Séance du
vendredi 22 mars 2024 à
18h
3e
législature -
1re
année -
10e
session -
66e
séance
La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.
Assiste à la séance: Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Lara Atassi, Stefan Balaban, Diane Barbier-Mueller, Pierre Conne, Lionel Dugerdil, Jean-Louis Fazio, Jean-Marc Guinchard, Angèle-Marie Habiyakare, Cédric Jeanneret, Charles Poncet, Caroline Renold, Skender Salihi, Léna Strasser, Vincent Subilia et Louise Trottet, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Oriana Brücker, Rémy Burri, Patrick Lussi, Yves Magnin, Philippe Meyer, Daniel Noël et Frédéric Saenger.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
La présidente. Nous poursuivons avec notre ordre du jour ordinaire et passons à la M 2664-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité était de M. Jean-Luc Forni et est repris par M. Magnin; le rapport de minorité, de M. Patrick Hulliger, est repris par Mme Conti. Je donne la parole à M. Xavier Magnin.
M. Xavier Magnin (LC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Je reprends en effet le rapport de majorité de mon ancien collègue Forni. Cette proposition de motion soulève le problème de l'équivalence des niveaux entre les maturités suisses et les baccalauréats français lors de l'inscription des étudiants à l'Université de Genève. Les détenteurs des titres suisses ont, selon les signataires de ce texte, un meilleur niveau que les détenteurs de baccalauréats français. Cette motion demande donc que l'université relève le niveau d'exigence pour les titres français à une moyenne générale de 14 sur 20, au lieu de 12 sur 20 comme exigé actuellement. La commission s'est attachée à comprendre comment et par qui étaient fixés les critères d'admission pour les porteurs des baccalauréats français s'inscrivant à l'université et si cette dernière avait bien adapté ses exigences aux recommandations émises.
En conclusion des débats, la commission de l'enseignement supérieur a rejeté à une large majorité cette proposition de motion demandant l'augmentation des exigences en vue d'une inscription à l'Université de Genève pour les détenteurs d'un baccalauréat français. Tant le rectorat de l'université que la conseillère d'Etat chargée du DIP - à l'époque - ont convaincu la majorité des commissaires que la commission d'admission et des équivalences des hautes écoles (swissuniversities) procède, chaque année, à une évaluation et à une comparaison des exigences de la maturité suisse avec celles des baccalauréats étrangers. Elle fournit ainsi des recommandations à l'intention des universités de notre pays. L'Université de Genève, même si elle a gardé la moyenne d'admission des baccalauréats français à 12 sur 20, a relevé son niveau d'exigences pour ces futurs étudiants en n'admettant que les cursus qui comptaient un certain niveau en mathématiques et dans les branches scientifiques.
L'université a ainsi pris les mesures nécessaires pour assurer l'équivalence des exigences entre porteurs de maturité suisse et de baccalauréat français lors de l'inscription dans un cursus. Cette proposition de motion ne se justifie donc plus et la grande majorité de la commission de l'enseignement supérieur vous invite à la rejeter.
Mme Virna Conti (UDC), rapporteuse de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, bon, je n'ai pas eu la même chance que le député Alexis Barbey qui, lui, a repris le rapport d'un député de qualité. Là, ce n'est pas mon cas et je vais donc évidemment faire ce que je peux. (Commentaires. Rires.) Je dis ce que je pense ! (L'oratrice rit.)
Cette proposition de motion avait effectivement pour vocation de soulever la problématique de l'équivalence entre la maturité suisse et le baccalauréat français. Actuellement, l'exigence est la suivante - on l'a déjà dit: il faut à un collégien suisse la note de 4 sur 6 pour entrer dans une université en Suisse; un lycéen français a besoin d'un 12 sur 20, ce qui ne correspond pas exactement aux deux tiers de la note maximale, comme c'est le cas pour les diplômes suisses. Raison pour laquelle cette motion a été lancée: pour qu'on s'approche de nos minimaux suisses.
La motion considère que le plus important est que les étudiants puissent partir d'une base commune, autrement dit qu'ils soient soumis aux mêmes exigences pour entrer à l'université. Le recteur de l'Université de Genève a très clairement dit que le taux de réussite des titulaires d'une maturité cantonale était bien supérieur à celui des détenteurs d'un bac français. Il a par ailleurs également dit que les exigences étaient moins strictes pour entrer à l'UNIGE que pour accéder à l'université dans d'autres cantons - il y avait effectivement cette question du cours... sur le truc des mathématiques... Enfin bref ! (L'oratrice rit.)
Ce qu'on veut dire par là, c'est que le but est de donner une impulsion pour relever le niveau d'admission. L'EPFL, par exemple, a augmenté ses exigences en demandant un minimum de 16 sur 20: leur argument part du constat qu'ils avaient beaucoup trop d'étudiants étrangers et ils se sont dit qu'ils allaient donc augmenter le niveau exigé pour les bacs étrangers. Toujours est-il que le constat et la conclusion, c'est finalement que le niveau a été relevé et qu'une nette différence a effectivement été observée depuis. La conseillère d'Etat alors en charge du DIP a également dit, lors de son audition en commission, que plus les exigences sont hautes, moins il y a d'échecs. Partant de tous ces constats, de tous ces éléments, l'UDC vous invite à accepter cette motion.
Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames et Messieurs les députés, la motion est dépassée car le baccalauréat a été réformé. L'Université de Genève a déjà renforcé ses conditions d'admission en demandant des garanties. Et, en effet, elle a pris les mesures nécessaires pour assurer l'équivalence des exigences entre porteurs de maturité suisse et de baccalauréat français lors de l'inscription dans un cursus; il semblerait plutôt que cet objet vise à supprimer tous les baccalauréats français. Par conséquent, le groupe socialiste refusera cette proposition de motion, car il s'agit d'une attaque discriminatoire de l'UDC vis-à-vis des origines culturelles des étudiants de l'UNIGE. La diversité est importante pour la qualité de l'enseignement, aussi, vous l'aurez compris, nous vous invitons à rejeter cette motion.
M. Florian Dugerdil (UDC). Nous sommes heureux d'apprendre, au groupe UDC, que ces mesures ont effectivement été corrigées au sein de l'université - ce qui montre donc la légitimité de la motion. Quant aux garanties, est-ce qu'il s'agit des notes ? Nous n'en sommes pas sûrs: nous n'avons pas de confirmation, ce qui confirme encore la légitimité de cette motion. Ce qui est sûr et certain ce soir, c'est que les auditions menées par la commission ont permis de mettre en exergue l'inégalité de traitement en la matière.
Ce texte pose une vraie question de fond, sans faire de procès d'intention, je précise, sur les besoins de swissuniversities - on l'a évoqué tout à l'heure -, tout en demandant de relever le niveau, en renforçant les matières et en maintenant la diversité dans nos universités. Ça garantit également un contrôle équitable pour tous les pays, en assurant des conditions d'admission adéquates et en donnant la même chance à tout le monde.
Mesdames et Messieurs les députés, les améliorations évidentes, en tout cas pour nous, que propose cette motion retiennent notre attention et c'est pourquoi nous la soutiendrons.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Florey pour une minute quarante.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. Je suis quand même surpris des propos de Mme Demaurex - vous transmettrez, Madame la présidente - qui admet en fait que l'EPFL pratique de la discrimination ! Vous pourrez regarder dans le Mémorial: c'est exactement ce que vous avez dit...
La présidente. Je vais continuer à transmettre.
M. Stéphane Florey. ...puisque vous avez déclaré que cette motion était discriminatoire ! On peut donc aisément en conclure que l'EPFL fait de la discrimination, mais pire encore que ce que propose mon texte puisqu'elle demande, elle, 16 ! Ça montre bien que les diplômes proposés par la France et la Suisse ne sont aucunement équivalents, puisqu'elle a très justement placé la barre très haut. Nous, nous l'avions mise un peu en dessous parce que nous ne voulions pas nous calquer sur l'EPFL, mais ça, c'est notre choix politique !
Aujourd'hui, vous parlez de mesures. Mais quelles sont ces mesures, comme l'a dit mon collègue ? On n'en sait rien du tout ! A mon avis, ce ne sont même pas les notes; ils prennent des garanties pour vaguement s'assurer que... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...pour justement - ouh ! - ne surtout pas brusquer les choses ! Vous voulez donc continuer à prendre tout et n'importe quoi, quel que soit le niveau; ça, on l'a bien compris ! La population prendra acte de votre refus...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Stéphane Florey. ...de valoriser nos propres étudiants, au profit du tout et du n'importe quoi ! Je vous remercie.
Mme Laura Mach (Ve). Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes et les Verts vont refuser cette motion et laisser la main à l'université. En effet, c'est bien à l'université et non au politique de décider des critères d'admission nécessaires à ses programmes. Or swissuniversities a récemment émis des recommandations qui ont été prises en compte par l'Université de Genève. Cette motion n'en tient pas compte, raison de plus pour ne pas l'accepter.
M. Sami Gashi (MCG). Chers collègues, cette motion propose de relever les critères d'admission à l'Université de Genève pour les détenteurs de titres scolaires étrangers. Par exemple, on sait que les systèmes éducatifs suisse et français ne sont pas similaires: la maturité s'obtient en quatre ans tandis qu'en France, c'est seulement trois ans. L'idée avec cette motion est donc de réduire l'inégalité de traitement en matière d'accès aux études supérieures, alors que les étudiants genevois sont aujourd'hui défavorisés. (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)
La présidente. Oui, je sais, ils vous dérangent, mais c'est volontaire. Ils font exprès et je ne vais donc pas intervenir. (Rires.)
M. Sami Gashi. De ce fait, le MCG votera en faveur de cette motion et vous invite à la soutenir également. Merci de votre attention !
Une voix. Bravo, Sami !
M. Xavier Magnin (LC), rapporteur de majorité ad interim. Je vais essayer de finir sans que vous soyez obligée de sortir des personnes, Madame la présidente. J'ai entendu parler de mesures corrigées; non, elles ne sont pas corrigées ! Elles sont adaptées chaque année selon les préconisations de swissuniversities. Et swissuniversities a bien entendu attendu notre détermination pour prendre des mesures et les adapter chaque année ! Je pense qu'ils attendent véritablement qu'on se positionne !
Il faut savoir que les exigences des études augmentent, il y a donc chaque année des recommandations dans certains domaines pour atteindre le niveau souhaité, tant dans les universités qu'à l'EPFL. S'agissant de l'EPFL, il faut savoir aussi qu'un certain niveau en mathématiques à la maturité fédérale ou cantonale ne suffit parfois pas pour entrer en première année: une année préparatoire est également recommandée pour les étudiants ayant réussi leur maturité suisse, en fonction du niveau en maths.
Swissuniversities n'a donc pas eu besoin de cette motion pour émettre, depuis très longtemps, des recommandations. Ce qu'elle fait pour le bien des universités, pour assurer un certain succès, mais aussi pour permettre à chacun d'avoir accès aux études, et cela par le biais d'un curseur qu'il faut, de nouveau, bien ajuster entre réussite et accessibilité aux études.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2664 est rejetée par 52 non contre 18 oui (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous poursuivons avec la M 2671-B et le RD 1528-A, classés en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Christina Meissner, à qui je passe la parole.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Merci, Madame la présidente. Je m'excuse, je serai un peu longue, mais le traitement de ces objets a aussi été très long. En préambule, j'aimerais préciser que le RD 1528 du Conseil d'Etat au Grand Conseil est la réponse apportée à la motion de la commission des Droits de l'Homme déposée en 2020. Il convient en outre de rappeler les enjeux de la protection de l'enfance à Genève. Dans les situations familiales difficiles et parfois conflictuelles, la règle fondamentale, pour les institutions, est la garantie du bien de l'enfant. S'il existe malheureusement de nombreux cas dans lesquels le retrait de la garde aux parents est le seul moyen de prévenir une atteinte au développement physique et psychique de l'enfant, la réalité est souvent plus nuancée. Par conséquent, le retrait de la garde est considéré comme l'ultima ratio - un moyen d'action de l'Etat qui doit être utilisé uniquement de manière subsidiaire à d'autres solutions moins incisives.
La pesée des intérêts entre préservation de l'unité de la famille et bien de l'enfant est délicate. Elle représente même parfois une question de vie ou de mort. De manière générale, une erreur d'appréciation, même de bonne foi, entraîne un fort risque de générer un traumatisme pour l'enfant, les parents, voire les deux. Et si une approche basée sur la prudence peut conduire à une augmentation du nombre de familles séparées, une pratique plus tolérante pourrait mettre en danger davantage d'enfants. L'ampleur du pouvoir d'appréciation en matière de retrait de garde et son usage par les autorités constituent donc des enjeux majeurs. Tout aussi importante est la question de la prise en charge de l'enfant après un retrait de garde. Sans oublier par ailleurs l'existence et l'efficacité de mesures alternatives, moins intrusives pour la vie familiale. On le voit, la voie est étroite, la marche délicate !
Enfin, un rappel historique a son utilité dans la mesure où le traitement de ce point est à cheval sur deux législatures et qu'il ne faudrait pas oublier tout le travail accompli depuis plus de cinq ans par notre parlement. C'est d'ailleurs la raison qui a incité la commission des Droits de l'Homme à prendre acte du rapport du Conseil d'Etat sur son projet HARPEJ, afin que l'on ait un état des lieux rédigé à un temps T, à savoir aujourd'hui, en mars 2024.
Pour rappel donc, en 2018, à la suite des travaux précédemment menés par la Cour des comptes, la commission des Droits de l'Homme s'est saisie de la problématique de la politique publique en matière de protection des mineurs. En 2020, à l'issue de deux ans de travaux, la commission a produit un rapport (le RD 1364) relatif au système genevois de protection de l'enfance, ainsi qu'une motion de commission (la M 2671) adressant toute une série d'invites au Conseil d'Etat. Avec cette motion, la commission souhaitait donner une impulsion pour une réforme du système genevois de protection de l'enfance. Elle espérait une évolution du système vers un réseau d'acteurs institutionnels diversifié, dans lequel les personnes assument une charge de travail propre à leur épargner l'épuisement...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Christina Meissner. ...qui préconise l'accompagnement des familles et la médiation, réduit l'attente et l'incertitude, et encadre de manière plus claire la procédure relative aux expertises judiciaires.
Adoptée par le Grand Conseil, la motion a été renvoyée au Conseil d'Etat le 28 août 2020. Ce dernier y a répondu le 8 septembre 2021, informant du lancement du projet HARPEJ qu'il a ensuite décrit dans le cadre de son rapport RD 1528 déposé le 26 avril 2023. Sa réponse à la motion de commission a alors été renvoyée en commission afin que l'on vérifie si le Conseil d'Etat avait bien tenu compte des invites dans son projet HARPEJ. La commission des Droits de l'Homme, à travers ses travaux et ses auditions, a pu constater que tant les préoccupations que ses propositions, exprimées par voie de motion, avaient bien été prises en compte, mais que les mesures qui en découlaient représentaient un travail très conséquent.
La prise d'acte que la commission vous propose de valider aujourd'hui permet de rendre visibles et publics aussi bien le travail du département que celui de la commission - et donc de notre parlement. Si la commission valide ainsi le projet HARPEJ, elle souligne la nécessité de procéder à un suivi attentif de la mise en oeuvre et, au besoin, à la correction éventuelle de ce dispositif. La commission insiste aussi sur la nécessité de continuer à informer le législatif sur HARPEJ, tout comme la population, étant donné la très haute importance que nous accordons toutes et tous à la protection de l'enfance. Au vu de ce qui précède, la commission vous remercie de prendre acte des deux rapports.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le parti socialiste ne soutiendra pas la prise d'acte et demandera le renvoi de ces deux objets en commission, et subsidiairement au Conseil d'Etat, pour les raisons suivantes - je vais quand même les expliquer avant que nous votions, Madame la présidente.
Ma préopinante, la rapporteuse, l'a dit: il y a effectivement eu un état des lieux. (Remarque.) Je peux encore m'exprimer comme je l'entends ! Cet état des lieux a été fait, mais cela ne suffit pas ! Il faut maintenant agir, et de notre point de vue le rapport HARPEJ ne répond qu'imparfaitement aux invites de la motion.
Comme l'a indiqué la rapporteuse, le bien de l'enfant est au centre. Mais qu'est-ce que ça veut dire, «le bien de l'enfant» ? Il s'agit d'un délicat équilibre entre protection et maintien des liens familiaux. Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est que le système de protection de l'enfance fait toujours l'objet de nombreuses critiques, qui pour notre groupe sont l'indice que cet équilibre n'est pas encore atteint. Certes, HARPEJ va dans la bonne direction, mais ce dispositif reste insuffisant sur de nombreux points. HARPEJ prévoit par exemple des mesures pour renforcer la médiation, ce qui est une bonne chose. Mais pourquoi y a-t-il encore des plaintes ? Ce n'est pas uniquement lié au problème du temps de mise en oeuvre d'HARPEJ. Il manque des mesures. Par exemple, s'agissant du droit de visite, de nombreux parents restent coupés de leurs enfants parce qu'il n'y a pas suffisamment de places pour le droit de visite médiatisé; des parents restent coupés de leurs enfants pendant des semaines, voire des mois !
La motion pointait également une psychiatrisation excessive de certaines situations alors qu'elles ne le méritaient pas, en lien aussi avec le monopole du centre d'expertises du CURML, qui avait fait l'objet de nombreuses critiques. De ce point de vue là, Mesdames et Messieurs, HARPEJ ne nous semble pas apporter des réponses crédibles pour une simple et bonne raison: le Conseil d'Etat ne propose jamais de mesures contre l'avis du TPAE.
Selon nous, il y a des modifications à apporter pour renforcer les droits des personnes concernées en matière procédurale, pour renforcer notamment leurs droits par rapport aux choix des experts et des expertes. Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi en commission et, subsidiairement, nous proposerons le renvoi au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Présidence de M. Alberto Velasco, premier vice-président
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à Mme Christina Meissner.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Sur le renvoi en commission ?
Le président. Oui !
Mme Christina Meissner. Je vous remercie. Effectivement, il faut maintenant agir. Je vous rappelle cependant que le programme HARPEJ a été présenté en avril 2023: ça ne fait même pas une année ! Une nouvelle conseillère d'Etat est entrée en fonction, il faut donc aussi lui laisser le temps de montrer ce qui est possible. Or donner le temps, cela veut dire qu'il convient non pas que l'on renvoie ces objets en commission, mais que la conseillère d'Etat prenne l'engagement de faire rapport à la commission des Droits de l'Homme sur ce qui aura été mis en place. A ce moment-là, nous pourrons décider si c'est suffisant ou non. Je suis dès lors contre le renvoi en commission, vous l'aurez bien compris.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2671 et du rapport du Conseil d'Etat RD 1528 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 50 non contre 28 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat et je donne la parole à M. Yves de Matteis.
M. Yves de Matteis (Ve). Merci, Monsieur le président de séance. Concernant ces deux textes et les réponses données en commission, reconnaissons que le Conseil d'Etat et le DIP n'ont pas été inactifs. Beaucoup a été fait en matière de protection de l'enfance, cela pour répondre aux nombreuses demandes de la commission et aux 17 recommandations adressées au Conseil d'Etat. On l'a dit, le projet HARPEJ, qui vise à harmoniser le dispositif de protection de l'enfance et de la jeunesse, permet de résoudre un certain nombre de problèmes préexistants. Mais même dans le cadre d'HARPEJ, tout n'est pas encore forcément au point.
Prenons le comité d'éthique, qui fait partie intégrante du dispositif et devait être composé de huit membres. Il a été mis sur pied afin de conseiller la direction générale de l'OEJ et d'analyser des situations individuelles complexes interpellant les professionnels, dans l'optique de cerner au mieux l'intérêt de l'enfant, d'apporter des regards extérieurs sur les pratiques des services et de contribuer à dégager des pistes d'innovation. Le professeur Philip Jaffé, membre titulaire du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, avait accepté d'en faire partie, ce qui nous avait favorablement impressionnés et rassurés quant au devenir du dispositif. Mais nous avons appris que le professeur Jaffé a finalement décliné l'invitation à faire partie de ce comité d'éthique, estimant que le dispositif n'est actuellement pas suffisamment mûr pour lui garantir qu'il pourra effectuer un travail satisfaisant en son sein.
Le Grand Conseil n'a pas non plus fait tout ce qui était en son pouvoir pour améliorer la situation, car il n'a pas accordé les budgets suffisants afin de garantir un fonctionnement optimal de certains organismes présidant à la protection de l'enfance, en tout cas de ceux qui semblent sous-dotés. Nous sommes d'ailleurs dans l'attente d'un document présentant les besoins les plus urgents en la matière. Le Grand Conseil n'a pas non plus terminé ses travaux sur le système de protection de l'enfance et n'a pas encore rendu toutes ses conclusions.
D'autre part, il n'y a toujours pas d'interlocuteur - si possible indépendant - pour les enfants ou les parents qui désireraient s'exprimer sur leur situation, même si un appel circule actuellement pour demander à l'Etat de mettre en place un poste de responsable compétent, spécialisé en matière de protection des mineurs et disponible pour les enfants, parents et familles concernés. La motion sollicitant l'instauration d'une fonction d'ombudsman à destination des enfants et de leur famille, comme cela existe ailleurs dans certains cantons ou pays, est toujours en commission.
Par ailleurs, le thème de la protection de l'enfance continue de faire l'objet d'analyses, de réflexions et de débats publics, notamment sous les auspices du vénérable Institut National Genevois, qui lui a récemment consacré une conférence et une table ronde, une deuxième table ronde devant avoir lieu le 24 avril prochain sous le titre «Déclarer les droits de l'enfant: de la protection à la participation».
En conséquence, la commission doit rester saisie de cette thématique. Mon groupe ne votera donc pas la validation de ces textes et désire demander lui aussi le renvoi en commission des deux objets. (Exclamation.) Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission. Est-ce que la rapporteure souhaite s'exprimer ? (Remarque.) Non ? Parfait. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2671 et du rapport du Conseil d'Etat RD 1528 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 53 non contre 25 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons le débat. La parole est à M. Francisco Taboada.
M. Francisco Taboada (LJS). Merci, Monsieur le président de séance. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne rentrerai pas dans ce débat. Je voudrais simplement rappeler à notre parlement que la commission de contrôle de gestion, le 21 août 2023, a confié un mandat à une sous-commission et que celle-ci travaille actuellement, entre autres, sur ce sujet. Je prends donc juste la parole pour le préciser et peut-être en informer ceux qui ne le savaient pas. Comme certains sont venus vers moi me demander si cette sous-commission avait été créée ou non, je pensais qu'il était quand même important de le rappeler ! Merci.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Je remercie M. Taboada, mon préopinant, d'avoir rappelé que la commission de contrôle de gestion s'est en plus saisie du sujet et va analyser la situation. Dès lors, je crois qu'on peut faire confiance à cette commission et, je l'espère, au Conseil d'Etat pour nous tenir informés de l'avancement du projet HARPEJ.
Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste vous adresser quelques mots pour vous rassurer: nous vous tiendrons naturellement informés, nous sommes extrêmement sensibles - je le suis tout autant que vous - à la problématique de la protection de l'enfance, j'entends également un certain nombre de plaintes, je questionne, et nous sommes régulièrement sollicités - vous l'êtes vous aussi ! - dans certaines situations. Vous m'interpellez et j'essaie de vous donner des explications, mais je ne peux pas toujours évoquer précisément les différents cas avec vous parce que vous ne disposez parfois pas exactement des mêmes informations. Je n'en dirai pas plus, mais je tenais à vous rassurer sur le fait que nous sommes extrêmement attentifs et que nous allons dans le bon sens.
Nous sommes venus en commission pour tenter de vous rassurer. J'avais d'ailleurs cru comprendre que j'y étais parvenue, puisque votre conclusion, en substance, était la suivante: «Nous vous avons demandé ce que vous alliez faire, vous nous avez répondu, nous vous en remercions, maintenant que pourrions-nous faire pour vous ?» Vous avez alors proposé que nous vous fournissions une liste des moyens qui pourraient nous être nécessaires, et nous le ferons probablement dans le cadre du prochain budget si nous avons effectivement besoin de moyens.
Par ailleurs, nous sommes extrêmement favorables à l'instauration d'une fonction d'ombudsman - soit une personne indépendante, neutre, qui ne serait pas liée à l'administration, à laquelle les gens pourraient s'adresser pour se plaindre, discuter ou soumettre leurs problèmes. Il se trouve que la motion qui formule cette demande est toujours en commission; libre à vous de la traiter prochainement pour qu'elle soit votée et qu'on puisse l'appliquer - ou non. Quoi qu'il en soit, j'aimerais vous rassurer: nous sommes extrêmement attentifs à ce sujet, la sous-commission aussi nous pose des questions et nous traitons vraiment ce dossier avec tout le sérieux qu'il mérite. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi au Conseil d'Etat. (Commentaires. Un instant s'écoule.) Cette demande a été formulée par le groupe socialiste. (Remarque.) Oui, le renvoi au Conseil d'Etat ! (Commentaires.) Madame Meissner, vous avez la parole.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Monsieur le président, ce sont des rapports, il s'agit donc d'en prendre acte. (Commentaires.)
Le président. C'est sûr, mais nous avons été saisis d'une demande de renvoi.
Mme Christina Meissner. Eh bien alors c'est non pour le renvoi au Conseil d'Etat !
Le président. D'accord, mais il faut procéder au vote, Madame. Nous allons donc nous prononcer sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2671 est rejeté par 56 non contre 23 oui (vote nominal).
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2671.
Le président. Concernant le deuxième objet... (Commentaires.) Monsieur le député, souhaitez-vous que je mette également aux voix le renvoi au Conseil d'Etat ? (Remarque.) Tant qu'à faire ?! Eh bien d'accord ! (Exclamations.)
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1528 est rejeté par 57 non contre 22 oui (vote nominal).
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1528.
Débat
Le président. Nous passons à la M 2672-B, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de Mme Joëlle Fiss et le rapport de minorité de M. Daniel Sormanni, remplacé par Mme Magnin. Madame Fiss, vous avez la parole.
Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la commission de l'enseignement supérieur s'est penchée à trois reprises sur cette motion avant que celle-ci arrive une première fois en plénière - c'était en mai 2021, ça fait donc longtemps, mais j'ai le plaisir aujourd'hui de vous présenter une deuxième version amendée. Il y a eu un petit changement pour clarifier le fait qu'on ne parle que d'institutions d'enseignement supérieur publiques et qu'on ne se mêle absolument pas de l'enseignement privé.
La motion appelle le Conseil d'Etat à agir pour encourager les cliniques de recherche. Les cliniques de recherche universitaires permettent vraiment aux étudiants de s'associer au travail de tous les jours des organisations internationales, des ONG, des multinationales, du secteur privé - bref, tout ce qui concerne leur contribution à l'intérêt général. C'est un enseignement qui est très pratique: les étudiants peuvent se pencher sur des problèmes de société, proposer des solutions. Ils nouent des relations avec le monde professionnel et, en même temps, ils apportent leur contribution à des thèmes d'actualité. Il s'agit vraiment d'une espèce de stage académique qui leur donne des crédits.
C'est «win-win»: les étudiants peuvent entamer la transition vers le monde du travail tout en étant à l'université. Cela constitue une vraie valeur ajoutée pour leur CV et leur permet de nouer des contacts. En échange de ce travail pro bono, je l'ai dit, les étudiants obtiennent des crédits académiques. Et la structure bénéficie vraiment à tout le monde. Tout le monde est content: les entreprises, par exemple, ou les ONG ont toujours besoin de recherche ! Elles ont toujours besoin de gens qui puissent se pencher sur une question très précise et l'étudier de façon impartiale. C'est aussi bénéfique pour la connaissance et l'intérêt général.
A l'époque, quand j'ai déposé cette motion - c'était en 2021, depuis, il y a eu le covid, il y a eu plein de choses -, ces programmes se répandaient de plus en plus aux Etats-Unis et ils arrivaient un petit peu dans le monde francophone. Par souci de transparence, j'aimerais vous dire que je suis actuellement impliquée dans une clinique universitaire. Bien que j'aie déposé cette motion en 2020, je trouve quand même important de vous dire que je travaille aujourd'hui pour le Geneva Center for Business and Human Rights, la seule clinique dans toute l'Europe qui combine économie et développement durable - je crois que c'est important de le souligner. Il va sans dire que c'est vraiment une valeur ajoutée pour la Genève internationale.
Des projets de recherche appliquée sont par ailleurs menés à l'IHEID, ce qui est positif. Je pense que ce serait une excellente chose que de multiplier ces cliniques dans notre canton pour contribuer au prestige de nos institutions. Les ONG, quant à elles, seront ravies parce que c'est une main-d'oeuvre supplémentaire qui leur donne la possibilité d'avancer tout en permettant aux étudiants d'obtenir des crédits. Le problème... Pourquoi est-ce que j'ai déposé cette motion ? C'est que les projets coûtent cher ! C'est très compétitif pour les étudiants et ils doivent être accompagnés par un professeur; ça demande du temps, des efforts, et c'est à ce niveau-là qu'il y a un blocage.
Le Conseil d'Etat peut vraiment jouer un rôle essentiel pour fédérer les partenaires publics et privés afin de les encourager à financer ce genre de projet. On ne demande donc pas d'argent ! On demande simplement une impulsion politique. Et je suis ravie que le Conseil d'Etat ait déjà inclus cela dans la nouvelle convention d'objectifs de l'université: c'est une très très bonne nouvelle. Espérons que cette impulsion politique favorise l'envol de ce dispositif et que plein d'acteurs puissent se réunir pour contribuer à des thèmes d'actualité de portée globale: ça peut être le développement durable, la protection des données, les droits de l'homme, la cybersécurité, l'environnement, le commerce international - il y a vraiment beaucoup d'options. Je vous invite donc à adopter cette motion telle qu'elle a été amendée en commission et je vous remercie d'avance.
Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de minorité ad interim. Chères et chers collègues, cette motion aurait pu passer aux extraits, dès lors que le MCG n'y est plus opposé en raison des résultats brillants des finances cantonales.
Des voix. Oh !
Mme Danièle Magnin. Par conséquent, nous la soutiendrons. Merci. (Applaudissements.)
M. Yves de Matteis (Ve). Les cliniques de recherche constituent des dispositifs qui peuvent être particulièrement fructueux, tant pour l'université, les professeurs et les étudiantes et étudiants que pour l'intérêt général. Elles permettent de mettre en lumière des thèmes qui ne l'avaient pas été de manière approfondie auparavant, avec même pour résultat concret la publication de rapports ou de brochures qui sont souvent d'intérêt public. On pourrait citer en exemple la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de l'Université de Genève, créée en 2013, laquelle a pour double objectif d'offrir une formation pratique aux étudiantes et étudiants de master en droit et de tisser des liens entre l'université et la cité, notamment à travers la vulgarisation du droit et la diffusion de sa connaissance, dans une perspective de contribution à la justice sociale.
De telles cliniques, portant sur d'autres sujets d'intérêt public et nécessitant la production de matériel offrant une aide concrète, pourraient être soutenues par le Conseil d'Etat. Il est en tout cas clair que le Grand Conseil - ou du moins les partis ayant soutenu cet objet - apporte son soutien plein et entier à de tels dispositifs. Notre groupe votera donc en faveur de ce très bon texte et vous enjoint de faire de même; il sera peut-être même adopté à l'unanimité, puisqu'il semblerait que certains objecteurs ou objectrices initiaux ne le soient plus ! Merci, Madame la présidente.
M. Xavier Magnin (LC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, une motion qui ouvre le champ des possibles, c'est appréciable. Les cliniques de recherche sont un moyen supplémentaire - un bon moyen - pour la formation et la mise en situation concrète. Toutefois, il faut accepter le texte tel qu'amendé en commission, qui clarifie nettement la proposition.
Les bienfaits sont nombreux; comme l'objet semble destiné à obtenir l'unanimité, ou à en être très proche, et que la rapportrice de majorité a bien résumé le projet, je ne vais pas aller plus loin. Ces bienfaits figurent par ailleurs dans les considérants: «favoriser l'interaction entre le monde académique et la gouvernance de la Genève internationale; responsabiliser les étudiants et intégrer leurs études et analyses dans le monde professionnel; stimuler les rencontres précieuses entre les étudiants et le monde professionnel». On ne peut qu'y être favorable et vouloir en faire profiter aussi bien les étudiants que le monde professionnel - c'est un gain pour toutes et tous. Le Centre vous invite donc à un vote positif sur cette motion.
Une voix. Bravo !
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, la vie économique, politique, sociale dépend toujours de l'innovation et de la créativité. Et l'innovation et la créativité passent par la recherche. Nous avons deux types de recherche: la recherche scientifique et la recherche appliquée, autrement dit la recherche tournée vers l'action ! Le groupe LJS est toujours en faveur des projets qui vont valoriser l'image de notre canton, de notre pays; nous vous invitons à approuver ce projet qui va encore apporter de la valeur ajoutée dans le domaine éducatif. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je ne vais pas faire long parce que beaucoup de choses ont déjà été dites sur cette très bonne motion. Au sein du groupe socialiste, nous allons donc aussi la soutenir. Je fais miens les motifs qui ont été indiqués notamment par la rapporteuse de majorité et par mon collègue Yves de Matteis. Et j'aimerais appuyer son exemple relatif à la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables, qui est véritablement un très bon exemple de ce qui peut être fait en matière de cliniques de recherche. Dans ce cas, je souligne que ce n'est pas seulement au bénéfice de la Genève internationale ou du monde économique, mais aussi des associations locales qui défendent les droits de ces personnes vulnérables. Je trouve que cela permet des échanges vraiment très fructueux entre le monde académique - la recherche - et les personnes qui sont sur le terrain pour défendre les droits des personnes vulnérables. Voilà, pour ces raisons notamment, nous vous invitons aussi, au groupe socialiste, à soutenir cette motion. Merci de votre attention.
Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de majorité. C'est magnifique, je vous remercie beaucoup pour votre soutien ! Juste un petit clin d'oeil au MCG: en réalité, le MCG aurait pu soutenir cette motion depuis le début ! Le texte aurait pu passer aux extraits parce qu'il demande... Cette motion ne coûte rien depuis le début: elle demandait simplement au Conseil d'Etat de réunir les acteurs autour d'une table pour trouver des fonds, parce que ce type de dispositif coûte cher. Par conséquent, on n'a jamais demandé d'argent: ça peut se faire simplement en créant un partenariat solide et en utilisant l'impulsion politique du Conseil d'Etat. C'est donc super que vous vous joigniez à nous !
La présidente. Je vous remercie. (Remarque.) Je suis navrée, Madame la rapporteure de minorité, mais il faut demander la parole avant la majorité: on clôt le débat avec la majorité. Comme on me l'a dit, il faut être rigoureux ! Mesdames et Messieurs, j'ouvre la procédure de vote.
Mise aux voix, la motion 2672 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 60 oui et 10 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
La présidente. C'est maintenant le tour de la M 2708-A. Le rapport de minorité, initialement de Mme Amanda Gavilanes, est repris par Mme Demaurex. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je donne la parole à M. Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Il s'agit d'une motion qui a été déposée en plein covid, qui a été traitée pendant le covid, et qui a fait l'objet d'un rapport déposé en janvier 2022. Cela fait donc dix-neuf sessions que ce rapport est à l'ordre du jour du Grand Conseil et les choses ont bien évolué depuis.
L'objectif de la motion était de prolonger les contrats du personnel précaire de l'enseignement supérieur et de la recherche de l'université puisqu'il y avait de fortes indications... enfin, une forte méfiance vis-à-vis du rectorat suite à des informations, plutôt orientées, reçues par certains groupes politiques. Ces cas particuliers, pour nous, ne sauraient entacher l'image du rectorat, qui garde la totale confiance de la majorité de la commission; elle a rejeté cette proposition de motion.
Les auditions ont démontré que le rectorat a bien pris conscience de la problématique relative à la prolongation des contrats précaires puisque 90% des 295 demandes de prolongation ont été accordées, le solde de 10% consistant en des demandes malheureusement irrecevables. Le problème de la précarité du corps intermédiaire, qui a été évoqué et qui est très bien connu de l'université - mais ce n'est pas le sujet de cette motion -, a été traité dans une enquête approfondie sur les conditions de travail et de carrière du corps des collaborateurs de l'enseignement et de la recherche; un plan d'action en quatre phases, en quatre piliers, a été mis en place par l'institution pour répondre à cette enquête et aux inquiétudes de cette catégorie de personnel. Cette motion est donc aujourd'hui totalement obsolète et nous ne pouvons que vous inviter à la rejeter. Je vous remercie, Madame la présidente.
Mme Sophie Demaurex (S), rapporteuse de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion reste d'actualité. Elle permet de mettre en lumière les enjeux relatifs à la précarité qui touche une partie du corps intermédiaire de l'Université de Genève, sur lequel repose l'excellence de la recherche et de l'enseignement de cette institution: les tâches d'enseignement et de recherche des universités et hautes écoles du canton de Genève sont assurées à près de 80% par du personnel en contrat précaire, à temps partiel ou à durée déterminée. L'impact de la crise sanitaire sur les chercheurs et les chercheuses peut être considéré comme un miroir de cette problématique. Il a permis de mettre au jour une réalité sociale et économique jusqu'ici ignorée: cumul de contrats à durée déterminée, faible taux d'embauche.
Les auditions de la commission ont certes montré qu'après une longue lutte menée par les associations du personnel de l'enseignement et de la recherche, comme au sein de l'assemblée universitaire et de la commission du personnel, le rectorat a mis en place un système de prolongation des contrats pour les chercheurs et les chercheuses impactés par la crise sanitaire. Cela interroge sur la possibilité de faire plus et mieux pour l'ensemble des collaborateurs et collaboratrices de l'enseignement et de la recherche qui avaient besoin d'une prolongation de contrat. En effet, il existe peu de données systématiques sur la situation professionnelle de la relève scientifique en Suisse, notamment sur le personnel des projets du Fonds national suisse (FNS) qui est employé par les hautes écoles. Je me réfère à la pétition Academia remise à l'Assemblée fédérale en octobre 2021, qui a dénoncé la précarité des conditions de travail du corps intermédiaire.
Et je profite donc de ce rapport de minorité pour vous parler de la situation en 2024. A ce jour, le Fonds national suisse n'a pas adapté les subsides 2024 au renchérissement. Renoncer à compenser le renchérissement serait un changement de politique incompréhensible puisque en 2023 le FNS a décidé d'augmenter les subsides afin de permettre un niveau d'indexation du salaire des chercheurs et chercheuses identique à celui appliqué dans chaque haute école. Une absence d'indexation reviendrait à baisser les salaires réels des personnes financées par les programmes de recherche et par conséquent à dégrader leurs conditions de travail. Une décision négative serait particulièrement malvenue lorsqu'on sait que certains des salaires payés par les programmes de recherche financés par le Fonds national suisse sont parmi les plus bas au sein des hautes écoles. On pense notamment aux doctorants et doctorantes, dont le salaire brut annuel ne se monte pas à plus de 50 000 francs en première année. Le FNS prévoit certes une compensation du renchérissement dans son programme pluriannuel, en particulier pour les doctorantes et doctorants, mais seulement à partir de 2025, et cela indépendamment de l'indexation spécifique à chaque canton ou haute école. On ignore si cela permettra d'améliorer réellement la structure des salaires, ou du moins de compenser la perte de salaire réel.
Pour revenir à la situation du corps intermédiaire de l'Université de Genève, il ne reste plus qu'à poursuivre la mise en oeuvre de solutions concrètes pour permettre à toutes et à tous de s'épanouir en faisant de la recherche académique, tout en ayant une vie décente. C'est pourquoi le parti socialiste considère qu'il faut soutenir cette motion, cela afin d'améliorer les solutions proposées. Je vous remercie.
M. Florian Dugerdil (UDC). Chers collègues, comme l'a si bien dit notre rapporteur de majorité, le rectorat a tout à fait conscience de la problématique relative à la prolongation des contrats précaires. Il a en sus établi des garde-fous supplémentaires en émettant de nouvelles directives afin de pérenniser l'octroi de ces prolongations. Quant à la précarité du corps intermédiaire - on l'a mentionné, ce n'est pas le sujet direct de cette motion -, les problèmes ont été identifiés et les mesures correctives mises en place. Ce texte n'apporte donc effectivement plus rien !
Finalement, la pandémie, qui était au coeur des préoccupations de la motion, est aujourd'hui largement derrière nous et nous pouvons attester que les mesures qui devaient être mises en place durant cette crise ont été appliquées. Mesdames et Messieurs les députés, au vu de ce qui précède, le groupe de l'Union démocratique du centre rejettera cette proposition de motion.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le rapporteur de majorité n'a pas complètement tort lorsqu'il affirme que cette motion a été déposée dans un contexte très particulier puisque c'était celui de la pandémie de covid. Celui-ci a justement permis de révéler la grande précarité dans laquelle évolue le corps intermédiaire de l'enseignement et de la recherche de notre université, qu'il s'agisse évidemment de rémunération mais aussi, et peut-être surtout, de durée des contrats - ils sont systématiquement à durée déterminée - et également de pression: pression en matière de rendement, du fait d'une forme d'application très pyramidale de la hiérarchie qui pousse les collaborateurs à produire, un petit peu dans une logique d'économie productiviste qui est incompatible, ou difficilement compatible, avec la recherche fondamentale, la recherche universitaire.
Cela a été mentionné, l'épidémie est passée - espérons-le -, mais ce qu'elle a révélé demeure ! Mme Demaurex l'a très bien dit et a évoqué de façon tout à fait convaincante cette précarité: malgré les ajustements, malgré le monitorage, chacun le reconnaît, elle n'a pas disparu ! Elle est toujours là ! Alors peut-être qu'il y a eu des ajustements à la marge, mais en définitive - on le sait - le corps intermédiaire de l'Université de Genève fonctionne dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes. De ce fait, si l'on examine les quatre invites de cette motion, peut-être peut-on dire que la première est un petit peu surannée, un peu obsolète, mais les trois suivantes sont complètement d'actualité ! Et c'est bien pour cela, Mesdames et Messieurs, que les Vertes et les Verts vont soutenir cette motion. Je vous remercie.
M. Xavier Magnin (LC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le rectorat ayant répondu de façon favorable aux questions des députées et députés, et puisqu'il a particulièrement bien pris en compte la problématique de cette crise, avec la résolution - on l'a dit - de 90% des cas, le groupe Le Centre soutient le rejet de cette motion qui fait référence noir sur blanc, notamment dans son exposé des motifs, à des mesures spécifiques dans le cadre d'une crise sanitaire heureusement derrière nous à ce jour.
La précarité des étudiants, qui semble être une sale réalité, doit être effectivement traitée - et en urgence -, mais cela nécessite un autre texte et d'autres mesures, pérennes et hors conjoncture particulière. Le lancement de l'enquête est une excellente initiative qui mérite que l'on se penche dessus et constitue véritablement un pas significatif dans le sens d'une amélioration des conditions. Donc, à vos crayons pour rédiger quelque chose ! Pour Le Centre, cette motion est caduque, nulle et non avenue, de par les mesures déjà prises par l'UNIGE.
Une voix. Bravo !
Mme Danièle Magnin (MCG). Chers collègues, vu tout ce qui a déjà été dit, je ne souhaite pas aller plus loin, afin de préserver un temps qui nous est précieux: je vous confirme que le MCG refusera cette motion. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2708 est rejetée par 45 non contre 22 oui (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous poursuivons avec la M 2724-A, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport de minorité était de M. Youniss Mussa; il est repris par M. Mizrahi. (Mme Natacha Buffet-Desfayes se rend à la table des rapporteurs. Un instant s'écoule.) Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mes excuses pour mon léger retard; traverser l'ensemble de la salle me prend toujours un petit peu de temps !
Le texte dont nous discutons ce soir mérite d'abord un petit rappel historique puisque quand on parle d'école dite mixte, on parle bien d'école où il n'y a pas... enfin, les garçons et les filles y sont mélangés, mais c'est surtout parce que deux filières sont réunies dans le même établissement qu'on parle de mixité. Pour revenir au petit rappel historique, il faut que je vous dise qu'il y a une quinzaine d'années, alors que le département était déjà entre les mains du parti socialiste, ou du moins de magistrats socialistes, on nous avait, entre guillemets, «vendu» la possibilité d'école à filières mixtes comme une forme de promotion de synergies pédagogiques et sociales.
Evidemment, c'était un beau projet. La réalité, selon notre groupe et selon la majorité, c'est que nous avons malheureusement pu constater que cela donne des établissements du secondaire II densément remplis et administrativement plus lourds à gérer. Je rappelle que si vous mettez deux filières au sein du même établissement, vous avez de fait deux organisations administratives différentes; cela prend naturellement du temps et pourrait parfois avoir pour effet, dans les pires cas, qu'on s'occupe moins des projets pédagogiques et des synergies sociales, ce qui serait bien sûr tout à fait regrettable.
Mais la visée de ce texte, contrairement à ce qui a été dit d'entrée de jeu en commission, ne portait pas sur une question organisationnelle: comme je l'ai évoqué tout à l'heure, il s'agissait de dire que la lourdeur de ces établissements pouvait, selon nous, être source d'entraves pour les projets pédagogiques, qui sont évidemment centraux pour la formation et pour l'enseignement. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé ce texte; cela nous a aussi permis de poser un certain nombre de questions. Selon l'ancienne magistrate, il était tout à fait clair que ce n'était pas seulement une vue de l'esprit de notre groupe, mais que par ailleurs les filières mixtes - les bâtiments à filières mixtes - ont cet avantage qu'elles permettent une gestion plus simple du flux des élèves: ceux qui changent d'orientation peuvent rester dans le même bâtiment, ce qui permet de jouer avec les flux d'élèves plus facilement.
Les travaux de commission nous ont donc montré que nos doutes et nos craintes étaient malheureusement confirmés ! Au fil des discussions, nous avons pris en compte les arguments des uns et des autres et si vous lisez le rapport, vous verrez que le texte de la motion a été largement modifié puisque désormais l'invite porte uniquement sur un bilan de ces écoles mixtes, s'agissant de leur fonctionnement, de leur possible lourdeur administrative...
La présidente. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
Mme Natacha Buffet-Desfayes. Merci beaucoup. ...et puis de leur avenir, puisque je rappelle aussi que l'ancienne magistrate nous avait dit que c'était vraiment un choix pratique, en lien avec la gestion du flux des élèves, et que toutes les écoles qui seraient construites à l'avenir - on sait que ça prend du temps, on sait que c'est difficile - pourraient systématiquement être à filières mixtes. Au vu de l'ensemble de nos doutes et de nos peurs quant à ces établissements, nous demandons donc un bilan du fonctionnement de ces écoles, qui sont somme toute relativement récentes - tout le monde ne connaît pas les écoles mixtes puisque les filières, avant, étaient séparées les unes des autres.
Le texte a par conséquent été amendé en ce sens, pour avoir un bilan - je l'ai dit -, pour savoir sur quoi nous discutons exactement. Son titre a aussi été changé, il fait désormais référence à l'avenir de ces bâtiments à filières mixtes. Je vous propose donc d'aller de l'avant et de soutenir cette proposition de motion telle qu'amendée en commission. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'ai le plaisir de reprendre cet excellent rapport, auquel je vous renvoie pour le surplus. Voici un exemple, selon la minorité, d'une motion qui vise quand même un petit peu à régler des problèmes un peu imaginaires en lien avec ces établissements à filières mixtes. Pourquoi imaginaires ? Eh bien, tout d'abord, parce que les travaux ont permis d'établir... Je n'ai d'ailleurs pas très bien compris la rapporteuse de majorité sur ce point-là: elle-même reconnaît qu'il ressort des travaux que ces établissements mixtes permettent d'apporter une certaine souplesse, notamment en matière de gestion des locaux - on sait que les locaux scolaires restent un enjeu majeur pour notre canton. Pour la minorité, il est donc clairement préférable d'avoir des solutions qui garantissent plus de souplesse et d'éviter ainsi d'avoir tout d'un coup des établissements bondés, avec des problèmes de place, et de devoir construire ensuite des bâtiments dans l'urgence ou recourir à des locaux préfabriqués, par exemple. Cela a également été dit durant les travaux: ces établissements mixtes permettent en outre des synergies et des échanges intéressants.
Ce que l'on voit, c'est que les présupposés des motionnaires n'ont pas été confirmés durant les travaux puisque les acteurs du terrain que sont la FAPPO, qui représente les parents, mais aussi les syndicats ne vont pas du tout dans le sens de cette motion, qui n'est pas soutenue par ces acteurs: ils estiment au contraire que les établissements mixtes donnent satisfaction et permettent beaucoup de choses intéressantes. Et puis la dernière raison de ne pas soutenir cette motion, c'est qu'elle stigmatise - elle a vraiment été déposée dans ce sens-là - ces établissements mixtes, qui seraient soi-disant dysfonctionnels, etc., qui poseraient des problèmes, ce qui ne correspond tout simplement pas à la réalité ! Pour l'ensemble de ces raisons, la minorité vous invite à rejeter cette motion. Je vous remercie de votre attention, Mesdames et Messieurs.
La présidente. Merci. La parole est à Mme de Planta pour une minute quarante-cinq.
Mme Francine de Planta (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais simplement rebondir sur les propos de M. Mizrahi: les acteurs du terrain n'ont pas tous dit ce que M. Mizrahi affirme puisque les élèves que la commission a auditionnés nous ont quand même parlé de l'aspect identitaire, s'agissant du fait d'être dans un bâtiment au sein duquel tous les élèves appartiennent à la même filière; c'est une chose à laquelle ils sont très attachés.
Et pour revenir sur les projets pédagogiques, le seul qui nous a été cité en commission - je voudrais quand même le dire ici - est le don du sang ! Si un projet pédagogique, dans une école à filières mixtes, se limite au don du sang, on peut se poser des questions sur l'efficacité du dispositif. Je voulais juste compléter ce propos, je vous remercie.
Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs, l'unique invite de départ - cela a été dit - visait à stopper la création des filières mixtes, c'est-à-dire à ne plus permettre aux élèves suivant soit l'ECG, soit le collège de se retrouver dans le même bâtiment. Les diverses auditions ont amené la commission à amender cette motion. Effectivement, lorsque la mixité ne s'accompagne pas de projets transversaux entre les filières, les bénéfices sociaux de cette dynamique sont moindres, voire parfois contradictoires. Par contre, les auditions ont démontré que lorsque des projets pédagogiques, des échanges, etc., sont vraiment mis en oeuvre, on voit alors émerger des effets positifs en matière de relations entre élèves et de climat au sein de l'établissement.
Pour cette raison, l'invite a été modifiée - la rapporteure de majorité vous l'a dit - afin de demander un rapport sur les bâtiments accueillant ces filières mixtes. Les critères d'évaluation et d'analyse devront porter sur les projets pédagogiques et leurs effets - y compris d'éventuels effets négatifs -, mais aussi sur la charge administrative liée à l'existence de deux systèmes au sein d'un même établissement. Le Centre a soutenu cette proposition d'amendement, qui se distancie de la suppression des filières mixtes au sein d'un même bâtiment initialement demandée. Un rapport semble effectivement essentiel pour que nous puissions évaluer le système tel qu'il a été proposé; on voit bien qu'entre le rapport de minorité et le rapport de majorité, entre ce qui est soulevé par les uns et les autres, le sujet mérite qu'on aille un petit peu plus loin et qu'on reçoive une réponse de la part du Conseil d'Etat. C'est pourquoi Le Centre soutiendra cette motion telle qu'amendée.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais commencer par enfoncer une porte ouverte: en définitive, quelle est la seule particularité d'une école mixte ? C'est précisément qu'elle est mixte ! C'est-à-dire que l'on décide de proposer à des jeunes, des élèves, qui ont différentes vocations, qui ont différentes compétences, qui ont différentes ambitions de cohabiter sur le même site. Et à l'évidence, ce projet est louable ! A l'évidence, chacun a tout à gagner à côtoyer des gens qui ne lui ressemblent pas ! Il y a toute une série d'institutions qui précisément tirent leur valeur de la mixité ! Et il y a toute une série d'institutions qui perdent leur valeur parce que précisément - qu'il s'agisse de logement, qu'il s'agisse d'engagement civique - elles ne sont pas mixtes ! Voilà !
Il se trouve que, à titre personnel, j'ai une vie un peu mixte vu que quand je ne suis pas ici, au parlement, j'enseigne. Et j'enseigne justement dans une école mixte ! En tant qu'acteur de terrain, je peux effectivement le dire: évoluer dans une école mixte est une plus-value considérable, aussi bien pour les élèves que pour les enseignants ! Et les arguties qui restent dans les considérants de cette motion sont fondamentalement problématiques - elles ne correspondent pas à la réalité ! La lourdeur administrative qu'on prête au système, c'est une vue de l'esprit ! Une grande école a effectivement besoin de plus de personnel administratif et technique, de plus de doyens - même si on n'obtient pas toujours les postes nécessaires au fonctionnement adéquat de ces écoles -, mais ce n'est pas son caractère mixte qui génère des surcoûts.
Un des considérants porte sur le centre de documentation: évidemment que le centre de documentation doit proposer des ouvrages qui correspondent à toutes les filières ! C'est un enrichissement, parce que des élèves qui sont dans une filière ECG, dans une filière collège ou dans une filière de centre de formation professionnelle commerce vont précisément pouvoir piocher dans le fonds destiné aux autres ! Quant aux projets pédagogiques, peut-être que les auditionnés n'ont pas su faire la liste des occasions où les étudiants se croisent; je peux certifier que ces projets vont bien au-delà de celui qui a été cité, qui est au demeurant tout à fait intéressant. Dans l'école où j'enseigne, ces projets sont en l'occurrence bien plus nombreux et permettent l'enrichissement de tout un chacun. Et c'est pour cela que nous ne soutiendrons pas ce texte. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Je salue à la tribune la présence de notre ancien président, M. Eric Leyvraz. (Applaudissements.) La parole va à Mme Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente. A moins qu'il y ait eu un amendement qui m'ait échappé, je voudrais quand même rappeler à la plénière que, d'une part... Excusez mes lunettes de soleil, mais j'ai terriblement mal aux yeux aujourd'hui. Je vous signale qu'un amendement, accepté par la commission, a changé le titre de la motion pour: «Avenir des écoles à filières mixtes dans l'enseignement secondaire II». Et d'autre part, il est demandé au Conseil d'Etat de «présenter un rapport sur les écoles mixtes qui fera l'état des lieux des projets pédagogiques», etc. Alors pourquoi dire non ? Le MCG votera donc oui. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais revenir sur deux points et tout d'abord sur ce qu'a dit la préopinante PLR par rapport aux jeunes, qui auraient soi-disant été consultés dans le cadre de ces travaux. En réalité, si un jeune issu d'une école mixte a effectivement été entendu durant les travaux de commission, le Parlement des jeunes a bien spécifié qu'il n'y a pas eu de consultation en amont et qu'il n'y a pas de position officielle de sa part. Dans ces conditions, dire qu'il y a eu une véritable consultation des élèves concernés dans le cadre des travaux de commission... Voilà, ça ne correspond tout simplement pas à la réalité.
Deuxièmement, pour rebondir sur ce qu'a dit mon excellent collègue Julien Nicolet-dit-Félix, le problème de cette motion, c'est qu'elle n'est pas une motion de commission ! Ça reste une motion PLR, teintée par les considérants... (Remarque.) Ce n'est pas ça le problème, Madame la rapporteuse de majorité. Le problème, c'est que les considérants de cette motion, qui ne sont pas modifiables, restent à charge pour ces écoles à filières mixtes et vont à l'évidence colorer non seulement le vote, mais aussi, en cas de majorité, le rapport qui sera ensuite rendu par le Conseil d'Etat; il est à craindre que seuls les aspects négatifs potentiels seront examinés et non les aspects positifs.
Pour toutes ces raisons, il nous semble inutile de mobiliser l'administration pour faire un rapport. Nous suggérons plutôt de laisser au département la marge de manoeuvre nécessaire s'agissant de la suite de la planification des établissements scolaires du secondaire II. Je vous propose par conséquent de refuser cette motion et vous remercie de votre attention.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à la rapporteure de majorité pour une minute.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de majorité. Pour une minute ! Merci beaucoup. Je reviendrai sur les propos de mon préopinant Vert, qui parle d'arguties et de vue de l'esprit. Je lui renverrai la balle, puisqu'il considère que je développe des arguties, que j'avance des vues de l'esprit: peut-être est-ce aussi son cas !
Je relève par ailleurs, dans les propos qui ont été tenus, qu'on parle de cohabitation. Cohabiter ne signifie pas travailler ensemble et permettre des projets pédagogiques. Je vous le rappelle, nous voulons absolument que les projets pédagogiques et la mixité sociale soient maintenus et renforcés. C'est pourquoi nous attirons l'attention sur de possibles... (L'oratrice insiste sur ce mot.) ...lourdeurs administratives, les difficultés possiblement rencontrées par ces écoles à filières mixtes. Et comme nous avons une volonté d'équité entre tous les établissements, nous demandons un bilan. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs, nous allons maintenant voter sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2724 (nouvel intitulé) est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui contre 23 non (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous passons à présent à la M 2753-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame la rapporteure, si vous demandez la parole, je vous la donne. Sinon, nous votons. (Remarque.) Vous avez la parole.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse. Merci beaucoup, Madame la présidente. Pour rappeler le contexte de cet objet - le titre en donne déjà une idée -, nous avons des considérants qui sont liés principalement à une année et à une situation particulières que personne n'a oubliées, à savoir la période qui était encore fortement touchée par le covid et ses conséquences. Le texte pose toutefois des questions intéressantes qui ont permis des discussions, et celles-ci nous ont apporté des connaissances approfondies; en l'occurrence, nous sommes toujours bien conscients du fait que les stages d'enseignement dans les classes - et donc la pratique enseignante - doivent toujours être absolument valorisés.
Le DIP en était déjà conscient à l'époque et il l'est toujours aujourd'hui. Ainsi, il a fait en sorte de corriger deux ou trois choses qui posaient effectivement problème aux étudiants en formation à l'IUFE voulant travailler soit dans le secondaire I soit dans le secondaire II. Ils étaient par exemple contraints de ne pas faire plus qu'un certain nombre d'heures de remplacements, parce qu'ils étaient en formation à l'IUFE; cela a été supprimé. Il y avait par ailleurs l'impossibilité de faire son stage, dans le secondaire II, au sein des centres de formation professionnelle et de l'ECG; cela aussi a été corrigé puisque 25% du stage peut se dérouler dans ces établissements et plus seulement au collège. C'est un progrès, même si nous aurions souhaité que les CFP et l'ECG soient traités de la même manière que le collège et que les stages faits dans ces établissements soient reconnus comme étant de même valeur.
Nous le voyons, le DIP a donc fait en sorte d'améliorer les choses. Il est cependant astreint à des contraintes et à des négociations intercantonales, qui lui échappent parfois, et doit faire comme les autres cantons; il ne peut pas faire uniquement comme il le souhaite. Mais, et pour ne pas tout jeter avec l'eau du bain, nous ne pouvons évidemment qu'appuyer la demande - c'était l'une des volontés de ce texte - que les stages au secondaire I et au secondaire II soient le plus souvent possible rémunérés, c'est-à-dire des stages dits «en responsabilité». Parce que - je l'ai indiqué tout à l'heure et nous le répétons régulièrement - c'est par la pratique, c'est en ayant une classe et en pouvant enseigner soi-même seul devant une classe, tout en étant justement rémunéré pour ça, qu'on apprend le mieux.
Au-delà de ces considérations, nous avons eu les réponses que nous souhaitions; des améliorations ont donc été apportées. Les conditions particulières liées à l'année 2020-2021 ne sont évidemment plus d'actualité, un certain nombre de demandes sont obsolètes et c'est pourquoi nous vous invitons à refuser ce texte. Je vous remercie.
Mme Laura Mach (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la lecture du rapport concernant la question des stages rémunérés ou non pour les futurs enseignants du secondaire I et II a été particulièrement ardue. On retrouve à nouveau la tension propre à la formation à l'université ou dans la HEP, le modèle genevois se distinguant par sa souplesse: les profs du cycle ont la possibilité d'enseigner aussi au secondaire II, contrairement au modèle HEP. Cependant, ce modèle semble coincer du côté de la reconnaissance du titre par la CDIP, qui exige que les stages soient effectués au moins en partie au collège, les autres filières du secondaire II étant exclues, et cela alors que c'est justement le manque de places de stage qui pose problème. Voilà un premier point qui n'a pas été suffisamment travaillé en commission.
Une autre tension réside entre les stages rémunérés dits «en responsabilité» et ceux qui ne le sont pas (les stages dits «en accompagnement»). Les stages rémunérés sont à préférer, selon notre administration et les besoins des étudiants, mais pas selon les exigences de la CDIP, qui préfère les stages en accompagnement. Les étudiants prennent bien souvent en plus des remplacements, qui ne sont cependant pas reconnus comme stages rémunérés, car non encadrés: voilà donc un autre point à travailler. On voit ici que la tension en lien avec les critères de la CDIP reste d'actualité, et cette motion, quelque peu amendée, pourrait au moins relancer les négociations.
Un autre point complexe est qui fait quoi. On apprend que c'est le DIP qui attribue les places de stage, selon un procédé très compliqué que la Cour des comptes aurait validé. Or, comme les stages en plein emploi sont préférés, ils entrent en compétition avec les demandes des enseignants ordinaires, qui ont la priorité. Les places de stage ne sont donc pas réservées aux stagiaires, mais constituent des postes en soi, avec une classe salariale inférieure. Le fait que tout soit géré par le DIP et que l'université n'ait rien à dire sur ce sujet alors qu'elle s'occupe de la formation est bien étonnant. A nouveau, il y a là quelque chose qui doit être travaillé.
Cette motion a donc eu le mérite de mettre en évidence ces tensions, qui rendent la question des stages rémunérés ou non bien opaque. Au-delà du financement, on se rend compte que l'enjeu est tout autant la reconnaissance des stages que leur accessibilité, et que les arguments présentés à la CDIP pour défendre le système genevois n'ont pas été entendus. Le système reste bancal, mais la commission, se disant convaincue par les arguments de notre administration, a refusé la motion. Eh bien nous trouvons que cette motion mérite plutôt qu'on la retravaille pour aboutir enfin à des propositions qui puissent amener un peu de lumière dans ce fonctionnement. Nous vous proposons donc un renvoi en commission. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande de renvoi sur laquelle je vous invite à vous prononcer.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2753 à la commission de l'enseignement supérieur est adopté par 42 oui contre 32 non.
Débat
La présidente. Nous passons au point 42 de notre ordre du jour, le point 41 ayant été traité aux extraits. Il s'agit de la M 2842-A, classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur Nicollier, vous avez la parole.
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je voudrais d'abord vous remercier pour cette magnifique année de présidence - je sais que nous avons encore un peu de temps, mais je profite d'avoir la parole.
La commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport s'est réunie en septembre et en octobre 2022 pour traiter de cette motion qui invite le Conseil d'Etat à mettre en place une charte de la laïcité à l'école publique. La majorité de la commission ne voit pas de plus-value dans la proposition de charte présentée dans ce texte.
La législation genevoise cadre clairement la laïcité au sein de l'Etat. De plus, l'enseignement du fait religieux tout comme la brochure sur la laïcité produite par le DIP permettent largement d'aborder le sujet et de répondre aux questions qui pourraient survenir au sein des écoles. Je vous invite du reste tous à consulter la documentation qui se trouve sur le site de l'Etat: www.ge.ch/document/laicite-ecole. Les élèves peuvent porter des signes religieux apparents, ce que la jurisprudence a d'ailleurs confirmé. Les actions en place à Genève permettent de maintenir l'équilibre souhaité par le législateur sans heurts majeurs. Les exemples présentés par le groupe du motionnaire sont caricaturaux.
En résumé, la majorité estime que la pratique est claire et qu'il serait contreproductif de créer des problèmes dans un domaine qui est actuellement apaisé dans notre canton. Elle salue par ailleurs la qualité du matériel relatif à la laïcité produit par le département. Seul le groupe du motionnaire soutient ce texte. Une large majorité de la commission vous demande donc de bien vouloir le rejeter clairement. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion demande en effet - elle comporte une seule invite - à mettre en place une charte de la laïcité à l'école publique. Au vu de ce qui se passe aujourd'hui un peu partout en Europe, en Suisse et également à Genève, on voit d'ailleurs qu'il y a une montée importante de l'antisémitisme et que les jeunes - de plus en plus jeunes - sont malheureusement confrontés à cette problématique; ce qu'on voit parfois sur les réseaux sociaux fait vraiment froid dans le dos !
Je pense donc que c'est un vrai problème: il ne faut pas qu'on passe à côté. Cette charte demande finalement de renforcer et de garantir la laïcité dans l'école publique genevoise. On enfonce des portes ouvertes, mais c'est pour faire face à une triste réalité. Je reprendrai la parole tout à l'heure, Madame la présidente. Je vous remercie.
Mme Ana Roch (MCG). Cette motion aborde un sujet important pour notre canton, qui est indéniablement bien encadré par la loi sur la laïcité. En outre, je me dois de souligner que la charte évoquée par ce texte ne bénéficie pas d'un statut clair. Nous devons nous en tenir au cadre légal établi, évitant ainsi d'inventer des statuts paralégaux qui pourraient compromettre la stabilité de notre système.
Il est utile de noter que la majorité de la commission ne voit pas non plus de plus-value à la proposition de la charte. La législation genevoise encadre clairement la laïcité au sein de l'Etat et nous disposons déjà d'outils tels que l'enseignement du fait religieux ou la brochure sur la laïcité produite par le DIP, qui permettent largement d'aborder le sujet et de répondre aux questions qui pourraient survenir au sein de nos écoles. Par ailleurs, il est important de rappeler que les élèves ont le droit de porter des signes religieux apparents, une décision qui a d'ailleurs été confirmée par la jurisprudence. Dans cette optique, si la loi sur la laïcité paraît encore lacunaire à certains, le groupe MCG préconise de la modifier en conséquence.
En conclusion, je vous invite à considérer attentivement ces éléments avant de prendre une décision. Nous devons veiller à maintenir un équilibre entre la protection de nos valeurs démocratiques et le respect des libertés individuelles. Merci de votre attention.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à Mme Mach.
Mme Laura Mach (Ve). Déjà ! Bonjour ! (L'oratrice rit.) Pardon, je suis un peu fatiguée ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les chartes sont à la mode mais elles ne règlent pas les problèmes, contrairement à ce qu'écrit le rapporteur de minorité. La laïcité à l'école ne doit pas se muer en rigidité ni en fermeture. Les récents heurts qui ont eu lieu en France sont là pour nous le rappeler. L'école est lieu d'ouverture, de curiosité, où l'on est invité à découvrir l'autre dans toutes ses différences. Les religions font partie de l'histoire des civilisations et c'est en accueillant leur diversité qu'on peut le mieux démontrer qu'elles ne sont qu'un point de vue parmi d'autres. La laïcité de l'école garantit par essence le maintien de ce creuset de tolérance à la diversité; ne venons pas le rigidifier avec une charte et souvenons-nous de l'esprit d'ouverture qui marqua l'histoire des Genevois. Les Vertes et les Verts refuseront donc ce projet de motion. (Applaudissements.)
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, comme le cadre légal existe déjà, je ne vais pas prolonger la discussion: je vous invite à ne pas entrer en matière sur cette motion. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le cadre légal existe en effet. Une brochure éditée par le département de l'instruction publique existe également: elle est à disposition des enseignants, mais aussi des élèves. On s'aperçoit finalement que, sous couvert du principe de laïcité, cette motion UDC rappelle les autres objets UDC: elle stigmatise toujours la même population. A la lecture de l'exposé des motifs, au vu des exemples qui sont mentionnés, on voit très clairement que la motion stigmatise les personnes de confession musulmane.
En réalité, ce texte se trompe de cible. Quand j'entends le rapporteur de minorité dire - tout à fait honnêtement - qu'il faut lutter contre les discriminations et notamment contre l'antisémitisme, je le rejoins complètement ! Ce qui est malheureux, c'est que cette motion, dans l'exposé des motifs, fait justement de la discrimination, en l'occurrence pas antisémite mais à l'égard de l'islam. Par pitié, essayons donc de lutter contre les discriminations et ayons pour principe - c'est déjà le cas aujourd'hui - une école laïque. Cette charte n'est qu'un prétexte pour l'UDC afin de discriminer comme toujours la même population.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Je rebondis sur ce que vient de dire mon préopinant Romain de Sainte Marie - vous transmettrez, Madame la présidente: j'aimerais bien savoir, à la lecture des considérants, où est-ce que l'islam est attaqué, ou le... (Commentaires.)
Des voix. Dans l'exposé des motifs !
Une voix. Deuxième paragraphe.
La présidente. Continuez, Monsieur le rapporteur.
M. Christo Ivanov. Oui, enfin bon... Enfin bon, on ne va pas... (Commentaires. Rires. Applaudissements.) Un point pour Romain... (Rires.) ...et zéro pour Christo ! Je n'ai pas de problème: j'ai une femme musulmane, ça ne me pose donc aucun problème à titre personnel ! Juste pour votre information ! Et je vais souvent en Afrique; et je n'ai pas de problème à entrer dans une mosquée, dans une synagogue ou dans une église ! Moi, j'ai un profond respect pour la laïcité. (Brouhaha.) Ici, le but était justement de... (Brouhaha.)
La présidente. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Allez-y, continuez.
M. Christo Ivanov. Ils peuvent aller à la buvette, Madame la présidente, il n'y a pas de problème ! Cette motion part d'une excellente intention: le but était un peu de graver dans le marbre ce qui existe déjà, de renforcer la laïcité dans l'école publique. Elle n'avait aucun autre but que celui-là et la minorité que je représente vous demande donc de bien vouloir l'accepter. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole est au rapporteur de majorité, Monsieur... (Remarque.) Non ? Vous aviez enlevé la carte ? (Remarque.) Non, ne vous sentez pas obligé ! (Rires.) Nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2842 est rejetée par 68 non contre 6 oui (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous passons au dernier point que nous traiterons durant cette session, à savoir la M 2889-A. Le rapport de minorité de M. Didier Bonny est repris par Mme Laura Mach. Nous sommes en catégorie II, trente minutes - ça tombe bien, il reste trente minutes ! -, et je cède la parole à M. Jean-Marie Voumard, rapporteur de majorité.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Cette motion a été déposée par un ancien député dont le fils est en âge scolaire et qui a été surpris de voir Extinction Rebellion, le collectif BreakFree et actif-trafiC venir donner des cours sur le système climatique dans les écoles, puis dehors.
Une voix. Ils n'ont pas donné des cours !
M. Jean-Marie Voumard. Alors ils ont donné non pas des cours, mais des leçons sur le système climatique. Entre-temps, une question écrite urgente a aussi été déposée par une députée (la QUE 1837 et non la QUE 1873 comme indiqué dans le rapport de minorité), dans laquelle il était mentionné que les parents étaient très fâchés. Je vous en lis un extrait: «Il a été rapporté par des élèves du secondaire II à leurs parents qu'ils auraient été contraints d'assister dans le cadre des heures scolaires à des présentations de la part des sulfureux groupes d'activistes de la "sauvegarde" du climat, tels que "Extinction Rebellion", "actif-trafiC" ou encore le "collectif BreakFree", sous couvert de l'urgence climatique. Si cela est confirmé, cette forme d'endoctrinement semble vouloir s'immiscer au sein du DIP. Faire la propagande de la désobéissance civile et de l'incitation à la délinquance ne me semble pas être une réponse valable à l'urgence climatique. [...] D'autre part, les parents sont extrêmement choqués que notre département de l'instruction publique genevoise fasse appel à des intervenants externes qui véhiculent de telles valeurs, et cautionne ces incivilités, comme endommager les biens publics, les oeuvres d'art ou prendre la population en otage en se collant au bitume sur des axes routiers importants.» Je vous cite maintenant un extrait de la réponse qui a été apportée à cette question écrite urgente: «Les interventions proposées dans les ateliers ont respecté les consignes, et les élèves ont été accompagnés par les membres du corps enseignant dans leur analyse des informations qu'ils ont reçues.»
Cette motion a suscité un certain émoi auprès des Verts en raison du mot «endoctrinement». Elle a été bien travaillée en commission, les invites initiales ont été supprimées et la nouvelle invite proposée par le PLR a été acceptée. En conclusion, je pense que ce texte ne mange pas de pain, raison pour laquelle je vous encourage à l'adopter et à le renvoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Mme Laura Mach (Ve), rapporteuse de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion vise à généraliser à partir d'un cas particulier, à partir d'une interprétation personnelle de son auteur, lequel puise dans des arguments émotionnels aussi vastes que les abus sexuels ou les violences faites aux enfants pour ensuite revenir à la question du choix d'un enseignant d'étoffer un débat sur le réchauffement climatique en invitant diverses associations du terrain.
La sensibilité de l'auteur a été heurtée par le fait qu'une de ces associations a pu s'engager dans des actes de désobéissance civile. Il serait donc du ressort de notre administration de décider quelle association aurait droit au chapitre lors d'une journée pédagogique. Le cadre est pourtant déjà bien clair et la législation suffisamment forte pour que les établissements puissent jouir de l'indépendance nécessaire à leurs choix. L'école est là pour développer le sens critique des élèves, or priver un professeur de la possibilité d'illustrer les différentes actions citoyennes de notre société, c'est appauvrir sa puissance pédagogique. Les actions de rébellion existent et doivent être comprises avec un esprit critique, pour ne pas qu'on les laisse dériver. Cela ne veut pas dire interdire, cela signifie maintenir dans un cadre, et c'est la base de notre démocratie.
Cette motion a certes été amendée, mais elle garde cette tonalité d'interdiction qui à notre sens n'est pas du ressort de notre administration. Nous vous invitons donc à la refuser. (Applaudissements.)
M. Thierry Oppikofer (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, l'école fait partie de la société. Si elle n'est pas chargée d'assurer l'éducation complète des enfants, elle n'est pas chargée de les endoctriner non plus. Ce sont les familles qui doivent les éduquer, tandis que l'école doit leur fournir de l'instruction, leur transmettre des savoirs et leur permettre de développer leur esprit critique, comme cela vient d'être dit par mes préopinants. Il est tout à fait légitime d'aborder certains sujets tels que la crise climatique ou les valeurs démocratiques; nous sommes tous d'accord qu'ils soient inclus dans les cours. Néanmoins, recevoir des associations dont certaines font carrément l'éloge de la destruction de panneaux routiers (c'est vrai qu'il y en a qui les retournent, mais d'autres les détruisent), alors que certaines autres proposent de détruire ou de dégrader des oeuvres d'art, de démolir des routes, de se coller les mains un peu partout, de bloquer la circulation ou même d'entarter des élus... Elles n'ont pas leur place à l'école !
Comme l'a brillamment dit notre conseillère d'Etat Anne Hiltpold, le militantisme n'a pas sa place à l'école. En conséquence, dans la mesure où les commissaires PLR, dans leur immense sagesse, ont proposé un amendement général pour clarifier cette motion et «interdire formellement la présence de tout individu ou organisation prônant ou menant des actions illégales ou de désobéissance civile dans les établissements scolaires», il ne nous reste qu'à accepter ce texte - et j'espère que vous nous suivrez -, parce que prôner ce qui est illégal, c'est attenter à l'Etat de droit. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Florian Dugerdil (UDC). Comme l'ont relevé le rapporteur de majorité et mon préopinant, cette motion a mis en exergue des pratiques malheureuses d'incitation à la désobéissance citoyenne, orchestrées et soutenues par certains membres du corps enseignant. En tant que parent d'élève d'une part, et commissaire à l'enseignement supérieur d'autre part, je ne peux que déplorer de pareils agissements, et ce n'est pas sans une certaine consternation que notre groupe condamne un tel comportement irresponsable.
La réponse écrite du Conseil d'Etat à la QUE 1837 n'apporte que peu d'éclaircissements sur ces pratiques, elle a même tendance à minimiser (pour ne pas dire cautionner) cette situation intolérable. La motion 2889 soulève donc une vraie question de fond, qui mérite une réponse: jusqu'où l'instruction publique est-elle en droit d'aller dans la propagande idéologique auprès des élèves ? Mesdames et Messieurs les députés, la réponse à cette dernière question préoccupe considérablement notre groupe et je suis certain qu'elle retiendra également toute votre attention. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons avec conviction la proposition de motion amendée. Merci.
Mme Ana Roch (MCG). Actif-trafiC, le collectif BreakFree, Grève du climat Genève, Extinction Rebellion, Noé21, Fresque du climat Suisse romande, Swiss for climate, et j'en passe: voilà la liste des associations invitées dans les écoles pour les journées dédiées au climat. En tant que parents d'abord, puis élus, nous sommes en droit de nous demander si un équilibre a été instauré dans le cadre de ce débat de façon qu'il ne soit pas orienté vers un seul biais. Personnellement, je considère que le message d'Extinction Rebellion, par exemple, bien qu'important, peut ne pas être apaisant pour ceux qui souffrent notamment d'éco-anxiété. La motion questionne donc sur l'équilibre du débat, mais il semble que cette liste d'associations n'y réponde pas. Il est important de garantir que les élèves puissent se forger une opinion équilibrée sur ces sujets pour notre avenir. A cette fin, il est essentiel que l'école porte l'ensemble des messages politiques de manière équitable, quel que soit le thème débattu.
Le MCG est satisfait de l'amendement voté en commission et tient à souligner que cette motion a eu le mérite de faire avancer les choses. Nous sommes heureux de constater qu'un livret sur les procédures à suivre est ou sera disponible non seulement sur l'intranet du DIP, mais aussi sur le site internet du département. Il sera ainsi accessible à tous - parents, élèves et intervenants externes. Nous devons assurer un débat équilibré et constructif dans nos écoles, quel que soit le domaine concerné. Pour toutes ces raisons, le MCG vous enjoint de soutenir ce texte. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Patrick Dimier pour une minute vingt-cinq.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Madame la présidente. J'aimerais juste relever une distinction intéressante. En France, on parle d'«éducation nationale», tandis que chez nous on parle d'«instruction publique». A voir la différence entre les deux pays, je préfère l'instruction publique.
M. Thomas Bruchez (S), député suppléant. Franchement, j'aimerais dire un grand merci à la droite, merci de nous préserver de cette grande menace pour la société qu'est le wokisme ! Peut-être savez-vous d'où vient ce terme ? En réalité, c'est un concept qui a été développé notamment en France par l'extrême droite; il consiste à mettre toutes les luttes antiracistes, féministes, etc., dans le même sac afin de les décrédibiliser, alors que ces luttes visent à construire une société plus solidaire, égalitaire et écologique.
Mais le débat de ce soir concerne principalement l'écologie, je vais donc me concentrer sur ce point. Finalement, la droite déplore que des organisations qui prônent la désobéissance civile viennent parler dans les écoles. En revanche, cette même droite a beaucoup moins honte quand il s'agit de ne rien faire sur le plan climatique, de bloquer toute politique climatique qui soit véritablement à la hauteur des enjeux. (Remarque.) Là, elle a beaucoup moins honte ! C'est pourtant éminemment plus grave qu'une simple petite action de désobéissance civile tout à fait pacifique, car ce sont des politiques qui menacent réellement la vie sur terre (c'est déjà le cas dans le Sud global) et dont les conséquences sont déjà présentes aujourd'hui. On pense notamment aux canicules, qui ont des répercussions désastreuses sur les personnes âgées, ou encore bien sûr à ces mêmes dérèglements climatiques qui produisent aussi des effets catastrophiques sur l'agriculture. D'ailleurs la droite prétend toujours la défendre, mais non, là on ne la trouve jamais !
J'aimerais encore ajouter deux éléments. La droite adore dire que le DIP ou l'enseignement devrait se concentrer sur sa vocation première, qui serait de transmettre l'instruction. Mais de quelle instruction parle exactement la droite dans ces cas-là ? Il ne s'agit pas simplement d'une instruction neutre comme elle le prétend. Non, en réalité c'est une instruction qui est conforme à ses valeurs, donc conforme à la société dans laquelle on vit. En conséquence, ce que la droite veut, c'est que l'école continue à former les élèves à vivre dans une société profondément inégalitaire et discriminatoire, qui fonce droit dans le mur face à la crise climatique. Voilà ce que la droite souhaite ! Elle s'oppose à toute volonté de faire de l'école un lieu qui prône des valeurs plus solidaires (ce qui est pourtant une bonne chose) et elle est au contraire gagnée par une sorte de panique morale.
J'en viens au dernier point, qui est certainement le plus important. Finalement, il n'est pas nouveau que l'école soit un espace de débat: elle a toujours été un lieu de discussion, de formation, de désobéissance, etc. Et s'il est vraiment question d'interdire des pratiques illicites dans les établissements scolaires, il conviendrait peut-être de ne plus inviter des députés de certains partis qui ont été condamnés à de multiples reprises pour discrimination raciale, par exemple. Je vous laisse deviner de qui il s'agit. (Applaudissements. Commentaires.)
M. Souheil Sayegh (LC). Madame la présidente... (Brouhaha.)
La présidente. Un instant, Monsieur Sayegh. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! (La présidente marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous avez la parole, Monsieur.
M. Souheil Sayegh. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, voici l'exemple parfait de la petite désobéissance civile tolérée par mon préopinant. Notre présidente vient de le montrer: lorsqu'on parle un peu, on se fait rappeler à l'ordre !
Aujourd'hui, la petite désobéissance civile est prônée au nom du wokisme. Mais tout comme la neutralité religieuse qu'on a votée par le biais de la loi sur la laïcité, comment ne pas accepter dans l'entier de ce parlement la même neutralité militante au sein de nos écoles ? Que l'école offre un échange sain est totalement salutaire (et nous l'en remercions encore une fois), mais que ce genre d'action ne se fasse pas au nom des parents que nous sommes. Il y a une différence entre donner des leçons et apprendre sa leçon, et nous n'envoyons pas nos enfants à l'école pour qu'on leur donne des leçons.
Le climat n'est pas l'affaire de nos enfants. On peut leur en parler, mais on n'est pas là pour les angoisser. Ils font déjà face à suffisamment de problèmes dans la vie, on ne va pas en rajouter sous prétexte que certains d'entre nous ressentent de l'anxiété à ce sujet. Le climat est une question sérieuse, mais il ne faut pas qu'on commence à inquiéter nos enfants avec une problématique qui ne les concerne pas encore.
Je vous donne un exemple. Lors d'une consultation, j'ai un jour interrogé un patient pour savoir s'il mangeait de tout - cela fait partie de l'anamnèse qu'on pratique habituellement. Il m'a alors dit qu'il était devenu végétarien, et quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a répondu: «Eh bien c'est-à-dire qu'à force de voir mes enfants rentrer de l'école en disant qu'on leur avait expliqué que manger de la viande n'était pas une bonne chose, j'ai dû leur montrer l'exemple et je suis donc devenu végétarien.» (Commentaires. Exclamations.) C'est affreux ! L'école dans laquelle mon patient envoyait ses enfants l'a éduqué, lui, et ils en sont arrivés là.
Une voix. Et le tabac ?
M. Souheil Sayegh. Eh bien si les parents veulent fumer en famille devant leurs enfants, c'est leur problème, ce n'est pas celui de l'école. (Commentaires.) Je ne vais pas rentrer dans l'échange verbal, je dirai simplement que Le Centre que je représente ici a répondu favorablement à cette motion telle qu'amendée par le PLR et vous invite à la soutenir. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Philippe de Rougemont (Ve). Rappelons-nous que les jeunes vont vivre dans ce siècle bien plus longtemps que nous; c'est eux qui subiront de plein fouet les effets du changement climatique, dont les gens prennent de plus en plus conscience de l'ampleur. Le DIP a pris un retard considérable sur le sujet du climat et de la participation politique, avec une raison louable: la peur de traumatiser. Mais il y a aussi la peur de ne pas dire les choses comme elles sont, et là on ne parle pas des enfants de l'école primaire, car il est question du cycle d'orientation.
Il n'y a pas eu de propagande pour des actions de désobéissance civile, et je suis bien placé pour le dire, sachant que j'ai participé à cette journée (et à d'autres), que ma collègue Ana Roch a critiquée avec virulence ici - vous transmettrez, Madame la présidente. Préservons-nous de la caricature. On a entendu des insinuations selon lesquelles certains auraient mené une propagande pour faire de la désobéissance civile; il n'en est absolument rien. Essayons d'éviter de pousser à l'extrême ce que les autres disent pour les décrédibiliser et rendre leurs propos ridicules aux yeux de tout le monde. C'est une manoeuvre qu'on ne devrait pas se permettre si on veut mener de bonnes discussions ici et progresser.
S'agissant des actes de certaines associations, en l'occurrence en termes de désobéissance civile, eh bien il y a la justice pour ça ! On peut du reste voir que certains jugements tendent à innocenter ceux qui ont par exemple bloqué une route. Même un juge PLR a récemment innocenté des personnes à Renens, indiquant que c'était pour prévenir un péril encore plus grand que l'acte lui-même et que c'était là ce qui leur restait. Ce genre d'argument s'entend souvent en justice ! Essayons donc de séparer ce qu'une association fait dans une école et ce que certains de ses membres peuvent faire à l'extérieur.
D'autre part, la raison d'être et l'utilité des associations et ONG pour nous tous résident souvent dans leur capacité à accomplir ce que l'Etat n'arrive pas encore à faire - ou ce qu'il ne s'est pas encore résolu à faire. Il nous faut donc plutôt remercier ces associations d'avoir accepté l'invitation de l'enseignant à parler du climat. Je peux d'ailleurs vous dire que les élèves étaient très intéressés ! Même ceux qui au départ avaient l'air de ne pas trop y penser se sont mis à poser des questions et sont venus après le cours pour en savoir plus. Le DIP ferait dès lors bien d'apprendre de cette expérience et de progresser. J'ai du reste bon espoir qu'avec une nouvelle conseillère d'Etat chargée du DIP, on puisse aller bien plus vite maintenant. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, je pense que les institutions, les écoles et les universités ont un programme spécifique. Si un parti politique, des associations, des politiciens ou des citoyens s'inquiètent au sujet de certaines problématiques, que ce soit sur le plan de l'économie, de la politique, du social, de l'environnement ou du climat, il suffit de présenter des motions, comme le groupe LJS l'a fait ! Nous avons effectivement estimé que l'enseignement de l'intelligence artificielle manquait dans nos collèges et écoles de commerce. Nous avons donc discuté et rédigé une proposition de motion, que nous allons prochainement déposer afin que les députés puissent analyser s'il s'agit vraiment d'un besoin. Ainsi, je le répète, si certains considèrent qu'il y a un problème en matière de climat, d'économie, etc., il suffit de proposer des projets de lois ou des motions !
Je pense que l'objectif de ce texte est assez clair. Il faut que nos institutions éducatives soient neutres et indépendantes. En anglais, on utilise l'expression «independent thinker». On ne peut pas faire des choses farfelues ! Il faudrait parler du climat, de l'économie, des problèmes de leadership, de la gouvernance, de la corruption... Chaque programme, chaque cours a une mission spécifique. D'ailleurs, si on aborde diverses problématiques, on va au contraire déconcentrer nos jeunes, ils ne vont pas se focaliser sur leur programme spécifique, créé par le département de l'instruction publique et les écoles. A mon sens, cette motion est assez claire: elle est en faveur de nos enfants, de notre système éducatif, et le groupe LJS vous invite bien entendu à l'approuver. Je vous remercie beaucoup.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Yves Nidegger pour une minute cinquante.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. Nous venons d'avoir un débat qui aura au moins eu le mérite d'être éclairant sur un aspect fondamental, à savoir que notre société est divisée sur le rôle de l'école. Vous avez d'un côté des gens qui considèrent que l'école est un lieu d'endoctrinement le plus précoce possible, un lieu de catéchisme... Quand j'étais enfant, la classe était séparée une fois par semaine: les catholiques avaient un abbé, les protestants un pasteur, mais c'était facultatif, et les parents trouvaient ça bien. L'école n'était pas laïque, elle ouvrait volontiers ses portes à l'éducation religieuse, parce qu'on pensait que ça faisait partie de l'enseignement.
Aujourd'hui, l'école est devenue tellement laïque qu'il y a un catéchisme du genre, un catéchisme du climat, divers catéchismes totalement apocalyptiques: on nous annonce la fin du monde, on nous dit le bien, le mal, on nous prédit le salut par le collage de mains par terre... On a «religieusé» l'école comme jamais elle ne l'a été, parce que ce ne sont même pas des pasteurs et des curés qui se rendent sur place, cela se fait par le biais des profs eux-mêmes ! Un combat culturel oppose ceux qui pensent que l'école doit servir à endoctriner (vous à gauche, et vous l'avez complètement assumé ce soir)...
La présidente. Il faut vous adresser à la présidence, Monsieur.
M. Yves Nidegger. ...et ceux qui estiment que l'école doit instruire et qui regrettent qu'elle ne le fasse pas, ou mal (nous autres à droite).
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Julien Nicolet-dit-Félix pour vingt secondes. Vous devez donc déjà conclure, Monsieur ! (Rires.)
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Merci, Madame la présidente. Je vais conclure ! On parlait de projets d'école, eh bien dans mon établissement on a fait quelque chose qui serait désormais impossible. On a rendu visite à de dangereux désobéissants civils qui se sont amusés à retourner des panneaux: nous sommes allés voir des exploitations agricoles. Comme quoi la désobéissance civile dépend non pas de l'acte, mais du prisme par lequel on la regarde.
La présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, Monsieur.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. Nous soutenons évidemment les actions des agriculteurs et d'autres personnes qui s'expriment... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, nous allons à présent nous prononcer sur ce texte.
Mise aux voix, la motion 2889 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 54 oui contre 28 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
La présidente. Nous avons bien avancé, je vous remercie. J'espère que les chefs de groupe qui ont voulu me faire une surprise comprendront que je n'aie pas accepté la désobéissance civile dans la salle ! (Rires. Applaudissements.) Je vous souhaite un bon week-end !
La séance est levée à 19h55.