Séance du
vendredi 26 janvier 2024 à
16h
3e
législature -
1re
année -
8e
session -
50e
séance
PL 12852-A
Premier débat
La présidente. L'ordre du jour appelle le PL 12852-A... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Comme d'habitude, que ceux qui veulent débriefer sur le vote précédent n'hésitent pas à le faire à l'extérieur. Les téléphones aussi, c'est à l'extérieur, s'il vous plaît. (Remarque.) Monsieur Blondin, ça ne vous dérange pas d'aller parler au téléphone à l'extérieur ?
Je continue. Le PL 12852-A est traité en catégorie II, quarante minutes. Etant donné que le groupe Ensemble à Gauche ne siège plus parmi nous, le rapport de minorité de M. Jean Batou ne sera pas présenté. La parole est au rapporteur de majorité, et il revient aux autres personnes de faire silence. (Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, un projet de loi en chasse un autre. Bis repetita ! Ce projet de loi vient des cryptomarxistes... (Rires.) ...terme de mon ami Dimier, qui a entièrement raison. C'est une obsession à gauche; la gauche a un réel problème avec l'argent. Je pense qu'il y a un véritable... Comment dire ? Vous avez un vrai problème avec l'argent; il faudrait peut-être faire...
La présidente. Merci de vous adresser à la présidence.
M. Christo Ivanov. Je m'adresse à vous, mais vous transmettrez, Madame la présidente. Je crois qu'il y a une psychothérapie de groupe à faire. (Rires.) On gagnerait beaucoup de temps. Tout à l'heure, nous parlions d'une augmentation des impôts des personnes physiques et maintenant, on parle d'un impôt de pseudosolidarité sur les grosses successions et donations.
Puisqu'il n'y a pas de rapporteur de minorité, je vais aussi faire le travail de celui-ci. (Rires.) Voici la proposition de l'article 23A nouveau:
«1 Un droit de 3,5% est prélevé sur la part dépassant 2 millions de francs de toutes les transmissions et attributions de biens, au sens de l'article 1, alinéa 2.
2 Pour les successions ne bénéficiant pas des exonérations prévues au sens des articles 6 et 6A, le droit prévu à l'alinéa 1 vient s'ajouter aux droits existants.»
La réalité est qu'à Genève, les successions concernent souvent l'immobilier. De plus, dans les familles, on est rarement tout seul; il y a souvent un frère, une soeur ou davantage. Avec une barre à 2 millions de francs, la classe moyenne est inévitablement confrontée au problème: quand on répartit l'héritage d'un patrimoine de 3 millions de francs entre quatre ou cinq personnes, on est évidemment concerné à cause de la part dépassant les 2 millions de francs. Cela pose donc un problème supplémentaire à celui que l'on a déjà actuellement à Genève dans les quartiers de villas: les maisons construites dans les années 60 ne valent plus grand-chose, mais le terrain où elles se trouvent vaut beaucoup plus.
Dans le cas d'une succession directe, il y a déjà des problèmes familiaux terribles parce qu'on n'arrive pas à gérer tout cela, et ce projet de loi propose d'en ajouter une couche ! Celui-ci concerne inévitablement la classe moyenne supérieure qui, selon l'auteur du projet de loi, n'hérite pas de grosses successions et donations. Par rapport au fait que ce sont des personnes âgées qui thésaurisent parce que, certes, les héritages se font de plus en plus tard, il y a aussi de plus en plus de familles qui sautent une génération, ce qui réinjecte inévitablement et directement ce capital dans l'économie, ce qui permet de travailler et qui est soumis à l'impôt sur la fortune. Avec une barre fixée à 2 millions de francs, compte tenu de la réalité du terrain genevois (le patrimoine n'est pas en cash), la classe moyenne supérieure est aussi bien concernée que les grosses fortunes. Par conséquent, la majorité de la commission fiscale vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce texte. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Sylvain Thévoz (S). Sans surprise, dès qu'on parle fiscalité, la droite répond que c'est une attaque contre la classe moyenne, qu'il y a un risque de manque de compétitivité fiscale et que les gens vont partir. On connaît l'argument, il est éculé et particulièrement mal adapté pour ce sujet. Ce ne sont pas les cryptomarxistes qui le disent mais le professeur Marius Brülhart, de la faculté des HEC, qu'on a eu l'occasion d'entendre durant les travaux. Il explique assez simplement, Mesdames et Messieurs, que même si on instaure cet impôt à 3,5% pour les héritages et donations de plus de 2 millions, ce risque de fuite est quasiment nul. Il est étudié scientifiquement et n'a pas pu être démontré, depuis l'abolition de cet impôt dans les années 90 dans un certain nombre de cantons, d'abord à Schaffhouse puis, par contamination, à l'échelle du pays. Ce risque est donc à écarter.
De plus, ce n'est pas la classe moyenne qui est ciblée mais les successions et donations de plus de 2 millions. M. Ivanov - vous transmettrez, Madame la présidente - se trompe quand il fournit l'exemple de 2 millions à partager entre quatre frères, parce que c'est 2 millions par personne; on parlerait d'un héritage de 8 millions à diviser en quatre pour que la barre des 2 millions soit atteinte. Sur un legs d'un peu plus de 2 millions, 18 000 francs reviendraient à l'Etat. Vous pouvez en convenir, quand vous recevez 2 millions, donner 18 000 francs à l'Etat, ce n'est pas être saigné à blanc. Ce ne sont probablement pas les classes les plus fragiles qui seraient soumises à cet impôt.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je tiens à rappeler que ce sont principalement des personnes âgées qui héritent de personnes âgées. 5% seulement des moins de 40 ans vont toucher un héritage. Plus de 60% des personnes qui touchent un héritage ont plus de 60 ans. En n'imposant pas ces héritages, on maintient l'immobilité d'une fortune. Celle-ci, en effet, ne bénéficie ni à l'économie ni aux personnes qui en ont principalement besoin, c'est-à-dire les PME, les personnes ayant des entreprises, les familles, les travailleurs qui peuvent poursuivre leur activité et les développer grâce à une redistribution de l'Etat si cet impôt est instauré.
Donc, Mesdames et Messieurs, les arguments de la droite tombent à plat, et on ne peut que vous inviter à soutenir ce projet de loi. Il n'est pas radical, il vise simplement à maintenir un principe que nous défendons et qui s'appelle la progressivité de l'impôt. Aujourd'hui, que vous héritiez de 50 000 francs ou de 2 millions, vous êtes taxé à peu près au même taux, ce qui n'est pas juste si l'on veut défendre les gens dont parlait mal à propos M. Ivanov. Si vous héritez de 50 000 francs, vous devriez être un peu moins imposé que celui qui va toucher 2 millions. Sinon, vous subissez la même dureté fiscale, alors que vous n'avez évidemment pas les mêmes ressources.
Enfin, pour parler d'enfer fiscal, je rappelle le cas de notre compatriote Alain Delon, qui est aujourd'hui en France: il ne subit tellement pas un enfer fiscal qu'il a choisi d'y résider ! Quant à l'argument aussi éculé qui consiste à dire que l'imposition fiscale est déterminante pour le lieu de résidence, ce n'est évidemment pas le cas. On le voit principalement avec les personnes âgées: c'est l'environnement social, les proches, la qualité de vie, c'est un certain nombre d'arguments et d'éléments autour d'eux qui les amèneront à choisir de rester ou non là où ils sont déjà, et très souvent, ils y demeurent.
Avec toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, j'espère vous avoir convaincus, vous et principalement la droite, de changer votre disque dur et, Monsieur Ivanov, d'arrêter de parler de cryptomarxistes et de je ne sais quel fantasme. Les Genevois demandent une meilleure redistribution fiscale, qui bénéficiera à la collectivité. Nous vous invitons à voter ce projet de loi. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous étions tout à l'heure à Davos, nous allons y retourner. On avait vu se promener dans les rues de Davos la riche héritière du groupe BASF, Mme Marlene Engelhorn, avec une pancarte sur laquelle était écrit «tax the rich !». Nous allons donc parler de succession et de l'utilité que les héritiers et les héritières peuvent en avoir. Comme on l'a dit, le projet de loi consiste à instaurer un impôt de succession sur la part qui dépasse 2 millions et seulement sur cette part-là.
Je relève quelques éléments problématiques; je ne vais pas entrer dans des arguments financiers, mais argumenter sur le principe des impôts de succession. On peut d'abord noter qu'en Suisse, la moitié du patrimoine des particuliers résulte aujourd'hui de donations ou de successions et non de l'accumulation de revenus provenant du travail. La part de successions et de donations dans le revenu national a bondi à environ 17% après avoir été de l'ordre de 5% en 1975. C'est un record historique !
Par le passé, on pouvait justifier qu'un héritage puisse soutenir une personne au démarrage de sa vie ou d'une activité économique, mais ce n'est de loin plus le cas aujourd'hui, on l'a dit tout à l'heure; compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie, près de 60% des successions et donations bénéficient à des personnes de plus de 60 ans.
Je vais aussi citer le professeur Brülhart, qui a été mentionné tout à l'heure. Il a émis des considérations qu'on peut lire dans le rapport. Les voici: «D'un point de vue purement économique, l'impôt sur les successions a des atouts à faire valoir. Contrairement à la plupart des autres impôts directs, il n'entrave guère les incitations à travailler et à investir - et peut même les améliorer - et du point de vue de l'équité, il semble plus juste de taxer les actifs hérités que les revenus issus du travail.» Méditez là-dessus ! Un impôt sur la succession ne va pas forcément contribuer à augmenter la manne fiscale; on peut essayer de parvenir à un équilibre entre les revenus du travail et les revenus issus d'héritages.
Un élément supplémentaire est la disparité monumentale - on ne l'a pas encore mentionnée - qui existe entre la transmission en ligne directe et la transmission à une parenté proche comme un frère ou une soeur, un neveu ou une nièce. C'est aussi le cas pour une transmission d'entreprise: si vous voulez léguer une entreprise à un neveu, vous allez être taxé au prix fort.
Tous ces éléments devraient d'ailleurs parler aux libéraux adeptes de la réussite par le mérite. «Qu'avez-vous fait de tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus», écrivait Beaumarchais dans «Le Mariage de Figaro». Je connais certains libéraux, en tout cas aux Etats-Unis, qui sont plutôt en faveur d'une imposition des successions, de façon à ce qu'on puisse obtenir son gain par son propre mérite et par le travail qu'on effectue.
Enfin, si vous le voulez, nous sommes prêts à discuter du seuil de 2 millions, mais, comme on l'a dit tout à l'heure, celui-ci nous semble sensé pour préserver les petits propriétaires de biens immobiliers; certes, des biens peuvent revenir à une famille modeste, de la classe moyenne supérieure, comme vous l'avez dit, qui possède des terrains valant plus de 2 millions, mais je ne pense pas que ce soit très fréquent. Si l'entrée en matière sur ce projet de loi est acceptée, on pourrait aussi exempter d'impôts la transmission d'entreprises ou de domaines agricoles, cela aurait bien entendu du sens. Pour cela, il faut d'abord entrer en matière, ce que les Vertes et les Verts vous recommandent de faire.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Le groupe PLR considère comme profondément injuste le fait de taxer des héritages. En effet, c'est un patrimoine qui a déjà été taxé: c'est du patrimoine constitué de l'accumulation de revenus, qui ont donc déjà été imposés, ou d'une fortune qui a déjà été imposée, en particulier à Genève où l'impôt sur la fortune est le plus élevé de Suisse. C'est un cas classique de double imposition, qui doit être évité.
Vouloir imposer les successions au-delà de 2 millions de francs, c'est s'attaquer directement aux petites et moyennes entreprises. La valeur d'une entreprise peut rapidement atteindre ce montant, alors qu'il ne s'agit pas d'une fortune liquide, bien au contraire. Il en va de même de biens immobiliers achetés il y a longtemps dont la valeur aurait fortement augmenté. Les héritiers pourraient se retrouver dans l'incapacité de payer l'impôt sur la succession et se voir donc obligés de procéder à une vente pour payer cet impôt.
Comme mes préopinants pendant cette séance, les auteurs du projet de loi ont abondamment fait référence à la situation des pays qui nous entourent et qui connaissent l'impôt sur la succession. C'est vrai, mais il faut aussi souligner que ces pays ont aboli ou très fortement diminué l'impôt sur la fortune: aujourd'hui, seuls trois pays dans l'OCDE connaissent un impôt sur la fortune. L'introduction d'un impôt sur les successions en ligne directe, respectivement l'augmentation de l'impôt sur les autres types de succession, devraient se faire en parallèle de la diminution ou de l'abolition de l'impôt sur la fortune. C'est une discussion à laquelle le groupe PLR pourrait volontiers participer, mais ce n'est évidemment pas ce qui est proposé ici. Au vu de ces éléments, le groupe PLR vous demande de rejeter ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Sébastien Desfayes (LC). Nous arrivons presque au dernier wagon du train interminable de lois fiscales Batou, train de lois qu'on pourrait appeler pour de nombreuses raisons le Transsibérien. Tout est problématique dans ce projet de loi, à commencer par son titre, qui fait mention d'un impôt de solidarité. Un impôt de solidarité ! Est-ce que vous avez déjà vu un impôt d'égoïsme ou un impôt d'égocentrisme ? Par définition, un impôt est solidaire. En plus, ce titre fait mention d'un «impôt de solidarité sur les grosses successions et donations»; «grosses», ce n'est déjà pas très élégant, mais en plus c'est faux: en l'occurrence, à Genève, 2 millions, on y arrive très rapidement, si on détient une entreprise ou un bien immobilier.
On dit: «Pour quelqu'un qui hérite, 20 000 francs, 30 000 francs, ce n'est rien, c'est facile.» Non ! Ça peut être très compliqué quand on a un bien immobilier ou quand on hérite d'une entreprise, parce qu'on n'a pas de fortune liquide. Tout le monde, du moins quasiment tous les cantons (23 sur 26) ont bien compris que l'imposition en ligne directe était extrêmement problématique et l'ont supprimée. Un vingt-quatrième va sans doute le faire très prochainement: il s'agit de Neuchâtel. Je vous laisse imaginer les conséquences pour les recettes fiscales du canton si on devait faire machine arrière et se retrouver isolés avec les deux derniers cantons. Comme l'a dit Mme Nathalie Fontanet, la fiscalité à Genève est extrêmement élevée; on a déjà passablement tiré sur la corde, il ne faut pas en rajouter une couche.
J'ajoute juste deux derniers points. D'une part, Sylvain Thévoz a dit que l'imposition actuelle ne facilite pas la transmission d'entreprises. Précisément, si vous changez la loi, vous rendrez la transmission d'entreprises encore plus compliquée. D'autre part, le député Eckert a parlé du slogan «tax the rich !». Je n'ai pas de relations privilégiées avec une héritière allemande, contrairement à lui de toute évidence. Si j'avais la chance de la connaître, ce qui n'est malheureusement pas mon cas, je pourrais lui dire qu'à Genève on taxe les riches; il y a ce qu'on appelle l'impôt sur la fortune, qui n'existe plus dans tous les autres pays européens et même dans le monde. Raison pour laquelle je vous invite et, en tant que de besoin, vous enjoins de refuser ce projet de loi. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole revient à M. Subilia pour deux minutes vingt.
M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Madame la présidente. A nouveau, je ne résiste pas à l'idée d'une petite incise. Je ne sais pas s'il s'agit du Transsibérien, parce que, pour l'avoir emprunté, je peux vous dire qu'il est nettement plus confortable que la litanie que nous sert constamment la gauche, notamment lorsque le député Thévoz - pour ne pas le citer - nous invite à changer de logiciel. Pour ma part, c'est une invitation que j'adresserai à celles et ceux qui mènent ce type de combat d'arrière-garde.
Au-delà du fait, on l'a rappelé, que l'imposition des successions en ligne directe est profondément inique et injuste, il est évident que si cette mesure devait être adoptée, elle serait préjudiciable à Genève, croyez-en ma modeste expérience. Mesdames et Messieurs, contrairement à ce que vous pensez, cette mesure toucherait précisément et de façon tout à fait directe la classe moyenne ou la classe moyenne supérieure, suivant la façon dont vous définissez celle-ci, et en particulier celles et ceux qui sont les heureux propriétaires de biens fonciers; avec la valeur qu'ils ont prise, on sait que ceux-ci atteignent assez rapidement la limite ici visée. Il en va de même pour les entrepreneurs, pour celles et ceux qui créent de la valeur, qui permettent aux uns et aux autres d'exercer un emploi et dont le patrimoine, inclus dans ce périmètre, serait indûment taxé. C'est donc une fausse bonne idée que vous avez ! Elle n'est même pas bonne en réalité, elle est tout simplement fausse ! Il faut la combattre et, vous l'aurez compris, c'est notre objectif ici.
Quant au parallélisme établi de façon un tout petit peu douteuse avec cette star du cinéma qui nous fait l'amitié d'avoir le passeport suisse, croyez bien que le fait qu'il soit resté de l'autre côté de la frontière est à mon sens plus imputable à des raisons de santé qu'à un choix de localisation fiscale. Voilà pour le détail.
Concernant le slogan «tax the rich !», je suis heureux que M. Eckert fréquente assidûment Davos et qu'il y soit confronté aux réalités de l'économie mondiale et aux difficultés qu'elle connaît. Je rappelle simplement qu'il faut comparer ce qui est comparable, on l'a déjà dit. Encore une fois, il faut avoir un discours empreint de bonne foi: celles et ceux qui demandent à être taxés davantage ne connaissent pas l'impôt sur la fortune. La Suisse est l'un des seuls Etats à faire de la résistance en la matière. Il n'y a donc pas lieu de viser à une augmentation de l'imposition sur les successions. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Donc la chasse aux riches continue ! Puisqu'on parle de succession, j'ai regardé avec curiosité le prix des maisons ou des appartements dans certaines communes. J'ai choisi une commune qui n'est pas la plus riche: Vernier. Je suis allé sur Homegate, une des plates-formes numériques qui permet d'avoir ce genre d'éléments. Je vous donne les chiffres: 2,9 millions, 2,7 millions, 2,79 millions, 2,19 millions, 2,95 millions. Je me suis dit que ça ne suffit pas; j'ai donc regardé une autre commune, celle - vous transmettrez, Madame la présidente - de notre collègue Pierre Eckert. C'est un peu plus cher. (Rires.) Une maison coûte 4,29 millions (j'imagine que ce n'est pas celle de M. Eckert; du reste, je ne sais pas s'il en a une, mais peu importe), 2,15 millions, 2,39 millions, 3,75 millions, 3,5 millions. J'ai arrêté là la recherche. J'aurais pu sans doute regarder Cologny ou Hermance; je pense que les prix n'auraient pas été les mêmes. On voit donc que l'immobilier est actuellement à un haut niveau.
Je me mets juste à la place d'une famille dont les parents veulent léguer une maison à leurs enfants parce qu'ils se disent que c'est la maison de leur vie, la maison de la famille; ils sont attachés à ce bien. Leurs enfants n'ont pas une grosse fortune, les parents décident donc de faire une donation. Au lieu de transmettre ce bien dans les meilleures conditions, ces personnes vont être impactées. Il faut en effet tenir compte d'un élément: ce bien est grevé d'hypothèques qui seront reprises dans la succession. Ça va être quelque chose d'assez compliqué et de plus en plus compliqué.
Si on veut empêcher cette transmission un peu par jalousie, par envie, parce qu'on se dit: «Ces sales riches...» Quand on habite dans des communes comme Vernier, Le Grand-Saconnex... Il faut savoir que beaucoup de ces familles ont acheté un bien à des prix beaucoup plus bas; je ne vais pas parler des prix de l'immobilier, mais chacun sait qu'autrefois ils n'étaient pas au niveau que nous connaissons actuellement. Ce qui est important pour ces familles, ce n'est pas le prix de la maison mais tout ce qui est attaché à ce bien. Est-ce qu'on veut punir ceux qui ont acquis un bien, qui ont agi en vue de bien aimer les quatre murs dans lesquels ils habitent, qui les ont bichonnés ? Au MCG en tout cas, ce n'est pas du tout notre politique. C'est pour cela que nous refuserons ce projet de loi avec détermination. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Eckert, vous avez la parole pour dix-neuf secondes.
M. Pierre Eckert (Ve). Ouh là !
La présidente. Vous pouvez commencer par conclure. (Rire.)
M. Pierre Eckert. Je conclus ! Non, j'interviens juste pour remercier le député Baertschi d'avoir fait mention du Grand-Saconnex et de moi. Je vous dis juste que je vais conclure ici, et je vous remercie. (Hilarité. Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie pour cette intervention. Il n'y a plus de demande de parole des députés, aussi je donne la parole au rapporteur de majorité pour quatre minutes quarante.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je pense que ce sera largement suffisant, je ne suis pas un spécialiste des longs discours. J'aimerais répondre à deux ou trois éléments. On entend toujours le même discours chez les cryptomarxistes... (Rires.) ...qui nous parlent sans cesse d'attaque contre la classe moyenne. A un moment, il faut arrêter ! 36% des gens à Genève ne paient pas d'impôts - vous transmettrez, Madame la présidente - et, aujourd'hui, une famille avec deux enfants a de la peine à vivre, compte tenu du loyer, de l'assurance-maladie, des impôts, des plaques de voiture, etc. Quand les gens arrivent à la retraite, ils n'ont plus les moyens de vivre chez nous, ils partent dans d'autres cantons, des cantons favorables aux familles - Vaud, Valais, Neuchâtel, Jura, etc. - pour avoir un niveau de vie supérieur à celui qu'ils ont à Genève et non tomber dans la précarité. C'est malheureusement la vérité. D'autres partent plus loin, au Portugal, en Espagne ou au Maroc.
Venir encore une fois avec... Bis repetita ! C'est comme la chanson de Claude François, «Ça s'en va et ça revient»: c'est sans arrêt, c'est récurrent ! Là, ça concerne les successions en ligne directe. Il convient évidemment de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, les Genevois étant déjà surtaxés et payant l'impôt sur la fortune, impôt que la Suisse est un des rares pays en Europe et dans le monde à maintenir. Je vous remercie, Madame la présidente.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat s'oppose très clairement à ce projet de loi. Si effectivement le professeur Brülhart a indiqué dans son analyse qu'en tant que telle, une augmentation de l'imposition sur les successions n'était pas de nature à entraîner, à elle seule, des départs de contribuables, il a aussi dit qu'il fallait prendre en compte l'ensemble du contexte fiscal. Dans notre canton, Mesdames et Messieurs, vous le savez, nous avons l'imposition sur la fortune la plus élevée. Il ne fait aucun doute que si à cette imposition sur la fortune la plus élevée s'ajoutait une augmentation de l'impôt sur les successions, nous n'aurions plus aucune attractivité, et qu'à nouveau nous pénaliserions des personnes qui transmettent des entreprises, des appartements et des maisons; on l'a démontré, ces biens arrivent très rapidement au seuil visé. Voilà les motifs pour lesquels, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'est pas favorable à ce projet de loi et vous remercie de le refuser.
La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, je mets au vote l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12852 est rejeté en premier débat par 62 non contre 32 oui.