Séance du
vendredi 26 janvier 2024 à
18h10
3e
législature -
1re
année -
8e
session -
51e
séance
PL 12901-A
Premier débat
La présidente. Nous enchaînons avec le PL 12901-A, classé en catégorie II, quarante minutes. Petit rappel général, Mesdames et Messieurs: quand vous vous déplacez pour aller discuter avec quelqu'un, merci de prolonger votre chemin jusqu'à l'extérieur de la salle ! La parole revient à M. François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, pour rappel, trois projets de lois ont été déposés sur la question de la rémunération des directeurs des institutions de droit public. Le premier (le PL 12899) vient d'être refusé, le deuxième (le PL 12900) a été renvoyé en commission et nous en arrivons maintenant au PL 12901, qui avait été rejeté en commission; nous examinons donc ce troisième objet, seul survivant de la plénière.
Le PL 12901 propose l'approbation du traitement des directions générales par le Conseil d'Etat. Si mettre fin aux abus constitue une intention partagée par tous les membres de la commission, les moyens qui figurent dans ce texte pour y parvenir n'ont pas recueilli l'unanimité ni même une majorité, comme cela est apparu. En particulier, l'alinéa 1 de l'article 50A a été contesté par plusieurs députés. Pour des raisons diverses, cet objet n'a pas réussi à obtenir le soutien d'une majorité de commissaires: par 6 non, 6 oui et 3 abstentions, il a été refusé. Merci, Madame la présidente.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Comme l'a indiqué mon préopinant, le rapporteur de majorité, le projet de loi 12901 a été refusé de justesse en commission. Ce texte n'entend pas rouvrir le débat sur le plafonnement de la rémunération des directions générales, respectivement des directions ou des secrétariats. En effet, les institutions soumises à la LOIDP doivent bénéficier d'une autonomie aussi importante que possible en la matière.
L'article 2, lettre f, de la LOIDP dispose que l'un des buts de la loi est «d'assurer la transparence des rémunérations». Cela est applicable à l'ensemble des entités concernées. De plus, à Genève, la transparence de l'activité publique est un principe constitutionnel (article 9, alinéa 3 Cst GE).
L'article 18 de la LIPAD indique ce qui suit: «Les institutions communiquent spontanément au public les informations qui sont de nature à l'intéresser, à moins qu'un intérêt prépondérant ne s'y oppose. L'information doit être donnée de manière exacte, complète, claire et rapide. Les institutions informent par des moyens appropriés à leurs ressources et à l'importance des informations à diffuser. Dans toute la mesure du possible, elles utilisent les technologies modernes de diffusion de l'information.»
La rémunération des dirigeants d'établissements de droit public constitue de toute évidence une information de nature à intéresser le public. Le PL 12901 propose de consacrer dans la LOIDP la transparence à ce sujet tout en garantissant l'autonomie de ces organismes, essentielle pour en assurer une bonne gouvernance.
L'article 42A du présent projet de loi concerne uniquement les directions générales des principales structures (TPG, Aéroport international de Genève, Hospice général, HUG, SIG et IMAD). Pour que le Conseil d'Etat puisse exercer pleinement sa tâche de surveillance (article 8 LOIDP), il est en outre prévu que les prescriptions autonomes des directions générales de ces principales institutions soient approuvées par le gouvernement cantonal.
Quant à l'article 50A, il prévoit une règle générale en matière de rémunération (alinéa 1) que chaque entité pourra décliner et développer en fonction de ses propres besoins à l'interne. Aux autres alinéas, il y a une symétrie avec l'article 42A. L'article 3, alinéa 5, propose de modifier la LTrait avec une mention sur les traitements hors classe en y insérant un renvoi à la LOIDP.
Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission que je représente vous demande d'accepter le présent projet de loi. J'ai dit, Madame la présidente, merci.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous avons déjà mené le débat sur le plafonnement des rémunérations, il ne s'agit pas d'y revenir. Néanmoins, nous considérons qu'il est possible de légiférer sur cette question autrement que par des mesures aussi incisives que la limitation. Ce qui a choqué l'opinion publique, ce n'est pas tant le montant des salaires en soi, mais le fait que ceux-ci aient été, pendant des années, soustraits à la connaissance non seulement des citoyens, mais aussi des parlementaires que nous sommes. C'est cette opacité qui a défrayé la chronique, c'est cette opacité qui a ébranlé l'opinion publique.
Ce que nous proposons, sans revenir sur le plafonnement et dans le plein respect de l'autonomie des différentes régies publiques, c'est de gagner en transparence. Nous savons cette transparence chère à la gauche, et c'est avec plaisir que nous lui tendons une main dans ce domaine. Or, quelle n'a pas été notre surprise de constater que la gauche ne veut pas de ce projet de loi alors que l'objectif est précisément de favoriser la transparence en ce qui concerne le traitement des dirigeants des entreprises publiques !
Le texte qui vous est soumis ici consacre trois principes. Le premier expose dans les grandes lignes les normes applicables en matière de rémunération des directions: il faut tenir compte des spécificités du poste, des missions et des responsabilités liées à la fonction, mais également de l'expérience et des compétences de la personne qui l'exerce. J'ai un peu de peine à comprendre la mystérieuse raison pour laquelle quelqu'un, dans le cadre des travaux de commission, a suggéré de supprimer cette disposition, alors que c'est juste une question de bon sens le plus élémentaire; fixer un salaire sur la base d'autres critères me paraît quelque peu hasardeux.
Le deuxième principe de cet objet est celui selon lequel la rétribution est adoptée sous forme de prescription autonome par les conseils des entités publiques concernées. La prescription autonome, qui est un outil clairement défini par le droit, est publiée, ce qui signifie qu'on oblige ces conseils à indiquer combien ils versent à leurs organes dirigeants. Enfin, selon le troisième principe, en plus de devoir être publié, le montant de la rémunération est soumis à l'approbation du Conseil d'Etat. Voilà ce dont il s'agit.
Nous vous présentons des mesures qui sont relativement simples, qui ne risquent de heurter personne, qui vont clairement dans le sens de ce qu'attendent les citoyens, et je ne peux que vous inviter à soutenir le projet de loi dans sa version initiale, il n'y a aucun piège. Il s'agit de principes élémentaires grâce auxquels nous allons gagner en transparence, et cela dans l'intérêt de chacun: de notre république, des institutions de droit public que nous avons créées et de l'ensemble des habitants et habitantes de ce canton. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
Mme Masha Alimi (LJS). Comme mes préopinants l'ont relevé, ce projet de loi vise la transparence en matière de rémunération des dirigeants des institutions de droit public tout en garantissant l'autonomie de ces dernières. En matière de traitement, assurer une transparence en obéissant à des règles suffisamment précises pour pouvoir être comprises tout en préservant une certaine autonomie nous semble juste. En l'espèce, il ne s'agit pas de juger le montant du salaire octroyé, mais de légiférer. LJS y est favorable, nous soutiendrons donc ce texte. Merci.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme cela a été souligné, la question de la rémunération des hauts cadres des institutions de droit public est importante, c'est un sujet extrêmement grave que nous traitons là. Certaines révélations ont non seulement créé de l'émoi au sein du public, mais il s'agit aussi simplement d'argent public qu'il convient de dépenser avec discernement.
Ainsi que l'a résumé le rapporteur de majorité, trois projets de lois nous sont soumis simultanément ce soir qui étaient partiellement complémentaires, partiellement contradictoires. Le premier a été refusé, le deuxième a été renvoyé en commission.
De notre point de vue, compte tenu de l'importance de la tâche, compte tenu du changement de majorité, compte tenu de l'énorme taille des rapports de commission et du travail peut-être incomplet qui a été effectué au vu de ceux-ci, il serait intéressant que ce troisième texte soit également renvoyé en commission pour être traité de façon conjointe avec le précédent, le PL 12900.
Evidemment, étant donné que le PL 12900 nous intéresse plus que le PL 12901, si cela ne devait pas être possible, nous serions obligés de confirmer le vote de nos représentants en commission et donc de refuser ce dernier, à plus forte raison sachant que l'exigence de transparence est très largement consacrée dans la législation actuelle. Nous sollicitons donc un renvoi en commission. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission, je rends la parole aux rapporteurs et au Conseil d'Etat s'ils la souhaitent. Monsieur Ivanov, c'est à vous.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Non, il convient de refuser le renvoi en commission.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Au regard des arguments invoqués, il nous semble utile de renvoyer le projet de loi en commission.
La présidente. Je vous remercie. Nous passons au vote sur cette requête.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12901 à la commission sur le personnel de l'Etat est rejeté par 49 non contre 39 oui.
La présidente. Nous poursuivons le débat. La parole va à Mme Xhevrie Osmani.
Mme Xhevrie Osmani (S). Merci, Madame la présidente. Vous transmettrez ceci à M. Alder, qui s'est exprimé auparavant: j'espère qu'il propose la transparence par conviction et pour la population, et non juste pour tendre la main à la gauche.
Toutes les entités que nous avons auditionnées nous ont indiqué être favorables à la transparence; oui, parce qu'elles sont un peu obligées de l'appliquer, en fait - au cas où le PLR ne le saurait pas et l'apprendrait ce soir. Le président d'un conseil d'administration a expliqué que la question de la transparence constitue un faux problème, indépendamment de savoir si c'est une bonne chose ou non. Et aujourd'hui encore, on se demande si la transparence est nécessaire !
C'est bien le principe de transparence qui, lors des travaux de commission, nous a permis de prendre connaissance des salaires des directions des entités publiques et de pouvoir en débattre, comme nous le faisons ce soir dans le cadre de différents projets de lois. Ainsi, c'est avec quelques trains de retard qu'on postule que la transparence est souhaitée. En effet, les rémunérations sont connues, fixées et finalement validées par le Conseil d'Etat, tout comme les décisions d'engagement; la surveillance est opérée par les conseils d'administration.
Discuter de ce que valide le Conseil d'Etat avec les conseils constitue une vraie question, tout comme le contrôle des rétributions par les conseils, mais la transparence n'en est pas une. Alors faites ce qu'il vous plaira; notre parti, pour ne pas être pris au mot, s'abstiendra sur ce projet de loi sans la moindre conviction.
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, nous passons notre temps à discuter de transparence et à la revendiquer. Ce projet de loi vise à graver ce principe dans le marbre, et nous voici à hésiter ! La population s'est effectivement émue, à l'époque du covid et post-covid, de voir communiqué dans la presse ou à la télévision le montant des salaires des hauts dirigeants des établissements publics que nous connaissons.
J'avoue que je suis assez surpris aujourd'hui. On propose la transparence pour éviter l'émoi, éviter les surprises, éviter les peurs, éviter le dépôt de nombreux projets de lois comme ceux qui ont suivi l'annonce de ces rémunérations, on soumet un texte plein de bon sens qui nous dit: «Voici les chiffres, libre à vous de les interpréter comme vous voulez.»
Pour des raisons de simplification du monde dans lequel nous vivons, pour éviter des procédures judiciaires révélant les échanges, par exemple entre le Conseil d'Etat et certains de ces directeurs, ce projet de loi demande de la transparence. C'est pourquoi Le Centre le soutiendra. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Je serai bref. Ce projet de loi est extrêmement positif, puisqu'il propose plus de transparence. C'est ce que nous voulons tous dans cet hémicycle, me semble-t-il. Par conséquent, il convient de voter le PL 12901. Merci, Madame la présidente.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. En fait, ce projet de loi est une illusion, parce que lors de son examen et de celui des autres textes, nous avons obtenu le montant de l'ensemble des rémunérations dans les diverses régies publiques, un rapport a été publié à l'époque. Même un député PLR s'est abstenu, ayant été peu convaincu par la démonstration.
Alors bon, que l'objet passe ou ne passe pas, à notre sens, ça ne fera pas de différence. Si cette seule modification est validée, il n'existera pas pour autant de contrainte afin d'empêcher des salaires excessifs. Le principe de transparence n'est pas suffisant en cas de dérive, c'est une chose à laquelle il faut veiller. Le risque, si on s'enferme dans une transparence de façade, c'est d'avoir quelques mauvaises surprises au final. La majorité demeure très sceptique sur la question. Merci, Madame la présidente.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat... Oh, pfff ! (Rires.) Peut-être, bientôt ! (L'oratrice rit. Remarque.) C'est la fatigue, oui, c'est la fatigue ! Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat, pour sa part, souhaitait a priori un renvoi en commission de ces trois projets de lois de façon à ce qu'ils soient traités concomitamment.
Nous estimons qu'il convient de se poser la question suivante, si on décide de ne plus prévoir de limitation pour les salaires des directrices et directeurs généraux - ce qui, quelque part, fait sens: pourquoi ne pas les soumettre au droit privé plutôt qu'au droit public ? Cela permettrait d'évacuer ces questions de même que les inquiétudes liées au montant des rémunérations.
Un projet de loi a d'ores et déjà été renvoyé en commission avec différents amendements possibles. Le Conseil d'Etat propose également le renvoi du texte que vous traitez maintenant de sorte qu'il soit éventuellement examiné sous l'angle d'un statut de droit privé pour les directions générales - pas les n-1, mais les n -, que son étude puisse à tout le moins être complète. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.
La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Sur la demande de renvoi en commission, je repasse la parole aux rapporteurs, d'abord à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. C'est non.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Une fois de plus, la conseillère d'Etat convainc le MCG grâce à son analyse pertinente. Il est vrai que le fait de pouvoir éventuellement privatiser certains de ces hauts postes... (Commentaires.) Alors je vais peut-être en surprendre certains, étant donné que nous défendons la fonction publique, mais il s'agit tout de même ici de cas particuliers se situant à cheval entre le privé et le public, parce qu'ils évoluent dans un système concurrentiel.
Je m'étonnerais que des personnes qui soutiennent généralement l'économie ou, disons, une vision libérale de la société en termes économiques refusent la proposition de Nathalie Fontanet qui va dans leur sens. Parfois, dans la vie, il ne faut pas se montrer trop impatient, on peut prendre de bonnes décisions en définitive.
Le petit malaise que nous ressentions - et nous prévoyions de toute manière des exceptions pour les HUG et deux autres organismes de droit public - pourrait sans doute être résolu par la suggestion intéressante de Nathalie Fontanet, qui serait susceptible de mettre tout le monde d'accord, à la fois les tenants d'une économie dynamique et les fonctionnaires de droit public.
Je sais qu'à un moment donné, la Ville de Genève avait opté pour cette formule, ce qui avait véritablement créé une plus-value. A mon avis, on peut prendre le risque d'aller dans cette direction, c'est-à-dire d'étudier la question. On n'en est pas à une ou à deux semaines près, on peut examiner la chose. Le département sait être très rapide, je le confirme, donc nous pourrions avancer dans cette voie, ce que je vous conseille sincèrement de faire, Mesdames et Messieurs: je soutiens le renvoi en commission. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Nous nous prononçons sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12901 à la commission sur le personnel de l'Etat est adopté par 45 oui contre 44 non et 1 abstention. (Commentaires pendant la procédure de vote.)