Séance du vendredi 26 janvier 2024 à 14h
3e législature - 1re année - 8e session - 49e séance

P 2166-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Stop aux nuisances sonores et à l'insécurité dans le quartier des Pâquis
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 25, 26 janvier, 1er et 2 février 2024.
Rapport de Mme Christina Meissner (LC)

Débat

La présidente. Enfin, il reste la P 2166-A (catégorie III). Le rapport est de Mme Christina Meissner, à qui je laisse la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Merci, Madame la présidente. Munie de 400 signatures, la pétition 2166, transmise au Grand Conseil le 1er mars 2023, dénonce la détérioration des conditions de vie et de sécurité dans le quartier des Pâquis depuis une dizaine d'années. Les pétitionnaires déplorent la mauvaise image qui en découle, regrettent que les démarches entreprises en 2020 auprès des pouvoirs publics n'aient pas eu les effets escomptés et demandent le retour du bien-être dans leurs rues.

Le quartier des Pâquis a un caractère prépondérant d'habitation, mais est soumis plus que tout autre à la multiplication des dépanneurs ouverts la nuit, ce qui génère de nombreuses nuisances, à l'augmentation de la prostitution à l'entrée des immeubles locatifs, des commerces et sous forme de vitrines, au trafic et à la consommation de drogue jusque dans les halls des bâtiments, à l'insuffisance des contrôles, à l'ouverture des bars jusqu'à 4h du matin pour certains, ce qui, encore une fois, crée de multiples désagréments.

La commission a auditionné les autorités de la Ville de Genève et du canton responsables de la sécurité: Mme la conseillère administrative Marie Barbey-Chappuis ainsi que Mme la conseillère d'Etat Carole-Anne Kast. Au vu du nombre de pétitions reçues concernant la sécurité aux Pâquis, quartier particulièrement exposé, une discussion interne a eu lieu pour déterminer si une motion de commission serait judicieuse. La décision de mettre en oeuvre un plan d'action cantonal spécifique aux problèmes rencontrés avec le crack est intervenue le 5 octobre, soit pendant les travaux; les commissaires ont donc renoncé à rédiger une motion demandant aux autorités de conjuguer leurs efforts, puisque ceux-ci étaient déjà déployés.

Nous nous sommes retrouvés partagés au moment du vote. Certains se sont abstenus, considérant que les autorités avaient pris le problème en main; une majorité a toutefois estimé nécessaire d'appuyer les habitants, dont les doléances vont au-delà des problèmes liés à la consommation de drogue, et a opté pour le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat. La commission remercie les exécutifs pour les efforts considérables entrepris et les encourage à poursuivre dans cette voie afin d'offrir une qualité de vie décente aux habitants des Pâquis comme à ceux de tous les autres quartiers. Je vous remercie.

Mme Joëlle Fiss (PLR). Chers collègues, comme la rapporteure l'a bien expliqué, il y a de plus en plus de problèmes aux Pâquis, notamment en raison du trafic et de la consommation de drogue qui, comme elle l'a relevé, s'infiltrent jusque dans les entrées des immeubles. Il s'agit vraiment d'un cercle vicieux, c'est-à-dire qu'un problème en provoque un autre. Du coup, on se retrouve avec des défis en matière de sécurité, d'ordre public, de santé publique, de mobilité, notamment en ce qui concerne la circulation spontanée des enfants. Les écoles, les commerces, l'ensemble des habitants du quartier sont touchés.

Les membres de la commission sont pleinement conscients de cette réalité, nous recevons tellement de pétitions à ce sujet ! Et je dois dire que, souvent, on attend de nous une solution miracle, mais les choses sont un peu compliquées. Le PLR compte vraiment soutenir ce texte et le renvoyer au Conseil d'Etat, nous voulons envoyer un message de solidarité envers les résidents des Pâquis. Nous savons que ceux-ci ressentent une inégalité de traitement par rapport à d'autres quartiers.

Ainsi que l'a indiqué la rapporteure, au cours de nos débats, il a été annoncé que le Conseil d'Etat allait mettre en oeuvre un plan cantonal spécifique aux problèmes rencontrés avec le crack, qui s'est entre autres répandu aux Pâquis, et nous nous en réjouissons réellement.

Au PLR, nous constatons que les problèmes évoqués dans cette pétition relèvent tant des autorités cantonales que municipales, il y a une étroite imbrication et il est parfois difficile de démêler les choses et de délimiter les compétences de chacun. Le PLR invite tous les acteurs impliqués à collaborer: le canton, la Ville de Genève, le milieu associatif et les habitants. Merci.

Mme Lara Atassi (Ve). Chers collègues, au travers de cette pétition, les habitantes et habitants des Pâquis nous ont fait part d'un certain nombre de préoccupations quant à la vie de leur quartier; celles-ci se regroupent sous quatre axes principaux qui ont été résumés par la rapportrice et que je ne vais pas répéter. Au cours des auditions, nous avons constaté que ce cumul atteignait quotidiennement la vie des résidentes et résidents, et cela, on le comprend, provoque une certaine fatigue.

Le plan crack dévoilé en octobre fait partie de la solution; il en constitue un volet important, mais cette approche sectorielle ne permet pas de répondre de façon satisfaisante à l'ensemble des problèmes, qui englobent beaucoup plus d'aspects. Certains éléments proposés dans la pétition sont potentiellement problématiques, par exemple le fait de digitaliser la prise de contact entre les travailleurs du sexe et leurs clients, qui comporte de nombreux points négatifs.

Cependant, d'un point de vue général, les Vertes et les Verts souhaitent tout de même soutenir les habitants des Pâquis et encourager le Conseil d'Etat ainsi que les autorités de la Ville à entreprendre une démarche globale pour ce quartier. Nous proposons donc le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, malgré quelques réserves sur les détails du texte. Merci.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je confirme ce qui a été indiqué, merci à la rapporteure de commission. Je voudrais juste compléter avec quelques éléments. D'abord, la population est complètement exaspérée par cette situation qui perdure depuis des années et surtout elle a l'impression que rien n'est entrepris pour y remédier, que la situation a davantage tendance à s'aggraver qu'à s'améliorer.

J'aimerais ajouter autre chose. Oui, il y a la prostitution, la vente de drogue. Nous sommes dans un quartier résidentiel, et le contexte qui prévaut aux Pâquis serait absolument intolérable dans d'autres endroits, c'est bien clair; ailleurs, le problème serait réglé en une semaine, mais comme il s'agit des Pâquis, les habitants, les enfants doivent subir cette situation.

Je citerai aussi la prostitution et la vente de drogue aux abords des écoles, les incivilités. On parlait hier de violence: toutes les nuits, des gens alcoolisés ou drogués vocifèrent, se disputent, des déchets - composés organiques et j'en passe - jonchent la voie publique. Les résidents considèrent que leurs rues sont devenues un véritable dépotoir.

Ça ne va plus, donc l'UDC et la majorité de la commission exigent que ce quartier ne soit pas considéré différemment des autres, que la loi y soit vraiment appliquée. Ce n'est pas aux gens de déménager, mais bien à la loi d'être appliquée: on demande au Conseil d'Etat qu'il fasse régner l'ordre avec plus de rigueur dans cette zone.

Un dernier élément par rapport aux dépanneurs. Il y a dix ans, il y en avait quatre; aujourd'hui, on en recense plus d'une cinquantaine. On se demande du reste comment ils vivent en vendant des chips avec des loyers à 8000 francs par mois, c'est quand même assez bizarre que personne ne s'intéresse à ce sujet. En ce qui concerne les dépanneurs, il y a la question de la vente d'alcool aux mineurs et hors des heures autorisées, c'est également un désordre qu'il faudrait régler. Voilà, donc merci à tous de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs, le parti socialiste s'abstiendra sur cette pétition. Nous partageons les préoccupations des habitants, voire leur souffrance, par rapport aux nuisances liées à la vie nocturne et au trafic de drogue, mais nous ne sommes pas d'accord avec les mesures suggérées, parfois extrêmement agressives, voire illégales, par exemple le fait d'interdire la prostitution dans certains secteurs. Le travail du sexe est légal en Suisse, il s'agit d'une pratique tout à fait régulée. Nous émettons donc des réserves quant aux propositions formulées.

Nous faisons également le constat que le quartier des Pâquis, si la situation y est difficile, n'est pas particulièrement stigmatisé ou à part. Vous seriez étonné d'apprendre qu'on relève les mêmes problématiques dans de nombreux autres endroits de la ville et du canton: littering, nuisances nocturnes, manque de lieux d'accueil et d'espaces communs, par exemple pour les jeunes, ce qui fait qu'ils se retrouvent à devoir occuper des entrées d'immeubles.

Les problèmes de toxicomanie existent pratiquement dans toutes les zones de Genève, du quartier des banques aux Ouches en passant par l'Usine, c'est un phénomène extrêmement répandu. Genève est la capitale mondiale, selon l'analyse des eaux, de la consommation de cocaïne, le crack n'est pas le seul problème. Cela se manifeste dans toutes les professions, dans toutes les couches sociales, c'est lié à des conditions sociétales: comment tenir le coup quand vous travaillez vingt heures par jour, que vous devez produire en permanence, que vous êtes mis sous pression ? L'étudiant comme le médecin-chef sont concernés.

Dès lors, cette pétition qui cible uniquement les Pâquis, qui, d'une certaine manière, stigmatise ce lieu en en faisant le quartier affreux de notre ville et de notre canton, est à notre avis excessive et nous empêche même de voir une réalité plus large, plus complexe. Et cela, Mmes Kast et Barbey notamment nous l'ont expliqué spécifiquement: il ne s'agit pas de faire des Pâquis un cas particulier, parce que ces problématiques, comme je l'ai souligné, sont partout.

La police en a conscience en partie et accomplit un travail invisible que les habitants ne voient parfois pas. Peut-être y a-t-il des efforts de communication à faire; c'est ce à quoi s'emploient par exemple les îlotiers, mais cette action peut être renforcée pour montrer que la police agit, seulement parfois pas en même temps que les attentes des habitants.

Par conséquent, nous nous abstiendrons. Nous avons pris acte qu'une majorité se dessine en faveur de ce texte, et bien sûr que le travail doit se poursuivre aux Pâquis contre toutes les formes d'incivilités et de nuisances, mais il doit aussi se réaliser à une échelle beaucoup plus large qui est celle du canton. Merci de votre attention.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, en tant que résident des Pâquis, je tiens à vous remercier. Cette pétition est une bonne chose. J'y habite, j'y vis, je vois ce qui s'y passe, tout ce qui a été rapporté est exact.

Cela étant, je m'étonne qu'un certain groupe qui se dit en accord avec les habitants s'abstienne sur le sujet, je ne peux pas le comprendre. Ceux qui sont allés enlever le goudron pour y mettre de la terre et planter des arbres, comme on l'a vu à la rue des Pâquis, c'étaient des membres de partis de gauche. Je pense que c'est un petit peu déplacé. Je vous remercie, Madame la présidente, et je demande le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

La présidente. Merci. Nous nous prononçons maintenant sur les conclusions de la commission des pétitions, soit le renvoi de la P 2166 au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2166 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 65 oui et 18 abstentions.