvrent le système ou s'ils ne l'ouvrent pas, s'ils attendent davantage de temps.
Nous avons revu le rapport d'efficacité juste avant l'entrée en vigueur de la RFFA, et il a été décidé de ne pas le rouvrir. Toutefois, différents cantons ont émis des remarques, en particulier des cantons centres qui ont relevé que non seulement ils étaient régulièrement plus riches et donc contribuaient à la péréquation, ce qui est normal dans le cadre de notre système de solidarité, mais que leurs charges étaient souvent beaucoup plus importantes, des charges dont on ne prend pas en compte le coût réel; ils pensaient notamment au coût des universités et des hôpitaux universitaires.
Vous avez également mentionné l'aspect lié aux frontaliers; eh bien sachez qu'un canton - ce n'était pas Genève - a demandé que soit pris en considération le nombre de frontaliers travaillant sur son territoire. Aussi, ces questions seront réexaminées. Genève a soutenu différentes propositions, naturellement, et ces questions seront réexaminées dans quatre ans.
Je vais maintenant répondre au député... (Un instant s'écoule.) Pardon, j'ai un terrible blanc ! (Remarque.) Christo Ivanov, voilà, merci ! Monsieur Ivanov, vous avez totalement raison: la facture de la péréquation pour le canton de Genève va sensiblement augmenter, nous serons vraisemblablement le premier canton contributeur à partir de 2027 ou 2028; nous ne serons plus derrière les cantons de Zoug et de Zurich, nous serons en première position quant aux montants à verser, notre participation devrait avoisiner les 600 millions, il s'agit de sommes extrêmement importantes.
J'ai demandé à mes services s'il était possible de prévoir des provisions, comme le suggérait l'un de vos collègues. Eh bien il se trouve que les normes légales qui nous encadrent ne nous permettent pas d'inscrire des provisions au budget pour ce type de charges. Une loi en la matière est nécessaire, qui doit être adoptée et en force. Voilà.
Quant aux propos du député Thévoz - vous transmettrez, Monsieur le conseiller d'Etat... (Remarque.) Monsieur le président, pardon ! -, je les trouve indignes de la part d'un député qui siège à la commission fiscale, qui a reçu l'ensemble des informations des différents services, qui ne peut ignorer la réalité, mais qui prétend constamment, pour faire du bruit, connaître la seule vérité, en l'occurrence que le Conseil d'Etat aurait dissimulé des recettes.
J'aimerais rappeler à ce Grand Conseil deux chiffres relatifs à la situation des cantons qui nous entourent. En 2021, quinze cantons ont enregistré dans leurs comptes des revenus fiscaux significativement supérieurs aux budgets prévus tandis qu'en 2022, ce sont 17 cantons qui ont vécu la même situation. Vous transmettrez donc, Monsieur le président, que je n'accorderai pas plus d'importance que cela à ce genre de discours offensant et indigne. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Je mets aux voix la politique publique I «Impôts et finances».
Mise aux voix, la politique publique I «Impôts et finances» est adoptée par 47 oui contre 35 non et 2 abstentions.