Séance du
vendredi 26 janvier 2024 à
16h
3e
législature -
1re
année -
8e
session -
50e
séance
La séance est ouverte à 16h, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.
Assistent à la séance: Mmes Nathalie Fontanet et Carole-Anne Kast, conseillères d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Jacques Béné, Vincent Canonica, Virna Conti, Christian Flury, Angèle-Marie Habiyakare, Arber Jahija, Philippe Morel, Pierre Nicollier, Jean-Pierre Pasquier, Charles Poncet, Caroline Renold et Louise Trottet, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Rémy Burri, Monika Ducret, Gabrielle Le Goff, Patrick Lussi, Daniel Noël, Christian Steiner et Nicole Valiquer Grecuccio.
La présidente. Je vous informe que nous avons reçu la démission de Mme Monika Ducret de son mandat de députée suppléante. Je prie M. Cerutti, qui est le seul membre du Bureau sur ma gauche, de bien vouloir nous lire sa lettre.
La présidente. Je vous remercie. Il est pris acte de cette démission avec effet à l'issue de cette séance.
Entrée au Grand Conseil en mai 2023, Mme Monika Ducret a exercé la fonction de députée suppléante du groupe Libertés et Justice sociale. En plénière, elle s'est exprimée en faveur du développement de la technologie blockchain à Genève. Elle renonce aujourd'hui à son mandat pour intégrer le conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève. Nous formons nos voeux les meilleurs pour la suite de sa carrière et lui remettons, fidèles à la tradition, un stylo souvenir. (Applaudissements. La présidente descend de l'estrade, embrasse Mme Monika Ducret et lui remet le stylo souvenir.)
Je donne la parole à M. Jacques Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Merci, Madame la présidente. Comme vous venez de l'indiquer, Mme Ducret a été élue en mai 2023 comme députée suppléante. Ceux qui l'ont côtoyée en commission ont pu découvrir une femme dynamique, motivée, sensible, très engagée, notamment dans le monde social.
Elle nous quitte après huit mois, Mesdames et Messieurs, non pas qu'elle n'ait pas chopé le virus de la politique - elle l'a attrapé, je peux vous le confirmer -, mais elle a simplement été désignée par le mouvement LJS pour représenter notre formation politique au conseil d'administration des HUG, et cette fonction est bien sûr incompatible avec celle de députée, vous le savez bien. Alors bonne suite, Monika, dans ta nouvelle activité ! (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie.
La présidente. Nous passons au RD 1569. Le rapport est de M. Diego Esteban, à qui je donne la parole.
M. Diego Esteban (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. La commission des droits politiques n'ayant pas tenu de séance juste avant cette plénière, l'intégralité de ses membres s'est prononcée par la voie numérique sur la compatibilité de M. Frédéric Saenger, nouveau député suppléant du groupe LJS, et a conclu à sa compatibilité, étant donné qu'aucun motif d'incompatibilité n'a été constaté. Ainsi, rien ne s'oppose à sa prestation de serment.
La présidente. Je vous remercie.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport oral.
La présidente. M. Frédéric Saenger prêtera serment à 18h.
Liens d'intérêts de M. Frédéric Saenger (LJS)
Comité Société Littéraire, Genève
Festival VSR
Annonces et dépôts
La présidente. La parole est à M. Sandro Pistis.
M. Sandro Pistis (MCG). Merci, Madame la présidente. Le groupe MCG annonce le retrait de la R 1015 «pour une association de la commission des visiteurs officiels et de la commission des travaux lors de l'examen des futurs projets de lois de construction ou de rénovation d'établissements de détention».
Questions écrites urgentes
La présidente. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de Adrien Genecand : Comment expliquer le retard du projet Cheneviers IV ? (QUE-1986)
Question écrite urgente de Sandro Pistis : Instauration d'une 13e rente AVS (QUE-1987)
Question écrite urgente de Sandro Pistis : AIMP : où en sommes-nous ? (QUE-1988)
Question écrite urgente de Thierry Oppikofer : Panneaux indicateurs inutiles : à quel prix et pour quel avenir ? (QUE-1989)
Question écrite urgente de Caroline Renold : Accord sur l'électricité : libéralisation par la petite porte et ruine des Services industriels ? (QUE-1990)
Question écrite urgente de Sami Gashi : Quel est l'impact des mesures de l'Etat pour soutenir les chômeurs en fin de droit ? (QUE-1991)
Question écrite urgente de Gabrielle Le Goff : Taxe payée par les taxis pour rentrer dans l'enceinte de l'aéroport de Genève (AIG) - Transparence dans la gestion par l'aéroport de la recette perçue lors de l'accès à la zone réservée aux taxis (QUE-1992)
Question écrite urgente de Gabrielle Le Goff : La gestion par la PCTN des autorisations d'usage accru du domaine public (AUADP) est-elle transparente et équitable ? (QUE-1993)
Question écrite urgente de Marc Saudan : Procédure de prise en charge en cas de tentative de cambriolage (QUE-1994)
Question écrite urgente de Christo Ivanov : Le déménagement de la gare routière au P47 est-il toujours envisagé ? (QUE-1995)
Question écrite urgente de Christo Ivanov : Point noir du réseau routier, l'intersection entre la route de Meyrin et la route du Mandement sera-t-elle revue ? (QUE-1996)
Question écrite urgente de Christo Ivanov : Fin de l'exploitation du P+R Gare de Meyrin : qu'en est-il de la compensation des places de parking ? (QUE-1997)
Question écrite urgente de Jacques Jeannerat : Taux d'absence pour raison de santé (QUE-1998)
Question écrite urgente de Pierre Eckert : L'Etat finance-t-il la croissance d'un aéroport low cost ? (QUE-1999)
Question écrite urgente de Pierre Nicollier : Grèves de fin d'année : quelle mobilisation et quels impacts ? (QUE-2000)
Question écrite urgente de Charles Selleger : Zones piétonnes provisoires et places de stationnement (QUE-2001)
Question écrite urgente de Léna Strasser : Situation des établissements pénitentiaires genevois au 31 décembre 2023 (QUE-2002)
QUE 1986 QUE 1987 QUE 1988 QUE 1989 QUE 1990 QUE 1991 QUE 1992 QUE 1993 QUE 1994 QUE 1995 QUE 1996 QUE 1997 QUE 1998 QUE 1999 QUE 2000 QUE 2001 QUE 2002
La présidente. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
La présidente. Vous avez également reçu par messagerie les questions écrites suivantes:
Question écrite de Souheil Sayegh : Est-ce que les arbres sont plus verts ailleurs ? (Q-3971)
Question écrite de Souheil Sayegh : Des compteurs électriques intelligents... intelligents comment ? (Q-3972)
Question écrite de Louise Trottet : Quelles perspectives pour améliorer les cadences, la vitesse commerciale et les capacités des TPG ? (Q-3973)
Question écrite de Matthieu Jotterand : Quelle est la vision, voire quels sont les plans concrets, pour le trafic international de voyageurs à l'horizon 2030 ? (Q-3974)
La présidente. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 15 décembre 2023 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
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Premier débat
La présidente. Nous reprenons nos travaux avec le PL 12793-A, qui figure en catégorie II, trente minutes. Madame Dilara Bayrak, vous avez la parole.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, j'entre dans le vif du sujet. Ce projet de loi a sans nul doute un but louable, puisqu'il vise à ce que les entreprises qui travaillent avec l'Etat soient payées plus rapidement, c'est-à-dire que les factures adressées à l'administration soient réglées dès leur réception. Sauf qu'il crée plus de problèmes qu'il n'en résout, et on va le voir avec la présentation que je vais vous faire tout de suite.
Selon la première modification proposée, celle que j'ai mentionnée, l'Etat, les communes et les entités de droit public doivent payer leurs créances à réception des factures. Jusque-là, bon, pas trop de changements, rien de vraiment nouveau.
La deuxième modification, et c'est celle qui est problématique, dispose que si l'Etat, les communes et les entités n'arrivent pas à s'acquitter des factures dans un délai de quinze jours, l'Etat doit mandater des fiduciaires privées pour qu'elles soient payées le plus rapidement possible. Cependant, les services de l'administration restent responsables du paiement, et c'est là qu'il y a un très gros problème, vous le voyez bien: mandater des fiduciaires privées, qui plus est dans un délai de quinze jours - quinze jours, c'est extrêmement court, vous me l'accorderez -, va engendrer un surplus de travail administratif et des coûts extrêmement élevés pour l'Etat.
Je souligne à cet égard - vous trouvez cette information à la page 10 du rapport - que l'administration paie déjà immédiatement les factures qu'elle reçoit. Nous avons eu une présentation très claire de M. Reitz, chef du service de comptabilité de l'Etat, avec des explications quant au mécanisme de paiement des factures, plus précisément sur les trois grands flux qui composent le traitement des factures au sein de l'Etat - cela figure aux pages 12 et suivantes. Il s'agit d'un système relativement compliqué, je n'aurai pas le temps de le détailler ici, mais en résumé, il y a le flux des factures décentralisées, le flux des factures centralisées et le flux des factures express. Or on constate que le délai dans lequel les factures sont réglées tourne, pour les décentralisées - c'est le plus long -, autour de 32,2 jours; pour les factures centralisées, il varie de 22 à 36 jours selon les services. Les factures centralisées représentent à peu près 60% des créances traitées au sein de l'administration.
En bref, selon les signataires de ce texte, on peut faire mieux. Alors oui, on peut faire mieux; les paiements tardifs ne sont préconisés par personne, bien sûr que les entreprises qui travaillent avec l'Etat se retrouvent en difficulté lorsqu'elles ne sont pas réglées dans les temps, c'est regrettable et personne ne remet cela en question. Certes, il faut que l'Etat paie le plus vite possible ses partenaires, surtout les petites sociétés qui ont besoin de rentrées financières, mais privatiser - automatiquement, presque - le traitement de toutes les factures qui ne seraient pas réglées dans un délai de quinze jours, c'est complètement lunaire ! Voilà pourquoi ce projet de loi doit être refusé par notre parlement. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Comme pour tout, l'argent est souvent le nerf de la guerre, notamment en ce qui concerne les PME. De manière générale, celles-ci sont plutôt florissantes, leur activité fonctionne très bien, mais elles peuvent être sujettes à des problèmes de trésorerie quand les liquidités n'entrent pas: si elles n'entrent pas, les entreprises ne peuvent pas payer leurs fournisseurs, ne peuvent peut-être pas payer une partie de leurs salariés, ne peuvent pas non plus investir, ce qui leur permettrait de continuer leur business de manière encore plus florissante, donc d'avoir des résultats encore meilleurs, de payer encore plus d'impôts et, au bout du compte, de rassurer l'Etat et la gauche de ce parlement.
Ce qu'il est vraiment important de souligner ici, c'est cette gestion de la trésorerie qui est souvent négligée par les gens qui n'en ont pas forcément l'habitude. Qu'est-ce que c'est, la gestion de la trésorerie ? C'est ce qu'on appelle le besoin en fonds de roulement: on calcule les liquidités à disposition plus les créances à court terme - celles que l'on encaisse en général dans les trente jours - moins les fournisseurs qu'il faut payer à trente jours, et cela donne les liquidités nécessaires pour faire «tourner», entre guillemets, la boutique sur le court et le moyen terme.
Lors des auditions, on s'est rendu compte que oui, de manière générale - à 72% -, l'Etat arrive à s'acquitter de ses factures dans les trente jours, mais à 72%, cela signifie aussi que dans un certain nombre de cas, notamment pour ce qui concerne les entreprises de la construction, ce délai est dépassé, ce qui est problématique, puisque cela a des répercussions sur l'ensemble de la chaîne: si vous encaissez moins vite l'argent, vous réglez aussi moins vite vos fournisseurs et ainsi de suite.
Ici, un travail fondamental doit vraiment être effectué, pas seulement pour les entreprises, mais pour le circuit économique en général et donc pour l'Etat aussi in fine. En effet, quand les entreprises tournent bien et n'ont pas de problèmes de liquidités, elles génèrent les revenus qu'elles espèrent, voire plus, et paient donc des impôts à l'Etat, ce qui, une fois de plus, permet à ce même Etat d'offrir des prestations toujours plus faramineuses à l'ensemble de notre population. Ce projet de loi découle du bon sens !
Toutes les entreprises savent qu'il faut payer les factures dans les trente jours. Mesdames et Messieurs, vous savez tous que quand vous recevez une facture, vous devez la payer à trente jours. Pourquoi ce que nous, nous devons faire, l'administration en serait-elle dispensée ? Alors j'entends que l'Etat est plutôt bon élève dans l'immense majorité des cas, mais je suis persuadé que tous, dans cette salle, vous avez connu la situation suivante: lorsque votre facture d'impôts vous parvient, vous avez trente jours pour la régler - et vous avez intérêt à le faire dans ce délai; en revanche, quand c'est l'administration qui vous doit des sous, comme par hasard, ceux-ci ne vous sont pas forcément versés dans les trente jours, c'est souvent un petit peu plus long. Vous aurez beau hurler contre cette même administration, l'argent n'arrivera pas plus vite pour autant.
Parce que nous avons tous connu cela, parce que nous connaissons tous toujours cela, il faut aujourd'hui fixer un cadre extrêmement clair. L'Etat se doit d'être exemplaire: s'il est exemplaire, alors les entreprises le seront aussi et, mécaniquement, le flux économique sera meilleur pour tout le monde. Voilà pourquoi ce projet de loi a tout son sens.
Je conclurai en évoquant l'amendement, que la minorité soutiendra. Celui-ci consiste d'une part à faire passer le délai de quinze à trente jours. Si, comme je viens de le signaler, la plupart des factures sont réglées à trente jours dans les entreprises, alors que l'Etat fasse exactement la même chose ! Quinze jours, c'était peut-être un peu optimiste. Quant à supprimer l'alinéa 4 intégralement, oui: cette disposition était liée à la crise covid. On a vu que l'Etat faisait le travail à ce niveau-là, donc il n'y a pas besoin de repréciser les choses pour des situations exceptionnelles, concentrons-nous sur les cas ordinaires. Mesdames et Messieurs, je vous invite dès lors à voter ce projet de loi avec l'amendement. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous rappeler le débat que nous avons mené hier - c'était la dernière urgence - et qui concernait les délais relatifs aux autorisations de construire et aux rénovations. Sur le papier, tout fonctionne à merveille, mais dans la réalité, il y a des écarts assez significatifs, ce qui nous oblige parfois à surlégiférer, parce qu'il faut bien que les choses soient cadrées et que l'Etat nous donne quelques quittances là où c'est nécessaire. Alors bien sûr, en règle générale, le système marche bien.
S'agissant de la problématique qui nous occupe aujourd'hui, lors des auditions, tout allait bien dans le meilleur des mondes: pas de souci, les choses fonctionnent. Bon, le temps passe, et la réalité, c'est que pour beaucoup de PME et d'artisans, ce n'est pas comme ça, ce n'est pas du tout comme ça: les paiements de l'Etat se font parfois attendre; alors peut-être pas dans tous les services - on nous a expliqué qu'il existe une centrale qui regroupe les achats pour environ 100 millions et que 600 ou 700 millions partent dans les départements -, mais on s'aperçoit que les versements sont plutôt effectués dans un délai de quarante, soixante, voire nonante jours.
Je vous rappelle juste en passant que pour un artisan qui va acheter du matériel, qui fait le job, qui doit peut-être décaisser pendant un mois avant de réaliser le travail, qui envoie une facture et qui doit attendre soixante jours, eh bien pendant ces soixante jours, les liquidités manquent.
Le but de ce projet de loi, avec un délai de trente jours... Parce que oui, la proposition de quinze jours était liée au covid, il s'agissait d'une exception; quinze jours, ça engendrerait une usine à gaz, il faut quand même que l'administration ait le temps d'effectuer des contrôles. Mais l'objectif, avec les trente jours qui figurent dans l'amendement, c'est que l'Etat paie les factures dans le délai imparti, et s'il y a dépassement, à ce moment-là, on met en branle tout un système qui effectivement coûtera cher, l'idée étant de ne pas s'en servir. Le Grand Conseil sera intéressé de savoir, à terme, si on a dû avoir recours à des fiduciaires et pourquoi, ce afin d'obtenir des explications quant à un certain nombre de dépassements.
C'est dans cet état d'esprit que Le Centre, qui avait initialement retenu sa décision par rapport à ce projet de loi, va finalement le soutenir, sous réserve bien entendu que l'amendement sur les trente jours passe la rampe; en effet, il faut supprimer cet alinéa qui était un appendice lié au covid et n'a plus de raison d'être. Aussi, nous vous remercions de le voter.
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs, contrairement à ce qu'avait voté, sous l'ancienne législature, notre représentant qui n'avait pas été convaincu par l'utilité d'un tel projet de loi au motif qu'il serait compliqué à mettre en place, après avoir relu tout le débat, reçu l'amendement et en avoir discuté avec les autres groupes, nous estimons finalement que le texte doit être accepté et nous le soutiendrons. En effet, son sous-titre parle de lui-même: l'Etat doit rester un créancier responsable, fiable et solidaire.
Sachant que l'administration elle-même ne se gêne pas, s'agissant par exemple des impôts sur les personnes physiques, pour vous facturer des émoluments et prélever des intérêts moratoires en cas de retards de paiement, il n'y a aucune raison que l'Etat règle ses créances dans un délai allant au-delà de trente jours. Partant de ce constat, nous pensons qu'il faut que l'Etat prenne ses responsabilités et paie ses factures dans le délai imparti, qui sera de trente jours. C'est pourquoi nous voterons et vous appelons à voter également ce projet de loi. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Chers collègues, le MCG s'était abstenu en commission: si nous étions d'accord sur le principe d'un paiement rapide, le projet de loi n'était malheureusement pas adéquat. Avec l'amendement qui a été déposé, en revanche, il devient tout à fait praticable et positif, et c'est la raison pour laquelle le groupe MCG acceptera ce texte avec l'amendement. Merci, Madame la présidente.
M. Laurent Seydoux (LJS). Le délai de paiement des factures représente un élément déterminant pour la bonne marche d'une économie. En effet, les problèmes de liquidités ont un impact négatif sur l'activité d'une entreprise, car ils ralentissent les dépenses ainsi que les investissements, et ce avec un effet domino sur les autres sociétés. La circulation rapide de l'argent, a contrario, favorise les dépenses, les engagements et les investissements en faveur d'une économie dynamique.
Il est à noter qu'une bonne partie des partenaires de l'Etat sont des indépendants ou de petites entreprises qui se battent au quotidien pour payer les salaires de leurs collaboratrices et collaborateurs, leurs fournisseurs et, en dernier lieu, leur propre rémunération.
Pour le groupe LJS, l'Etat se doit d'être exemplaire dans le paiement de ses factures et devrait inciter toutes les entreprises à faire de même dans l'objectif d'un cercle vertueux pour une économie prospère. Au départ, nous trouvions le délai de quinze jours avant de faire appel à une fiduciaire un peu serré et difficilement réalisable; suite au dépôt de l'amendement du député Blondin, que le groupe LJS soutiendra, nous voterons le projet de loi avec cet amendement. Merci.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, quand j'entends ce débat, les bras m'en tombent ! Je me réjouis d'écouter l'intervention de Mme Fontanet, Mesdames et Messieurs de la droite, parce que vous qui nous parlez à longueur de séance d'efficience, d'agilité, de simplification des procédures, notamment M. Alder - vous transmettrez, Madame la présidente - qui nous martèle en permanence qu'il faut moins de règlements, moins de contrôles, moins de travail administratif, mais imaginez la mise en oeuvre de ce projet de loi ! Ça va être catastrophique, il faudra envoyer un nombre inimaginable de factures - j'ignore combien, des centaines, des milliers !
Même si, sur le principe, nous sommes d'accord avec le principe que l'Etat doit payer ses créances dans les trente jours - c'est clair qu'il doit le faire -, on nous a expliqué en commission pourquoi il pouvait parfois arriver que ce délai soit dépassé. Imaginez toutes les factures qu'il faudra transmettre à une fiduciaire ou à plusieurs, l'administration devra lancer des appels d'offres pour choisir la ou les entreprises, il faudra coordonner le tout, certainement que les logiciels ne seront pas les mêmes, celui de la fiduciaire ne sera pas compatible avec celui de l'Etat ou inversement, etc., etc.
Tout ça pour arriver à un simple paiement ! Vous qui voulez réduire le nombre de postes, de fonctionnaires, qui cherchez à faire passer ce que nous, de notre côté, appelons des lois corsets pour, encore une fois, diminuer le nombre d'employés de l'administration sous prétexte que l'Etat est trop gros, que l'Etat est obèse, mais alors là, vous allez le nourrir, vous allez le faire exploser avec ce projet de loi ! C'est vraiment ahurissant que vous osiez proposer une telle chose !
Alors oui à l'amélioration du traitement des paiements de l'Etat aux PME et aux entreprises, mais pitié, pas par ce biais-là, parce que ça va vraiment faire exploser l'administratif et complexifier le travail de l'Etat. Je vous enjoins de refuser ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. La parole va à M. Adrien Genecand pour deux minutes vingt.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, si les bras doivent en tomber à quelqu'un, c'est bien à moi ! Le parti socialiste nous dit que ça va être compliqué - parce que c'est de ça qu'il s'agit en ce moment - alors que nous sommes dans le canton où le nombre de fonctionnaires par habitant est le plus élevé de Suisse, alors qu'on a créé ces vingt dernières années des postes en ressources humaines et en comptabilité à peu près partout. Et ces personnes ne seraient pas capables de payer des factures dans les trente jours - quand cela est requis de tous les citoyens de ce pays - sous prétexte que dans l'administration et les entités publiques, ce serait plus compliqué qu'ailleurs ?! Mesdames et Messieurs les députés, mais de qui se moque-t-on ? De qui se moque-t-on ?
Si les fonctionnaires n'arrivent pas à verser ce qu'ils doivent aux contribuables de ce canton sous trente jours... On n'est pas là en train de demander le délai initial de quinze jours qui, pour le coup, avait à voir avec le covid: il s'agissait, plutôt que de mettre en place des mécanismes compliqués avec des prêts, de payer immédiatement les entreprises afin de diminuer les créances. Là, on demande simplement à l'Etat de respecter ce qui est l'usage suisse, à savoir trente jours.
Et le parti socialiste nous explique que ça va être compliqué pour la fonction publique de traiter les paiements à trente jours. Vraiment ? On en est là, dans le canton où il y a le plus de fonctionnaires par habitant ? C'est-à-dire qu'on n'est même pas capables de respecter le délai que le reste de la Suisse impose pourtant à tous les contribuables. Mesdames et Messieurs, mais de qui se moque-t-on ? (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci. La parole retourne à M. Blondin pour cinquante-quatre secondes.
M. Jacques Blondin (LC). Oui, merci, Madame la présidente. Je me dois de répondre à ce qui vient d'être dit par M. Wenger - vous transmettrez, Madame la présidente. Le premier mot de l'article 49A, alinéa 2, est le suivant: «Exceptionnellement». Si ce qui nous a été indiqué est vrai, c'est-à-dire que le job est fait et qu'il n'y a pas de souci dans la majorité des cas, eh bien pas besoin de monter une usine à gaz ! Mais comme la réalité dépasse parfois la fiction dans le cas particulier - excusez-moi de le souligner -, on demande à voir.
On nous a donné des garanties, mais suite à la mise à l'ordre du jour de ce point, des informations en provenance des PME et des artisans genevois nous sont tombées dessus comme une pluie drue ! Il y a donc un vrai problème. Certains soutiennent déjà que le système des APA est conçu de telle sorte qu'on les accorde à d'autres entreprises que celles basées dans le canton; quant à nous, nous avons encore des réticences à soumettre nos offres tellement les délais de paiement sont longs. Aussi, on est face à un vrai problème de fond. Le but n'est pas de créer une usine à gaz pour l'administration, mais simplement que celle-ci respecte les trente jours, ni plus ni moins. Merci.
La présidente. Je vous remercie et redonne la parole à M. Yvan Zweifel pour cinquante-trois secondes.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Je rappelle qu'il s'agit ici de poser un principe: payer à trente jours. Un principe qui est applicable à tout le monde doit l'être aussi à l'Etat, c'est aussi simple que cela. Il n'est pas question d'externaliser automatiquement quand, une fois, le paiement d'une facture dépasserait les trente jours, mais lorsqu'un service, de manière récurrente dans son fonctionnement opérationnel, n'est pas capable de respecter le délai, alors l'Etat met en place ce processus de manière exceptionnelle.
Ce qui est exigé de tous les administrés, de tous les artisans, de toutes les PME, on doit également pouvoir l'attendre de l'Etat. C'est un retour qui nous vient du terrain, on ne peut pas juste se boucher les oreilles et ne pas l'écouter.
Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi avec l'amendement qui a été déposé et, une fois de plus, je signale au passage à M. Wenger qu'au-delà des fonctionnaires évoqués par mon collègue Genecand, l'OCSIN - fort de ses plus de 600 ETP ! - a mis en place un certain nombre de procédures d'automatisation des flux; eh bien qu'on poursuive dans cette voie-là !
La présidente. Je vous remercie. Madame Dilara Bayrak, c'est à vous pour deux minutes quarante-cinq.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Je commencerai par répondre à la remarque de mon collègue M. Genecand - vous transmettrez: ce n'est pas le parti socialiste qui soutient que les fonctionnaires n'arrivent pas à régler les factures dans les trente jours, c'est votre propre magistrate, Mme Nathalie Fontanet, ainsi que les services de l'Etat; si vous aviez lu le rapport, vous le sauriez, Monsieur Genecand - vous transmettrez encore, Madame la présidente.
Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi et des auditions que nous avons menées, les services de l'Etat nous ont indiqué très clairement que le nécessaire était fait, qu'ils avançaient le plus rapidement possible tout en préservant le contrôle minimal nécessaire avec des deniers publics. Vous imaginez le scandale que cela provoquerait au sein de cet hémicycle, Mesdames et Messieurs, si des factures étaient payées à tort et à travers avec, je ne sais pas, des sous qui disparaîtraient ? Je vois très bien de quels bancs les cris d'indignation fuseraient... De tous les bancs, en fait, nous serions tous complètement scandalisés.
Ce que l'on constate, c'est qu'il y a vraiment une volonté de privatisation dans le fait de mandater des fiduciaires privées qui vont intervenir pour garantir le paiement dans le délai, un délai très court et fixé de manière arbitraire alors que nous connaissons la taille de l'Etat, nous savons que les factures doivent - parfois, pas toujours - être contrôlées à différents niveaux afin qu'il n'y ait pas de problème par la suite.
J'en viens maintenant à l'amendement. Monsieur Blondin, cher collègue - vous transmettrez, Madame la présidente -, tout le monde voulait refuser ce projet de loi, à tel point que même le parti qui l'a déposé, le PLR, envisageait à un moment de le retirer. Aujourd'hui, vous essayez de sauver un texte voué à l'échec parce que vous avez été sollicité par des milieux économiques qui, comme vous l'avez relevé, vous ont indiqué que les choses ne fonctionnaient pas bien. A ce sujet, j'ai deux remarques à formuler.
Premièrement, de notre côté, nous sommes complètement aveugles dans cette affaire; si vous avez accès à des rapports ou à des informations dont nous ne disposons pas, peut-être faudrait-il nous les fournir aussi pour que nous puissions nous prononcer dessus. En effet, il est parfaitement inadmissible, s'agissant d'un objet condamné à disparaître, de venir avec un amendement «last minute» visant à le sauver alors qu'il allait assurément capoter. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Deuxièmement, ça ne règle quand même pas les choses de fixer un délai de trente jours. Pourquoi ? Parce que ça ne change rien, on va malgré tout devoir mandater des fiduciaires qui ne se gêneront pas pour facturer le prix fort à l'Etat alors que les services resteront compétents et responsables du paiement, même si les fiduciaires seront chargées...
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Dilara Bayrak. Bien, alors encore une fois, la droite nous propose un projet bidon. Il faudrait que vous commenciez à faire confiance à votre propre conseillère d'Etat ! Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Madame Marti, en principe, je ne donne plus la parole après l'intervention des rapporteurs. Il s'avère que je sais qu'ils reprendront la parole après, donc exceptionnellement, je vous la cède pour une minute quatorze.
Mme Caroline Marti (S). Merci beaucoup, Madame la présidente. J'aimerais juste rappeler, comme l'a fait M. Wenger tout à l'heure, qu'hier, la droite souhaitait mettre en place un mécanisme de frein notamment aux engagements en rendant impossible l'embauche de personnel supplémentaire dès le moment où le budget est déficitaire, ce qui est généralement le cas - ou l'a été du moins très régulièrement ces dernières années. En réalité, ce que cherche à faire la droite, c'est à assécher les différents services publics, à ne pas leur donner les moyens de fonctionner.
Ensuite, on s'offusque lorsque le délai n'est pas tenu - ce qui est évidemment la conséquence du fait qu'on n'est plus en mesure d'engager suffisamment de personnel - afin d'externaliser... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...une partie des tâches de l'administration. Le plan est extrêmement clair: il s'agit de privatiser les services publics.
Enfin, signalons que c'est cette même majorité de droite qui, de concert avec l'ensemble des partis représentés dans ce Grand Conseil, s'est indignée du nombre de mandats attribués chaque année à des entités privées...
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Caroline Marti. ...s'interrogeant quant aux contrôles. Or, avec ce type de loi, on fait gonfler de façon extrêmement importante...
La présidente. Je vous remercie...
Mme Caroline Marti. ...le nombre de mandats que l'Etat... (Le micro de l'oratrice est coupé.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle tout d'abord que le Conseil d'Etat partage la préoccupation des auteurs de ce projet de loi et de la nouvelle majorité qui semble se dessiner, à savoir le fait que les créanciers doivent être payés rapidement et qu'il n'y a pas lieu de faire durer le processus. Certains l'ont relevé, un délai de paiement ordinaire devrait être de trente jours; dans le canton de Genève, c'est le cas pour plus de 75% des factures.
D'autres factures sont plus difficiles à traiter, ce qui entraîne un règlement plus long. A cet égard, j'aimerais revenir sur certains propos parmi lesquels celui-ci: «Il n'y a qu'à procéder rapidement.» Les «y a qu'à», c'est bien, mais on parle ici de deniers publics, et je peux vous assurer que nous ferions face à une insurrection dans ce canton s'il s'avérait que nous nous acquittons des factures sans les contrôler à tous les niveaux: on nous dirait que nous avons réglé sans vérifier, que le travail n'a pas été effectué correctement, qu'il s'agit de faux. Nous savons que cela arrive. Les revenus de l'Etat proviennent des impôts des citoyens, Mesdames et Messieurs, c'est votre argent et c'est pour cela que l'administration doit être attentive à la façon dont elle règle ses factures.
L'amendement qui nous est proposé aujourd'hui par M. Blondin améliore ce projet de loi, qui est totalement inapplicable en l'état, mais je rappelle que lorsque nous sommes venus en commission, nous vous avons indiqué que selon nos connaissances, il n'y avait pas de problème dans le paiement des factures. Excepté l'auteur du texte, vous n'avez pas entendu d'associations faîtières ou d'entreprises signalant rencontrer des difficultés avec les paiements de l'Etat. J'ai ouï dire qu'une fondation et une association professionnelle se seraient adressées à certains députés en disant que c'était l'enfer, qu'elles n'étaient jamais rémunérées; eh bien il aurait été intéressant de savoir de quel type de créances il s'agit afin de pouvoir identifier le problème.
Cela étant, le projet de loi tel qu'il est présenté, respectivement l'amendement, posent d'autres problèmes, Mesdames et Messieurs les députés. Lorsque nous sommes venus en commission, il a été assez vite décidé que l'étude de l'objet ne serait pas poursuivie, qu'il n'y avait pas de majorité pour aller de l'avant, et un éventuel retrait a effectivement été évoqué, ce qui fait que le Conseil d'Etat ainsi que les services financiers de l'Etat n'ont pas poursuivi sur différentes dispositions susceptibles de poser problème dans ce texte.
Or il en est une, Mesdames et Messieurs, qui soulève un écueil important que nous n'avons pas examiné jusqu'à présent et dont personne n'a parlé, à savoir la modification proposée à l'article 3, alinéa 1, lettre f, de même qu'à l'article 49A, alinéa 1. Qu'est-ce qui pose problème dans ces dispositions et que le département des finances, respectivement moi-même, n'avons pas eu le temps d'étayer en commission ? C'est le fait qu'il faudrait soumettre l'ensemble des communes et des entités para-étatiques - l'AIG, les HUG, les TPG, l'UNIGE, le SIS, le Grand Théâtre - à ce nouvel article 49A.
En soi, cela peut constituer une décision politique et, à nouveau, il est essentiel que les créanciers soient réglés dans les trente jours. Mais ce qui est dérangeant, Mesdames et Messieurs, c'est que ces institutions n'ont pas été entendues: elles n'ont pas pu indiquer leurs propres délais de paiement ni les raisons pour lesquelles elles pouvaient payer ou ne pas payer dans les temps. Ainsi, nous ne disposons pas d'un état de situation clair de ce qui se passe actuellement sur notre territoire en matière de paiement des factures.
Je vais donc solliciter un renvoi en commission de façon à ce que vous puissiez, le cas échéant, entendre l'une ou l'autre de ces entités et en apprendre un peu plus. En commission, Mesdames et Messieurs, je vous proposerai, pourquoi pas, que nous lancions un audit du SAI afin de déterminer les délais de paiement dans nos administrations: y a-t-il des structures ou des services au sein desquels les échéances sont plus longues, peut-être en raison d'une certaine complexité, en raison des montants ? Qu'est-ce qui ne joue pas, comment peut-on améliorer les choses ?
Sinon, Mesdames et Messieurs, vous allez créer une usine à gaz avec un projet de loi qui contraindra l'Etat à mandater des fiduciaires externes alors même, cela a été rappelé, que nous ne pourrons pas nous fier au contrôle qu'elles effectueront. En effet, la responsabilité finale revient à l'Etat de Genève, lequel devra donc vérifier les factures quoi qu'il arrive ! Une fiduciaire nous dira: «C'est tout bon.» Bien, on aura dû lui transmettre l'ensemble des données, mais il n'en demeure pas moins que l'administration devra opérer une vérification, parce que nous sommes dans le cadre de l'utilisation de deniers publics. Nous devrons de toute façon faire un contrôle.
Mesdames et Messieurs, soyons raisonnables: renvoyons ce projet de loi dont l'objectif est également celui du Conseil d'Etat, à savoir faire en sorte que les entrepreneurs que nous nous efforçons de soutenir - que nous soutenons, ce que nous venons de faire aujourd'hui par le biais d'une baisse fiscale - soient payés dans les temps, examinons cet objet sereinement et complètement en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, je donne donc la parole aux rapporteurs, en commençant par M. Yvan Zweifel qui dispose encore de trois minutes. (Remarque. Rires.)
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Je n'ai pas entendu, Monsieur Wenger - mais ce n'était sûrement pas intéressant ! S'agissant du renvoi en commission, je rappellerai d'abord quelques éléments pour bien contextualiser les choses avant que nous décidions si on renvoie ou non le projet de loi. On l'a déjà dit, mais c'est important: il s'agit d'une mesure exceptionnelle. Il n'est pas question de systématiser l'externalisation, ce n'est pas parce qu'une fois, un service n'arrive pas à respecter le délai de trente jours qu'on va appeler une fiduciaire en urgence en disant: «Vite, il faut mettre en place un processus pour payer cette facture !» Dans ce cas-là, évidemment, ce n'est même pas trente jours, même pas soixante, même pas nonante, puisqu'il y a toute une procédure à établir.
L'enjeu, c'est d'obtenir une analyse. En fait, l'analyse a déjà été réalisée, puisqu'on nous a expliqué en commission ce qu'il en était au sein de l'administration, qu'il y a des services dans lesquels le délai est systématiquement dépassé pour des raisons qui peuvent d'ailleurs être justifiées ou pas, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit alors de mettre une pression et des moyens, pas forcément en personnel, mais plutôt informatiques et dans l'automatisation. Je répète qu'avec le service informatique de l'Etat qu'est l'OCSIN et ses 600 ETP, on a quasiment bientôt une multinationale chargée de l'informatique au sein de l'administration, qui a certainement les capacités d'améliorer grandement la situation.
C'est vraiment dans un service payeur qui, de manière récurrente, ne parvient pas à respecter le délai qu'il faudrait instaurer un processus, un processus qui ne se fait pas en claquant des doigts du jour au lendemain, mais en bonne entente avec les personnes mandatées à cet effet. Cela me permet de répondre à Mme Marti: sur les bancs de la droite, on ne se plaint pas du nombre de mandats, Madame la députée - vous transmettrez, Madame la présidente -, mais plutôt à qui ils sont attribués - mais c'est un autre sujet.
Concernant le renvoi en commission, j'entends bien que maintenant, la majorité qui est devenue minorité de gauche s'étonne et s'exclame: «On n'a pas entendu d'associations professionnelles, l'Etat n'a pas eu le temps de tout analyser !» Mais enfin, ce n'est pas notre faute ! Nous avons déposé le projet de loi, nous vous avons transmis un retour d'entreprises, nous vous avons expliqué comment les choses se passent, vous avez écouté l'administration qui a rétorqué: «Non, tout va bien, la vie est belle, ne vous inquiétez pas, le problème est réglé», vous avez fermé les yeux en disant: «On s'arrête là et on le refuse.»
Tout à coup, vous vous retrouvez dans la minorité et vous vous écriez: «Ah, catastrophe, sirène d'alarme ! Vite, il faut renvoyer l'objet en commission de manière à effectuer les auditions qu'on ne voulait pas mener à l'époque !» C'est trop facile ! Trop facile ! Vous n'aviez qu'à accomplir votre travail en commission ou à écouter ceux qui voulaient le faire, c'est-à-dire les auteurs du texte, à ce moment-là. Les informations, nous les avons obtenues.
Enfin, si on demande un délai de trente jours à l'Etat, il est logique de l'exiger également de toutes les autres entités de droit public ou para-étatiques. Encore une fois, ce délai de trente jours qui s'applique à tout le monde - à tout le monde, Mesdames et Messieurs, à vous tous dans cette salle - doit aussi s'appliquer à l'Etat, lequel est tenu de se montrer exemplaire en la matière. En conséquence de quoi il faut refuser le renvoi en commission et voter ce projet avec l'amendement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de majorité. J'aimerais préciser, suite à l'intervention de M. Zweifel - vous transmettrez, Madame la présidente -, que ce n'est pas comme si la gauche était majoritaire et qu'elle avait réussi à faire refuser le projet de loi, non, non ! Dans cette majorité, il y a Le Centre; dans cette majorité, il y a l'UDC; dans cette majorité, il y a le MCG et il y a même le PLR qui, à un moment donné, a considéré retirer - retirer ! - ce texte. (Remarque.) Merci de me laisser parler, Monsieur Zweifel !
Ensuite, vous soutenez que le fait de solliciter des fiduciaires constitue une mesure exceptionnelle. Or trente jours, c'est déjà le but que s'est fixé l'Etat, c'est déjà ce qui est voulu au sein de l'administration, c'est déjà l'objectif à atteindre. Pour mettre la pression, on ne détermine pas un délai à trente jours; pour mettre la pression, on le prévoit un peu plus large afin d'être sûr qu'on n'ait jamais à activer ce mécanisme. Mais vous ne souhaitez pas mettre la pression, vous cherchez à privatiser le paiement des factures lorsque cela est possible et, par la même occasion, à faire les poches à l'Etat en remplissant celles des fiduciaires. Ce n'est pas du tout correct, votre façon de fonctionner ! (Applaudissements.)
J'en profite - je me dois de le faire - pour défendre l'OCSIN: vous évoquez une multinationale au sein de l'administration qui s'occupe de l'informatique, eh bien c'est mignon, j'ai envie de dire, parce que l'OCSIN gère absolument tous les services de l'Etat, et si vous lui donniez un peu plus de moyens, peut-être serait-il plus efficace dans ce domaine aussi.
Une voix. Ça n'arrête pas !
Mme Dilara Bayrak. En revanche, je vous rejoins sur un point: effectivement, je pense que des auditions pourraient nous en dire plus sur la situation tant au sein de l'Etat que pour les communes et les entités de droit public; cela pourrait être instructif pour autant qu'on soit intéressé par le sujet... Par la solution, plutôt, qui est proposée ici - le sujet nous intéresse toutes et tous.
Comme je l'ai souligné, Mesdames et Messieurs, les entreprises et les PME ont le droit d'être payées dans le délai, mais pour que ce genre de projet aboutisse, il faut que les informations qui ont été communiquées à nos collègues soient disponibles pour l'ensemble des députés; peut-être trouvera-t-on alors des pistes plus constructives que celle que vous nous présentez là. A mon sens, il n'est pas nécessaire de passer par ce texte pour commander un rapport SAI, la commission de contrôle de gestion pourrait s'en charger. Il n'y a rien à sauver dans ce projet de loi, donc je vous recommande de refuser son renvoi en commission.
La présidente. Merci, Madame. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12793 à la commission des finances est adopté par 50 oui contre 40 non et 1 abstention.
Premier débat
La présidente. L'ordre du jour appelle le PL 12852-A... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Comme d'habitude, que ceux qui veulent débriefer sur le vote précédent n'hésitent pas à le faire à l'extérieur. Les téléphones aussi, c'est à l'extérieur, s'il vous plaît. (Remarque.) Monsieur Blondin, ça ne vous dérange pas d'aller parler au téléphone à l'extérieur ?
Je continue. Le PL 12852-A est traité en catégorie II, quarante minutes. Etant donné que le groupe Ensemble à Gauche ne siège plus parmi nous, le rapport de minorité de M. Jean Batou ne sera pas présenté. La parole est au rapporteur de majorité, et il revient aux autres personnes de faire silence. (Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, un projet de loi en chasse un autre. Bis repetita ! Ce projet de loi vient des cryptomarxistes... (Rires.) ...terme de mon ami Dimier, qui a entièrement raison. C'est une obsession à gauche; la gauche a un réel problème avec l'argent. Je pense qu'il y a un véritable... Comment dire ? Vous avez un vrai problème avec l'argent; il faudrait peut-être faire...
La présidente. Merci de vous adresser à la présidence.
M. Christo Ivanov. Je m'adresse à vous, mais vous transmettrez, Madame la présidente. Je crois qu'il y a une psychothérapie de groupe à faire. (Rires.) On gagnerait beaucoup de temps. Tout à l'heure, nous parlions d'une augmentation des impôts des personnes physiques et maintenant, on parle d'un impôt de pseudosolidarité sur les grosses successions et donations.
Puisqu'il n'y a pas de rapporteur de minorité, je vais aussi faire le travail de celui-ci. (Rires.) Voici la proposition de l'article 23A nouveau:
«1 Un droit de 3,5% est prélevé sur la part dépassant 2 millions de francs de toutes les transmissions et attributions de biens, au sens de l'article 1, alinéa 2.
2 Pour les successions ne bénéficiant pas des exonérations prévues au sens des articles 6 et 6A, le droit prévu à l'alinéa 1 vient s'ajouter aux droits existants.»
La réalité est qu'à Genève, les successions concernent souvent l'immobilier. De plus, dans les familles, on est rarement tout seul; il y a souvent un frère, une soeur ou davantage. Avec une barre à 2 millions de francs, la classe moyenne est inévitablement confrontée au problème: quand on répartit l'héritage d'un patrimoine de 3 millions de francs entre quatre ou cinq personnes, on est évidemment concerné à cause de la part dépassant les 2 millions de francs. Cela pose donc un problème supplémentaire à celui que l'on a déjà actuellement à Genève dans les quartiers de villas: les maisons construites dans les années 60 ne valent plus grand-chose, mais le terrain où elles se trouvent vaut beaucoup plus.
Dans le cas d'une succession directe, il y a déjà des problèmes familiaux terribles parce qu'on n'arrive pas à gérer tout cela, et ce projet de loi propose d'en ajouter une couche ! Celui-ci concerne inévitablement la classe moyenne supérieure qui, selon l'auteur du projet de loi, n'hérite pas de grosses successions et donations. Par rapport au fait que ce sont des personnes âgées qui thésaurisent parce que, certes, les héritages se font de plus en plus tard, il y a aussi de plus en plus de familles qui sautent une génération, ce qui réinjecte inévitablement et directement ce capital dans l'économie, ce qui permet de travailler et qui est soumis à l'impôt sur la fortune. Avec une barre fixée à 2 millions de francs, compte tenu de la réalité du terrain genevois (le patrimoine n'est pas en cash), la classe moyenne supérieure est aussi bien concernée que les grosses fortunes. Par conséquent, la majorité de la commission fiscale vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce texte. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Sylvain Thévoz (S). Sans surprise, dès qu'on parle fiscalité, la droite répond que c'est une attaque contre la classe moyenne, qu'il y a un risque de manque de compétitivité fiscale et que les gens vont partir. On connaît l'argument, il est éculé et particulièrement mal adapté pour ce sujet. Ce ne sont pas les cryptomarxistes qui le disent mais le professeur Marius Brülhart, de la faculté des HEC, qu'on a eu l'occasion d'entendre durant les travaux. Il explique assez simplement, Mesdames et Messieurs, que même si on instaure cet impôt à 3,5% pour les héritages et donations de plus de 2 millions, ce risque de fuite est quasiment nul. Il est étudié scientifiquement et n'a pas pu être démontré, depuis l'abolition de cet impôt dans les années 90 dans un certain nombre de cantons, d'abord à Schaffhouse puis, par contamination, à l'échelle du pays. Ce risque est donc à écarter.
De plus, ce n'est pas la classe moyenne qui est ciblée mais les successions et donations de plus de 2 millions. M. Ivanov - vous transmettrez, Madame la présidente - se trompe quand il fournit l'exemple de 2 millions à partager entre quatre frères, parce que c'est 2 millions par personne; on parlerait d'un héritage de 8 millions à diviser en quatre pour que la barre des 2 millions soit atteinte. Sur un legs d'un peu plus de 2 millions, 18 000 francs reviendraient à l'Etat. Vous pouvez en convenir, quand vous recevez 2 millions, donner 18 000 francs à l'Etat, ce n'est pas être saigné à blanc. Ce ne sont probablement pas les classes les plus fragiles qui seraient soumises à cet impôt.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je tiens à rappeler que ce sont principalement des personnes âgées qui héritent de personnes âgées. 5% seulement des moins de 40 ans vont toucher un héritage. Plus de 60% des personnes qui touchent un héritage ont plus de 60 ans. En n'imposant pas ces héritages, on maintient l'immobilité d'une fortune. Celle-ci, en effet, ne bénéficie ni à l'économie ni aux personnes qui en ont principalement besoin, c'est-à-dire les PME, les personnes ayant des entreprises, les familles, les travailleurs qui peuvent poursuivre leur activité et les développer grâce à une redistribution de l'Etat si cet impôt est instauré.
Donc, Mesdames et Messieurs, les arguments de la droite tombent à plat, et on ne peut que vous inviter à soutenir ce projet de loi. Il n'est pas radical, il vise simplement à maintenir un principe que nous défendons et qui s'appelle la progressivité de l'impôt. Aujourd'hui, que vous héritiez de 50 000 francs ou de 2 millions, vous êtes taxé à peu près au même taux, ce qui n'est pas juste si l'on veut défendre les gens dont parlait mal à propos M. Ivanov. Si vous héritez de 50 000 francs, vous devriez être un peu moins imposé que celui qui va toucher 2 millions. Sinon, vous subissez la même dureté fiscale, alors que vous n'avez évidemment pas les mêmes ressources.
Enfin, pour parler d'enfer fiscal, je rappelle le cas de notre compatriote Alain Delon, qui est aujourd'hui en France: il ne subit tellement pas un enfer fiscal qu'il a choisi d'y résider ! Quant à l'argument aussi éculé qui consiste à dire que l'imposition fiscale est déterminante pour le lieu de résidence, ce n'est évidemment pas le cas. On le voit principalement avec les personnes âgées: c'est l'environnement social, les proches, la qualité de vie, c'est un certain nombre d'arguments et d'éléments autour d'eux qui les amèneront à choisir de rester ou non là où ils sont déjà, et très souvent, ils y demeurent.
Avec toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, j'espère vous avoir convaincus, vous et principalement la droite, de changer votre disque dur et, Monsieur Ivanov, d'arrêter de parler de cryptomarxistes et de je ne sais quel fantasme. Les Genevois demandent une meilleure redistribution fiscale, qui bénéficiera à la collectivité. Nous vous invitons à voter ce projet de loi. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous étions tout à l'heure à Davos, nous allons y retourner. On avait vu se promener dans les rues de Davos la riche héritière du groupe BASF, Mme Marlene Engelhorn, avec une pancarte sur laquelle était écrit «tax the rich !». Nous allons donc parler de succession et de l'utilité que les héritiers et les héritières peuvent en avoir. Comme on l'a dit, le projet de loi consiste à instaurer un impôt de succession sur la part qui dépasse 2 millions et seulement sur cette part-là.
Je relève quelques éléments problématiques; je ne vais pas entrer dans des arguments financiers, mais argumenter sur le principe des impôts de succession. On peut d'abord noter qu'en Suisse, la moitié du patrimoine des particuliers résulte aujourd'hui de donations ou de successions et non de l'accumulation de revenus provenant du travail. La part de successions et de donations dans le revenu national a bondi à environ 17% après avoir été de l'ordre de 5% en 1975. C'est un record historique !
Par le passé, on pouvait justifier qu'un héritage puisse soutenir une personne au démarrage de sa vie ou d'une activité économique, mais ce n'est de loin plus le cas aujourd'hui, on l'a dit tout à l'heure; compte tenu de l'allongement de l'espérance de vie, près de 60% des successions et donations bénéficient à des personnes de plus de 60 ans.
Je vais aussi citer le professeur Brülhart, qui a été mentionné tout à l'heure. Il a émis des considérations qu'on peut lire dans le rapport. Les voici: «D'un point de vue purement économique, l'impôt sur les successions a des atouts à faire valoir. Contrairement à la plupart des autres impôts directs, il n'entrave guère les incitations à travailler et à investir - et peut même les améliorer - et du point de vue de l'équité, il semble plus juste de taxer les actifs hérités que les revenus issus du travail.» Méditez là-dessus ! Un impôt sur la succession ne va pas forcément contribuer à augmenter la manne fiscale; on peut essayer de parvenir à un équilibre entre les revenus du travail et les revenus issus d'héritages.
Un élément supplémentaire est la disparité monumentale - on ne l'a pas encore mentionnée - qui existe entre la transmission en ligne directe et la transmission à une parenté proche comme un frère ou une soeur, un neveu ou une nièce. C'est aussi le cas pour une transmission d'entreprise: si vous voulez léguer une entreprise à un neveu, vous allez être taxé au prix fort.
Tous ces éléments devraient d'ailleurs parler aux libéraux adeptes de la réussite par le mérite. «Qu'avez-vous fait de tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus», écrivait Beaumarchais dans «Le Mariage de Figaro». Je connais certains libéraux, en tout cas aux Etats-Unis, qui sont plutôt en faveur d'une imposition des successions, de façon à ce qu'on puisse obtenir son gain par son propre mérite et par le travail qu'on effectue.
Enfin, si vous le voulez, nous sommes prêts à discuter du seuil de 2 millions, mais, comme on l'a dit tout à l'heure, celui-ci nous semble sensé pour préserver les petits propriétaires de biens immobiliers; certes, des biens peuvent revenir à une famille modeste, de la classe moyenne supérieure, comme vous l'avez dit, qui possède des terrains valant plus de 2 millions, mais je ne pense pas que ce soit très fréquent. Si l'entrée en matière sur ce projet de loi est acceptée, on pourrait aussi exempter d'impôts la transmission d'entreprises ou de domaines agricoles, cela aurait bien entendu du sens. Pour cela, il faut d'abord entrer en matière, ce que les Vertes et les Verts vous recommandent de faire.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Le groupe PLR considère comme profondément injuste le fait de taxer des héritages. En effet, c'est un patrimoine qui a déjà été taxé: c'est du patrimoine constitué de l'accumulation de revenus, qui ont donc déjà été imposés, ou d'une fortune qui a déjà été imposée, en particulier à Genève où l'impôt sur la fortune est le plus élevé de Suisse. C'est un cas classique de double imposition, qui doit être évité.
Vouloir imposer les successions au-delà de 2 millions de francs, c'est s'attaquer directement aux petites et moyennes entreprises. La valeur d'une entreprise peut rapidement atteindre ce montant, alors qu'il ne s'agit pas d'une fortune liquide, bien au contraire. Il en va de même de biens immobiliers achetés il y a longtemps dont la valeur aurait fortement augmenté. Les héritiers pourraient se retrouver dans l'incapacité de payer l'impôt sur la succession et se voir donc obligés de procéder à une vente pour payer cet impôt.
Comme mes préopinants pendant cette séance, les auteurs du projet de loi ont abondamment fait référence à la situation des pays qui nous entourent et qui connaissent l'impôt sur la succession. C'est vrai, mais il faut aussi souligner que ces pays ont aboli ou très fortement diminué l'impôt sur la fortune: aujourd'hui, seuls trois pays dans l'OCDE connaissent un impôt sur la fortune. L'introduction d'un impôt sur les successions en ligne directe, respectivement l'augmentation de l'impôt sur les autres types de succession, devraient se faire en parallèle de la diminution ou de l'abolition de l'impôt sur la fortune. C'est une discussion à laquelle le groupe PLR pourrait volontiers participer, mais ce n'est évidemment pas ce qui est proposé ici. Au vu de ces éléments, le groupe PLR vous demande de rejeter ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Sébastien Desfayes (LC). Nous arrivons presque au dernier wagon du train interminable de lois fiscales Batou, train de lois qu'on pourrait appeler pour de nombreuses raisons le Transsibérien. Tout est problématique dans ce projet de loi, à commencer par son titre, qui fait mention d'un impôt de solidarité. Un impôt de solidarité ! Est-ce que vous avez déjà vu un impôt d'égoïsme ou un impôt d'égocentrisme ? Par définition, un impôt est solidaire. En plus, ce titre fait mention d'un «impôt de solidarité sur les grosses successions et donations»; «grosses», ce n'est déjà pas très élégant, mais en plus c'est faux: en l'occurrence, à Genève, 2 millions, on y arrive très rapidement, si on détient une entreprise ou un bien immobilier.
On dit: «Pour quelqu'un qui hérite, 20 000 francs, 30 000 francs, ce n'est rien, c'est facile.» Non ! Ça peut être très compliqué quand on a un bien immobilier ou quand on hérite d'une entreprise, parce qu'on n'a pas de fortune liquide. Tout le monde, du moins quasiment tous les cantons (23 sur 26) ont bien compris que l'imposition en ligne directe était extrêmement problématique et l'ont supprimée. Un vingt-quatrième va sans doute le faire très prochainement: il s'agit de Neuchâtel. Je vous laisse imaginer les conséquences pour les recettes fiscales du canton si on devait faire machine arrière et se retrouver isolés avec les deux derniers cantons. Comme l'a dit Mme Nathalie Fontanet, la fiscalité à Genève est extrêmement élevée; on a déjà passablement tiré sur la corde, il ne faut pas en rajouter une couche.
J'ajoute juste deux derniers points. D'une part, Sylvain Thévoz a dit que l'imposition actuelle ne facilite pas la transmission d'entreprises. Précisément, si vous changez la loi, vous rendrez la transmission d'entreprises encore plus compliquée. D'autre part, le député Eckert a parlé du slogan «tax the rich !». Je n'ai pas de relations privilégiées avec une héritière allemande, contrairement à lui de toute évidence. Si j'avais la chance de la connaître, ce qui n'est malheureusement pas mon cas, je pourrais lui dire qu'à Genève on taxe les riches; il y a ce qu'on appelle l'impôt sur la fortune, qui n'existe plus dans tous les autres pays européens et même dans le monde. Raison pour laquelle je vous invite et, en tant que de besoin, vous enjoins de refuser ce projet de loi. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole revient à M. Subilia pour deux minutes vingt.
M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Madame la présidente. A nouveau, je ne résiste pas à l'idée d'une petite incise. Je ne sais pas s'il s'agit du Transsibérien, parce que, pour l'avoir emprunté, je peux vous dire qu'il est nettement plus confortable que la litanie que nous sert constamment la gauche, notamment lorsque le député Thévoz - pour ne pas le citer - nous invite à changer de logiciel. Pour ma part, c'est une invitation que j'adresserai à celles et ceux qui mènent ce type de combat d'arrière-garde.
Au-delà du fait, on l'a rappelé, que l'imposition des successions en ligne directe est profondément inique et injuste, il est évident que si cette mesure devait être adoptée, elle serait préjudiciable à Genève, croyez-en ma modeste expérience. Mesdames et Messieurs, contrairement à ce que vous pensez, cette mesure toucherait précisément et de façon tout à fait directe la classe moyenne ou la classe moyenne supérieure, suivant la façon dont vous définissez celle-ci, et en particulier celles et ceux qui sont les heureux propriétaires de biens fonciers; avec la valeur qu'ils ont prise, on sait que ceux-ci atteignent assez rapidement la limite ici visée. Il en va de même pour les entrepreneurs, pour celles et ceux qui créent de la valeur, qui permettent aux uns et aux autres d'exercer un emploi et dont le patrimoine, inclus dans ce périmètre, serait indûment taxé. C'est donc une fausse bonne idée que vous avez ! Elle n'est même pas bonne en réalité, elle est tout simplement fausse ! Il faut la combattre et, vous l'aurez compris, c'est notre objectif ici.
Quant au parallélisme établi de façon un tout petit peu douteuse avec cette star du cinéma qui nous fait l'amitié d'avoir le passeport suisse, croyez bien que le fait qu'il soit resté de l'autre côté de la frontière est à mon sens plus imputable à des raisons de santé qu'à un choix de localisation fiscale. Voilà pour le détail.
Concernant le slogan «tax the rich !», je suis heureux que M. Eckert fréquente assidûment Davos et qu'il y soit confronté aux réalités de l'économie mondiale et aux difficultés qu'elle connaît. Je rappelle simplement qu'il faut comparer ce qui est comparable, on l'a déjà dit. Encore une fois, il faut avoir un discours empreint de bonne foi: celles et ceux qui demandent à être taxés davantage ne connaissent pas l'impôt sur la fortune. La Suisse est l'un des seuls Etats à faire de la résistance en la matière. Il n'y a donc pas lieu de viser à une augmentation de l'imposition sur les successions. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Donc la chasse aux riches continue ! Puisqu'on parle de succession, j'ai regardé avec curiosité le prix des maisons ou des appartements dans certaines communes. J'ai choisi une commune qui n'est pas la plus riche: Vernier. Je suis allé sur Homegate, une des plates-formes numériques qui permet d'avoir ce genre d'éléments. Je vous donne les chiffres: 2,9 millions, 2,7 millions, 2,79 millions, 2,19 millions, 2,95 millions. Je me suis dit que ça ne suffit pas; j'ai donc regardé une autre commune, celle - vous transmettrez, Madame la présidente - de notre collègue Pierre Eckert. C'est un peu plus cher. (Rires.) Une maison coûte 4,29 millions (j'imagine que ce n'est pas celle de M. Eckert; du reste, je ne sais pas s'il en a une, mais peu importe), 2,15 millions, 2,39 millions, 3,75 millions, 3,5 millions. J'ai arrêté là la recherche. J'aurais pu sans doute regarder Cologny ou Hermance; je pense que les prix n'auraient pas été les mêmes. On voit donc que l'immobilier est actuellement à un haut niveau.
Je me mets juste à la place d'une famille dont les parents veulent léguer une maison à leurs enfants parce qu'ils se disent que c'est la maison de leur vie, la maison de la famille; ils sont attachés à ce bien. Leurs enfants n'ont pas une grosse fortune, les parents décident donc de faire une donation. Au lieu de transmettre ce bien dans les meilleures conditions, ces personnes vont être impactées. Il faut en effet tenir compte d'un élément: ce bien est grevé d'hypothèques qui seront reprises dans la succession. Ça va être quelque chose d'assez compliqué et de plus en plus compliqué.
Si on veut empêcher cette transmission un peu par jalousie, par envie, parce qu'on se dit: «Ces sales riches...» Quand on habite dans des communes comme Vernier, Le Grand-Saconnex... Il faut savoir que beaucoup de ces familles ont acheté un bien à des prix beaucoup plus bas; je ne vais pas parler des prix de l'immobilier, mais chacun sait qu'autrefois ils n'étaient pas au niveau que nous connaissons actuellement. Ce qui est important pour ces familles, ce n'est pas le prix de la maison mais tout ce qui est attaché à ce bien. Est-ce qu'on veut punir ceux qui ont acquis un bien, qui ont agi en vue de bien aimer les quatre murs dans lesquels ils habitent, qui les ont bichonnés ? Au MCG en tout cas, ce n'est pas du tout notre politique. C'est pour cela que nous refuserons ce projet de loi avec détermination. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Eckert, vous avez la parole pour dix-neuf secondes.
M. Pierre Eckert (Ve). Ouh là !
La présidente. Vous pouvez commencer par conclure. (Rire.)
M. Pierre Eckert. Je conclus ! Non, j'interviens juste pour remercier le député Baertschi d'avoir fait mention du Grand-Saconnex et de moi. Je vous dis juste que je vais conclure ici, et je vous remercie. (Hilarité. Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie pour cette intervention. Il n'y a plus de demande de parole des députés, aussi je donne la parole au rapporteur de majorité pour quatre minutes quarante.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je pense que ce sera largement suffisant, je ne suis pas un spécialiste des longs discours. J'aimerais répondre à deux ou trois éléments. On entend toujours le même discours chez les cryptomarxistes... (Rires.) ...qui nous parlent sans cesse d'attaque contre la classe moyenne. A un moment, il faut arrêter ! 36% des gens à Genève ne paient pas d'impôts - vous transmettrez, Madame la présidente - et, aujourd'hui, une famille avec deux enfants a de la peine à vivre, compte tenu du loyer, de l'assurance-maladie, des impôts, des plaques de voiture, etc. Quand les gens arrivent à la retraite, ils n'ont plus les moyens de vivre chez nous, ils partent dans d'autres cantons, des cantons favorables aux familles - Vaud, Valais, Neuchâtel, Jura, etc. - pour avoir un niveau de vie supérieur à celui qu'ils ont à Genève et non tomber dans la précarité. C'est malheureusement la vérité. D'autres partent plus loin, au Portugal, en Espagne ou au Maroc.
Venir encore une fois avec... Bis repetita ! C'est comme la chanson de Claude François, «Ça s'en va et ça revient»: c'est sans arrêt, c'est récurrent ! Là, ça concerne les successions en ligne directe. Il convient évidemment de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, les Genevois étant déjà surtaxés et payant l'impôt sur la fortune, impôt que la Suisse est un des rares pays en Europe et dans le monde à maintenir. Je vous remercie, Madame la présidente.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat s'oppose très clairement à ce projet de loi. Si effectivement le professeur Brülhart a indiqué dans son analyse qu'en tant que telle, une augmentation de l'imposition sur les successions n'était pas de nature à entraîner, à elle seule, des départs de contribuables, il a aussi dit qu'il fallait prendre en compte l'ensemble du contexte fiscal. Dans notre canton, Mesdames et Messieurs, vous le savez, nous avons l'imposition sur la fortune la plus élevée. Il ne fait aucun doute que si à cette imposition sur la fortune la plus élevée s'ajoutait une augmentation de l'impôt sur les successions, nous n'aurions plus aucune attractivité, et qu'à nouveau nous pénaliserions des personnes qui transmettent des entreprises, des appartements et des maisons; on l'a démontré, ces biens arrivent très rapidement au seuil visé. Voilà les motifs pour lesquels, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'est pas favorable à ce projet de loi et vous remercie de le refuser.
La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, je mets au vote l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12852 est rejeté en premier débat par 62 non contre 32 oui.
Premier débat
La présidente. Nous passons au prochain point de l'ordre du jour, à savoir le PL 12868-A, qui est classé en catégorie II, quarante minutes. La parole est au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Ce projet de loi concerne une disposition portée à l'époque par la gauche pour que, quand un fonctionnaire est renvoyé de la fonction publique suite à une erreur, disons, de l'administration, il puisse à nouveau y être employé de par une action des tribunaux, au lieu de recevoir une indemnisation comme c'était le cas auparavant. Il faut comprendre qu'il est très important, pour certaines catégories de la fonction publique - je ne parle pas des hauts cadres, ce n'est pas applicable pour eux - de conserver leur emploi après avoir été mis à la porte injustement. Ce texte avait donc été voté, à l'époque, et on nous propose ici de résilier cette disposition, en faisant en sorte que la personne soit effectivement indemnisée, qu'elle soit bien traitée, mais sans qu'elle ait le droit de réintégrer l'administration.
Vous savez, j'ai eu personnellement affaire à un ou deux cas: j'ai défendu des personnes injustement mises à la porte - c'étaient d'ailleurs de bons fonctionnaires, des gens qui aimaient beaucoup la fonction publique ! -, et puis elles ont gagné. Eh bien, elles n'ont pas forcément réintégré la fonction publique ! Elles en avaient la possibilité, mais elles avaient trouvé un autre emploi; pour elles, il était néanmoins très important que les tribunaux indiquent qu'elles avaient le droit de réintégrer l'administration - que la personne choisisse ensuite de le faire ou non. Ce qu'on nous propose ici, c'est de dire de toute façon à la personne: «Oui, effectivement, c'est dommage ! On va vous indemniser.» Vous savez, l'indemnité ne correspond parfois pas au degré, disons, de l'injustice subie ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande donc, comme la majorité de la commission - de l'époque, évidemment, je ne sais pas pour ce qui est de l'actuelle -, de refuser ce projet de loi et de maintenir les choses telles quelles.
Enfin, avant de conclure, je tiens à dire que très peu de gens sont concernés ! La conseillère d'Etat, Mme Fontanet, nous l'avait indiqué à l'époque: je peux me tromper, mais je crois qu'il s'agissait de sept ou huit personnes et, parmi elles, certaines ont refusé, d'autres accepté. Ce que je veux dire par là, c'est que dans une administration de, je ne sais pas, 15 000 ou 18 000 personnes - excusez-moi, Madame -, les chiffres auxquels on doit faire face sont minimes ! Minimes ! Mais je considère que c'est quand même une mesure juste, Mesdames et Messieurs les députés, et à laquelle je vous demande de ne pas renoncer en votant ce projet de loi. Merci beaucoup.
M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de première minorité. Chers collègues, en préambule, je tiens à rappeler un détail qui a son importance: dans son immense majorité, l'Etat fonctionne bien - même très bien - et cela grâce à l'ensemble des fonctionnaires qui le composent. Qu'ils soient ici chaleureusement remerciés !
Ce que met en lumière cet objet, ce sont les fronts irréconciliables et les différences en matière de vision managériale des personnes qui composent ce parlement. Ce projet de loi, le rapporteur de majorité n'en a pas forcément expliqué les détails: il s'est plutôt attardé sur la victimisation des quelques rares personnes qui fonctionneraient mal au sein de la fonction publique. Ce texte, qui est un avant-goût du projet de loi de révision de la LPAC traité actuellement en commission, a le mérite de vouloir simplifier la procédure de divorce entre les deux parties: le fonctionnaire et l'Etat. Il est fondé sur deux axes distincts et totalement indépendants.
Le premier porte sur une convention de départ entre les parties: l'Etat et le fonctionnaire se mettent d'accord sur les termes de la fin des rapports de service, sur une indemnité de départ, et cette convention ne fera pas l'objet d'un recours. Si le fonctionnaire veut quant à lui se séparer de l'Etat, il donne sa lettre de démission en respectant le délai de préavis, et tout se passe bien. L'Etat a aussi la possibilité de mettre fin aux rapports de service, dans trois circonstances seulement: pour des motifs fondés - en gros, il faut une bonne raison -, en cas de disparition du poste ou d'une réorganisation de l'Etat, et enfin, dans le cadre d'une sanction disciplinaire. Le fonctionnaire a la possibilité de s'opposer à cette décision devant la Chambre administrative de la Cour de justice, et c'est là qu'apparaît le problème: cette chambre peut ordonner sa réintégration au sein de l'administration. La Cour de justice peut donc ordonner que soit réintégrée cette personne, congédiée pour des motifs fondés ou dans le cadre d'une sanction disciplinaire. C'est là qu'intervient le deuxième axe de ce projet de loi, à savoir la réintégration potestative: au lieu d'être obligatoire, en cas de motifs fondés, etc., la réintégration serait facultative. Cette réintégration obligatoire est une idée tellement bonne que seul un autre canton en Suisse l'applique: Bâle-Ville ! (Rires. Remarque.) Je devais le placer !
Quelques chiffres. Si on prend le bilan social, s'agissant des effectifs de sortie du petit Etat en 2020, il y a eu 12 décès à déplorer, malheureusement, 215 démissions, 154 fins de contrat, 8 invalidités, 87 ponts AVS, 164 retraites et - seulement ! - 47 licenciements. On parle donc de 19 000 personnes et de 47 licenciements. A l'époque où on a voté les douzièmes provisoires, on reprochait à la commission des finances - 15 personnes - de décider du budget de l'Etat, et dans le même temps, durant la législature précédente, on laissait le soin à 8 personnes sur les 15 de la commission ad hoc, comme on nommait alors la commission sur le personnel de l'Etat, de faire la pluie, mais surtout le beau temps en faveur de la fonction publique. Ces 8 personnes - 4 socialistes, 2 Verts, 2 MCG et 1 qui était tout seul à gauche - se plaçaient alors en défenseurs de la cause du fonctionnaire, décidaient des modalités d'engagement et de licenciement, choisissaient encore l'indexation des salaires, la date de l'entrée en vigueur, les vacances, etc.; au final, tout ce que l'employeur aurait dû faire à leur place. Aux yeux de la majorité de l'époque, il est donc complètement normal que 100% de la fonction publique soit efficiente et qu'on ne puisse pas, sauf faute très grave, se séparer d'une personne qui a été engagée. Rappelons que seulement 47 personnes sur 19 000 sont concernées en 2020.
Nous considérons, la minorité, que le seul garant de l'efficience due à l'ensemble de la population est une souplesse dans la gestion de l'Etat. En ne pouvant pas nous séparer de manière plus souple des personnes qui ne conviennent plus, nous envoyons un mauvais signal et c'est un mauvais service que nous rendons à l'ensemble des contribuables. Pire encore - la fonction publique l'a très bien compris: engagez-vous, qu'ils disaient, sauf faute très grave, vous ne risquez rien ! -, savoir qu'on ne risque pas sa place, c'est un oreiller de paresse dans lequel on peut facilement se laisser entraîner. Quelle vision gauche du management ! En commission, les associations des cadres de l'administration ont affirmé...
La présidente. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. Souheil Sayegh. Merci, Madame la présidente. ...leur soutien à ce projet de loi, pour autant qu'il soit tenu compte de critères comme l'ancienneté, l'âge, le salaire, le poste, etc. Mesdames et Messieurs, nous avons la chance de vivre et de travailler dans un canton où l'Etat peut s'appuyer sur des fonctionnaires de très grande qualité. Nous devons les soutenir en permettant à l'Etat de se séparer de manière souple des personnes qui dysfonctionnent et qui nuisent gravement à la répartition du travail en augmentant la charge de celles qui remplissent leur emploi.
Je m'arrêterai là pour l'instant. Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, le rapporteur de minorité que je suis vous recommande d'accorder votre soutien à ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cela a été dit, le PL 12868 prévoit de modifier la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du Pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux pour «Plus de souplesse dans la gestion des ressources humaines au bénéfice de l'ensemble de la fonction publique». Cet objet propose que l'autorité compétente et le fonctionnaire puissent convenir, par un accord écrit, de la fin des rapports de service lorsque leur continuation n'est pas compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, moyennant un système d'indemnités. Ni la LPAC ni la LIP ne prévoient un mécanisme permettant de mettre fin d'un commun accord à un rapport de service lorsque sa continuation n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration ou de l'institution. Une telle pratique, même si elle est rare, existe bel et bien au sein de l'Etat, sans qu'elle s'accompagne du cadre légal nécessaire à l'égalité de traitement, à la sécurité juridique et à une pratique uniforme. Ce projet de loi propose de donner tant à l'Etat qu'au fonctionnaire, au membre nommé, par exemple du corps enseignant ou des HUG, une base légale non seulement claire mais également souple afin de privilégier, en cas de dysfonctionnements, des fins de rapports de service négociées entre les parties et pacifiées - et non contentieuses et acrimonieuses.
Selon les anciennes dispositions de la LPAC, en vigueur jusqu'au 18 décembre 2015 - un projet de réforme est actuellement traité en commission -, un fonctionnaire ou un employé non nommé ne pouvait être licencié qu'en présence d'un motif fondé. La réforme de 2015 a consacré un droit à la réintégration: si la Chambre administrative de la Cour de justice retient que la résiliation - ou le non-renouvellement - des rapports de service ne repose pas sur un motif fondé, elle ordonne en effet à l'autorité compétente de procéder à la réintégration. Cette réforme a conduit à une situation délétère, nuisant gravement aux intérêts de l'Etat et au bien-être du personnel de l'administration. La justice genevoise, en annulant les décisions de licenciement et en ordonnant des réintégrations, s'est octroyé le pouvoir d'organiser l'administration, ce qui n'est ni son rôle ni en adéquation avec le principe de la séparation des pouvoirs.
Les décisions en matière de licenciement relèvent de l'organisation, du management et de la gestion du personnel. C'est pourquoi ce projet de loi veut mettre fin à ces situations délétères, pour le bien du personnel de l'Etat. Le texte n'entraîne aucune charge financière supplémentaire; il permettra au contraire de réaliser des économies tant dans l'administration que dans la justice, laquelle sera déchargée d'un certain nombre de dossiers de contentieux. Pour toutes ces raisons, la deuxième minorité de la commission sur le personnel de l'Etat vous demande d'accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à Mme Marti - peut-être que ses voisins vont arrêter de parler ! (Remarque.)
Mme Caroline Marti (S). Je vous remercie, Madame la présidente, d'avoir amené un peu de calme sur mes bancs ! (L'oratrice rit. Commentaires.) Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, comme plusieurs des rapporteurs l'ont rappelé, ce texte vise à modifier la loi relative au personnel de l'Etat sur deux aspects. Le premier concerne la question des conventions de départ qui pourraient être conclues entre l'employeur et l'employé - évidemment, si l'employeur en exprime le souhait: l'employé ne peut pas avoir l'initiative de la demande -, le deuxième porte sur la suppression de la réintégration obligatoire. Cette disposition a été introduite assez récemment dans la loi. Elle prévoit que, lorsque la justice constate qu'un licenciement a été prononcé sans motif fondé, il est alors considéré que l'Etat a eu tort de procéder à ce licenciement, que le collaborateur est victime d'une erreur: du coup, la justice ordonne la réintégration de la personne pour réparer cette erreur. Il s'agit d'une avancée très importante pour faire respecter la justice à l'égard des collaboratrices et des collaborateurs de l'Etat, et c'est à ce titre-là que le maintien de cette disposition est absolument essentiel, non pour protéger les collaboratrices et les collaborateurs qui dysfonctionnent et qui sont licenciés pour des motifs fondés, mais pour protéger les collaborateurs et les collaboratrices contre les erreurs administratives et managériales qui ont conduit à leur licenciement infondé.
Il faut par ailleurs rappeler à ce stade des travaux que ces deux aspects-là, tant les conventions de départ que la question de la réintégration, sont compris dans un projet de loi beaucoup plus global de réforme de la LPAC qui a été présenté par le Conseil d'Etat et est actuellement en traitement à la commission sur le personnel de l'Etat. Or, si la plénière de ce Grand Conseil décide aujourd'hui d'aller de l'avant sur cet objet et de le voter, eh bien ça créera évidemment une interférence avec le projet actuellement traité en commission puisqu'un certain nombre de dispositions - de dispositions de la réforme de la LPAC - seraient déjà adoptées sous une certaine forme par ce plénum alors que le reste de la réforme continuerait à être étudié en commission et serait voté bien plus tard.
Je rappelle également que les travaux sur ce projet de loi n'ont manifestement pas été jusqu'au bout ! J'étais très surprise en lisant dans le rapport que la commission - je n'y siégeais pas à ce moment-là - a auditionné les représentants des cadres et des cadres intermédiaires de l'Etat, mais non, par exemple, le Cartel intersyndical du personnel de l'Etat. La commission, manifestement, a considéré que ces questions devaient être traitées non dans ce projet de loi ad hoc, mais dans le cadre de la réforme générale de la loi sur le personnel de l'Etat qui, je le rappelle, est actuellement examinée par la commission sur le personnel de l'Etat. C'est pourquoi je vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission, pour que les travaux parlementaires sur ces deux objets puissent se faire de façon beaucoup plus saine et cohérente. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Est-ce que les rapporteurs souhaitent s'exprimer sur cette demande de renvoi en commission ? Monsieur Ivanov ?
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Ecoutez, pourquoi renvoyer le texte en commission alors que les choses sont claires, à mon sens ? Elles sont établies et il convient donc de refuser ce renvoi. Merci, Madame la présidente.
M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de première minorité. Chers collègues, je partage l'avis du rapporteur de deuxième minorité: les choses ont en effet été dites, expliquées. Le traitement du projet de loi actuellement en commission nous fait déjà savoir la réponse du Cartel intersyndical. Le vrai message que nous aimerions envoyer, c'est: est-ce que le signal qu'on donne aujourd'hui à la population... Finalement, comment peut-on lui expliquer qu'une partie de cet hémicycle souhaite maintenir en place des fonctionnaires qui font le job, qui font le travail, et qu'une autre partie souhaite réintégrer des personnes qui dysfonctionnent dans des services - pour lesquelles une procédure de licenciement est lancée, pour lesquelles il y a des motifs fondés -, ce qui fait qu'elles dysfonctionneront peut-être ailleurs ? On peut comprendre - on l'a entendu en commission - qu'une infime minorité de fonctionnaires ont vu peut-être leur situation résolue au niveau des tribunaux et se sont vus réintégrés, mais on parle ici encore une fois d'un nombre infiniment petit de fonctionnaires sur l'ensemble du petit Etat.
Ce n'est pas parce que nous traiterons à nouveau cela en commission que nous changerons de position et que le Cartel nous proposera des solutions différentes. Ça ne signifie pas qu'on ne veut pas l'entendre, ça signifie simplement que ça ne va pas apporter de l'eau à notre moulin, et c'est pourquoi le rapporteur de minorité que je suis refusera le renvoi en commission.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. J'aimerais dire ceci au rapporteur de première minorité: les personnes qui dysfonctionnent, Monsieur le député, bien évidemment...
La présidente. Merci de vous adresser à la présidence.
M. Alberto Velasco. Merci, Madame la présidente. J'aimerais dire à M. Sayegh, Madame la présidente, que les juges, à Genève, sont des gens compétents et savent très bien discerner si un fonctionnaire dysfonctionnait effectivement et si le licenciement, de ce fait, était correct ! Il s'agit ici des personnes qui ne dysfonctionnent pas: vous savez très bien que des chefs de service, parfois, pour des raisons, ma foi... Ils désirent se séparer d'un individu ! Et cet individu peut être compétent - j'ai pu personnellement m'en rendre compte - et peut très bien s'intégrer dans un autre service. La question est là, Monsieur ! On ne parle pas des gens qui dysfonctionnent - là-dessus, nous sommes d'accord: les personnes qui dysfonctionnent n'ont rien à faire dans l'administration ! Madame la présidente, je soutiendrai le renvoi en commission. Merci.
La présidente. Je vous remercie. J'invite l'assemblée à se prononcer sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12868 à la commission sur le personnel de l'Etat est rejeté par 52 non contre 42 oui.
La présidente. Nous continuons le débat: la parole est à Mme Alimi.
Mme Masha Alimi (LJS). Merci, Madame la présidente. Ce projet de loi propose davantage de souplesse dans la gestion des RH, au bénéfice de l'ensemble de la fonction publique, en introduisant dans la loi la possibilité de convenir, d'un commun accord avec le collaborateur (je précise bien: d'un commun accord ! il n'y a donc aucune obligation pour le collaborateur), d'une indemnité de départ lorsqu'il est jugé que la collaboration, la continuation des rapports de travail ne sont plus compatibles avec le bon fonctionnement de l'Etat. Si elle est acceptée, cette convention de départ n'est effectivement pas sujette à recours, parce qu'elle a été élaborée sur la base d'un commun accord - je le précise encore une fois.
Ce procédé a déjà cours à l'Etat de Genève, mais il est rarement utilisé parce qu'il n'y a pas de cadre légal qui permet de le faire. Sa formalisation et son inscription dans la loi permettraient d'éviter les contestations et les guerres juridiques coûteuses et chronophages, sans parler de l'absentéisme de longue durée, problème qui déstabilise les services et les collègues. On sait que lorsqu'une personne est absente, ce sont les autres - ses collègues - qui assument le travail, sans compensation et sans possibilité de la remplacer.
Par ailleurs, le difficile processus de se séparer d'un collaborateur contribue à la demande de nouveaux postes afin de compenser les personnes qui dysfonctionnent et entraîne par conséquent, pour l'administration, des coûts en personnel qui ne se justifient pas ! Sans parler du climat délétère qui s'installera de plus en plus.
Même si cette disposition est prévue dans le cadre de la refonte de la loi sur le personnel de l'Etat, votons-la déjà en avant-première ! Vous l'aurez compris, LJS acceptera ce projet de loi. Merci beaucoup.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis aborde en effet deux aspects particuliers que la commission sur le personnel de l'Etat est en train de traiter dans le cadre de la refonte globale de la loi sur le personnel, la fameuse LPAC. A ce titre, le renvoi de cet objet en commission se justifierait puisqu'on peut imaginer que ces textes soient liés.
S'agissant de la convention de départ, il faut envisager la question de la façon la plus sereine et mettre en balance les arguments en faveur et en défaveur. En revanche - Mme Marti l'a très bien dit tout à l'heure -, le deuxième aspect, à savoir la réintégration potestative, pour reprendre les termes du premier signataire du projet de loi, pose assurément un problème de justice évident ! Lorsqu'un collaborateur, un fonctionnaire, se retrouve licencié, qu'il fait recours et que la justice - la Chambre administrative - lui donne raison, cela ne correspond absolument pas à la situation évoquée tout à l'heure par le rapporteur de minorité, M. Sayegh - vous transmettrez, Madame la présidente -, puisque le collaborateur n'a pas failli, précisément ! C'est bien l'Etat qui a failli dans ce cas. Et cela a été dit - là, pour le coup, M. Sayegh a parfaitement raison -, le nombre de situations de ce type est extrêmement réduit: pas plus que de pétales sur une pâquerette, par exemple !
En définitive, c'est un projet de loi qu'on peut prendre un certain temps à considérer pour que la justice soit assurée dans tous les cas. Sans doute que la conseillère d'Etat, si d'aventure le renvoi en commission n'est pas voté, vous donnera tout à l'heure des statistiques plus précises, mais les chiffres sont effectivement tout à fait bas. Sans doute vous dira-t-elle en outre - cela a été mentionné et figure dans le rapport de commission - que la plupart de ces réintégrations posent problème lorsqu'elles ont lieu, et ce n'est pas faux ! Un certain nombre de ces réintégrations, environ 15%, sont fructueuses, mais il n'en reste pas moins qu'après un long bras de fer avec l'Etat, on peut aisément imaginer qu'un collaborateur qui obtient satisfaction devant la justice ne réintègre pas son ancien service dans les meilleures dispositions. Toutefois, il y a plein de métiers à l'Etat, qui sont exercés dans de nombreux services ! Il y a par ailleurs plein de métiers à l'Etat pour lesquels les collaborateurs injustement licenciés n'ont que peu de perspectives de retrouver des situations analogues dans le privé; rien que pour cela, il faut que la réintégration demeure possible et que le choix entre une réintégration ou une orientation de carrière différente reste entre les mains du collaborateur concerné.
Pour toutes ces raisons, nous demandons un renvoi en commission. Et s'il n'est pas accepté, nous proposons de refuser l'entrée en matière. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission. Est-ce que les rapporteurs souhaitent s'exprimer ?
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Madame la présidente, merci. C'est non ! (Rires.)
M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de première minorité. Ce sera également non. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Eu égard au temps qui est passé depuis le traitement du texte en commission et avant de traiter le projet de loi du Conseil d'Etat, je trouverais en effet intéressant que celui-ci vienne nous donner des chiffres. Cela aiderait peut-être les commissaires à changer d'avis. Je suis donc pour le renvoi en commission. Merci.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Il n'est pas usuel que le Conseil d'Etat se prononce sur un renvoi en commission. Dans le présent cas, je pense que l'ensemble des éléments relatifs à ce projet de loi ont été donnés, étudiés. Le nombre de collaborateurs concernés par l'obligation de réintégration a été étudié dans le cadre du projet de loi LPAC; l'ensemble des éléments relatifs à la convention de départ ont également été donnés. J'y reviendrai dans ma déclaration finale sur ce texte, mais il n'y a absolument aucun besoin de le renvoyer en commission: les éléments sont aujourd'hui connus, clairs et ont été développés. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12868 à la commission sur le personnel de l'Etat est rejeté par 52 non contre 42 oui.
La présidente. Nous poursuivons le débat et je passe la parole à M. de Senarclens.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Merci, Madame la présidente. Ce projet de loi apporte un peu de souplesse dans le carcan de la fonction publique. C'est une évolution favorable, une modernisation qui va aussi dans le sens de ce que propose le projet de loi actuellement discuté à la commission sur le personnel de l'Etat, le PL 13159. Et on sent malheureusement un énorme conservatisme de la part de la gauche, conservatisme qui est peut-être lié à une inféodation au Cartel, qui n'est malheureusement plus un partenaire de négociation, qui veut juste fossiliser le statut du fonctionnaire. C'est évidemment très regrettable.
Que propose ce projet de loi ? Il propose deux modernisations. La première repose sur l'idée de la convention de départ, à savoir que l'employeur et l'employé puissent discuter, se mettre d'accord et résilier leurs rapports de travail d'un commun accord. Bien entendu, l'employé décidera s'il veut accepter ou non cette proposition. Il faut savoir que ces conventions existent d'ores et déjà; il est là simplement question de leur donner un cadre légal, de créer les conditions d'une égalité de traitement, d'une sécurité juridique et d'une pratique uniforme. C'est évidemment un outil très important en matière de ressources humaines, qui sera nécessaire pour précisément moderniser cette fonction publique et aussi la rendre plus attractive.
L'autre point très important concerne la réintégration potestative. Suite à l'adoption d'un projet de loi socialiste porté par M. Dandrès en 2015, on se trouve dans une situation complètement ubuesque: la Chambre administrative de la Cour de justice impose des décisions de ressources humaines, impose à l'Etat de se réorganiser, de reprendre un employé dont le supérieur, dont les équipes ont estimé qu'il ne faisait pas l'affaire. Il faut juste s'imaginer le processus de résiliation des rapports de service, un processus long, lourd: le supérieur hiérarchique doit documenter les raisons pour lesquelles cette personne ne fait plus l'affaire et démontrer qu'il y a un motif fondé. Puis, souvent - ça peut arriver -, ce collaborateur se met en arrêt maladie, ce qui rejaillit sur tout le personnel du service. Et voilà qu'à l'issue de ce processus, qui peut durer plusieurs années, la Cour de justice impose à cette entité de reprendre l'employé. Vous imaginez l'ambiance qu'il y a au sein de cette entité ! Comment la personne peut-elle être à nouveau acceptée dans ce service ?
Cela engendre naturellement des situations ubuesques, avec des personnes qui ne sont pas acceptées, qui, dans un sens, sont rejetées, et une ambiance de travail délétère. Et c'est ce modèle que nous propose la gauche, où on force un département à reprendre quelqu'un. Evidemment, c'est totalement déconnecté de la réalité; il vaut mieux que cette personne puisse recevoir une indemnité de départ plutôt qu'elle vienne créer des problèmes là où elle avait été rejetée. Ce projet de loi est donc très positif et modernise la fonction publique: il faut assurément aller dans ce sens et soutenir ces deux modifications. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. François Baertschi (MCG). Le statut de fonctionnaire a une fonction, une seule: mettre à l'abri de toute pression le collaborateur de l'Etat, le mettre à l'abri de tout risque de corruption, copinage, pression politique, pression aussi de l'autorité et des conseillers d'Etat, voire d'autres milieux. Le fonctionnaire a également pour rôle d'assumer la continuité de l'Etat; c'est la fonction générale des serviteurs de l'Etat. Là, nous nous trouvons face à un projet de loi qui quelque part est inefficace, se révèle comme une diarrhée législative... (Rire. Commentaires.)
Une voix. Oh !
M. François Baertschi. ...parce qu'il est certain... (Remarque.) Mais oui, c'est certain ! Au vu de tous les textes législatifs concernant la fonction publique, je me dis: pourquoi ne sait-on pas, à Genève, légiférer simplement, avec des idées claires ? Parce que les idées ne sont malheureusement pas claires dans la tête de beaucoup des personnes qui font des propositions et qui sont suivies par des majorités, dans cette enceinte - durant cette législature et durant les précédentes. Nous nous retrouvons donc face à des gesticulations, à des propositions inutiles et, pire que tout, nous nous retrouvons face à un doublon ! En effet, il faut savoir que nous avons, en parallèle, un projet de loi du Conseil d'Etat sur le même sujet, sur la LPAC; il est traité actuellement en commission et je me demande comment cela sera coordonné. Mais je sais comment: on va faire un bricolage législatif, on va rajouter des éléments de ce projet de loi aux autres qui seront discutés en commission ! On va faire un méli-mélo assez insupportable; non, vraiment, ce travail n'est pas sérieux !
Et quand je vois la liste de tous les sujets qui concernent le personnel de l'Etat, je me dis véritablement qu'il y a un problème dans ce parlement. Et ce problème - Dieu sait si je ne suis pourtant pas d'accord avec la gauche sur beaucoup de sujets, notamment en matière de fiscalité, et vous transmettrez... Enfin, je ne me suis adressé à personne en particulier, mais vous aurez l'amitié, la gentillesse de transmettre, Madame la présidente. (Rires.) Dans le cas précis, force est de constater que, très souvent - pas toujours, heureusement -, c'est la droite qui multiplie les textes de loi et nous met dans des impasses législatives, parce que cela n'a pas été réfléchi, ça a été fait par des juristes obtus... (Commentaires.)
Des voix. Oh !
M. François Baertschi. Je retire ! Je retire le propos ! (Rires. Commentaires.) Je ne sais pas s'il faut que je retire «obtus» ou «juristes» ! (Rires.) Enfin, je n'ai visé personne en particulier - vous ne transmettrez pas, Madame la présidente ! Il n'en reste pas moins que le MCG refusera avec détermination ce projet de loi. Merci bien, Madame la présidente. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Merci. Il n'y a plus de demandes de parole des députés, je vais donc la passer aux rapporteurs, en commençant par le rapporteur de seconde minorité, M. Ivanov, pour cinq minutes.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Cela a été dit, c'est en effet la Chambre administrative de la Cour de justice qui statue sur la résiliation ou le non-renouvellement des rapports de service, ce qui pose un véritable problème. De toute façon, on ne va pas épiloguer encore longtemps sur ce projet de loi: il améliore beaucoup de choses. Il amène de la souplesse lorsqu'il s'agit de mettre un terme aux rapports de travail d'un commun accord, comme l'a dit Mme Alimi. Il améliore la convention de départ en la formalisant. Et ce n'est pas une impasse législative, Monsieur Baertschi - vous transmettrez, Madame la présidente -, c'est une avancée ! Il convient donc de voter l'entrée en matière sur ce projet de loi.
La présidente. Je vous remercie. La parole est maintenant au rapporteur de première minorité, M. Sayegh, pour trois minutes vingt.
M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, le méli-mélo évoqué précédemment est justement ce que nous souhaitons éviter: la réintégration obligatoire de personnes qui dysfonctionnent. Encore une fois, on parle d'une très grande «infimité» - ça n'existe pas, mais je l'invente ! - de personnes qui travaillaient à l'Etat, dont le licenciement aurait pu être abusif et est traité par des juristes non obtus; j'imagine que ces juristes non obtus pourraient obtenir une réparation, si d'aventure il s'avère que le licenciement est finalement abusif !
Ce texte, Mesdames et Messieurs, n'est pas agressif, pas plus qu'il ne met en danger la fonction publique. Souplesse ne veut pas dire légèreté; le cadre légal proposé par ce projet de loi ne semble pas ouvrir les vannes de licenciements abusifs et démesurés. Il est tout simplement question d'une convention de départ qui soit favorable aux deux parties (employeur et fonctionnaire) et de la possibilité - pas de l'obligation - de réintégrer la personne en cas de résiliation des rapports de service. Il en va de la santé des collaborateurs encore présents et qui font le job ! Je le redis encore une fois: nous avons la chance de vivre et travailler dans un canton où l'Etat peut s'appuyer sur des fonctionnaires de grande qualité, et je parle de 99,99% des personnes qui composent la fonction publique.
C'est pour cette raison qu'il faut accorder à l'employeur, à l'Etat la souplesse qui lui permet de mieux gouverner le canton, au service de tous les contribuables, et non laisser une majorité fluctuante de la commission sur le personnel de l'Etat manager la fonction publique. Je vous remercie par conséquent d'accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi.
La présidente. Je vous remercie. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Velasco, pour une minute trente.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je tiens tout d'abord à dire que moi, je respecte profondément le Pouvoir judiciaire ! Ça, c'est pour commencer. Donc, lorsqu'une décision est prise par le Pouvoir judiciaire... Voilà, elle est prise. Deuxièmement, je veux dire qu'on ne parle pas de personnes qui dysfonctionnent et dont le dysfonctionnement est avéré ! On ne parle pas de ça ! Je suis d'accord avec vous, Monsieur le rapporteur de seconde minorité: s'il est avéré que la personne dysfonctionne, s'il est prouvé qu'elle ne peut pas contribuer à un travail harmonieux dans son service, eh bien c'est normal qu'elle soit licenciée. Je ne mets pas cela en cause. Ce que je mets en cause, c'est qu'une personne qui estime... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et je l'ai vu ! Je l'ai vu: j'ai défendu des personnes qui, parce que certains directeurs, disons, avaient voulu se séparer d'elles, se sont battues en justice pendant deux ans - pendant deux ans ! - et se sont défendues. C'est vrai qu'elles ont trouvé un travail ailleurs, mais elles se sont défendues et ont été admises à la réintégration même si ensuite elles n'ont pas réintégré l'Etat; à leurs yeux, il était important qu'on démontre qu'elles n'avaient pas dysfonctionné.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Alberto Velasco. Et c'est de cela qu'il est question ici: de personnes qui ne dysfonctionnent pas mais qui font l'objet, de manière arbitraire...
La présidente. Vous avez terminé.
M. Alberto Velasco. Oui, merci, Madame la présidente. C'est donc de justice qu'il est question ici, Monsieur ! Voilà. Merci, Madame la présidente.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille favorablement ce texte. Cela a été indiqué, il est identique sur deux points au projet de loi qu'a déposé par la suite le gouvernement (le texte de M. Desfayes est antérieur à celui que nous avons déposé): il porte sur deux éléments qui figurent aussi dans la refonte de la LPAC et vise effectivement à donner une plus grande souplesse à l'employeur et aux collaborateurs et collaboratrices. Le Conseil d'Etat se réjouit, cas échéant, de ces deux modifications, à savoir celle liée à la fin de la réintégration obligatoire - qui reste une possibilité (L'oratrice insiste sur ce mot.) - et celle relative à la faculté de conclure des conventions de départ.
J'aimerais insister sur un point: pourquoi, me direz-vous, ces éléments-là seraient-ils favorables aux collaborateurs et collaboratrices ? Simplement parce que la situation actuelle fait que les conflits durent, que les personnes n'arrivent pas forcément à passer à autre chose, et - cela a été présenté à la commission sur le personnel de l'Etat - parce que sur les quatorze réintégrations décidées par le Pouvoir judiciaire, Mesdames et Messieurs les députés, seules deux se sont bien passées ! Les autres ne se sont pas bien passées. D'abord, dans une très grande partie des cas, le collaborateur l'a refusée: il n'a pas souhaité, une fois la décision prononcée, réintégrer l'Etat. Dans certains cas, la réintégration n'a pas été possible pour différentes raisons: la personne est par exemple restée en arrêt maladie malgré la réintégration et il a ensuite fallu mettre fin à la collaboration, ou bien les personnes ont vu leurs rapports de travail résiliés dans le cadre de la réintégration et suite à celle-ci. Ce n'est pas une bonne solution ! Pourquoi ? Parce que cela ne permet pas au collaborateur ou à la collaboratrice de passer à autre chose et de trouver sereinement un autre emploi.
Finalement, si le tribunal estime à un moment donné que l'Etat a eu tort, il convient - et l'exécutif en est persuadé - d'indemniser les personnes dont les rapports de travail ont été résiliés à tort. C'est ce qui leur permettra de retrouver un emploi le plus rapidement et de ne pas retourner dans des services dont l'ensemble des collaborateurs, ou la plupart d'entre eux, auront été appelés à témoigner contre le collaborateur qui devrait être obligatoirement réintégré. Je vous l'ai dit: deux cas sur quatorze se sont révélés être des succès. C'est pourquoi cette solution doit constituer uniquement une possibilité et non une obligation.
S'agissant de la convention de départ, elle permet de régler rapidement la possibilité de mettre fin d'un commun accord à des relations de travail, en l'encadrant. Je vous informe, Mesdames et Messieurs, qu'il n'y a aucune - aucune ! - obligation pour un collaborateur d'accepter une convention de fin des rapports de service ! En général, celui-ci est satisfait s'il l'accepte: cela lui permet d'avoir une indemnité et de retrouver un emploi ou de prendre le temps de se former avant de trouver une autre place.
Je pense que ce sont deux éléments positifs, qui ne remettent pas en question le statut du fonctionnaire - il est important de le rappeler et de le souligner, ne vous y trompez pas, Mesdames et Messieurs les députés -, qui reste évidemment privilégié. Le fonctionnaire doit être protégé: il ne doit pas pouvoir être tenté par des avantages ou avoir des craintes à ce niveau-là. La fonction publique reste, alors que les conseillers d'Etat, le politique se renouvellent; il est important de pouvoir compter sur une fonction publique forte. Ces deux dispositions ne remettent pas cela en question: elles donnent de la souplesse aux collaborateurs et à l'employeur. Je vous remercie donc d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12868 est adopté en premier débat par 52 oui contre 44 non.
Le projet de loi 12868 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12868 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 43 non et 1 abstention (vote nominal).
La proposition de résolution 1015 est retirée par ses auteurs.
La présidente. Durant la pause, il y a une réunion du Bureau dans la salle Nicolas-Bogueret. Pour les autres, nous reprenons à 18h10. Bonne pause !
La séance est levée à 17h55.