Séance du vendredi 2 février 2024 à 14h
3e législature - 1re année - 8e session - 54e séance

M 2725-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Stéphane Florey, Eliane Michaud Ansermet, André Pfeffer, Patrick Hulliger, Thomas Bläsi, Patrick Lussi, Christo Ivanov, Virna Conti demandant de suspendre les intérêts en faveur de l'Etat pour l'année 2021
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 11 et 12 novembre 2021.
Rapport de majorité de Mme Véronique Kämpfen (PLR)
Rapport de minorité de M. Christo Ivanov (UDC)

Débat

La présidente. Nous enchaînons avec le traitement de la M 2725-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme Véronique Kämpfen, rapporteuse de majorité.

Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. La M 2725 a été déposée en janvier 2021, en pleine crise du covid-19. Considérant l'état, à l'époque très préoccupant, de la situation sanitaire et l'impact de la pandémie sur différents secteurs économiques ainsi que sur certains contribuables physiques, ce texte invite le Conseil d'Etat «à adopter un arrêté prolongeant, pour l'année 2021, la validité de son arrêté du 23 mars 2020 relatif à la suppression des intérêts en faveur de l'Etat [...]». Concrètement, la motion demande la suspension des intérêts moratoires en faveur de l'Etat pour toute l'année 2021. Aujourd'hui, ce texte est évidemment complètement obsolète, mais puisqu'il n'a pas été retiré par ses auteurs, qui nous proposent au contraire encore un amendement, je vais expliquer les points suivants quant à son fond.

Quand le Conseil d'Etat a suspendu les intérêts en 2020, il s'est fondé sur l'article 113 de la constitution genevoise, qui s'applique en cas de catastrophe ou de situation extraordinaire. Il était alors établi de façon indiscutable que toutes les conditions de cet article étaient remplies. Le Conseil d'Etat avait agi dans l'urgence. Au moment du dépôt de la motion, l'état d'urgence n'était plus le même, raison pour laquelle un changement de loi, et non un arrêté - c'est un point important -, aurait été nécessaire pour prolonger la suspension des intérêts moratoires. Cela signifie des délais législatifs et référendaires incompatibles avec le sentiment d'urgence qui animait les motionnaires.

Cette suspension ne toucherait pas seulement les contribuables qui se trouvent dans une situation difficile financièrement ou économiquement, mais aussi ceux qui paient leurs impôts deux ou trois ans après. Ces derniers se verraient ainsi exonérés d'intérêts en 2021 alors que leur situation ne le nécessitait pas. Il y a également un effet rétroactif qui créerait des difficultés opérationnelles. Il faudrait alors rouvrir tous les comptes soldés depuis le 1er janvier 2021 - ce que propose d'ailleurs aussi l'amendement déposé par M. Florey.

Enfin, il faut rappeler que lorsqu'un contribuable a des difficultés de paiement, il peut prendre contact directement avec l'AFC pour obtenir un arrangement de paiement. Il est possible de modifier ses acomptes ou d'avoir des accords sur le très long terme, qui perdurent tant qu'ils sont respectés. Et si le contribuable est dans une situation vraiment compliquée, il peut aussi demander une remise totale ou partielle des intérêts de retard. Cela se fait notamment avec des personnes qui se trouvent subitement dans des situations inextricables.

Vous l'aurez compris, au moment de son dépôt déjà, la mise en oeuvre de la M 2725 se heurtait à de nombreuses difficultés techniques, sans parler de son coût, de l'ordre de 40 millions de francs. Aujourd'hui, elle est définitivement dépassée.

Je souhaite dire encore un mot sur l'amendement déposé ce jour par l'UDC, visant à rembourser les intérêts perçus pour l'année 2021 à tous les contribuables, en lieu et place de l'invite qui nous était soumise à l'origine.

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Véronique Kämpfen. Merci, Madame la présidente. La difficulté avec une telle disposition, c'est qu'elle nécessiterait de toute façon un changement législatif et non pas juste un arrêté, comme c'était le cas en 2020. Il faudrait donc dans tous les cas un appareil législatif bien plus contraignant que cette simple motion. Par conséquent, si le groupe UDC souhaite travailler sur la question des intérêts moratoires, qui est certainement intéressante et importante, je lui recommande de le faire via un projet de loi ad hoc et non pas par le biais d'une motion qui est aujourd'hui, quoi qu'il en soit, parfaitement dépassée.

Bref, vous l'aurez compris, la majorité de la commission fiscale vous invite à rejeter cette motion ainsi que l'amendement UDC. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion demandant de suspendre les intérêts en faveur de l'Etat pour l'année 2021 a effectivement été déposée en janvier 2021. On ne va pas refaire l'historique de tout ce qui s'est passé pendant la pandémie mais, vous vous en souvenez, il y avait notamment les mesures prises par arrêtés par le Conseil d'Etat ainsi que celles supplémentaires prises par le Conseil fédéral, entre autres lors de sa séance du 13 janvier 2021.

Le problème, c'est qu'en février 2021, quasiment toute l'économie s'est arrêtée; je parle des restaurants, des établissements culturels, de tout ce qui relève des sports et des loisirs, tout s'est complètement arrêté. C'était une véritable problématique et une réelle onde de choc - je crois que tout le monde s'en souvient.

L'invite de la motion proposait d'adopter un arrêté prolongeant pour l'année 2021 la validité de l'arrêté du 23 mars 2020 relatif à la suspension des intérêts en faveur de l'Etat. Ma préopinante l'a dit, notre groupe a déposé un amendement, que je vous demande de soutenir, de même que la proposition de motion. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Stéphane Florey (UDC). Les bras m'en tombent quand j'entends ce que vient de raconter la rapporteure de majorité: c'est parfaitement scandaleux ! Ça prouve une seule chose, pour ceux qui nous écoutent aujourd'hui, c'est que le PLR, quand il s'agit de défendre le simple contribuable... Rien à faire ! Lui, ce qui l'intéresse, c'est uniquement les entreprises. On a passé les deux, voire trois ans de covid à rallonger des centaines de millions pour sauver l'économie genevoise, pour pallier les manques des entreprises, pour les aider à ne pas faire faillite; par contre, écraser le simple contribuable sous les intérêts moratoires, ça, ça ne vous dérange absolument pas ! Personnellement, ça me choque, venant d'un parti comme le vôtre, qui est également censé défendre le petit contribuable. (Quelques applaudissements.)

Ce qui était possible en 2020 l'était parfaitement aussi en 2021, et vous le savez très bien. Le remboursement d'un intérêt ne pose absolument pas problème. En effet, si on pense à ce qui a été fait par exemple pour la taxe LRDBHD, qui a été remboursée alors qu'elle avait déjà été perçue, là, il y a eu zéro problème; c'était pour vos petits copains restaurateurs, pour les entreprises, zéro souci ! On peut également prendre l'exemple de la taxe tourisme, qui a elle aussi été remboursée selon les mêmes modalités; ça n'a posé aucun problème ! No souci ! Par contre, quand il s'agit d'aider véritablement le petit contribuable, là, il n'y a plus personne. C'est parfaitement choquant et vous en porterez la responsabilité ! Je vous remercie de soutenir malgré tout la motion et l'amendement.

M. Sébastien Desfayes (LC). Je crois qu'il faut que le député Florey retrouve son calme - vous transmettrez, Madame la présidente. Il ne sert à rien d'éructer ! Il faut simplement regarder la loi, en l'occurrence la loi fiscale, et voir comment cela se passe à Genève. Notre canton applique un système d'imposition postnumerando. Quand le covid a frappé en 2020, le Conseil d'Etat a suspendu le cours des intérêts, sur la base de l'article 113 de la constitution; c'était absolument légitime parce que les contribuables étaient soumis, en 2020, à une imposition calculée sur des revenus perçus en 2019. En 2021, c'était exactement l'inverse: à la suite du dépôt des déclarations d'impôts par la population, notamment par les personnes qui ont souffert du covid, eh bien celles qui ont été particulièrement affectées par la pandémie n'ont pas été imposées en 2021, puisqu'elles n'avaient pas eu de revenus l'année précédente. C'est aussi simple que cela.

Ce que la rapporteure de majorité a également dit à juste titre, c'est qu'il n'y a pas de base légale pour donner suite à cette motion qui, en tout état de cause, n'a aucun sens. Si des contribuables ont souffert en 2020, ils n'ont pas été imposés en 2021, c'est ce que veut le système postnumerando. C'est aussi simple que cela, raison pour laquelle le groupe Le Centre refusera bien entendu cette motion. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Nous procédons en premier lieu au vote sur l'amendement déposé par M. Florey consistant à remplacer l'invite par: «à rembourser les intérêts perçus pour l'année 2021 à tous les contribuables.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 10 oui.

La présidente. Nous passons maintenant au vote sur la proposition de motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2725 est rejetée par 68 non contre 11 oui (vote nominal).

Vote nominal