Séance du vendredi 31 mai 2024 à 18h
3e législature - 2e année - 2e session - 10e séance

M 2815-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Jocelyne Haller, Françoise Nyffeler, Olivier Baud, Pierre Vanek, Jean-Charles Rielle, Xhevrie Osmani, Thomas Wenger, Sylvain Thévoz, Nicole Valiquer Grecuccio, Grégoire Carasso, Pierre Eckert, Didier Bonny, Marta Julia Macchiavelli, Badia Luthi, Marjorie de Chastonay, Yves de Matteis, Ruth Bänziger : Les prestations de fourniture d'énergie répondent à des besoins essentiels. Personne ne peut en être privé !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 1er et 2 septembre 2022.
Rapport de majorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de minorité de M. Sylvain Thévoz (S)

Débat

Le président. Nous enchaînons avec la M 2815-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La première partie du titre de cette proposition de motion est: «Les prestations de fourniture d'énergie répondent à des besoins essentiels.» C'est un fait, et je pense que personne ne peut le contester, mais le diable se cache dans les détails. Le premier point qui nécessite absolument d'être relevé, c'est que cette motion a été établie sur la base d'un seul et unique cas, je répète: un seul et unique cas, qui a été publié dans la presse. Si nous nous référons aux différentes auditions, notamment celle des SIG, il s'avère qu'une attention soutenue est portée à ce sujet. Les SIG font un travail remarquable dans ce domaine, on doit le souligner, et prennent des mesures à titre tout à fait exceptionnel, donc très, très rarement et seulement après discussion, je répète: seulement après discussion, avec les personnes concernées et en tenant compte de leur situation; ils prennent évidemment ces mesures en collaboration avec les institutions sociales, notamment l'Hospice général.

Le cas concret relevé par les SIG... Il y a eu des menaces de coupure, non des coupures, mais des menaces de coupure à l'égard de 116 personnes sur 8000. Donc, si nous considérons cette réalité, la situation du terrain, et ce que propose ce texte, il faut être clair: ce texte ne correspond pas à un problème réel, il ne correspond pas à la situation existante. C'est pour ça qu'une très large majorité, je vais vous dire laquelle, vous invite à rejeter cette motion. Les commissaires qui vous invitent à la rejeter sont ceux du Centre, anciennement le PDC, du PLR, du MCG et de l'UDC. La très petite minorité qui l'a acceptée, c'est Ensemble à Gauche avec les socialistes. Le parti des Verts a été partagé, et seulement un de leurs commissaires l'a acceptée. Je vous recommande donc très vivement de suivre la majorité des commissaires et de refuser cet objet. Merci de votre attention.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vais évidemment vous inviter à renverser la situation et à prendre en compte cette motion qui est importante. Elle ne demande pas aux SIG de se priver de cet instrument qu'est la menace de coupure, à laquelle l'entreprise semble tenir, mais - et c'est pour ça qu'elle est importante - de surseoir à toute coupure de fourniture d'énergie dans l'attente qu'une solution soit trouvée en cas de non-paiement.

Il est intéressant de relever que déjà aujourd'hui, les SIG sursoient aux coupures de courant et d'électricité durant l'hiver. Alors on peut se demander pourquoi l'hiver et pas l'été, comme si vous aviez davantage de besoins d'électricité en février qu'au mois de juillet. C'est quand même assez absurde ! Une partie du chemin est donc déjà faite par les SIG, et avec cette motion, nous souhaitons les inviter à aller au bout de leur effort. Mais pas seulement ! Parce que si quelques personnes de mauvaise foi ne règlent pas leur facture, d'autres, évidemment, sont en réelle difficulté, soit par manque d'argent (ça peut être ponctuel), soit du fait de problèmes psychiques - des personnes veulent payer mais n'ont pas la capacité de le faire ni d'aller chercher l'aide nécessaire, ou, éventuellement, ne comprennent simplement rien aux factures qui leur sont adressées. Contrairement à ce que prétend le rapporteur de majorité, il n'y a pas de connexions immédiates avec l'Hospice général ou d'autres services d'appui social. C'est à bien plaire, au cas par cas, et parfois, cela n'est pas fait.

Il ne s'agit aucunement d'amener les gens à ne pas payer l'énergie. Celle-ci a un prix, et il est normal que les SIG réclament l'argent dû, mais on imagine qu'il y a là une opportunité de contacter des personnes qui ont de la peine à payer et de les amener à recourir à des appuis sociaux. Il a été démontré que les SIG sont prêts à négocier et qu'ils font preuve de bonne volonté lorsqu'un service social intervient. Cette motion vise à renforcer la possibilité pour la personne qui ne paie pas d'entrer en contact avec un service social. Vous en conviendrez, c'est plutôt bon.

Elle invite également les SIG à améliorer leur côté social, à surseoir à la coupure le temps qu'une interface soit en place pour éviter, par exemple, qu'une personne ne soit victime d'une coupure d'ici à ce que les procédures se concrétisent. Il s'agit donc de mettre en place un dispositif qui permette d'orienter la personne en situation précaire vers des services compétents, autrement dit de retarder la coupure le temps que le dispositif soit en place pour payer la facture.

Cette motion prône une mesure sociale préventive. Chaque année, environ 8000 personnes sont menacées de coupure et parmi elles, il y a potentiellement un nombre de personnes qui se trouvent dans des situations économiques difficiles et qui, pour régler cette facture, mettent à mal leur budget et l'équilibre de leur famille. Au final, 116 personnes, je crois que c'était le chiffre donné en 2021, ont été privées d'accès à l'électricité et à d'autres fluides. C'est quand même beaucoup, 116 personnes ! C'est toutefois beaucoup moins, il faut le dire, que dans le canton de Vaud, notamment à Lausanne, dont les chiffres sont beaucoup plus conséquents. On l'a dit, il ne s'agit pas ici de tirer sur les SIG, mais d'aller un petit bout plus loin.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Sylvain Thévoz. Merci, Monsieur le président. Cette contrainte, cette menace de coupure fonctionnent peut-être, mais il est regrettable qu'une simple proposition d'aide ou d'appui ne leur soit pas suggérée en parallèle. Ces personnes disposent de droits qu'elles n'exercent pas, c'est notre intime conviction. Avec une information ciblée, les SIG pourraient jouer un rôle social encore plus important, s'éviter des rappels, du temps, de l'argent, pour faire payer leurs clients. On pourrait lutter contre le non-recours aux aides sociales.

En raison de l'augmentation des prix de l'énergie, le nombre de personnes ayant du mal à régler leurs factures ne cesse de croître, et cela de manière exponentielle. L'urgence sociale nous demande donc d'explorer de nouvelles pistes et d'innover afin que personne ne se retrouve sur le carreau. Finalement, avec ce texte, on invite à sortir de logiques de silos, à simplifier les procédures et à limiter la bureaucratie. Cet objet en indique la voie en voulant alléger le nombre de rappels et demande aux SIG de faire en sorte que les personnes qui ont des difficultés de paiement soient orientées vers les services compétents, je l'ai dit. Le coeur de cette motion, Mesdames et Messieurs, vise simplement à renforcer la possibilité pour les personnes d'entrer en contact avec des services capables de leur venir en aide. Nous vous invitons donc généreusement à la soutenir et à la renvoyer au Conseil d'Etat pour exécution.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Les nombreuses personnes menacées de coupures d'électricité ne sont pas systématiquement redirigées vers les services sociaux de soutien et continuent de souffrir. Nous devons absolument éviter que ces personnes passent inaperçues. C'est dans ce sens que cette motion demande la suspension des coupures, le temps de trouver des solutions de soutien durable. Elle n'est pas une attaque contre les SIG, mais une mesure préventive nécessaire. Parmi les 8000 menaces de coupure... A ce propos, le rapporteur de majorité pourrait relire la page 9: ce ne sont pas 116 menaces de coupure, mais 116 coupures et 8000 menaces de coupure. Parmi ces personnes, nombreuses sont celles qui vivent des situations économiques difficiles; lorsqu'elles règlent leur facture, cela affecte leur budget familial. Les menaces de coupure poussent, certes, l'immense majorité à payer, mais à quel prix ? Avec l'augmentation des prix de l'énergie et l'inflation généralisée, penser que la situation ne s'est pas aggravée est illusoire.

Cette motion qui propose de diriger les personnes en difficulté vers les services compétents va pleinement dans la direction de l'accessibilité et de la lutte contre le non-recours. Quand on peine à payer ses factures, on paie celles qui sont en retard et les plus urgentes, les plus essentielles, et l'eau et l'électricité en font partie. Si seules 116 personnes sur les 8000 se voient privées d'électricité, cela ne veut pas dire que les 7884 autres se trouvent dans des situations économiques sûres, suffisamment bonnes et non précaires. Il faut lutter contre les angles morts du système, et il y a, à travers cette motion, une approche intéressante et sensée. En conclusion, il ne s'agit pas de critiquer les SIG, mais de proposer une solution humaine et préventive. Le groupe des Vertes et des Verts soutient donc ce texte qui constitue un pas supplémentaire vers une politique sociale, intégrative et soutenante. Merci.

M. François Baertschi (MCG). J'écoute avec grand intérêt les députés Vert et socialiste nous dire qu'il faut à tout prix aider socialement les personnes qui ont des problèmes à payer leur facture d'électricité. J'aimerais bien les écouter et en tenir compte, mais quand je lis dans le rapport que M. Brunier - qui est quand même l'ancien directeur général des SIG et a été militant socialiste et même député - dit que ce n'est pas son problème, mais que c'est aux services sociaux de s'en occuper, je reste un peu sceptique: il existe des divergences dans les visions de personnalités de gauche qui, lorsqu'elles sont dans l'opérationnel, mènent une politique consistant à se défausser sur les services sociaux et qui expliquent ici... Je n'ai pas trop compris la logique des socialistes et des Verts au sein de cet hémicycle, pour qui il faudrait faire quelque chose pour aider les personnes en difficulté.

Je pense que les SIG pourraient aussi effectuer leur travail d'aide sociale. Le font-ils ? Je ne sais pas. D'après les déclarations de M. Brunier, ils disent que c'est aux services sociaux de s'en occuper - je fais mention du rapport remis au Grand Conseil; ça va dans ce sens-là. Je suis vraiment assez perplexe face à ce double langage. Il y a quand même un magistrat Vert qui s'occupe des SIG, qui surveille cette institution publique. Quelle est la cohérence de ce système ? Quelle est la cohérence de ces partis ? J'aimerais véritablement que les gens s'entendent entre eux, qu'ils aient une politique cohérente. Je n'aimerais pas qu'à un certain niveau, on tienne le discours suivant: «Les personnes en grande difficulté, ce n'est pas notre problème, c'est celui des services sociaux», et que dans le même temps, ici, on mène une autre politique et qu'on dise: «Il faut à tout prix s'en occuper.» Alors je ne sais pas quel est le rôle des militants socialistes et des militants Verts qui sont en très, très grand nombre dans ces institutions régies par la LOIDP comme les SIG et d'autres. Qu'est-ce qu'ils font, en cas de situations d'une précarité telle que nous la décrivent les députés socialistes et Verts ? Il y a véritablement un double discours et une inconsistance dans ces lignes politiques. Le MCG refusera cette gesticulation politique et nous nous opposerons à cette motion alibi. Merci, Monsieur le président.

Mme Celine van Till (PLR). Chers collègues, défaut de paiement de facture d'électricité: premier rappel ! Deuxième, troisième ! Trois mois au total: c'est le temps de s'organiser. Les SIG ne sont pas des services sociaux, mais ils apportent tout de même leur assistance. Ils ont des contacts réguliers avec les travailleurs sociaux, proposent diverses solutions, des échelonnements de règlement notamment. Si le problème persiste, cela débouche sur une rencontre pour que le but visé, à savoir les paiements, soit atteint. Les SIG ne coupent finalement l'électricité que dans de très rares cas. Il est à noter que l'électricité n'est quasiment pas coupée en hiver. Il est à noter, surtout, que la majorité des cas ne concerne pas des personnes vivant dans la précarité qui ne règlent pas leur facture. De plus, la coupure de courant reste un moyen d'incitation et de garantir la santé des SIG. Cette proposition rate donc sa cible et le groupe PLR la refusera. Je vous remercie.

Mme Patricia Bidaux (LC). Cette motion voudrait que les SIG sursoient systématiquement à toute coupure de fourniture d'énergie. Les auditions ont démontré que le non-paiement des factures d'eau ou d'électricité n'est pas uniquement le fait de personnes en situation précaire, mais aussi de personnes ou entités ayant des moyens largement suffisants: l'exemple d'une clinique qui ne paie pas son électricité nous est ainsi donné. Si une systématisation devait être mise en place, comme le suggère cette motion, il n'y aurait plus aucun moyen pour les SIG de faire pression sur les entités ou les personnes qui ont les moyens et qui finalement ne font qu'abuser du système.

Quand il s'agit d'entreprises en difficulté financière, les SIG utilisent la coupure comme dernier recours pour être payés. En 2021, sur 8000 menaces de coupure envoyées pour un total de 5 millions de francs, 116 menaces transmises sont devenues effectives. Lorsqu'il s'agit de personnes en situation de précarité ou en difficulté psychologique, les SIG envoient des représentants pour discuter et font le lien avec les services sociaux. Concernant la fourniture d'eau, les SIG ne peuvent pas couper l'eau de tout un immeuble.

La proximité établie entre les SIG et l'Hospice général doit être maintenue. Cet élément central accorde à celles et ceux qui sont en difficulté la possibilité de négocier des accords de paiement. Je rappellerai en outre la loi votée par notre parlement sur la lutte contre le désendettement, en vigueur depuis le 1er janvier 2024, qui permettra également de les accompagner, une loi qui devrait ou devra prévoir un nouvel allégement, puisque, s'agissant des charges des personnes endettées, le calcul du minimum vital est modifié grâce à la prise en compte des impôts. Ceci devrait aboutir, le Parlement fédéral a en effet déposé une motion. Celui-ci a fait ce travail; nous nous sommes rendues avec Mme Strasser à Berne pour porter une résolution sur le sujet. La loi genevoise sur la lutte contre le désendettement accorde une attention particulière à la détection précoce.

Le Centre est convaincu que les personnes en grave difficulté financière ne sont pas laissées pour compte et peuvent avoir recours à des aides. Les SIG mettent en place un système qui fait preuve d'un respect de la dignité des personnes, on l'a vu pendant les auditions. Surseoir systématiquement aux coupures n'est ni équitable ni... Je me suis un peu mélangée, pardon. Les deuxième et troisième invites du texte ont déjà trouvé une réponse. Pour toutes les raisons énoncées, le groupe du Centre vous propose de refuser cette motion. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Malheureusement, et malgré mes voeux au début du traitement de cet objet, le courant ne passe pas... (Commentaires.) ...et je constate que la majorité ne changera malheureusement pas de voltage, je vais le formuler comme ça, ou du moins pas de fréquence. C'est regrettable, parce qu'on avait un objet social, on avait un objet qui permettait aux SIG de renforcer de bonnes pratiques, on l'a dit, mais cela n'est resté qu'une proposition de motion.

Ce qui est un peu plus dommage, ce sont les propos de M. Baertschi - vous transmettrez - qui mélange tout, toutes les fonctions de M. Brunier. Celui-ci a certes un passé de député, mais est là dans la fonction de directeur d'un fournisseur d'électricité. Il existe une compréhension différente: les députés peuvent souhaiter quelque chose de plus social et une régie comme celle-ci peut considérer que son boulot est avant tout d'acheminer ce flux d'énergie, ce qui est peut-être en partie vrai. C'est un peu dommage ! Demandez - vous transmettrez - à votre représentant aux SIG ce qu'il en pense, vu que chaque parti est représenté au sein du conseil d'administration, et demandez également à M. Michel Balestra, ancien président des SIG, ce qu'il en pense. A chacun ses responsabilités ! Il est dommage de mélanger les prises et de s'emmêler, comme vous le faites, Monsieur Baertschi. Sur ce, je vous transmets mes meilleures salutations, et essayez quand même de renvoyer cette motion. Merci beaucoup.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Alors je partage un avis: il y a beaucoup de confusions et de mélanges. On mélange effectivement les retards de paiement, les lettres - car les SIG envoient de très, très nombreuses lettres -, et finalement les coupures, qui sont excessivement rares. Je le répète: lorsqu'il y a coupure, les SIG prennent contact avec les personnes, discutent avec elles, prennent en compte leur situation et travaillent évidemment en collaboration avec les institutions sociales. Bref ! Cette motion, qui est basée sur un seul et unique cas paru dans la presse, ne correspond pas à la réalité, et, comme la majorité des commissaires, je vous recommande de la rejeter. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous exprimer au sujet de cette proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2815 est rejetée par 52 non contre 27 oui (vote nominal).

Vote nominal