Séance du
jeudi 1 février 2024 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
8e
session -
53e
séance
M 2533-A
Débat
La présidente. A présent, nous nous penchons sur la M 2533-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Je sais qu'après un vote, on aime bien débriefer un peu, mais n'hésitez pas à le faire à l'extérieur de la salle. Madame Caroline Marti, vous avez la parole.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, que propose cette motion ? Tout simplement d'augmenter de deux semaines le congé paternité prévu dans le RPAC, le règlement d'application de la loi sur le personnel de l'Etat, c'est-à-dire de le porter à quatre semaines, mais aussi que les collaboratrices dont la compagne ou la femme a accouché puissent bénéficier d'un même congé de quatre semaines, et enfin d'octroyer un congé de naissance aux collaborateurs qui ont eu un enfant pour autant que leur conjoint ne bénéficie pas déjà d'une prestation équivalente.
Le premier aspect de ce texte, c'est donc la prolongation du congé paternité, ce qui répond à toute une série de considérations comme le fait de renforcer le soutien à la mère lors de la naissance ou la nécessaire création de liens entre le père et l'enfant. Il s'agit également d'éviter que ne s'installe, dès les premiers jours, une inégalité dans la répartition des tâches et des fonctions entre les deux conjoints.
Les motionnaires se basent sur le constat que nombre de collectivités, mais également d'entreprises privées prévoient des congés paternité beaucoup plus longs que le minimum légal actuel. Il est absolument essentiel que ce soit le cas aussi dans l'administration publique eu égard à l'exemplarité dont doit faire preuve l'Etat employeur. Nous pouvons par ailleurs nous référer au vote de la population genevoise sur l'initiative des Vert'libéraux visant à accorder plus de temps aux jeunes parents avec leurs enfants au moment de la naissance de ceux-ci.
Mais la proposition de motion comprend un deuxième volet, pourrait-on dire, à savoir l'introduction d'une égalité de traitement entre les couples hétérosexuels et homosexuels. Aujourd'hui, c'est une réalité ainsi qu'un droit qui a été introduit dans le cadre de la votation sur le mariage pour tous: les couples de même sexe ont des enfants et, au même titre que les couples hétérosexuels, doivent non seulement pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle, mais également accueillir dans les meilleures conditions possibles leurs enfants quand ils arrivent dans leur foyer.
Le coût d'une telle mesure a été chiffré en commission - il est complètement dérisoire: 750 000 francs par année pour étendre les droits au congé parental, instaurer un mécanisme d'égalité de traitement entre les différents couples des collaboratrices et collaborateurs de l'Etat et améliorer les possibilités de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle de l'ensemble des ménages. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission sur le personnel de l'Etat a soutenu cet objet et vous invite à faire de même. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la commission sur le personnel de l'Etat a traité lors de plusieurs séances cette proposition de motion qui a été déposée en 2021... Avant, même ! Un texte qui date déjà, donc, comme de nombreux objets de notre ordre du jour, malheureusement. Le vote final a été de 7 oui contre 6 non et 1 abstention.
En date du 27 septembre 2020, le peuple suisse a accepté à 60,3% deux semaines de congé parental dans les six mois suivant la naissance de l'enfant. Ce dispositif existe donc déjà sur le plan fédéral. La minorité de la commission estime qu'il n'appartient pas au Grand Conseil, qui manque de vision d'ensemble en la matière, d'ajouter des éléments concernant la durée du travail ou, en l'occurrence, le congé paternité. Il faut laisser au Conseil d'Etat les moyens de négocier avec les représentants du personnel et les syndicats. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission sur le personnel de l'Etat vous demande de refuser ce texte. Je vous remercie.
M. Arber Jahija (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le principe du congé paternité a été récemment adopté au niveau fédéral en votation populaire par la majorité du peuple suisse. Le canton de Genève a même été encore plus loin en complétant les seize semaines de congé maternité par huit supplémentaires en faveur des pères. Cette spécificité genevoise s'appliquant désormais à l'ensemble - je dis bien: à l'ensemble - des parents et des modèles familiaux, une partie de la proposition de motion 2533 est dès lors devenue caduque et obsolète.
Toutefois, le groupe MCG souhaite une amélioration de la situation en passant par un congé parental de vingt jours. Il est important de réaffirmer le soutien de l'Etat envers les familles. Pour cette raison, nous soumettons au parlement une proposition d'amendement en vue de retirer les deuxième et troisième invites, qui n'ont plus lieu d'être. Si cet amendement est accepté, nous voterons le texte en vous invitant, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Masha Alimi (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant d'un congé paternité de quatre semaines à l'Etat et de la prise en compte des familles homoparentales, j'indiquerai en préambule qu'en septembre 2020, les Suisses se sont exprimés en faveur de l'instauration d'un congé parental fédéral de deux semaines. Cette proposition de motion demande d'une part d'octroyer deux semaines supplémentaires et d'autre part d'instituer un congé de naissance pour les couples gays, auquel ils n'ont pas droit actuellement. Le texte fait la promotion d'une meilleure conciliation entre vie privée et professionnelle et prévient la discrimination basée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre.
C'est d'autant plus nécessaire qu'il n'existe pas de places d'accueil pour les enfants de moins de quatre mois. Je rappelle qu'avant 2020, c'est-à-dire avant le vote fédéral en faveur d'un congé parental de deux semaines, l'Etat supportait les coûts liés aux deux semaines avant la relève de l'assurance perte de gains, laquelle prend aujourd'hui ces frais en charge. Le canton de Genève se doit de faire figure de précurseur en la matière; il l'a déjà été en introduisant un congé de deux semaines qui a ensuite été reproduit au niveau fédéral. Poursuivons dans cette voie, montrons l'exemple et votons en faveur de cette motion ! Nous refuserons quant à nous l'amendement du MCG. Merci.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Je voulais moi aussi, comme ma préopinante, souligner le caractère précurseur de notre canton et relever la satisfaction que nous avons d'y vivre, la satisfaction de constater que l'Etat de Genève, dans sa relation à ses employés, a toujours eu une longueur d'avance sur d'autres cantons ou sur les entreprises privées - mais pas toutes, parce que certains établissements privés se montrent également pionniers dans ce domaine.
Ainsi que cela a été indiqué, le congé parental est devenu une norme fédérale, et désormais, le canton de Genève n'est plus précurseur, puisqu'il se contente d'appliquer ce qu'on pourrait appeler le minimum syndical en matière de durée du congé paternité. Dès lors, il est tout à fait opportun d'imaginer que l'on prolonge celui-ci à quatre semaines pour les raisons que Mme Marti a évoquées tout à l'heure et qui sont extrêmement importantes, notamment la constitution d'une cellule familiale pour que l'enfant et le parent qui n'a pas accouché puissent établir une relation de qualité. Quatre semaines, c'est un minimum, mais c'est déjà nettement mieux que le dispositif en vigueur maintenant. Voilà pourquoi nous allons soutenir ce texte.
M. Guy Mettan (UDC). On confine un peu au ridicule avec l'argument que je viens d'entendre, à savoir qu'il faudrait toujours se montrer le plus précurseur possible. C'est la course à la «précursion», si j'ose dire ! On a accepté un congé parental de deux semaines, donc on était précurseurs, mais comme on a été rattrapés par l'ensemble de la Suisse, qui a voté ce congé parental de deux semaines, on nous explique maintenant qu'il faudrait le prolonger de deux autres semaines, passant ainsi à quatre !
Si on suit votre logique, Mesdames et Messieurs, ça veut dire que dès qu'un autre canton validera une durée de quatre semaines, il faudra alors qu'on passe à six, puis à huit, à dix, à 52 semaines par an ! Voilà le raisonnement que vous nous proposez ! (Applaudissements.) C'est juste absurde, donc nous vous invitons à refuser les amendements, à rejeter cette motion et à cesser cette course au ridicule pour profiter pleinement de ce congé parental de quinze jours avant de passer à autre chose.
Une voix. Bien dit, bravo.
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, le suspense ne sera pas long en ce qui concerne la position du Centre, le parti de la famille, sur cette proposition de motion: évidemment, nous soutenons la direction dans laquelle va le texte. On entend des avis divergents, on constate que la Confédération a déjà fait un pas en avant; nous souhaiterions faire le deuxième pas avec cet objet.
Le Centre soutiendra la demande d'amendement du MCG, parce qu'elle va dans le bon sens: la troisième invite est excessive en tant que telle. Quant à moi, je vous soumets un amendement à la première invite visant à remplacer le congé paternité de vingt jours par un congé parental de vingt jours pour les collaborateurs ne bénéficiant pas du congé maternité. On neutralise ainsi tous les effets de genre et on permet à l'autre parent, quel qu'il soit, de bénéficier de cette majoration. Si cette proposition ne devait pas être acceptée, nous solliciterions le renvoi en commission. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Si j'ai bien compris, au cas où votre amendement n'est pas adopté, vous ferez une demande de renvoi en commission. Il n'y a plus de prise de parole dans la salle, c'est donc le tour de Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Madame la présidente. La proposition de motion qui nous est soumise demande deux choses: d'une part un doublement du congé paternité octroyé par l'Etat de Genève, d'autre part la prise en compte de la situation des familles homoparentales. A ce propos, je précise que ce second point évoqué dans les deuxième et troisième invites du texte a déjà trouvé une réponse, puisque le Conseil d'Etat a modifié le RPAC le 19 août 2020 afin de tenir compte des nouveaux modèles de parentalité, en adaptant les articles concernant les congés liés à l'arrivée d'un enfant.
Ces changements comprennent notamment la création d'un congé parental qui reprend les dix jours prévus actuellement, mais qui en étend la portée au conjoint, au partenaire enregistré, à la personne menant une vie de couple avec la mère ou le parent de l'enfant né, ainsi que l'instauration d'une disposition de congé-naissance pour permettre, dans ces cas-là, de régler les cas d'enfants accueillis via une gestation par autrui en accordant au parent biologique un congé de vingt semaines, par analogie avec le congé maternité.
Il y a encore un article pour gérer les congés en cas d'adoption: celui-ci prévoit que si les deux parents adoptifs travaillent auprès du même employeur, soit le congé de vingt semaines bénéficie à un seul parent, soit les seize premières semaines sont octroyées au parent qui a droit à l'allocation d'adoption et les quatre semaines restantes sont réparties entre les deux parents. Ainsi, les deux dernières invites de la présente motion sont d'ores et déjà mises en oeuvre.
S'agissant du congé parental de vingt jours (ou de quatre semaines), vous avez raison de souligner que l'Etat de Genève a fait partie des précurseurs en prévoyant un congé paternité - désormais renommé «congé parental» - de deux semaines alors que celui-ci n'était pas reconnu par la Confédération à l'époque. Suite à la votation populaire du 27 septembre 2020, l'ensemble des employés qui deviennent pères en Suisse peuvent, depuis le 1er janvier 2021, bénéficier d'un congé paternité indemnisé au titre des APG.
La question qui demeure, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de savoir si l'Etat de Genève souhaite aujourd'hui accorder deux semaines supplémentaires à ses collaborateurs hommes uniquement. Nous avons mené des discussions au sein du Conseil d'Etat et nous estimons que la mise en oeuvre à venir de l'initiative 184 «Pour un congé parental maintenant !», qui a été adoptée par le peuple en juin 2023, permettra de prolonger la durée du congé parental non seulement pour les membres du personnel de l'Etat, mais aussi pour les personnes qui officient dans le secteur privé.
Pour ces motifs, nous estimons que la motion telle que formulée n'est plus d'actualité. Nous devons attendre de déterminer le traitement que nous pourrons réserver à l'ensemble des pères de notre canton. Le Conseil d'Etat y est favorable, il poursuit son travail dans cette direction. Tous les pères seront traités de la même façon, il n'y a pas lieu de traiter différemment les pères fonctionnaires des autres pères de notre canton. Par conséquent, le Conseil d'Etat vous demande de refuser cette proposition de motion. Je vous en remercie par avance.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'ouvre la procédure de vote. Tout d'abord, nous sommes saisis d'un amendement de M. Souheil Sayegh visant à modifier la première invite comme suit: «à modifier le règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (RPAC), de sorte à octroyer 20 jours de congé parental à ses collaborateurs qui ne bénéficient pas du congé maternité;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 70 oui contre 22 non.
La présidente. Ensuite, M. Arber Jahija présente un amendement pour abroger les deuxième et troisième invites.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 44 non.
Mise aux voix, la motion 2533 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui contre 38 non et 2 abstentions (vote nominal).
La présidente. Je salue à la tribune la présence de notre ancien collègue, M. Nicolas Clémence ! (Applaudissements.)