Séance du
vendredi 31 mai 2024 à
16h15
3e
législature -
2e
année -
2e
session -
9e
séance
M 2597-A
Débat
Le président. Nous abordons maintenant la M 2597-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. M. Murat-Julian Alder étant absent, son rapport sera présenté par M. Jacques Béné, à qui je donne la parole.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion, comme c'est écrit dans le rapport de minorité de M. Wenger, vise à «rétablir l'égalité de traitement entre le personnel de l'Etat et l'ensemble du personnel» des EMS. Ce qui laisse supposer que l'égalité de traitement n'existe pas, sauf que cela n'a absolument pas été démontré par les motionnaires, qui se basent sur trois cas anonymes, en plus non documentés, pour étayer leur sujet. Tout est fondé sur des suppositions afin de discréditer les établissements privés que sont les EMS, alors même que l'ensemble de ces établissements offrent des conditions de rémunération et de travail très favorables, notamment parce qu'ils appliquent l'échelle salariale de l'Etat et qu'il y a des conventions collectives de travail.
Si l'on compare avec le secteur du nettoyage par exemple - deux cas sont mentionnés dans l'exposé des motifs -, les salaires dans les EMS sont environ 20% plus élevés que dans une entreprise de nettoyage privée, si l'on tient compte bien évidemment de la durée du travail, plus faible en EMS que selon la convention collective de travail du nettoyage, et si l'on tient également compte des autres avantages, en particulier le plus faible nombre d'heures de travail annuel, puisque en règle générale, si on est employé des EMS, on a plus de vacances que dans une entreprise de nettoyage privée, on a en plus le pont de Noël, etc., etc.
Les EMS sont soumis à une convention collective de travail et à des contrats de prestations avec l'Etat. Ces conventions collectives sont signées par les partenaires sociaux, notamment par les syndicats, comme Unia, le SIT ou encore le SSP. On a donc de la peine à comprendre pourquoi ce ne sont pas les syndicats qui, le cas échéant, interpellent le Conseil d'Etat, ou bien les employés eux-mêmes qui, s'ils s'estiment lésés, agissent en justice. On comprend encore moins pourquoi les motionnaires n'ont pas simplement adressé une question écrite urgente au Conseil d'Etat.
Ce texte demande au Conseil d'Etat d'appliquer la loi, mais ne démontre nullement qu'elle n'est pas appliquée. Plusieurs EMS seraient concernés. Combien ? On n'en sait rien. Les motionnaires essaient de nous faire prendre leurs certitudes pour des vérités.
Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas besoin de vous le rappeler, le Grand Conseil n'est pas un pouvoir exécutif, n'en déplaise à certains, et n'a pas à s'immiscer dans l'opérationnel, qui est le rôle du Conseil d'Etat et des EMS eux-mêmes. Les règles en vigueur - très, voire trop contraignantes - qui encadrent le fonctionnement des EMS sont appliquées. C'est très bien ainsi et c'est largement suffisant. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous recommande de refuser cette proposition de motion.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est une motion qui date, et le dépôt du rapport remonte à avril 2020. Ça montre le délai de traitement d'un certain nombre d'objets dans notre parlement.
Ce texte est intitulé: «A travail égal, salaire égal (pour le respect des règles de fixation des annuités à l'engagement au sein des EMS)». Comme on l'a dit, il vise simplement à rétablir, Monsieur le président, l'égalité de traitement entre le personnel de l'Etat et l'ensemble du personnel engagé par les EMS. Alors est-ce nous, les socialistes, qui voulons le rétablir, ou est-ce le MCG ? Non ! C'est dans la loi ! Le canton soutient financièrement les EMS, mais en contrepartie, des règles accompagnent ce soutien financier, qui est extrêmement important. Ces règles concernent notamment le statut des salariés de ces établissements et contiennent la grille d'évaluation; il s'agit des articles 17 de la loi sur la gestion des établissements pour personnes âgées et 19 de son règlement d'application, renvoyant, Monsieur Béné, aux normes qui prévalent au sein du service public. Donc, Etat de Genève et EMS: égalité de traitement !
Ce n'est pas très compliqué, sauf que, manifestement, ce n'est pas appliqué dans l'ensemble des EMS. Vous l'avez mentionné, il y a dans l'exposé des motifs plusieurs cas de salariés anonymisés qui ont été ou qui seraient lésés. Pourquoi sont-ils anonymisés ? Vous le savez mieux que moi, Monsieur Béné, si ces personnes témoignaient, on va dire, à visage découvert, avec leur nom, elles pourraient bien sûr craindre des représailles, ce qui s'est malheureusement déjà vu.
On ne parle pas, Monsieur Béné, de grands salaires avec bonus, etc., on parle de personnes qui travaillent dans des EMS, qui ont des salaires relativement modestes: le calcul des annuités est effectivement important dans le cadre de la rémunération globale des personnes qui travaillent aujourd'hui au plus proche de nos seniors.
Alors vous parlez de suppositions, de cas qui seraient un peu factices ou pour lesquels on n'a en tout cas pas pu creuser, etc. Pourquoi, Monsieur Béné, n'a-t-on pas pu creuser ? Parce que simplement, à 7 voix contre 7 et 1 abstention, la majorité de la commission que vous représentez a refusé de faire toute audition. Au lieu de dire: «Ce sont des suppositions, on aurait pu éclaircir», on aurait dû éclaircir ça en commission. On aurait pu auditionner le Conseil d'Etat, le département de la santé, l'AGEMS, c'est-à-dire l'Association genevoise des établissements médico-sociaux, la FEGEMS, soit la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux, ou encore la CGAS. Vous avez parlé des syndicats qui font leur travail; ils auraient pu venir - en bénéficiant du secret de commission - nous expliquer quels étaient ces cas et pourquoi il fallait corriger ce refus d'application des lois et des règlements. Cette motion vise simplement, et je le répète, à rétablir l'égalité de traitement et à faire en sorte que lorsque vous êtes engagé dans un EMS, vous ayez exactement le même traitement que quand vous êtes engagé à l'Etat. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne vais pas répéter les propos de mon collègue, le rapporteur de première minorité, mais, pour aller à l'essentiel, je dirai qu'il est important de valoriser le travail dans les EMS et les employés. C'est pour ça que l'expérience acquise doit être considérée à sa juste valeur, comme le demande ce texte; c'est en fait le coeur de son propos. Ce sujet nous tient particulièrement à coeur au MCG, parce que nous pensons que dans ce type de professions, nous devons favoriser l'emploi de personnel local et, en particulier, éviter un pourcentage excessif de travailleurs frontaliers.
Il convient donc de ne pas limiter des rémunérations qui ne permettraient pas de vivre convenablement à Genève. Pour cette raison et pour éviter les mécanismes de sous-enchère salariale qui peuvent toujours s'infiltrer, ainsi que nous l'avons constaté dans de nombreux domaines, il convient de véritablement prendre en compte les éléments de cette motion, tout en déplorant - comme l'a fait le rapporteur de première minorité - l'impossibilité d'auditionner les personnes concernées, ce qui aurait sans doute permis d'améliorer le travail que nous avons pu faire en commission. Une fois de plus, on voit que l'on bâcle certains travaux en espérant faire des économies, alors que c'est plutôt une perte de temps au final, voire une perte de qualité du travail parlementaire; bâcler les sujets n'est pas la solution. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'accepter cet objet afin de le renvoyer au Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce texte demande tout simplement le respect et la mise en application de la loi. Nous parlons du personnel qui s'occupe de nos aînés, en grande majorité des femmes, qui, par exemple, nettoient, lavent et aident aux soins. Ces personnes travaillent souvent à temps partiel et ont de petits salaires, en plus des conditions de travail pénibles et fatigantes. Elles sont engagées par certains EMS qui n'hésitent pas à violer les lois et le règlement de l'ensemble du secteur. Or, les EMS sont fortement subventionnés par l'Etat de Genève, on l'a relevé tout à l'heure mais je le répète, et la contrepartie attendue est bel et bien le respect des règles.
Une de ces règles salariales est systématiquement violée ou pas appliquée - le résultat est le même: il est question de respecter les règles de fixation des annuités à l'engagement. Selon ces règles salariales, lors de l'engagement, la rémunération prend en compte l'expérience utile au poste acquise préalablement. Or, en la matière, il y a dans les EMS un problème d'inégalité de traitement, un problème de bonne volonté, un problème de pratiques différentes. Serait-ce parce qu'il s'agit d'employés avec de bas salaires, de femmes ? Nous, les Vertes et les Verts, soutiendrons ce texte afin que dans tous les EMS du canton de Genève, les règles et les lois soient appliquées pour toutes et tous.
J'aborde la question du renvoi de ce texte à la commission des finances. Comme il est question des annuités, des conditions de travail et, on va dire, des conditions-cadres du personnel subventionné, je pense qu'il aurait été préférable de renvoyer cet objet dans une autre commission. On l'a dit, et c'est simplement scandaleux, la commission des finances n'a auditionné aucune entité, pas même le département, pas même les syndicats, pas même, et ça a été critiqué, des témoins courageux et qui sont bien sûr anonymes, car la peur des représailles, des répercussions existe. Bien sûr que c'est courageux, et bien sûr que c'est anonyme ! Et bien sûr qu'il y en a plusieurs, et il y en a beaucoup ! Ce n'est pas parce que seuls trois ont osé témoigner que ce sont des cas isolés. C'est une pratique extrêmement répandue, systématique. C'est pourquoi nous la dénonçons, et c'est pourquoi nous voulons une harmonisation des pratiques et que nous souhaitons que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Laurent Seydoux (LJS). Comme on l'a dit, cette motion date. Elle a été traitée durant l'ancienne législature. C'est donc sur la base du rapport que le groupe LJS doit se faire un avis, et nous avons été surpris qu'il n'y ait eu aucune majorité en faveur des auditions, mais égalité à 7 contre 7. Au vu de cela, le groupe LJS demande un renvoi à la commission des finances.
Le président. Merci bien. Je donne la parole aux différents rapporteurs, en commençant par le rapporteur de seconde minorité, pour qu'ils s'expriment au sujet de cette requête.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je remercie le groupe LJS, je trouve que c'est une excellente idée, parce qu'il est vrai que les travaux en commission ont été un peu bâclés. Ça permettrait d'approfondir la question. Il faut reconnaître que les travaux en commission ont été menés en fonction de la crise covid. Nous avons à présent une vision plus objective pour le traitement de ce sujet. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci bien. La parole revient à M. Wenger, premier rapporteur de majorité. De minorité, excusez-moi !
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Peut-être de majorité, on ne sait pas. (L'orateur rit. Rires.)
Le président. Peut-être ! Peut-être !
M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président. A titre personnel, je ne suis pas un fan des multiples renvois en commission. Néanmoins, comme le travail n'a pas pu être fait et qu'il n'y a eu aucune audition sur cette motion et ce sujet importants, qui touchent directement des personnes s'occupant aujourd'hui de nos aînés dans nos EMS, ainsi qu'on l'a dit, je pense que ça vaut la peine de faire un travail de fond, de procéder à des auditions et de comprendre ce qui se passe, comment et pourquoi ça se passe. Pour ces raisons, je soutiendrai, et mon groupe aussi, un renvoi en commission.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Ça me fait toujours rire quand je constate l'exagération de la gauche. Dès qu'un ou deux cas peuvent poser problème, des cas qui ne sont pas documentés, on écrit une motion pour demander au Conseil d'Etat de faire respecter la loi. Si cette motion est renvoyée à la commission des finances, je me réjouis d'ajouter plein d'invites pour tous les établissements qui devraient effectivement respecter la loi et de leur rappeler qu'ils doivent respecter la loi. Je ne vois pas à quoi nous servons, si nous faisons juste cela. Modifiez la loi si elle ne vous convient pas. Aussi, je vous invite à refuser le renvoi à la commission des finances.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre la procédure de vote sur cette demande.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2597 à la commission des finances est adopté par 46 oui contre 30 non.