Séance du vendredi 3 mai 2024 à 16h
3e législature - 2e année - 1re session - 4e séance

R 1034
Proposition de résolution de Skender Salihi, Ana Roch, Arber Jahija, Jean-Marie Voumard, Danièle Magnin, Sandro Pistis, Gabriela Sonderegger, Sami Gashi, Thierry Cerutti, Francisco Taboada, François Baertschi, Pierre Eckert, Marjorie de Chastonay, Sophie Bobillier, Angèle-Marie Habiyakare, Lara Atassi, Emilie Fernandez, Julien Nicolet-dit-Félix, Laurent Seydoux, Jacques Jeannerat, Gabrielle Le Goff, Souheil Sayegh, Thierry Arn pour un soutien inconditionnel à la promotion du sport féminin (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 2 et 3 mai 2024.

Débat

Le président. Voici la prochaine urgence: la R 1034. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole à Mme Xhevrie Osmani.

Mme Xhevrie Osmani (S). Merci, Monsieur le président. Je ne m'attendais pas à intervenir avant l'auteur de la résolution. Je commencerai peut-être par un rappel historique: 82 millions de francs avaient été alloués à l'organisation de la coupe d'Europe de football masculin de 2008. Il s'agit d'une grande somme alors que le tournoi était co-organisé par l'Autriche. (Un instant s'écoule.) Je ne sais pas... Est-ce que je dois prendre la parole après ? (Commentaires.) Très bien, dans ce cas, je continue. (Commentaires.) Ah bon, eh bien tant pis ! On peut même se demander, s'il avait eu lieu exclusivement en Suisse, si la Confédération n'aurait pas investi encore plus de moyens. Aussi, que le Conseil fédéral affecte aujourd'hui seulement 4 millions pour le championnat d'Europe de foot féminin de 2025 semble dérisoire et montre un traitement asymétrique et déséquilibré entre le foot masculin et le foot féminin.

Encore un petit rappel historique: Viola Amherd... (Commentaires.) Amherd, ministre des sports... (Rires. L'oratrice rit.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés !

Mme Xhevrie Osmani. Bon, ce n'est pas comme si on découvrait son nom de famille seulement maintenant ! ...disait en 2005, lorsqu'elle était conseillère nationale: «Pour obtenir un effet durable de l'événement, il faut investir.» Cette compétition est également très significative et constitue une belle occasion de montrer l'importance de soutenir le football féminin, non seulement pour l'égalité des sexes dans le sport, mais aussi pour inspirer et encourager les jeunes filles à le pratiquer. Un investissement plus élevé peut permettre de briser les barrières et de promouvoir une participation équilibrée.

Les coûts liés à l'organisation de l'Euro 2025 seront très vite amortis, car l'événement attirera beaucoup de monde, le foot féminin est de plus en plus populaire et suivi, et l'économie en profitera à travers le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, sans oublier les retombées médiatiques. La Confédération doit allouer des fonds plus élevés pour ne pas prendre de risques dans l'organisation, mais aussi et surtout, nous devons montrer que nous sommes à la hauteur d'une manifestation majeure et ainsi entretenir et améliorer l'image de la Suisse à l'international.

Par ailleurs, l'effort déployé par les collectivités et la générosité de celles-ci devraient faire rougir la Confédération. En effet, les quelques sites qui accueilleront l'événement ont accordé des fonds à hauteur de 18,5 millions pour Zurich - rien que pour cette ville ! -, de presque 13 millions pour Bâle-Ville, d'environ 6 millions pour la Ville de Berne, et récemment, la Ville de Genève a décidé d'un montant de 1,15 million. Compte tenu de l'engagement pris et de la parole donnée par toutes ces villes, cette résolution représente un signal de plus bienvenu envoyé au Parlement fédéral, et nous la soutiendrons. Merci. (Applaudissements.)

M. Skender Salihi (MCG). Chers collègues, la Suisse accueille pour la deuxième fois l'Euro, cette fois-ci féminin. Cet événement majeur offre une occasion de promouvoir le foot féminin et le sport au sens large. La décision du Conseil fédéral de réduire le soutien financier initial en le faisant passer à 4 millions de francs est jugée incohérente et discriminatoire, surtout en comparaison avec l'investissement octroyé lors de l'Euro 2008, lequel était masculin. Il faut souligner que les différences entre les compétitions féminines et masculines ne justifient pas un tel écart de traitement. Pour promouvoir l'égalité entre les sexes dans le sport, le parlement cantonal est invité à adopter cette résolution et à la transmettre aux Chambres fédérales. Je vous remercie.

Mme Emilie Fernandez (Ve). Comme nous l'avons entendu, pour la deuxième fois de son histoire, la Suisse se prépare à accueillir l'Euro - féminin, cette fois-ci. Cet événement constitue une opportunité unique de promouvoir le sport féminin au sens large. Un article d'ONU Femmes rappelle que malgré les progrès réalisés, les inégalités persistent dans plusieurs sports olympiques. Certaines disciplines telles que le football et le rugby sont toujours dominées par les hommes pour ce qui est de la visibilité, du financement et des opportunités. En effet, les compétitions féminines sont trois fois moins médiatisées que les masculines. Voilà pourquoi il est essentiel de continuer à lutter contre ces disparités et à promouvoir l'inclusion des femmes dans tous les sports.

En Suisse, Mesdames et Messieurs, le football féminin est en plein essor: de 4000 joueuses officiellement affiliées à l'ASF en 1990, le nombre est passé à 8000 en 2000, puis à 20 000 en 2010, et aujourd'hui, les jeunes femmes sont plus de 30 000 à jouer à travers le pays, réparties dans quelque 800 équipes. A la lumière de ces chiffres, on aurait pu penser que la Confédération se donnerait les moyens d'accueillir cette manifestation comme elle le mérite. Toutefois, comme la résolution nous l'apprend, c'est en réalité une enveloppe vingt fois plus petite que lors de l'Euro masculin de 2008 qui est proposée, ce qui n'est évidemment pas acceptable. C'est la raison pour laquelle notre groupe soutiendra ce texte et vous invite à en faire de même. Merci. (Applaudissements.)

M. Xavier Magnin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, honnêtement, je ne comprends pas comment on en est arrivé là. Qu'on doive déposer une résolution à Berne pour dire au Conseil fédéral: «Mais à quoi jouez-vous ?» ! Mais petite Suisse ! Petite Suisse ! Nous devons absolument encourager le sport de façon générale - c'est un facteur de cohésion, de brassage des populations - et le sport féminin en particulier, surtout le football, qui est en plein essor, qui explose ! Ce qui est en train de se passer est prodigieux, merci à tous les acteurs de promouvoir le sport féminin, le football notamment, on doit le soutenir.

Je ne comprends pas la décision du Conseil fédéral de réduire la masse financière destinée à cette manifestation. Déjà qu'on nous a répondu, s'agissant d'une précédente résolution, que Genève n'a pas la capacité d'organiser une COP31. Dans le cas d'espèce, on doit vraiment marquer le coup ! Alors peut-être que c'est inutile, certains députés estiment que c'est inutile, mais non, Genève doit défendre ses positions, Genève doit défendre le sport, Genève doit défendre le sport féminin. Comme le dit souvent un autre député: «Ici, c'est Genève !»

Nous devons renvoyer cette résolution à l'Assemblée fédérale. La Ville de Genève a fait le travail: Marie Barbey, que je félicite, a porté ce même message en prévoyant un investissement de 1,15 million. Quand on sait que le budget de la Confédération s'élève à 80 milliards et qu'on pleure pour quelques sous, pour 15 millions en faveur du sport et du sport féminin, vraiment, il y a de quoi se poser des questions.

Pour la boutade, j'espère que cet Euro verra se tenir un match Suisse-France, nous serons fiers d'une victoire helvétique ! Merci.

Une voix. Bravo.

M. Laurent Seydoux (LJS). Chers députées et députés, vous savez que le groupe LJS attache beaucoup d'importance au sport, vecteur essentiel du vivre-ensemble. On le voit actuellement, le sport suisse en général se porte bien, mais également le sport féminin. C'est avec énormément de satisfaction que nous avons appris, au moment de l'attribution de l'organisation du championnat d'Europe féminin 2025, que cette mission revenait à la Suisse, notamment à Genève: cinq matchs auront lieu ici, dont un quart de finale et une demi-finale.

Alors quelle ne fut pas notre surprise, alors qu'un budget de 15 millions avait été promis par la Confédération, de nous retrouver avec seulement 4 millions, qui plus est à utiliser au détriment des autres sports. Les Chambres fédérales ont pris les choses en main et, a priori, après le Conseil des Etats, le Conseil national devrait signaler au Conseil fédéral l'importance que revêt cette manifestation et le sport en général en Suisse.

Au-delà de ce qu'on peut dire sur les résolutions que nous renvoyons à Berne, nous sommes directement concernés et allons soutenir fortement cette résolution pour indiquer au canton aussi à quel point il est important que cette compétition se tienne à Genève, pour montrer le soutien d'un parlement que j'espère unanime en faveur de cet événement qui, je vous le rappelle, laissera un héritage - et c'est aussi l'objectif -, notamment sur la question du sport féminin. Dès lors, nous vous encourageons à réunir la plus grande majorité possible sur cette résolution. Merci beaucoup.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les effectifs des équipes féminines dans le sport en général - je citerai l'exemple du volleyball, du basketball et du rugby - et dans le football en particulier ont explosé en Suisse. Il y a plus qu'un doublement des membres dans tous les clubs, et cela va d'ailleurs poser un certain nombre de problèmes au niveau des infrastructures, tant sur le plan cantonal, à cause de l'exiguïté de notre territoire, qu'à l'échelle fédérale.

On peut se poser la question suivante: comment se fait-il qu'à Berne, avec un budget de 80 milliards, on n'arrive pas à débloquer 15 millions pour l'Euro féminin ? Une motion a été déposée devant le Conseil des Etats pour rétablir le fameux budget de 15 millions en faveur de l'Euro 2025, et il semblerait que le vote soit favorable, donc le texte devrait passer devant le Conseil national.

Il faut féliciter - cela a été relevé par mon préopinant Xavier Magnin - la Ville de Genève qui a prévu 1,15 million en faveur de l'Euro 2025; j'espère que l'Etat de Genève en fera autant, car notre Stade de Genève à la Praille a besoin de rénovations pour accueillir dignement cet événement.

Le groupe UDC votera ce texte. Bon, on sait où finissent malheureusement à peu près toutes nos résolutions à Berne, mais il est important, en tant que pays organisateur de l'Euro, qui comprendra cinq compétitions à Genève, dont un quart de finale et une demi-finale, de montrer notre soutien au sport féminin. Voilà pourquoi l'UDC adoptera cette résolution. Je vous remercie.

M. Yves Nidegger (UDC). Je m'en voudrais de casser cette merveilleuse unanimité autour d'une autre résolution inutile, mais non seulement il s'agit d'une résolution, de celles dont je sais, pour les avoir examinées pendant seize ans à Berne, qu'elles sont reçues avec un haussement d'épaules de plus en plus agacé par le Parlement fédéral, mais en plus, il s'agit d'une résolution sur un sujet dont M. Ivanov vient d'indiquer à juste titre qu'il est déjà discuté par les Chambres fédérales: attirer leur attention là-dessus n'est donc pas vraiment formidable.

Ensuite, Mesdames et Messieurs, le texte évoque un soutien «inconditionnel»: avez-vous déjà vu quelque chose sur cette terre qui soit inconditionnel ? Cela n'existe pas, à part peut-être...

Une voix. L'amour d'une mère !

M. Yves Nidegger. Oui, l'amour d'une mère et la dette cantonale ! Mais pour le reste, rien n'est inconditionnel. Au risque de paraître rabat-joie, au risque même de prêcher dans le désert, je vous invite à ne pas accepter cette résolution dont le seul objet - vous me direz que c'est précieux - est de vous rendre beaux à vos propres yeux.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, «petite Suisse !», s'exclamait Xavier Magnin; grandes économies, répondrait le Conseil fédéral. Oui, nous sommes bien dans cette dynamique, portée par la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, de resserrer les boulons du budget national et, partant, de faire des choix malheureux: les 15 millions de départ sont passés à 4 millions. Et il faut être encore plus précis: il s'agit de 4 millions sur le budget actuel de l'Office fédéral du sport, donc leur utilisation se fera au détriment des autres aides accordées par ce service; nous ne pouvons évidemment que le regretter.

S'il n'y a qu'une seule résolution à soutenir, disait M. Béné, alors c'est celle-ci, notamment pour des raisons financières. Je vais détailler ce point, parce qu'on parle aujourd'hui de 41 000 femmes et jeunes filles licenciées dans des clubs de foot en Suisse: c'est le sport qui a connu la plus grande augmentation de membres. Si la diminution budgétaire pour l'organisation du tournoi est confirmée par le Conseil fédéral, les risques majeurs sont les suivants.

D'abord, il faudra malheureusement renoncer au principe de l'intégration des transports publics dans le billet pour l'Euro, puisque le montant de l'opération est actuellement compris dans les 15 millions prévus par la Confédération à raison d'un tiers, et aucune autre entité, que ce soit les villes hôtes ou les cantons, ne pourrait se permettre d'absorber ces coûts qui avoisinent les 10,4 millions.

La deuxième conséquence de cette réduction, c'est ce que l'on appelle les «legacies», c'est-à-dire l'héritage: lorsqu'un pays hôte reçoit une telle manifestation, les organisateurs ont à coeur de faire en sorte qu'il en reste quelque chose. Bien sûr, les cinq matchs qui se dérouleront ici seront un bon moment pour celles et ceux qui pourront aller au Stade de Genève - il y aura même un quart de finale et une demi-finale; il n'en demeure pas moins qu'avec un investissement fédéral rogné, toute la conception que nous préparons se verra bien réduite. Nous ne pourrons pas mettre en place ce que nous avions prévu, notamment pour soutenir les licenciées - nous savons que le football féminin est en plein essor.

Dernier élément: nous avons imaginé que cet Euro féminin dans notre pays était une formidable occasion de parler de la Suisse et de l'ensemble des villes hôtes et des cantons qui accueilleront les matchs. Le couperet est là: si les 15 millions ne sont pas au rendez-vous, il n'y aura pas de communication internationale en faveur de l'Euro par Suisse Tourisme. Du coup, nous serons encore une fois perdants sur le volet économique.

Au-delà des aspects financiers, il y a un symbole très fort: il est incompréhensible pour nous que cet événement ne soit subventionné qu'à hauteur de 4 millions par le Conseil fédéral. C'est vraiment une sacrée claque pour celles et ceux qui pratiquent le football et qui en sont véritablement des adeptes.

Quant à l'intervention de M. Nidegger, si le titre de la résolution évoque effectivement un soutien inconditionnel, l'invite demande simplement à l'Assemblée fédérale de rétablir le soutien financier initial de la Confédération de 15 millions de francs pour l'Euro 2025. L'honneur est donc sauf. Par conséquent, le Conseil d'Etat vous encourage à appuyer cette résolution. Merci beaucoup.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.

Mise aux voix, la résolution 1034 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 69 oui contre 13 non (vote nominal).

Résolution 1034 Vote nominal