Séance du
jeudi 20 juin 2024 à
14h
3e
législature -
2e
année -
3e
session -
11e
séance
IN 187-C et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous traitons à présent l'IN 187-C ainsi que le PL 13498 en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole à M. de Senarclens.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je vais vous parler d'un dossier assez ancien: la question de l'imposition au lieu de domicile. Il faut savoir qu'à Genève, nous connaissons une bizarrerie. La loi générale sur les contributions publiques, la LCP, prévoit que le contribuable genevois soit taxé sur son lieu de domicile ainsi que sur son lieu de travail lorsque ces deux communes sont différentes; il s'agit bel et bien d'une bizarrerie unique dans la Confédération. Ça pose des questions de souveraineté: le contribuable qui paie un impôt sur son lieu de travail ne peut évidemment pas prendre part aux votes ni même élire les personnes qui vont le représenter. On est donc en présence d'une véritable problématique institutionnelle.
C'est un vieux débat, je vous le disais, puisqu'il a déjà été abordé à la Constituante et, j'imagine, bien avant encore. Un projet de loi, le PL 11491, a été déposé en 2014 et figurait dans les méandres de l'ordre du jour de la commission fiscale. Grâce à l'initiative législative 187, déposée par l'UDC, ce débat est revenu dans l'actualité.
Cette initiative avait le défaut de prévoir une mise en oeuvre immédiate, sans que l'on puisse travailler sur les mécanismes péréquatifs qu'aurait imposés un tel changement de loi. C'est la raison pour laquelle notre Grand Conseil a proposé d'oeuvrer à un contreprojet, ce qu'a fait la commission fiscale. Celle-ci a travaillé de façon efficace: elle a d'abord entendu l'Association des communes genevoises et, évidemment, la magistrate chargée des finances. L'ACG s'est tout de suite montrée intéressée, a tout de suite dit avoir la volonté de travailler, de revoir ces mécanismes et, dans la mesure du possible, de tenir la plume pour un éventuel contreprojet, ce que la commission a vu d'un bon oeil. Dans ses premières prises de parole déjà, l'ACG déclarait que le système péréquatif est à l'heure actuelle à bout de souffle et qu'il fallait le revoir.
A la commission fiscale, nous avons laissé l'ACG travailler; celle-ci a bien oeuvré, puisqu'elle est revenue vers nous avec un projet ficelé, qui a été débattu dans la commission chargée des questions fiscales de l'ACG puis adopté à l'unanimité par celle-ci, sans aucune abstention. L'ACG a mené ce travail conjointement avec les services du département des finances.
Que dit ce contreprojet, qui a ensuite été accepté par la commission fiscale (et dont j'ai l'honneur d'être le premier signataire, puisqu'il fallait des députés pour reprendre ce texte préparé par l'ACG) ? Il prévoit un principe qui est stipulé dans l'article 143A: «L'imposition communale se fait au lieu de domicile.» L'article 143B prévoit des mécanismes de péréquation, des principes pour réduire les disparités que l'on peut trouver entre les communes en matière de capacité financière. Le principe que la loi d'application doit instituer des mécanismes de péréquation est posé. Dans l'article 143B, on nous dit quels critères vont être pris en compte dans cette loi...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Alexandre de Senarclens. ...c'est-à-dire le rôle des pôles urbains, le développement des logements, les infrastructures publiques, la structure de la population, les entreprises et les mesures environnementales, et aussi que le principe de concertation doit présider à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi d'application. J'ajoute un point important. La commission a considéré qu'il était important que cette dernière loi soit rédigée dans un certain délai, et on a posé un délai d'ordre qui devrait être tenu: cette loi devrait être adoptée au plus tard le 30 juin 2029.
Je ne vais pas parler plus longuement à ce stade. La majorité est favorable à ce contreprojet qui permet de poser des principes et de retravailler la péréquation à bout de souffle. Je vous remercie de réserver un bon accueil à ce texte et de le défendre. Merci, Monsieur le président.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative et le contreprojet qui en est dérivé constituent en fait le troisième volet d'une offensive fiscale assez inouïe que la population doit subir depuis le début de cette législature. Tous trois vont poser d'importants problèmes de capacité à financer les prestations publiques ainsi que de justice et d'équité sociale et environnementale. Le projet qu'on nous propose aujourd'hui soulève de plus la question de l'équité spatiale, au sens géographique du terme, c'est-à-dire l'équité entre les différentes parties de notre canton.
Pour illustrer cela, je me suis permis de prendre une carte un peu stylisée de notre canton et je vais vous présenter deux résidents genevois: Jean-Eudes ici... (L'orateur place un premier personnage Playmobil sur une carte du canton posée sur son pupitre.) ...qui habite Vandoeuvres et qui a eu la chance d'hériter d'une petite entreprise, un cabinet de conseil dont il est l'heureux propriétaire; il détient les titres non cotés. Et, grâce à l'abattement fiscal sur l'outil de travail, il fait partie des 23 entrepreneurs dans ce canton qui se partageront la moitié de ce que le canton met sur la table: il va donc gagner un montant de l'ordre de 500 000 francs sur le volet «outil de travail». Son emploi lui rapporte des revenus relativement confortables. Par ailleurs, on a voté une baisse de l'imposition sur les personnes physiques: ce seront 100 000 francs de plus qui lui permettront sans doute d'améliorer son train de vie. Il en avait probablement besoin, vous l'imaginez bien.
En face, voici Maria... (L'orateur pose un second personnage Playmobil sur la carte.) ...qui habite à Vernier. Elle aussi est une petite entrepreneuse: elle possède une petite onglerie avec deux collaboratrices, mais elle, elle a dû s'endetter pour s'offrir son onglerie. Maria était toute contente d'apprendre qu'elle pourrait récupérer quelque chose sur l'outil de travail, puisqu'elle remplit les conditions, mais elle a un peu déchanté en réalisant que, comme plus de la moitié des entrepreneurs concernés par cet abaissement, elle touchait à peine 100 francs par année. Il est inutile de dire que, s'agissant du volet des personnes physiques, elle se réjouissait, parce qu'on lui disait qu'elle était au sommet de la courbe, elle aurait 10% de baisse de son impôt sur les personnes physiques. Malheureusement pour elle, elle ne paie que 5000 francs par année: ça revient à 500 francs, soit pas même un café tous les deux jours.
On arrive au troisième volet, le volet spatial, géographique. Il se trouve que Jean-Eudes prend tous les jours son SUV pour aller dans son cabinet de conseil à Genève. (L'orateur déplace le premier personnage Playmobil.) Il pense que ce n'est pas tout à fait normal de payer des impôts également en Ville de Genève, une commune dont il utilise les prestations au quotidien. Ça revient un peu cher, d'autant plus que grâce à la part privilégiée - vous connaissez le système -, il ne paie que 20% sur sa commune de domicile. Voilà la raison de cette troisième offensive.
La version originale de cette troisième offensive est, comme le rapporteur de majorité l'a très bien dit, cette initiative franchement inacceptable, parce qu'elle génère entre les communes des iniquités inadmissibles. Quant au contreprojet, du moins tel qu'il est présenté dans l'exposé des motifs de l'ACG, il constitue une version édulcorée de l'initiative. Certes, il y a des mécanismes de péréquation. Et heureusement ! Dans toutes les situations pareilles, il en existe. Certes, ceux-ci sont définis, mais il n'empêche que - et c'est clairement exprimé dans l'exposé des motifs - ces mécanismes de péréquation ne doivent pas annuler l'effet de l'imposition exclusive au lieu de domicile, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir des écarts qui, si on appliquait telle quelle l'initiative 187... Je vous renvoie au rapport du Conseil d'Etat IN 187-A: les écarts auraient été de -15% pour certaines communes populaires de la couronne urbaine, jusqu'à +40% pour certaines communes, dont la commune de résidence de Jean-Eudes. Ces effets seraient amoindris, mais on ne sait pas si ça passerait de -5% à +20% ou de -7% à +25% en définitive, car ce texte constitutionnel est une coquille vide, ce qui est l'autre aspect qui nous pose problème: dès le moment où la population l'acceptera, les communes vont commencer à s'écharper pour déterminer le contenu concret de cette péréquation.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Toujours est-il que, quoi qu'il arrive, quel que soit le contenu concret, l'abolition du principe de la part privilégiée fera de la commune de Jean-Eudes une commune aux revenus extraordinairement plus élevés, mais avec un centime additionnel bien plus bas que les autres communes du canton. Malgré la péréquation, cela permettra à cette commune de baisser davantage le centime additionnel et à Jean-Eudes d'économiser encore des centaines de milliers de francs d'impôt par rapport à la situation actuelle.
Evidemment, notre pauvre Maria, qui se trouve de l'autre côté du Rhône, sur la rive droite, dans ces zones qui cumulent un certain nombre de difficultés et de nuisances, habitera dans une commune qui n'aura plus alors les moyens de payer les prestations à sa population et qui, mécaniquement, va devoir augmenter son centime additionnel.
Ce projet, Mesdames et Messieurs, consiste à établir une sorte de Monaco-sur-Léman. J'ai apporté deux ou trois palmiers pour figurer cette situation... (L'orateur place sur la carte un décor représentant une île surmontée de deux palmiers et un tonneau, sur laquelle il pose le premier personnage Playmobil.) ...que nous refusons. Je reprendrai peut-être la parole plus tard, ou mon collègue Pierre Eckert le fera, pour aller plus loin dans les détails. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons évidemment à refuser ce contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (LC). Je dois dire que j'ai été presque autant effaré par l'intervention du rapporteur de minorité que par la lettre du GSsA, premier soutien de la Russie... C'est vous dire comme j'ai été effaré ! Cela étant, je précise: je regrette un peu les propos utilisés par le rapporteur de minorité, qui qualifie le travail de l'ACG, donc des communes genevoises, de coquille vide. Au contraire ! C'est un travail méritoire, qui était difficile et qui a l'immense mérite d'apporter des solutions à un problème important. Tout le monde est d'accord pour considérer que la péréquation intercommunale arrive à la fin de l'exercice. Ce sont les propos qui nous ont été répétés et répétés, notamment par l'ACG. Pourquoi est-elle en bout de course ou, pourrait-on dire, au bout du rouleau ? Tout simplement parce que du fait des interventions successives du législateur, on a accumulé des couches de mille-feuille qui rendent aujourd'hui le système absolument incompréhensible. Dans la LRPFI et la LCP, il existe différentes mesures qui, superposées, rendent le système totalement illisible. Le fait qu'on ait un système illisible en matière d'imposition n'est pas sain, car le contribuable doit comprendre ce qu'il paie et où va son argent.
On a, par exemple, une contribution générale des communes à fort potentiel de ressources en faveur des communes à faible potentiel de ressources; on a une contribution de ville-centre en faveur de la Ville de Genève à charge d'autres communes; on a une contribution destinée à la prise en charge des intérêts des dettes contractées par les communes; on a une contribution destinée au financement partiel des frais de fonctionnement des structures d'accueil; on a un fonds intercommunal; on a une contribution destinée au financement de l'accueil d'urgence; on a un fonds de compensation suite à la suppression de la taxe professionnelle; etc., etc.
Ce que nous a dit l'ACG et ce qu'elle a fait au travers de ce contreprojet, c'est finalement remettre le mécanisme en place, fixer des principes généraux, plus précisément deux principes généraux: premièrement, la fiscalité au lieu de domicile, l'imposition au lieu de domicile et, deuxièmement, une péréquation financière intercommunale solidaire, juste, équilibrée et fondée sur des critères objectifs. Je ne vois pas comment on peut s'opposer à des mesures de simple bon sens. Nous dire, soutenir, voire oser soutenir que l'imposition au lieu de domicile est injuste et créerait des inégalités est une ineptie ! Pourquoi est-ce une ineptie ? Tout simplement parce que ce système existe dans tous les cantons suisses, dans tous les pays d'Europe et dans tous les pays du monde ! Alors oser soutenir que l'imposition au lieu de domicile serait injuste revient à prétendre que l'imposition dans tous les lieux du monde hormis à Genève serait injuste, ce qui ne manque pas d'audace !
Tout ça pour vous dire qu'il est aujourd'hui urgent de réformer le système. Les communes nous le demandent, le Tribunal fédéral aussi. Ce dernier a dit, avec une certaine mesure, que le système était conforme à la Constitution, mais qu'il était quand même important de le réformer. Ça porte atteinte au contrat social. Une personne qui paie des impôts doit pouvoir voter dans sa commune sur le taux d'imposition. La lisibilité est importante. L'inefficience du système actuel doit aussi être soulignée, parce que les inégalités entre les communes n'ont fait que s'accentuer. Pour ces raisons, Le Centre vous invite à soutenir ce contreprojet. Merci.
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Avec l'initiative, comme avec le contreprojet, on joue aux apprentis sorciers. Nous avons un système qui tient compte actuellement de manière intelligente du lieu de domicile et du lieu de travail, un système qui ne pénalise pas les communes suburbaines, les communes populaires. D'une manière ou d'une autre, ces propositions vont avoir de très graves conséquences dans une partie de Genève, celle qui crée de la valeur, qui est la plus active, la plus modeste. De plus, cerise sur le gâteau, on aura la menace de voir l'entier des impôts des frontaliers partir de l'autre côté de la frontière. Ce système-là entraînera des bouchons, des problèmes de rareté d'emploi, une surconcurrence. Nous aurons tous les problèmes et nous devrons encore payer la facture pour tous les dégâts apportés par les frontaliers permis G. Le MCG s'oppose donc catégoriquement à l'initiative et au contreprojet.
Une voix. Bravo !
M. Christian Steiner (MCG). Il faut que j'amène quelques précisions. Même si nous sommes le seul canton suisse à prélever un impôt sur le lieu de travail et sur le lieu de domicile, ce n'est pas un motif de changement, parce que le droit international prévoit une imposition sur le lieu de travail.
Une voix. C'est faux !
Une autre voix. Vas-y, continue !
M. Christian Steiner. On pourra en rediscuter. En outre, un des problèmes principaux est que ni cette initiative ni le contreprojet ne prennent en compte l'imposition à la source, et c'est là que le bât blesse: avec 111 800 frontaliers à fin mars 2024, ce serait dans les faits une incitation à engager des frontaliers dans les communes et à toucher une partie de l'impôt qu'elles versent, au contraire des résidents d'autres communes genevoises. Il y a déjà assez de frontaliers qui travaillent dans les communes !
Mon préopinant, M. Baertschi, a évoqué le risque suivant: on a un accord fiscal unique par rapport aux autres cantons, il nous est très défavorable, a cinquante ans et va devoir être renégocié. Or, si on privilégie un prélèvement sur le lieu de domicile, on risque de se retrouver avec la même imposition, ou encore pire, que celle de nos cantons voisins.
Sur le fond, cette initiative et le contreprojet, qui précise que la péréquation n'annulera pas tous les effets de ce changement, constituent en effet une baisse d'impôts pour les résidents de quelques communes riches de la rive gauche. Or, la majorité de ce Grand Conseil a adopté, il y a peu de temps, la loi 13402, qui accorde une baisse beaucoup mieux répartie, avec des mesures compensatoires comme la gratuité des TPG.
J'arrive au terme de mon temps de parole, mais j'aimerais encore dire que s'agissant de la péréquation, ce n'est effectivement pas le moment de rajouter une couche, en plus de la LRPFI, de la suppression de la taxe professionnelle communale, qui n'a pas encore atteint ses effets, de la baisse de revenus des communes engendrée par la loi 13402, de la répartition des tâches, qui n'a pas fini non plus d'étendre ses effets. Dans ces conditions, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le contreprojet. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous n'oublions pas d'où vient l'initiative et, bien entendu, le contreprojet qui l'accompagne. L'initiative émane d'un parti qui souhaite affaiblir les villes, car les villes signifient trop de crèches, trop de culture, trop de social ! Il faut donc affaiblir les villes. Même si le contreprojet est ouvert, puisqu'on ne fait que fixer un certain nombre de principes, il ne corrigera que partiellement, selon les dires de l'ACG, les disparités introduites par l'imposition sur le seul lieu de domicile. Même si l'effet final est neutre, on va passer peut-être cinq ou dix ans - on a fixé cinq ans - à effectuer un immense travail pour des résultats identiques. En matière d'efficience, on a déjà vu mieux !
En outre, M. Desfayes - vous transmettrez, Monsieur le président - pense que le résultat sera une péréquation plus simple, mais je n'y crois pas une seconde: il va bien entendu falloir mettre en place une péréquation renforcée, puisque, et le rapport du Conseil d'Etat l'a démontré, les disparités entre les diverses communes seront encore plus grandes. Le rapporteur de minorité, dont je soutiens totalement les propos, l'a souligné. La péréquation sera bien plus compliquée qu'elle ne l'est maintenant.
En dernier lieu, nous avons toujours soutenu que le principe d'imposition sur le lieu de travail a un sens. C'est même extrêmement moderne, et tous les autres cantons suisses vont très probablement y venir. Je trouve que c'est vraiment bien, puisque passablement de communes mettent à la disposition des personnes qui travaillent sur leur territoire un certain nombre d'infrastructures, notamment des crèches, à des tarifs meilleur marché. Nous refusons ce premier principe du contreprojet, à savoir celui d'introduire dans la constitution l'imposition sur le seul lieu de domicile, et appelons par conséquent à refuser ce texte. Je vous remercie.
M. Stefan Balaban (LJS). Je tiens tout d'abord à saluer la créativité du rapporteur de minorité: Monaco-sur-Léman, ça, c'est vendeur ! Je suis sûr qu'il aura un excellent partenariat avec Genève Tourisme et que, grâce à lui, on aura de nouveaux touristes à Genève.
Concernant le contreprojet, beaucoup d'arguments et de contre-arguments ont été avancés, mais il faut quand même rappeler et marteler qu'il a été présenté par l'ACG. Elle s'y est engagée, elle l'a fait, elle a tenu sa parole; il a été accepté à l'unanimité par les communes. Je dois dire que la façon dont il a été rédigé et présenté est relativement correcte: si l'on prend l'exemple des autres cantons, la péréquation financière intercommunale figure dans la constitution. On supprime ici une Genferei supplémentaire que nous avons. Il faut donc accepter ce contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Yvan Zweifel (PLR). On fait tous de la politique dans cette salle, on peut évidemment ne pas être d'accord pour des questions idéologiques, mais ce serait quand même bien qu'on ne raconte pas n'importe quoi sur des questions techniques. Mesdames et Messieurs, on a d'abord eu droit au cliché du siècle amené par notre collègue Julien Nicolet-dit-Félix: on a expliqué que Jean-Eudes, un homme blanc de droite, j'imagine, vit à Vandoeuvres et qu'il y a, en face, Maria, habitant à Vernier - je passe sur le reste. Vous nous rabâchez à longueur de temps qu'il faut sortir de ces clichés, et c'est vous le premier qui en faites. C'est quand même assez hallucinant, mais passons sur le cliché que tout le monde aura reconnu !
Ce même député nous explique que des baisses de prestations auront lieu en raison d'un projet qui ne nous amène à voter ni sur une baisse ni sur une hausse d'impôts. Il n'y a pas de baisse d'impôts, il n'y a pas de hausse non plus, mais il y aura une baisse des prestations ! On aura compris que, quoi qu'on fasse avec les impôts - qu'on les augmente, qu'on les baisse, qu'on ne les touche pas, qu'on les retouche -, pour la gauche, c'est de toute façon une baisse de prestations. Ce n'est pas de bol, parce que la vérité nous montre l'exact contraire: les prestations ne font qu'augmenter, les charges de l'Etat augmentant de manière plus importante que la population, vous le savez.
Après, j'ai entendu les représentants du MCG nous expliquer que le principe de base au niveau mondial était l'imposition sur le lieu de travail. C'est faux ! Le principe de base reconnu dans tous les pays au niveau mondial et dans les 25 autres cantons de notre pays, c'est un assujettissement illimité au lieu de domicile. Vous avez des exceptions, ce qu'on appelle des assujettissements limités pour des choses particulières, par exemple un immeuble (l'immeuble est fiscalisé là où il se trouve) ou une activité d'indépendant. Pour répondre à la question de M. Nicolet-dit-Félix, qui nous explique que Jean-Eudes, indépendant dans son cabinet, si j'ai bien compris, pourra profiter de la baisse de l'imposition sur l'outil de travail, je précise que non, Monsieur Nicolet-dit-Félix, il sera toujours imposé sur le lieu où se déroule son activité indépendante, c'est-à-dire sur la Ville de Genève. Voilà, vous êtes rassuré !
Le MCG nous explique encore que l'accord que la Suisse, et pas nous, a fait pour Genève en 1973, serait plus mauvais que celui des autres cantons. Pourtant, concernant ceux-ci, c'est la France qui prélève l'impôt et le redistribue à la Suisse, ou plutôt au canton concerné, quand elle en a bien envie, alors que concernant Genève, c'est nous qui le prélevons et le redistribuons. Mesdames et Messieurs du MCG, on peut ne pas être d'accord avec la redistribution, estimer qu'elle est trop importante, il n'y a aucun souci, mais nous expliquer que l'accord de 1973 serait plus mauvais que l'autre... Demandez aux autres cantons ce qu'ils en pensent, ils seraient tous d'accord d'avoir le nôtre ! Encore une fois, on ne parle pas de ça. Je vois mal un pays dire à Genève: «On revoit tout ce qui concerne l'impôt à la source.» Ce que va faire Genève grâce à ce contreprojet ou cette initiative (nous souhaitons évidemment le contreprojet), c'est ce que les Français font chez eux.
Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, l'ACG demande elle-même une réforme de la péréquation, on l'a déjà relevé. Le contreprojet est logique, il applique un principe appliqué partout ailleurs dans le monde. Arrêtons par conséquent de penser qu'à Genève on est les meilleurs et plus malins que les autres et faisons ce que les autres font, parce qu'a priori, ils le font mieux que nous.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme on l'a déjà fait tout à l'heure, je rappelle que cette initiative vient des rangs de l'UDC, qui, au niveau suisse, ne supporte plus les villes et les communes urbaines, disant que les bobos de gauche qui y habitent sont, pour la Suisse, des parasites et qu'il faudrait changer les politiques de ces villes de gauche. On voit donc bien le projet politique derrière: affaiblir et appauvrir les villes. Même si on parle du contreprojet, je vous rappelle juste que les effets financiers de l'initiative représenteraient une perte d'environ 50 millions pour la Ville de Genève, 11 millions pour Lancy, 12 millions pour Carouge et 8 millions pour Vernier, pour ne citer que ces communes-là, alors que, vous le savez, Mesdames et Messieurs, ces villes-centres offrent des prestations non seulement pour leurs communiers, mais aussi pour l'ensemble de la population du canton, voire pour l'ensemble de la population de la région.
On parle, par exemple, de la culture, des grandes institutions. Le Grand Théâtre est souvent cité, mais on peut évoquer La Comédie, les autres théâtres, etc. On peut bien sûr songer aux infrastructures sportives: aujourd'hui, tout le monde va dans les piscines de Lancy, de Carouge, de la Ville de Genève, sans habiter spécialement dans ces communes-là. C'est la même chose à propos des plages. On peut penser à la patinoire des Vernets - qui nous est certainement chère - financée par la Ville de Genève. Tout le monde va soutenir Genève-Servette et se réjouit de son titre précédent, mais c'est dans une infrastructure communale que ce titre a pu être gagné - j'en passe et des meilleures.
On ne parle pas que des infrastructures, il y a aussi énormément de manifestations: les préparatifs de la Fête de la Musique, par exemple, la fan zone de Plainpalais en ce moment pour l'Euro, etc. Toutes ces manifestations extrêmement populaires le sont pour l'ensemble de la population.
Pour le parti socialiste, il est tout à fait logique que les gens paient en partie leurs impôts sur leur lieu de domicile, car des prestations sur le lieu de domicile sont délivrées par la commune. Mais c'est aussi logique d'être imposé partiellement sur le lieu de travail, parce qu'on passe une partie de notre vie sur notre lieu de travail et on y utilise les infrastructures, les aménagements, etc.
Concernant ce contreprojet, Monsieur le président, on entend qu'il a été travaillé par l'ACG et que toute l'ACG est venue d'une manière consensuelle nous présenter une solution, comme le dit M. Desfayes. Monsieur Desfayes, ce contreprojet ne présente aucune solution concrète; c'est en fait de la poudre aux yeux pour qu'on repousse l'échéance un maximum et qu'on dise: «Voilà, on vote ce contreprojet et on vote contre l'initiative de l'UDC qui va faire perdre de l'argent aux communes.» Ce contreprojet stipule simplement qu'il faudra élaborer une loi d'application pour reprendre tous les mécanismes péréquatifs, mais, et c'est ce qui nous inquiète au parti socialiste, on lit ce qui suit dans l'exposé des motifs de l'ACG: «L'objectif du maintien d'un système de péréquation - entièrement refondu - n'est évidemment pas de neutraliser les effets du principe de la fiscalisation au lieu du domicile.» Comme je l'ai déjà souligné, les effets de ce principe-là sont l'affaiblissement et l'appauvrissement des villes. Le parti socialiste est donc très clair: nous ne voulons ni de l'initiative ni du contreprojet. Merci, Monsieur le président.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, mes préopinants l'ont dit, cette réforme est une réforme équilibrée. J'aimerais vous rappeler la réforme de la taxe professionnelle récemment votée par ce parlement: l'imposition passe de 13,99% à 14,7% pour les PMI-PME et à 15% pour les grandes entreprises, pour être ainsi aux normes de l'OCDE. Je rappelle que dans ce deal, si j'ose dire, les communes sont gagnantes, puisqu'elles vont encaisser entre 115 et 120 millions de francs par année, soit beaucoup plus qu'actuellement. Les communes ont donc été gagnantes dans la réforme de la taxe professionnelle. Ça permet pour les entreprises une grande clarification; fiscalement, elles n'ont plus à remplir de formulaires chaque année par rapport à leur chiffre d'affaires ou au nombre d'employés, etc., etc.
Il ne faut pas avoir peur, et j'entends toujours la gauche, et spécialement le parti socialiste, crier: «On va vers une régression sociale, on va diminuer les prestations.» Mais c'est faux ! On va traiter les comptes aujourd'hui, et regardez les augmentations en matière sociale. C'est une évidence ! Même un aveugle les verrait !
En ce qui concerne les communes genevoises, j'aimerais quand même vous lire ce qui a été dit, ça va ainsi simplifier le débat: «S'agissant de la nouvelle péréquation des ressources, [l'ACG] a conscience que le système est à bout et que le dernier renforcement de la LRPFI déploiera pleinement ses effets en 2025. Elle souligne qu'il s'agit d'un énorme travail», etc., etc.
Par rapport à l'article 143B, l'ACG écrit ce qui suit: «L'élaboration des textes législatifs nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 143B sera une affaire de longue haleine, s'étendant nécessairement sur plusieurs années.» C'est une évidence ! On a un système à bout de souffle, il faut donc en créer un nouveau. Il est évident qu'on a besoin d'aller de l'avant, et ce contreprojet est un premier jet dans la bonne direction; ça permet une véritable réforme fiscale dans ce canton. L'outil de travail pénalise les entreprises, comme le rapporteur de majorité l'a dit; l'imposition sur le lieu de travail ne se fait qu'à Genève et pas dans les autres cantons, ni en Europe, ni ailleurs dans le monde. Une Genferei de plus, comme d'habitude ! Le groupe UDC vous demande de bien vouloir accepter le contreprojet. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Nicolet-dit-Félix pour cinquante-six secondes.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'interviens rapidement pour préciser deux points. Le premier concerne la complexité du système péréquatif: nous ne la nions pas. Il y a sans doute des améliorations possibles, mais le système péréquatif n'est pas à bout de souffle, comme le département des finances nous l'a confirmé, il est tout à fait viable à long terme. Vous conviendrez néanmoins, Mesdames et Messieurs, que si le véritable objectif est de réformer un système potentiellement dysfonctionnel, le meilleur moyen de faire capoter cet objectif est de l'associer avec ce qui relève d'une vraie révolution fiscale qui va dresser une bonne partie des communes les unes contre les autres. S'il y a une réelle volonté de réformer la péréquation, la pire des choses qu'on puisse faire est d'adosser, de lier cette réforme à l'abandon du principe d'imposition partielle au lieu de travail.
Quant à l'ACG, qui est effectivement venue avec son projet, elle nous a dit qu'il fallait planifier énormément de temps pour imaginer une loi d'application. La droite a décidé...
Le président. Vous devez terminer.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...contre l'avis de l'ACG de réduire ce temps...
Le président. Monsieur le député, vous devez mettre fin à votre intervention.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...ce qui est une démonstration de défiance face à l'Association des communes genevoises. C'est, encore une fois, pour ces raisons qu'il faut refuser ce contreprojet. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de majorité, vous n'avez plus de temps de parole. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13498 est adopté en premier débat par 47 oui contre 45 non.
Le projet de loi 13498 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13498 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 47 oui contre 46 non (vote nominal).
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 187-C.