Séance du
vendredi 22 mars 2024 à
18h
3e
législature -
1re
année -
10e
session -
66e
séance
M 2724-A
Débat
La présidente. Nous poursuivons avec la M 2724-A, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport de minorité était de M. Youniss Mussa; il est repris par M. Mizrahi. (Mme Natacha Buffet-Desfayes se rend à la table des rapporteurs. Un instant s'écoule.) Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mes excuses pour mon léger retard; traverser l'ensemble de la salle me prend toujours un petit peu de temps !
Le texte dont nous discutons ce soir mérite d'abord un petit rappel historique puisque quand on parle d'école dite mixte, on parle bien d'école où il n'y a pas... enfin, les garçons et les filles y sont mélangés, mais c'est surtout parce que deux filières sont réunies dans le même établissement qu'on parle de mixité. Pour revenir au petit rappel historique, il faut que je vous dise qu'il y a une quinzaine d'années, alors que le département était déjà entre les mains du parti socialiste, ou du moins de magistrats socialistes, on nous avait, entre guillemets, «vendu» la possibilité d'école à filières mixtes comme une forme de promotion de synergies pédagogiques et sociales.
Evidemment, c'était un beau projet. La réalité, selon notre groupe et selon la majorité, c'est que nous avons malheureusement pu constater que cela donne des établissements du secondaire II densément remplis et administrativement plus lourds à gérer. Je rappelle que si vous mettez deux filières au sein du même établissement, vous avez de fait deux organisations administratives différentes; cela prend naturellement du temps et pourrait parfois avoir pour effet, dans les pires cas, qu'on s'occupe moins des projets pédagogiques et des synergies sociales, ce qui serait bien sûr tout à fait regrettable.
Mais la visée de ce texte, contrairement à ce qui a été dit d'entrée de jeu en commission, ne portait pas sur une question organisationnelle: comme je l'ai évoqué tout à l'heure, il s'agissait de dire que la lourdeur de ces établissements pouvait, selon nous, être source d'entraves pour les projets pédagogiques, qui sont évidemment centraux pour la formation et pour l'enseignement. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé ce texte; cela nous a aussi permis de poser un certain nombre de questions. Selon l'ancienne magistrate, il était tout à fait clair que ce n'était pas seulement une vue de l'esprit de notre groupe, mais que par ailleurs les filières mixtes - les bâtiments à filières mixtes - ont cet avantage qu'elles permettent une gestion plus simple du flux des élèves: ceux qui changent d'orientation peuvent rester dans le même bâtiment, ce qui permet de jouer avec les flux d'élèves plus facilement.
Les travaux de commission nous ont donc montré que nos doutes et nos craintes étaient malheureusement confirmés ! Au fil des discussions, nous avons pris en compte les arguments des uns et des autres et si vous lisez le rapport, vous verrez que le texte de la motion a été largement modifié puisque désormais l'invite porte uniquement sur un bilan de ces écoles mixtes, s'agissant de leur fonctionnement, de leur possible lourdeur administrative...
La présidente. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
Mme Natacha Buffet-Desfayes. Merci beaucoup. ...et puis de leur avenir, puisque je rappelle aussi que l'ancienne magistrate nous avait dit que c'était vraiment un choix pratique, en lien avec la gestion du flux des élèves, et que toutes les écoles qui seraient construites à l'avenir - on sait que ça prend du temps, on sait que c'est difficile - pourraient systématiquement être à filières mixtes. Au vu de l'ensemble de nos doutes et de nos peurs quant à ces établissements, nous demandons donc un bilan du fonctionnement de ces écoles, qui sont somme toute relativement récentes - tout le monde ne connaît pas les écoles mixtes puisque les filières, avant, étaient séparées les unes des autres.
Le texte a par conséquent été amendé en ce sens, pour avoir un bilan - je l'ai dit -, pour savoir sur quoi nous discutons exactement. Son titre a aussi été changé, il fait désormais référence à l'avenir de ces bâtiments à filières mixtes. Je vous propose donc d'aller de l'avant et de soutenir cette proposition de motion telle qu'amendée en commission. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'ai le plaisir de reprendre cet excellent rapport, auquel je vous renvoie pour le surplus. Voici un exemple, selon la minorité, d'une motion qui vise quand même un petit peu à régler des problèmes un peu imaginaires en lien avec ces établissements à filières mixtes. Pourquoi imaginaires ? Eh bien, tout d'abord, parce que les travaux ont permis d'établir... Je n'ai d'ailleurs pas très bien compris la rapporteuse de majorité sur ce point-là: elle-même reconnaît qu'il ressort des travaux que ces établissements mixtes permettent d'apporter une certaine souplesse, notamment en matière de gestion des locaux - on sait que les locaux scolaires restent un enjeu majeur pour notre canton. Pour la minorité, il est donc clairement préférable d'avoir des solutions qui garantissent plus de souplesse et d'éviter ainsi d'avoir tout d'un coup des établissements bondés, avec des problèmes de place, et de devoir construire ensuite des bâtiments dans l'urgence ou recourir à des locaux préfabriqués, par exemple. Cela a également été dit durant les travaux: ces établissements mixtes permettent en outre des synergies et des échanges intéressants.
Ce que l'on voit, c'est que les présupposés des motionnaires n'ont pas été confirmés durant les travaux puisque les acteurs du terrain que sont la FAPPO, qui représente les parents, mais aussi les syndicats ne vont pas du tout dans le sens de cette motion, qui n'est pas soutenue par ces acteurs: ils estiment au contraire que les établissements mixtes donnent satisfaction et permettent beaucoup de choses intéressantes. Et puis la dernière raison de ne pas soutenir cette motion, c'est qu'elle stigmatise - elle a vraiment été déposée dans ce sens-là - ces établissements mixtes, qui seraient soi-disant dysfonctionnels, etc., qui poseraient des problèmes, ce qui ne correspond tout simplement pas à la réalité ! Pour l'ensemble de ces raisons, la minorité vous invite à rejeter cette motion. Je vous remercie de votre attention, Mesdames et Messieurs.
La présidente. Merci. La parole est à Mme de Planta pour une minute quarante-cinq.
Mme Francine de Planta (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais simplement rebondir sur les propos de M. Mizrahi: les acteurs du terrain n'ont pas tous dit ce que M. Mizrahi affirme puisque les élèves que la commission a auditionnés nous ont quand même parlé de l'aspect identitaire, s'agissant du fait d'être dans un bâtiment au sein duquel tous les élèves appartiennent à la même filière; c'est une chose à laquelle ils sont très attachés.
Et pour revenir sur les projets pédagogiques, le seul qui nous a été cité en commission - je voudrais quand même le dire ici - est le don du sang ! Si un projet pédagogique, dans une école à filières mixtes, se limite au don du sang, on peut se poser des questions sur l'efficacité du dispositif. Je voulais juste compléter ce propos, je vous remercie.
Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs, l'unique invite de départ - cela a été dit - visait à stopper la création des filières mixtes, c'est-à-dire à ne plus permettre aux élèves suivant soit l'ECG, soit le collège de se retrouver dans le même bâtiment. Les diverses auditions ont amené la commission à amender cette motion. Effectivement, lorsque la mixité ne s'accompagne pas de projets transversaux entre les filières, les bénéfices sociaux de cette dynamique sont moindres, voire parfois contradictoires. Par contre, les auditions ont démontré que lorsque des projets pédagogiques, des échanges, etc., sont vraiment mis en oeuvre, on voit alors émerger des effets positifs en matière de relations entre élèves et de climat au sein de l'établissement.
Pour cette raison, l'invite a été modifiée - la rapporteure de majorité vous l'a dit - afin de demander un rapport sur les bâtiments accueillant ces filières mixtes. Les critères d'évaluation et d'analyse devront porter sur les projets pédagogiques et leurs effets - y compris d'éventuels effets négatifs -, mais aussi sur la charge administrative liée à l'existence de deux systèmes au sein d'un même établissement. Le Centre a soutenu cette proposition d'amendement, qui se distancie de la suppression des filières mixtes au sein d'un même bâtiment initialement demandée. Un rapport semble effectivement essentiel pour que nous puissions évaluer le système tel qu'il a été proposé; on voit bien qu'entre le rapport de minorité et le rapport de majorité, entre ce qui est soulevé par les uns et les autres, le sujet mérite qu'on aille un petit peu plus loin et qu'on reçoive une réponse de la part du Conseil d'Etat. C'est pourquoi Le Centre soutiendra cette motion telle qu'amendée.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais commencer par enfoncer une porte ouverte: en définitive, quelle est la seule particularité d'une école mixte ? C'est précisément qu'elle est mixte ! C'est-à-dire que l'on décide de proposer à des jeunes, des élèves, qui ont différentes vocations, qui ont différentes compétences, qui ont différentes ambitions de cohabiter sur le même site. Et à l'évidence, ce projet est louable ! A l'évidence, chacun a tout à gagner à côtoyer des gens qui ne lui ressemblent pas ! Il y a toute une série d'institutions qui précisément tirent leur valeur de la mixité ! Et il y a toute une série d'institutions qui perdent leur valeur parce que précisément - qu'il s'agisse de logement, qu'il s'agisse d'engagement civique - elles ne sont pas mixtes ! Voilà !
Il se trouve que, à titre personnel, j'ai une vie un peu mixte vu que quand je ne suis pas ici, au parlement, j'enseigne. Et j'enseigne justement dans une école mixte ! En tant qu'acteur de terrain, je peux effectivement le dire: évoluer dans une école mixte est une plus-value considérable, aussi bien pour les élèves que pour les enseignants ! Et les arguties qui restent dans les considérants de cette motion sont fondamentalement problématiques - elles ne correspondent pas à la réalité ! La lourdeur administrative qu'on prête au système, c'est une vue de l'esprit ! Une grande école a effectivement besoin de plus de personnel administratif et technique, de plus de doyens - même si on n'obtient pas toujours les postes nécessaires au fonctionnement adéquat de ces écoles -, mais ce n'est pas son caractère mixte qui génère des surcoûts.
Un des considérants porte sur le centre de documentation: évidemment que le centre de documentation doit proposer des ouvrages qui correspondent à toutes les filières ! C'est un enrichissement, parce que des élèves qui sont dans une filière ECG, dans une filière collège ou dans une filière de centre de formation professionnelle commerce vont précisément pouvoir piocher dans le fonds destiné aux autres ! Quant aux projets pédagogiques, peut-être que les auditionnés n'ont pas su faire la liste des occasions où les étudiants se croisent; je peux certifier que ces projets vont bien au-delà de celui qui a été cité, qui est au demeurant tout à fait intéressant. Dans l'école où j'enseigne, ces projets sont en l'occurrence bien plus nombreux et permettent l'enrichissement de tout un chacun. Et c'est pour cela que nous ne soutiendrons pas ce texte. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Je salue à la tribune la présence de notre ancien président, M. Eric Leyvraz. (Applaudissements.) La parole va à Mme Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente. A moins qu'il y ait eu un amendement qui m'ait échappé, je voudrais quand même rappeler à la plénière que, d'une part... Excusez mes lunettes de soleil, mais j'ai terriblement mal aux yeux aujourd'hui. Je vous signale qu'un amendement, accepté par la commission, a changé le titre de la motion pour: «Avenir des écoles à filières mixtes dans l'enseignement secondaire II». Et d'autre part, il est demandé au Conseil d'Etat de «présenter un rapport sur les écoles mixtes qui fera l'état des lieux des projets pédagogiques», etc. Alors pourquoi dire non ? Le MCG votera donc oui. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais revenir sur deux points et tout d'abord sur ce qu'a dit la préopinante PLR par rapport aux jeunes, qui auraient soi-disant été consultés dans le cadre de ces travaux. En réalité, si un jeune issu d'une école mixte a effectivement été entendu durant les travaux de commission, le Parlement des jeunes a bien spécifié qu'il n'y a pas eu de consultation en amont et qu'il n'y a pas de position officielle de sa part. Dans ces conditions, dire qu'il y a eu une véritable consultation des élèves concernés dans le cadre des travaux de commission... Voilà, ça ne correspond tout simplement pas à la réalité.
Deuxièmement, pour rebondir sur ce qu'a dit mon excellent collègue Julien Nicolet-dit-Félix, le problème de cette motion, c'est qu'elle n'est pas une motion de commission ! Ça reste une motion PLR, teintée par les considérants... (Remarque.) Ce n'est pas ça le problème, Madame la rapporteuse de majorité. Le problème, c'est que les considérants de cette motion, qui ne sont pas modifiables, restent à charge pour ces écoles à filières mixtes et vont à l'évidence colorer non seulement le vote, mais aussi, en cas de majorité, le rapport qui sera ensuite rendu par le Conseil d'Etat; il est à craindre que seuls les aspects négatifs potentiels seront examinés et non les aspects positifs.
Pour toutes ces raisons, il nous semble inutile de mobiliser l'administration pour faire un rapport. Nous suggérons plutôt de laisser au département la marge de manoeuvre nécessaire s'agissant de la suite de la planification des établissements scolaires du secondaire II. Je vous propose par conséquent de refuser cette motion et vous remercie de votre attention.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à la rapporteure de majorité pour une minute.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de majorité. Pour une minute ! Merci beaucoup. Je reviendrai sur les propos de mon préopinant Vert, qui parle d'arguties et de vue de l'esprit. Je lui renverrai la balle, puisqu'il considère que je développe des arguties, que j'avance des vues de l'esprit: peut-être est-ce aussi son cas !
Je relève par ailleurs, dans les propos qui ont été tenus, qu'on parle de cohabitation. Cohabiter ne signifie pas travailler ensemble et permettre des projets pédagogiques. Je vous le rappelle, nous voulons absolument que les projets pédagogiques et la mixité sociale soient maintenus et renforcés. C'est pourquoi nous attirons l'attention sur de possibles... (L'oratrice insiste sur ce mot.) ...lourdeurs administratives, les difficultés possiblement rencontrées par ces écoles à filières mixtes. Et comme nous avons une volonté d'équité entre tous les établissements, nous demandons un bilan. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs, nous allons maintenant voter sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2724 (nouvel intitulé) est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui contre 23 non (vote nominal).