Séance du
jeudi 21 mars 2024 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
10e
session -
63e
séance
PL 13235-B
Premier débat
La présidente. Nous allons à présent examiner le PL 13235-B, qui fait partie de la série d'urgences que nous avons votées hier soir. Il s'agit d'un objet classé en catégorie II, trente minutes. Il n'y a pas de demande de parole... (Remarque.) Monsieur Dugerdil, je vous cède le micro. (Un instant s'écoule.) Monsieur Lionel Dugerdil, vous avez la parole !
M. Lionel Dugerdil (UDC). Merci, Madame la présidente - excusez-moi, je n'étais pas prêt. Chers collègues, si l'idée générale de simplifier des procédures administratives est louable, simplifier une expropriation semble, pour le groupe UDC, dangereux. Le projet de loi prévoit de soustraire à l'analyse du Grand Conseil l'opportunité d'une expropriation chaque fois que du logement subventionné, ou non, est en jeu. Soustraire la décision d'utilité publique au vote de l'assemblée favorise l'interventionnisme étatique et met à mal les principes démocratiques. Le Tribunal fédéral a depuis longtemps admis que l'Etat peut décréter des mesures d'expropriation lorsqu'elles répondent à un intérêt général relevant de la politique sociale; le texte sur lequel le parlement est appelé à voter est dépourvu de cette portée sociale et n'est donc pas conforme à la jurisprudence.
Pour le groupe UDC, c'est au Grand Conseil de faire une pesée des intérêts, au cas par cas, avant qu'une expropriation ne soit prononcée. Nous vous proposons par conséquent de voter l'amendement déposé par moi-même et M. Florey et de refuser le projet de loi.
M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le but de ce projet de loi est de ne pas devoir recourir à l'autre option, de ne pas devoir justement recourir à des expropriations pour débloquer des PLQ. Construire du logement a évidemment une portée sociale. Un accord sur le logement a été conclu en 2020: il prévoit la part de logements alloués aux catégories respectives, ce qui fait que, sans cette adaptation législative, on est simplement face à un blocage complet lorsque des servitudes paralysent de manière excessive, disproportionnée, des PLQ - ou alors les expropriations pourraient devenir beaucoup plus importantes.
Le but est justement d'éviter cela et, de ce point de vue, nous trouvons donc ce projet de loi tout à fait équilibré. C'est un texte qui a fait quelques allers-retours en commission, notamment parce qu'il y avait peut-être, à l'époque, certaines considérations électorales. Ce n'est plus le cas et, par conséquent, je pense qu'on peut maintenant aller de l'avant et permettre de construire - permettre de lever les servitudes lorsque c'est nécessaire - et éviter, dans la mesure du possible, ce que l'UDC souhaite justement éviter.
M. Sébastien Desfayes (LC). Qui châtie bien aime bien, et je tiens à remercier Antonio Hodgers pour cet excellent projet de loi, qui a d'ailleurs recueilli l'unanimité des votes en commission ! Merci, Monsieur Hodgers ! On va faire un peu d'histoire avec la loi Geromini, qui date de 1977 et visait à lever les servitudes croisées. Vous savez tous ce qu'est une servitude croisée: c'est une servitude qui interdit la construction de logements, notamment devant une villa - avec les servitudes croisées, on peut bloquer la construction de nouveaux logements sur le canton ! Le problème - l'énorme problème ! - de la loi Geromini, c'est qu'il fallait construire au minimum 60% de logements d'utilité publique pour pouvoir procéder à la levée des servitudes croisées. Par conséquent, si un quartier de villas était transformé en zone de développement, vous vous retrouviez avec un déséquilibre total, notamment s'agissant de la diversité du quartier.
Ce projet de loi a l'immense mérite de permettre justement un équilibre, avec l'application de l'article 4A: au lieu d'avoir au minimum 60% de logements sociaux dans ce type de quartier, celui-ci comportera, en application du principe des trois tiers, 33% de LUP, 33% de ZDLOC et 33% de libre, dont 20% en pleine propriété. C'est donc un projet véritablement très cohérent et qui permettra enfin d'aller de l'avant avec la nouvelle teneur de l'article 6A. Je vous invite par conséquent à voter ce projet de loi, et, en tant que de besoin, je l'enjoins à l'UDC. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Je crois qu'il faut arrêter de plaisanter ! Vous transmettrez à Monsieur Desfayes, Madame la présidente. C'est lui-même qui l'a articulé et a profité de la nouvelle législature pour faire passer ce projet de loi sans véritablement relancer un débat. Les propos qui ont été tenus lors de cette séance étaient flous, personne n'a vraiment compris ce qui se passait et au final, de bonne foi, tous les commissaires ont voté ce projet de loi. Oui, il faut le dire, vous les avez clairement roulés dans la farine ! (Rire.) C'est la réalité et c'est pour ça que ce projet est revenu en plénière tel qu'il est aujourd'hui, mais on ne peut clairement pas accepter le principe d'une expropriation telle qu'elle est voulue par le conseiller d'Etat et cette majorité ! Et je suis même très surpris que vos propres milieux, qui finalement sont aussi censés défendre les petits propriétaires... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...se réjouissent de les voir se faire exproprier. C'est assez surprenant, et sachez d'ores et déjà que nous nous retrouverons sur ce sujet, puisqu'il y aura référendum ! Et l'UDC s'y associera...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Stéphane Florey. ...nous ferons partie du comité référendaire contre ce projet de loi. (Remarque.) Je vous remercie.
M. David Martin (Ve). Chers collègues, je n'aimerais pas être ce soir à la place des collègues commissaires de M. Florey, qui se font régulièrement désavouer ! Sur le fond, la levée des servitudes par le Grand Conseil pour la réalisation de logements prévus dans les PLQ s'est faite sans aucun problème pendant des années, des décennies, jusqu'à il y a quelques années: ça a alors commencé à devenir plus compliqué. Entre-temps - récemment -, nous avons voté l'accord sur le logement qui prévoit que les constructions, dans les quartiers, se répartissent entre un tiers de logements d'utilité publique, un tiers de logements locatifs et, pour le dernier tiers, de la propriété ou du locatif. Les règles du jeu, dans les PLQ, sont donc maintenant absolument claires et il est nécessaire de mettre en cohérence les anciens usages de levée des servitudes avec cette nouvelle pratique.
En réalité, l'adoption de cette nouvelle règle, qui part du principe que la levée d'une servitude est automatique lors de l'adoption d'un PLQ, serait une très bonne nouvelle, puisque les règles du jeu... l'avenir, finalement, de la densification d'un périmètre est défini par ce PLQ et il n'est pas nécessaire de le remettre en question pendant encore des décennies. Du moment que le PLQ définit ces règles, c'est quand même bien plus logique de lever les servitudes automatiquement, dès le début. Je souhaite bon courage à l'UDC pour faire campagne sur un sujet aussi complexe que celui-ci.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons à la procédure de vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13235 est adopté en premier débat par 71 oui contre 10 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Dugerdil et cosignataire à l'article 6A. Le voici:
«Art. 6A Déclaration d'utilité publique (nouvelle teneur)
Afin d'éviter les effets de servitudes de restriction à bâtir, le Grand Conseil peut déclarer d'utilité publique la réalisation d'un plan localisé de quartier pour autant qu'au moins un tiers des surfaces de plancher, réalisables selon ce plan, soient destinées à l'édification de logements d'utilité publique au sens des articles 15 et suivants de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977. La déclaration d'utilité publique s'applique uniquement à la levée des servitudes de restriction à bâtir.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 14 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Mis aux voix, l'art. 6A (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13235 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 71 oui contre 12 non (vote nominal).