Séance du
jeudi 25 janvier 2024 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
8e
session -
48e
séance
PL 12615-A
Premier débat
La présidente. Nous passons à l'urgence suivante, le PL 12615-A, dont nous débattons en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de Mme Ruth Bänziger; il est repris par Mme Monbaron. Etant donné que le groupe Ensemble à Gauche ne siège plus parmi nous, le rapport de deuxième minorité de M. Pagani ne sera pas présenté. Madame Monbaron, vous avez la parole.
Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. La commission s'est réunie à sept reprises entre juin 2021 et septembre 2022 pour traiter ce projet de loi... (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je n'ai pas fait le rappel habituel, mais comme d'habitude, les discussions se tiennent à l'extérieur. Allez-y, Madame la rapporteure.
Mme Fabienne Monbaron. Merci. ...qui vise à une modification de zone d'une surface d'environ 169 000 mètres carrés, au lieu-dit La Susette, sur la commune du Grand-Saconnex, située entre l'autoroute, la route de Ferney, la place de Carantec et la Voie-de-Moëns.
Le périmètre, identifié dans le plan directeur cantonal, est actuellement en zone 5, en zone de développement industriel et artisanal ainsi qu'en zone de développement 4B. Aujourd'hui, le secteur comprend des activités tertiaires, un hôtel, de l'activité agricole, des équipements communaux, des logements, de l'artisanat et une station-service. Le nord, qui regroupe les activités tertiaires, et le centre, où sont situés l'hôtel et les activités agricoles, sont proches de l'autoroute et de l'aéroport.
L'objectif de ce projet de loi déposé en 2019 est de créer une zone de développement 3 pour permettre la construction d'un nouveau quartier mixte et une zone de verdure à l'emplacement du cimetière actuel. L'arrivée du tram sur la route de Ferney, l'aménagement de la place de Carantec et le PLQ Carantec créeront des synergies qui favoriseront la mutation du quartier.
Cette modification de zone a été initiée en 2017. Le Conseil municipal avait émis un préavis favorable en 2018. Une association s'opposait à la création de la zone de développement 3 tant que ce secteur n'était pas assaini au point de vue du bruit et de la qualité de l'air. Le programme, présenté dans l'exposé des motifs, prévoit en effet des logements, des activités, un parc, des équipements publics et un groupe scolaire. Il met également en conformité le cimetière en le plaçant en zone de verdure.
Suite au refus du projet du Pré-du-Stand, la population est devenue plus réticente envers les déclassements au vu des enjeux environnementaux et, lors de leur audition, les représentants de la Ville du Grand-Saconnex ont informé être un peu plus réservés à l'égard des parties du nord et du centre du projet et ont dit que celui-ci faisait l'objet d'un nouveau questionnement de leur part dans le cadre de la révision du plan directeur communal. L'hoirie propriétaire d'environ 5,4 hectares a quant à elle rappelé en audition que l'urbanisation du Grand-Saconnex a compliqué l'exploitation agricole du périmètre et qu'en raison du tram et de son électrification, il ne sera plus possible d'accéder aux terrains avec certains engins agricoles.
Les questions relatives au bruit généré par l'autoroute et l'aéroport, ainsi qu'à la pollution, ont été approfondies par la commission. Les experts, qui s'appuient sur les normes légales fédérales sur le bruit, la qualité de l'air et les risques d'accident majeur, ont confirmé que ce périmètre est constructible. Ils ont également rappelé que vouloir appliquer des limites plus sévères que les normes fédérales rendrait de nombreux secteurs du canton inconstructibles.
La commission s'est quand même interrogée quant à la construction des logements prévus au nord de la courbe de bruit admissible et quant à la possibilité d'un phasage de cette modification de zone. Réduire le périmètre ou renoncer à une modification de zone sur l'ensemble du quartier reviendrait à devoir renoncer à certains éléments qui dépendent d'un projet d'ensemble, par exemple le parc. Afin de trouver une issue, une convention liant le canton et la commune a été signée puis présentée à la commission en septembre 2022. Elle précise que la modification de zone concernerait l'ensemble du périmètre et que le Conseil d'Etat s'est engagé à ne pas développer le PLQ sur la partie nord durant une certaine période.
Une proposition de schéma directeur, qui a évolué, mais qui n'a pas d'impact sur le projet de loi, a également été présentée à la commission. Cette proposition intègre un parc agrandi (1,8 hectare) relocalisé au nord du périmètre; il devient un parc public agro-urbain, à fonctions agricole et paysagère. Les logements sont ainsi positionnés en dessous de la courbe de bruit admissible. Leurs surfaces, ainsi que celles des activités et des équipements publics, sont adaptées. Les activités seront de préférence localisées en front d'autoroute, pour atténuer les nuisances sonores. Enfin, il est confirmé que le déclassement concernera l'ensemble du quartier pour que celui-ci garde sa cohérence.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Fabienne Monbaron. L'accord est conforme au projet de loi, et le projet de schéma directeur adapté présenté à la commission servira de base pour les PLQ et pourra encore être actualisé. Il s'agira de préciser le type de gabarits et de densité par différents scénarios qui feront l'objet d'un large processus de consultation.
Concernant le bruit, les deux tiers du secteur en partant du sud respecteront les valeurs limites du référentiel pour le logement. Le parc agro-urbain est prévu au nord, parallèle à l'autoroute, avec une zone de construction qui fera écran aux nuisances sonores. Il est déclassé en zone de développement 3 pour permettre le report des droits à bâtir. La zone de verdure ne concerne que le cimetière. Au vu des adaptations du schéma directeur proposées et du contenu de la convention canton-commune, le rejet de l'opposition de l'association a été accepté par la commission, qui a adopté ce projet de loi par 10 oui, 2 non et 3 abstentions et vous recommande d'en faire de même.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. La situation décrite par la rapporteure de majorité et ce que la commune et le canton sont venus nous présenter en commission étaient valables au moment où les débats se sont tenus. Aujourd'hui, selon un article paru récemment dans la presse, qui fait état de la situation actuelle de La Susette, tout ce qui est écrit dans le rapport, tout ce qui a été dit par la rapporteure de majorité ne valent plus rien, puisque encore aujourd'hui - la commune le fait savoir par l'intermédiaire de la presse -, le projet est loin d'être abouti, les études aussi, la convention signée à l'époque n'est plus valable en tant que telle. Même la commune, par l'entremise de son magistrat, dit ne finalement pas savoir ce qu'elle va faire de ce déclassement.
Le seul point valable actuellement, c'est de scinder en deux le déclassement - et c'est ce que nous demandions en commission - pour ne pas bloquer l'arrivée du tram, qui est acceptée par une très large majorité, y compris les habitants du Grand-Saconnex. Il s'agit de déclasser en deux phases, à savoir le front de rue, le long de la route de Ferney, déclassement qui ne posait problème pour personne, y compris pour les opposants, alors que le centre du périmètre, avec la zone sensible située le long de l'autoroute et de l'aéroport, posait d'innombrables questions et problèmes, amenant certains à dire - et ils le pensent encore - qu'un référendum serait probablement lancé sur le déclassement de La Susette. Aujourd'hui, un possible référendum reste totalement d'actualité. Les prochains déclassements de la commune du Grand-Saconnex représentent un sujet sensible. Il n'y a qu'à voir tous les déclassements refusés jusqu'à présent par voie de référendum ! Ces projets ont été largement refusés, à plus de 60% par le canton et à quasiment 70%, voire plus, par les habitants de la commune eux-mêmes, qui ne veulent pas de ces grands déclassements.
La question qu'il faut se poser est la suivante : pourquoi est-il nécessaire de déclasser ? Le faire à l'aveuglette juste pour le faire, alors qu'on déclasse une partie de terrains qui servent aujourd'hui à l'agriculture... On va déclasser cette partie de périmètre pour, tenez-vous bien, construire une ferme agro-urbaine. Mais c'est juste du délire ! Construire des fermes agro-urbaines au centre d'une ville, c'est complètement aberrant ! Est-ce qu'on n'a pas assez d'exploitations dans ce canton pour faire de la pédagogie auprès des enfants ? Non ! Actuellement, on en est là: on doit construire des fermes agro-urbaines pour sensibiliser la population et les enfants à ce qu'est l'agriculture, à ce qu'est la consommation locale. C'est juste du délire !
On va sacrifier une partie de ces terrains pour faire une zone agro-urbaine, alors qu'aujourd'hui, on a besoin d'autre chose. On va perdre une zone industrielle artisanale. Les entreprises qui sont situées là, où va-t-on les mettre ? Il y a actuellement saturation des terrains industriels ! Concernant cet élément également, le besoin n'est de loin pas résolu.
Le plus surprenant, c'est que l'Etat se paie en plus le luxe de lancer des études sur le bruit, alors qu'on nous dit que le périmètre n'est pas plus pollué que le reste du canton par le bruit ou d'autres pollutions. Or, l'argument principal qui a conduit le projet du Pré-du-Stand à capoter était qu'il se situait trop près de zones de nuisances, trop près de l'aéroport et qu'il y avait trop de pollution. Aujourd'hui, on dit: non, non, il n'y a plus de problèmes, on peut y construire des logements en bordure d'autoroute, en front de l'aéroport. Mais c'est de l'incohérence totale de la part du Conseil d'Etat !
Pour y voir un peu plus clair et pour remettre de l'ordre dans ce dossier qui, aujourd'hui, n'a plus rien à voir avec le projet de loi initial, je vous demande de renvoyer ce projet en commission. Que le Conseil d'Etat et la commune viennent avec des arguments un peu plus solides que ce qu'on a pu entendre jusqu'à présent s'agissant du Grand-Saconnex, et peut-être pourrons-nous prendre la décision qui s'impose. Peut-être qu'ils arriveront à nous démontrer que tout va bien, que même les opposants peuvent accepter le déclassement du périmètre; ou on se rendra compte que ce déclassement n'est plus nécessaire, que le projet n'est de loin pas abouti, et peut-être comprendra-t-on qu'il faudra réellement scinder en deux le déclassement, puisque, encore une fois, le vrai problème de ce déclassement ne concerne pas le front de rue, mais le coeur de ce quartier. On risque de le déclasser, alors qu'on ne sait pas à quoi il va servir. Voilà, j'en ai terminé ! Je vous remercie.
La présidente. Merci. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Je remercie les gens qui nous rejoignent dans la salle de le faire silencieusement. Madame la rapporteure de majorité, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Vous avez la parole.
Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Ecoutez, je pense qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer ce dossier en commission. Par rapport aux arguments avancés par le rapporteur de minorité, je souhaite préciser que le déclassement en zone de développement 3 n'est pas fait pour construire une ferme agro-urbaine mais bien tout ce que j'ai énoncé tout à l'heure, notamment des logements puisque le tram sera à proximité, que construire cette ferme agro-urbaine en bordure de l'autoroute représente une opportunité pour le quartier de déplacer les logements, qui doivent être construits à cet emplacement sur le périmètre, légèrement plus bas, dans une zone où il y aura un peu moins de bruit.
J'ai pu voir dans la presse ces derniers temps que ce projet avançait, que beaucoup plus d'arbres seraient plantés - il y aurait 32% de canopée sur ce quartier, alors qu'il n'y en a que 10% pour l'instant -, que les habitants et propriétaires seront associés à la démarche de concertation, qui va se poursuivre et durant laquelle ils pourront intervenir pour faire de ce quartier ce qu'ils en veulent. Donc je ne pense pas que le renvoi en commission soit nécessaire. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12615 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 73 non contre 18 oui.
La présidente. Le débat continue; je passe la parole à Mme Nicole Valiquer Grecuccio. (Brouhaha.) D'avance, je remercie les personnes désirant sortir de la salle de le faire discrètement.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, M. Florey et moi n'avons très certainement pas eu la même lecture de l'article qu'il a cité: on lit très bien que le canton et la commune du Grand-Saconnex, par l'intermédiaire du conseiller d'Etat et du magistrat du Grand-Saconnex, M. Jimaja, parlent d'une même voix.
M. Florey s'est demandé pourquoi on construirait à l'aveuglette. Il ne s'agit pas de construire à l'aveuglette, mais de respecter le plan directeur cantonal, qui fait du secteur de La Susette un secteur de renouvellement urbain, mixte, et donc un quartier de ville. Je crois que Mme Monbaron a très bien rappelé les enjeux identifiés par la commission: cette modification de zone permettra de bâtir neuf cents logements, ce qui n'est évidemment pas rien compte tenu de la crise que traverse notre canton, des équipements publics, un parc. Qui dit mixité dit, bien sûr, activités. Il s'agit donc bien de construire un quartier de ville.
Sachant que le tram des Nations roulera bientôt là-bas, comment peut-on imaginer qu'un secteur proche des transports publics ne serait pas propice au développement ? En outre, ce quartier permettra aussi de faire le lien avec l'opération de Carantec, qui, elle aussi, va offrir des logements, et des logements de qualité, à la population. L'enjeu sera bien évidemment de construire ces logements de manière à ce que les nuisances soient diminuées, en trouvant des dispositifs architecturaux qui offrent de la qualité aux habitants. La commission et le parti socialiste pensent qu'on peut trouver des solutions et qu'on doit développer des quartiers de qualité pour répondre aux besoins en logement de la population.
Les enseignements qu'on peut tirer... Eh bien, non, Monsieur Florey ! Vous vous demandez pourquoi il est nécessaire de construire des logements. Parce qu'il y a tout simplement lieu de répondre aux besoins de la majorité de la population. S'agissant des enseignements qu'on peut en tirer - et on félicite autant la commission pour ses travaux que le Conseil d'Etat -, on ne saucissonne effectivement pas les projets, car c'est le meilleur moyen d'avoir des projets bâclés et de moindre qualité. On garde un périmètre d'ensemble, qui permet de penser le territoire de manière cohérente. Le saucissonnage, tel qu'il nous est proposé par l'UDC, eh bien c'est non ! Parce que ça créerait un quartier dépourvu de qualité.
On constate aussi que les processus sont longs; on l'a rappelé, une convention a été signée pour, au fond, retrouver une cohérence entre les habitants et les propositions faites par le département. C'est pourquoi le parti socialiste ne craint pas les menaces d'un référendum; il pense au contraire qu'unis, on peut défendre des quartiers de qualité et que c'est notre rôle de députés de répondre à la crise du logement. Je vous remercie.
La présidente. Merci. La parole revient à M. Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (LC). Excusez-moi. (L'orateur ferme sa veste.) Je rencontre le même problème qu'Antonio Hodgers: j'ai de la peine à fermer ma veste ce soir. (L'orateur rit. Rires.) Plus sérieusement, on va dire que les «Susettes» laissent non un goût d'anis, mais un goût amer dans la bouche du Centre, qui, ce nonobstant, va voter ce déclassement. Pourquoi un goût amer ? Parce que l'on aurait pu faire mieux. C'est un périmètre qui figure au Plan directeur cantonal, comme l'a signalé Mme Valiquer, et qui doit être densifié.
Il existait un excellent projet de densification porté à l'époque par les anciens conseillers administratifs de la commune du Grand-Saconnex, en particulier Jean-Marc Comte et Bertrand Favre, de l'Entente. Ce projet visait à un développement harmonieux, notamment en tenant compte des nuisances sonores, comprenant, d'abord, des zones commerciales aux abords de l'aéroport, et ensuite, vers le sud, un nombre toujours plus important de logements. Ce projet de développement avait été, à l'époque, voté à l'unanimité moins une voix par le Conseil municipal du Grand-Saconnex. Malheureusement, cette voix comptait, puisqu'il s'agissait de celle du conseiller municipal Eckert. Le conseiller d'Etat Hodgers a pris en considération cette opposition; on va dire que, déjà à l'époque, il a eu peur d'un référendum et a renoncé à ce projet de densification. Pour donner un gage à son parti politique, il a créé, on va dire, cette chimère de zone de ferme urbaine, alors qu'il existe dans un rayon de 200 mètres deux réelles fermes et que l'on ne peut pas dire que la campagne soit tellement éloignée du Grand-Saconnex. Résultat: avec ce nouveau projet de développement de La Susette, on a un gaspillage des terres.
Cela étant, mieux vaut un projet imparfait que rien du tout. La population a besoin de logements. Contrairement à ce qu'a dit le député Florey, ce périmètre ne demande qu'à être densifié. Le saucissonnage de La Susette n'a absolument aucun sens, et la volonté est patente: il s'agirait simplement de retarder la construction de logements.
Pour rester à l'intervention du rapporteur de minorité, j'ajoute qu'on peut s'étonner de son refus de densifier ce périmètre-là. Même si c'est un périmètre classé en zone industrielle, il n'y a quasiment pas d'industries, et j'invite le député Florey à s'y rendre pour le constater de lui-même. Si on ne densifie pas dans les rares périmètres qui peuvent l'être, on devra le faire ailleurs, et on ne peut évidemment pas densifier en zone agricole. En outre, les oppositions sont toujours plus importantes, à juste titre, contre les densifications en zone 5. Donc, profitons des rares terres à disposition, ne gaspillons pas ces périmètres et densifions correctement sans donner suite aux lubies de certains bords politiques. De toute façon, cette question-là sera traitée plus tard: le combat continue. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Messieurs les députés, Mesdames les députées, le député Desfayes - vous lui transmettrez quand vous aurez l'occasion - est en train de faire de la politique-fiction. Si je m'étais abstenu sur ce vote... D'ailleurs, je ne m'en souviens pas totalement. Ce n'était pas la modification de zone; je n'ai pas voté la modification de zone. Quant au projet en lui-même, je ne sais pas; il n'y avait pas de PLQ, je ne sais pas exactement de quoi on parle. D'ailleurs, cela m'étonnerait que mon abstention au Conseil municipal ait influencé en quoi que ce soit le conseiller d'Etat Hodgers, avec qui je n'avais pas du tout pris contact à l'époque. C'est donc de la politique-fiction.
Maintenant, je vais essayer de vous démontrer que la modification de zone de ce projet est une bonne modification de zone, qui rend la situation bien meilleure que l'actuelle. La situation actuelle date de 1979. On a construit, mis en place une zone industrielle et artisanale qui est restée en l'état depuis 1979; un certain nombre d'infrastructures s'y sont développées, comme un hôtel, on l'a rappelé, et de l'agriculture est pratiquée dans une zone industrielle et artisanale. C'est donc bien qu'on toilette une fois cette situation de façon à retrouver de la cohérence. Il nous paraît de toute façon que c'est bien mieux de faire avancer les choses; ce qui a été décidé en 1979 n'est plus du tout ce qu'on fait actuellement et les besoins en logements et en infrastructures communales ont passablement changé.
Je vous rappelle aussi qu'un certain nombre de consultations publiques ont été menées depuis un certain temps au Grand-Saconnex; le Conseil municipal dédie à cette question un groupe de travail. Des résultats de ce travail ont du reste récemment été présentés et reproduits dans la presse.
Comme je l'ai dit, nous estimons qu'il vaut mieux changer maintenant cette situation et nous pensons également qu'il est opportun de considérer l'ensemble du secteur, sans le saucissonner, de façon à monter un projet cohérent.
Les avantages apportés par cette modification de zone par rapport à la situation actuelle sont les suivants. Tout d'abord, une zone de logements sur la partie sud, la partie la plus éloignée de la piste de l'aéroport et de l'autoroute, a été identifiée. Il est vrai que Le Grand-Saconnex a déjà passablement crû, grâce à la construction du quartier du Pommier sur la parcelle Gardiol il y a quelques années, mais les besoins en logements dans le canton restent patents. Cet emplacement a d'ailleurs été réservé à cet effet, même dans les projets établis quand c'était encore en zone industrielle et artisanale, on proposait de placer des logements à cet endroit. L'avantage, bien entendu, c'est que c'est destiné à ça. Je pense que du point de vue de la population du Grand-Saconnex, c'est mieux de construire des logements à cet endroit-là, en zone 3, plutôt que d'essayer de déclasser la zone villa.
Certains chercheront certainement un parallèle avec les déclassements de Cointrin qui ont été refusés. Cependant, la présente situation n'est pas vraiment la même, puisque non seulement on ne déclasse pas une zone 5, mais en outre les constructions sont prévues à des distances plus éloignées des sources de nuisance. De plus, le projet de loi prévoit explicitement que les logements n'empiètent pas sur la zone de bruit de l'aéroport. Je tiens d'ailleurs à souligner que, si j'ai bien lu le rapport, les opposants du Grand-Saconnex s'opposent également à la construction de logements à cet endroit-là, contrairement à ce que dit le rapporteur de minorité.
Enfin, nous soutenons l'entier du programme inclus dans cette modification de zone. Il y a un certain nombre d'équipements publics, notamment une école et du parascolaire, peut-être une salle de gymnastique, qui manque à l'école de Grand-Saconnex Place... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...tout cela en cohérence avec le développement de la place de Carantec qui débutera prochainement.
Je mentionne aussi le parc dont on parlait, au nord du périmètre; il deviendra un parc agro-urbain à fonctions agricole et paysagère.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Pierre Eckert. Ce projet est bienvenu et permettra de reconnecter la population à une agriculture durable et locale.
La présidente. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert. Je termine en disant que cette modification... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Il nous semble, au MCG, que le lieu en question est un enfer. On prétend qu'une partie serait plus éloignée de la piste de l'aéroport, mais excusez-moi ! C'est en réalité de 200 mètres, et c'est une distance tellement proche qu'on doit s'arrêter de parler lorsque vole un avion, et Dieu sait qu'il en vole des centaines par jour.
S'agissant de la construction du tram, durant l'étude de ce projet, on n'est même pas entré en matière. Le tram, c'est le tram: il passe ! C'est comme les panzers de l'armée allemande. Ils avancent et ils font leur chemin. C'est parfois beaucoup. On n'a pas envisagé de mettre des bus. Le projet de tram existe; il y a eu énormément de lignes de trams au début du XXe siècle, puis au milieu de ce même siècle, on les a détruites, démolies, puis on les a réintroduites. C'est donc un fait acquis: on a des trams dans de nombreux villages où les gens sont malheureux, parce que ça prend toute la place, parce que ça fait trembler leur maison, comme ça faisait d'ailleurs trembler certaines maisons à Carouge. Je connais des gens qui en souffraient beaucoup. Imaginez-vous: ce n'est pas amusant d'avoir à la fois le bruit, le tram, l'autoroute.
Certains veulent ce projet - pas la majorité: ce n'est pas juste une hoirie ou une personne qui s'est opposée (du reste l'hoirie ne s'oppose apparemment pas), mais de nombreux citoyens. Ces derniers ont constitué une association, et beaucoup d'autres les ont rejoints depuis.
Je vous signale, par exemple, que dans certains villages, on ne construira plus, parce qu'ils sont sous le trajet des avions, je pense à Chancy; il n'y aura plus de déclassements, il n'y aura plus de nouveaux immeubles, etc. Là-bas, c'est stoppé, mais aux pauvres gens du Grand-Saconnex, on continue à leur construire tout un projet, juste à côté de l'aéroport, de l'autoroute, de tout ça. Ça nous attriste énormément !
Maintenant, c'est clair qu'à Genève, il faut loger les gens. J'ai envie de paraphraser les Verts qui disent que les parkings souterrains sont des aspirateurs à voitures, mais quand on se met à déclasser, à construire beaucoup, les nouveaux immeubles sont aussi des aspirateurs pour une population qui n'a pas forcément quelque chose à faire là. Voilà.
Je voudrais dire que le MCG votera quand même ce projet, parce qu'au nom du logement, il ne serait politiquement pas cohérent de dire non, mais pour tout le reste, nous pensons que ce sera l'enfer. Merci !
La présidente. Je vous remercie. Je donne la parole au rapporteur de minorité, M. Stéphane Florey, pour deux minutes.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Je vous remercie, Madame la présidente. En vous écoutant, Mesdames et Messieurs les députés, je me demandais quand la phrase «le déclassement correspond au plan directeur cantonal» allait arriver. Mme Grecuccio l'a prononcée. A partir de là, pour la majorité, même quand le département vient en commission, la messe est dite. Ça correspond au plan directeur cantonal, vous n'avez plus rien à dire ! Fini la campagne, allez, on passe au suivant ! Voilà la réalité actuelle. Mais c'est juste malheureux !
C'est un projet mal foutu, mal ficelé. On en a la preuve, on le sait, on l'a dit; même l'article, que je vous invite à lire, le démontre clairement, puisque, encore une fois, on ne sait pas vraiment à quoi va servir ce déclassement.
Le deuxième point qui me fait sourire dans ce débat, ce sont les déclarations des Verts. Je me souviens très bien d'un ancien député, M. Rochat pour le citer; dans le cadre des déclassements refusés par une très large majorité de la population, il disait: «Nous, les Verts, voterons systématiquement les déclassements en bordure de l'aéroport», pour la simple et bonne raison (ça, ils l'ont bien compris) que plus il y aura de densification, plus il y aura de logements en bordure de l'aéroport, plus il y aura de plaintes et plus cela leur donnera d'arguments pour réduire fortement l'activité de l'aéroport ou le fermer. Voilà la réalité.
Quant à nous, nous nous réjouissons de voir si les opposants lanceront ou non un référendum. Pour notre part, nous ne le lancerons pas directement, mais nous nous y associerons volontiers, le cas échéant, et nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Quelques mots, Mesdames et Messieurs les députés, pour vous faire savoir que le Conseil d'Etat rejoint très largement, voire totalement, les conclusions de la rapporteure de majorité, Mme Monbaron. Je tiens à vous dire aussi que, comme souvent avec les projets urbains, ils prennent le temps d'arriver à maturité, et c'est ce qui s'est passé pour ce projet, qui avait fait l'objet d'une première consultation dans la commune. Il a fallu remettre l'ouvrage sur le métier, parce que toute une série de remarques émises par les habitants, par les riverains, ont semblé pertinentes à plus d'un titre aux autorités tant cantonales que communales - tenir compte des habitants, ce n'est peut-être pas la vocation politique du Centre, mais c'est celle du Conseil d'Etat.
Tout d'abord, il s'agissait d'avoir un espace public plus large. Ce parc agro-urbain, comme on l'appelle, c'est avant tout un parc public; il y aura une ferme, un endroit où l'on pourra mettre les animaux, où les enfants pourront aller cultiver les potagers et avoir ce contact. Il ne s'agit pas d'agriculture, il s'agit d'un parc public dans lequel on a une activité de proximité. Je pense que les gens qui ont lu le dossier l'ont compris.
L'autre aspect important, c'était la nécessité de travailler sur la question du bruit. C'est fondamental, compte tenu du positionnement de ce site. Mesdames et Messieurs les députés, entre-temps, et c'est aussi pourquoi le projet a nécessité d'être revu, Berne a enfin déterminé ces courbes de bruit applicables. Autant, il y a quelques années, deux courbes de bruit - à savoir VLI DS III et VLI DS II, pour les initiés - coupaient ce périmètre en trois zones, autant avec la nouvelle courbe de bruit, c'est très clair: d'un côté, on peut construire du logement, car le bruit est tout à fait admissible, mais de l'autre, on ne peut pas. On y a du reste placé des immeubles d'activités qui auront l'avantage de faire office de boucliers sonores pour protéger la partie habitée.
En outre, nous avons également travaillé sur la question de la pleine terre, qui amortit beaucoup le bruit, à la place d'un revêtement minéral, ainsi que sur le choix des matériaux. En fonction du choix du matériau, le bruit est amorti. Le résultat est que les gens qui vont habiter dans ces immeubles seront bien mieux protégés du bruit que beaucoup d'habitants de la Ville de Genève qui habitent le long des axes de transport motorisé qui dépassent les normes fédérales. Il y aura moins de bruit là que dans beaucoup d'endroits sur lesquels on peine à trouver des majorités pour apaiser le trafic en vue de respecter les normes de bruit fédérales. J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous en preniez conscience, car on devient plus royaliste que le roi et on veut des protections contre le bruit qui vont au-delà du droit fédéral dans le cas de nouveaux quartiers, mais quand on parle des habitants des axes motorisés des zones urbaines, il n'y a pas de problème, on peut violer le droit fédéral sans aucun souci s'il s'agit de laisser le libre choix des modes de transport. Cette incohérence se retrouve dans les propos de certains députés qui se sont exprimés ce soir.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, cette nouvelle configuration de l'aménagement urbain permettra l'avènement de plusieurs infrastructures publiques, notamment un EMS. Elle permettra également de planter plus d'arbres et donc d'augmenter la canopée, qui est aujourd'hui de 10% sur cette parcelle industrielle et passera à 30%. Dans le projet d'il y a quelques années, dont on a parlé, elle n'était qu'à 20%. Aujourd'hui, à la demande des habitants de la commune, nous la portons à 30%.
Il y a donc eu une vraie amélioration. Ce projet a pris deux ans de plus, mais cela en valait la peine; il a été amélioré et il est véritablement de meilleure qualité. Voilà pourquoi la commune le soutient, voilà pourquoi, lors de la présentation publique, il n'y a plus vraiment eu d'opposition des riverains; certains se sont opposés par principe, mais d'oppositions frontales, on n'en a plus entendu. Aujourd'hui, nous pouvons avancer sereinement sur ce déclassement. Je vous remercie de voter ce texte. Merci beaucoup de votre attention.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12615 est adopté en premier débat par 80 oui contre 11 non et 1 abstention.
Le projet de loi 12615 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12615 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 80 oui contre 11 non et 1 abstention (vote nominal).