Séance du jeudi 25 janvier 2024 à 20h30
3e législature - 1re année - 8e session - 48e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Nathalie Fontanet, Carole-Anne Kast et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Vincent Canonica, Virna Conti, Patrick Dimier, Angèle-Marie Habiyakare, Philippe Morel, Pierre Nicollier, Jean-Pierre Pasquier, Charles Poncet, Caroline Renold, Skender Salihi, Léna Strasser, Vincent Subilia, Francisco Taboada et Louise Trottet, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Oriana Brücker, Rémy Burri, Monika Ducret, Gabrielle Le Goff, Patrick Lussi, Philippe Meyer, Daniel Noël, Charles Selleger, Christian Steiner et Nicole Valiquer Grecuccio.

Annonces et dépôts

Néant.

E 3044-A
Prestation de serment de Lorenzo FREI, élu procureur

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'un procureur. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Le procureur entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)

Monsieur, vous êtes appelé à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;

- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

A prêté serment: M. Lorenzo Frei.

La présidente. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

E 3018-A
Prestation de serment de Laetitia MEIER DROZ, élue juge au Tribunal administratif de première instance, à demi-charge
E 3045-A
Prestation de serment de Camille-Lucie MAULINI, élue juge suppléante au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant
E 3046-A
Prestation de serment de Federico ABRAR, élu juge assesseur au Tribunal administratif de première instance, spécialisé dans les affaires fiscales pour statuer en matière fiscale (pris en dehors de l'administration)
E 2982-A
Prestation de serment de Karine LEMPEN, élue présidente suppléante de la Chambre des relations collectives de travail

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Laetitia Meier Droz, Mme Camille-Lucie Maulini, M. Federico Abrar et Mme Karine Lempen.

La présidente. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

IN 192-B
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 192 « Initiative piétonne : pour un canton qui marche »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 25, 26 janvier, 1er et 2 février 2024.
Rapport de majorité de M. Murat-Julian Alder (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Marjorie de Chastonay (Ve)
Rapport de deuxième minorité de Mme Caroline Marti (S)

Débat

La présidente. Nous commençons le traitement des points fixes avec l'IN 192-B. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Alder, vous avez la parole.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'initiative populaire dont nous sommes saisis poursuit un objectif parfaitement légitime et louable, du moins en apparence, parce qu'à y voir de plus près, on se rend compte qu'il s'agit du énième joujou des Verts pour rendre la vie impossible aux voitures et aux deux-roues motorisés.

Il faut bien voir que Genève est déjà la championne de Suisse de la mobilité piétonne. Par conséquent, à quoi sert cette initiative ? La majorité de la commission n'en a vu ni l'adéquation, ni la nécessité, et a donc refusé de soutenir ce texte. Celui-ci a un autre défaut, c'est qu'il prévoit une dépense obligatoire de 40 millions de francs par année, dont la moitié devrait financer des infrastructures piétonnes, mais on ne nous dit pas lesquelles, on ne nous décrit pas les besoins, on ne nous dit pas où, quand, ni comment ! On nous explique que l'autre moitié sera investie dans la mobilité douce. Alors qu'est-ce que ça veut dire ? Bonne question ! Pour ma part, j'ai cru comprendre que marcher faisait partie de la mobilité douce. C'est ce mécanisme ayant pour effet de créer une dépense obligatoire de 40 millions de francs par année que la majorité a aussi souhaité combattre.

Cela étant dit, il ressort des auditions que nous avons conduites, en particulier celle de différentes associations qui défendent les personnes souffrant d'un handicap, que Genève peut faire mieux dans le domaine de l'accessibilité au public des infrastructures, surtout pour les personnes à mobilité réduite, autrement dit pour les personnes âgées ou pour celles qui se déplacent en fauteuil roulant.

C'est soucieux de nous concentrer sur ces personnes-là, qui ont un réel besoin d'amélioration de leur situation, que la commission, dans sa majorité, vous propose de rejeter l'initiative populaire tout en lui opposant, sur le principe, un contreprojet, destiné en priorité aux personnes à mobilité réduite. Merci de votre attention.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les principes de cette initiative sont simples, ils partent du constat que la marche est le premier mode de déplacement dans notre canton. Environ 39% - presque 40% - des personnes qui vivent à Genève utilisent la marche comme moyen de transport. Pourtant, les infrastructures et les aménagements qui lui sont dédiés sont lacunaires et peu adaptés, voire dangereux. Dès lors, l'initiative souhaite renforcer la continuité des infrastructures piétonnes et assurer l'accessibilité universelle - je me permettrai une petite parenthèse pour expliquer que l'accessibilité universelle signifie l'inclusion de toutes et tous, y compris des personnes en situation de handicap: elles ne souffrent pas de handicap, mais sont en situation de handicap, situation notamment liée aux obstacles qu'elles subissent à cause du manque d'aménagements piétons.

Cette initiative vise aussi l'amélioration et l'accès aux principales interfaces des transports publics. Elle entend aussi séparer clairement les flux des piétons et des cyclistes puisque, comme on le voit de plus en plus, des conflits sont présents entre ces différents modes de transport.

Cette initiative gravite autour de trois lois fondamentales relatives à la mobilité, mais elle ne touche pas seulement ce domaine; elle concerne aussi notre environnement. A l'heure de l'urgence climatique, votée par ce plénum, la marche est un déplacement 100% sans émissions de gaz à effet de serre. En plus, elle n'émet aucune nuisance sonore. La marche a aussi des effets bénéfiques pour la santé. Enfin, les conditions d'accessibilité universelle, si elles sont garanties - et ce n'est pas le cas actuellement -, font de la marche le moyen de déplacement le plus inclusif puisque tout le monde peut marcher ou se déplacer avec des aménagements sécurisés, qu'il s'agisse des personnes en situation de handicap, des familles, des personnes vieillissantes ou de n'importe quel piéton ou piétonne.

J'ajoute que marcher comporte de nombreux bénéfices externes: marcher rapporte de l'argent à la collectivité vu que ça n'émet pas toutes ces nuisances, et c'est particulièrement efficient en milieu dense, comme à Genève. Il s'agit d'un moyen de transport qui nécessite des infrastructures, raison pour laquelle ces 40 millions sont inscrits dans l'initiative. Sur ce montant total, 20 millions seraient justement dédiés à ces infrastructures. La marche renforce l'attractivité commerciale et le côté agréable des milieux urbains.

La marche n'a que des qualités, c'est pourquoi 7500 personnes, quand même, ont soutenu cette initiative, soit 2000 de plus que nécessaire. Ce texte est soutenu par le Conseil d'Etat, par l'ACG et par la quasi-unanimité des auditionnés reçus par la commission des transports. Pour toutes ces raisons, je vous recommande vivement d'accepter cette initiative, de refuser le contreprojet, et je reviendrai pour contredire tous les arguments absolument fallacieux de la droite élargie invoqués tout à l'heure, qui ne sont que des prétextes pour refuser ce texte ! Merci.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité a planté le décor dès les premiers mots en indiquant que cette initiative serait inutile parce que Genève est un canton où la part modale de la marche à pied est déjà très importante en comparaison intercantonale. Il a raison sur les faits et sur les chiffres, il se trompe en revanche sur l'interprétation de ceux-ci. C'est vrai, Genève est déjà un canton qui marche beaucoup en comparaison intercantonale: trente minutes en moyenne par jour et par personne; 1,7 kilomètre de marche à pied par jour et par personne; une part modale de la marche qui atteint 40% - Mme de Chastonay l'a rappelé -, mais surtout qui est en très grande, très forte progression. Il s'agit en effet de la plus grande progression de ces vingt dernières années.

Il faut évidemment s'en réjouir, mais aussi en prendre acte et adapter l'aménagement urbain, en particulier l'espace de voirie, pour tenir compte tout simplement de cette nouvelle réalité. Parce qu'aujourd'hui, les piétons ont beau représenter 40% de part modale des déplacements, ils se retrouvent retranchés sur une portion congrue de la voirie, lancés dans ce qui s'apparente plus à un gymkhana qu'à un déplacement paisible, en se frayant un chemin sur des trottoirs étroits, discontinus, assourdis par le bruit des voitures, à respirer des gaz d'échappement - vous conviendrez qu'on peut trouver plus agréable comme moyen de déplacement. L'objectif de cette initiative est, en premier lieu, de redonner plus d'espace aux piétons dans une logique de meilleure justice spatiale.

Le deuxième point, c'est que même si Genève fait figure de bon élève pour la pratique de la marche à pied, la marge de progression est encore énorme puisque notre canton - Mme de Chastonay l'a également rappelé - se prête particulièrement bien à la marche à pied: il y a peu de dénivelés, c'est un canton urbain, particulièrement dense, l'un des plus denses de Suisse, et, en moins de trente minutes, on peut très aisément traverser une grande partie du centre-ville de Genève. Par ailleurs, la marche à pied représente une véritable solution à toute une série de problèmes, de défis et de nuisances engendrés par les autres modes de déplacement: d'abord, c'est neutre en CO2, ensuite ça n'émet aucune pollution atmosphérique, ça améliore donc la qualité de l'air dans notre canton; pas de pollution sonore non plus, ce qui a évidemment un très net avantage sur la santé, et puis c'est un mode de déplacement qui est très peu gourmand en espace.

Aujourd'hui, on sait que le réseau routier est saturé et qu'on ne peut pas l'élargir, évidemment en raison des bâtiments. Par conséquent, si on veut améliorer la fluidité des autres modes de transport, il faut favoriser les modes de déplacement qui sont moins gourmands en espace, en l'occurrence la marche à pied.

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Caroline Marti. Je tiens également à rappeler que la marche à pied présente d'énormes bénéfices pour la santé publique: ça permet de rompre la sédentarité, de prévenir toute une série de maladies cardiovasculaires, diabètes, cancers, etc., ça permet d'améliorer la durée mais aussi la qualité de vie, et évidemment de faire baisser les coûts de la santé.

Tout cela pour vous indiquer que favoriser, promouvoir la marche à pied a un intérêt public évident. Nous devons donc encourager ce mode de déplacement. Pour cela, on doit améliorer les aménagements piétons. Aujourd'hui, il y a beaucoup trop de personnes - d'ailleurs j'en fais partie - qui pourraient très bien se déplacer à pied, mais qui ont tendance à sauter dans un bus ou dans une voiture pour faire quelques centaines de mètres. Aujourd'hui, pour que le canton de Genève développe véritablement la pratique de la marche à pied, on doit améliorer les aménagements piétons et les zones piétonnes, dynamiser le centre-ville - et l'attrait touristique par la même occasion.

Plutôt que de se gargariser en disant qu'on est les meilleurs de Suisse en matière de marche à pied, il vaudrait mieux peut-être se tourner un peu plus vers l'international, notamment vers la ville de Bruxelles, qui très récemment a complètement piétonnisé une immense partie de son centre-ville, et se demander, en prenant Bruxelles comme exemple, comment il serait possible ici de faire mieux, la première étape étant d'accepter cette initiative et de rejeter un éventuel contreprojet.

M. Jacques Jeannerat (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, au mois de septembre, quand j'ai reçu la convocation de la commission des transports et qu'il y avait au point 2 ou 3 de l'ordre du jour - je ne sais plus - un objet qui s'appelait «Initiative piétonne: pour un canton qui marche», j'ai trouvé ça sympa, je me suis dit «tiens, c'est original», moi qui marche beaucoup, je pensais que c'était une bonne idée. C'est une bonne idée, a priori !

Les auditions ont été très intéressantes, la première nous a effectivement montré - ça a déjà été dit par les préopinants - que l'agglomération genevoise est, en Helvétie, celle où l'on marche le plus: près de 40% ! Magnifique ! Mais le mieux est souvent l'ennemi du bien, et je pense que cette initiative - comme l'a dit le rapporteur de majorité - est quasiment inutile. Sur le fond - je prends un exemple -, on veut améliorer la fluidité des possibilités de se déplacer pour les piétons; ces derniers ne marchent pas seulement le long des rues, parfois ils doivent les traverser, et l'initiative invite à ce que les temps de feu vert pour les piétons soient plus longs, de façon qu'il y ait une fluidité continue: c'est sympa, mais ça se fera au détriment des autres moyens de transport, notamment de la mobilité douce via les bus ainsi que les vélos.

Vous vous rappelez peut-être que lors de la session du mois d'octobre, un de nos collègues des Verts - mais je ne sais plus exactement qui avait fait cette démonstration - nous expliquait que pour traverser le pont du Mont-Blanc en respectant les feux des vélos, il fallait sept à huit minutes. Mesdames et Messieurs, si cette initiative passe, le même cycliste mettra dix ou douze minutes, s'il respecte les feux, parce qu'ils seront verts plus longtemps pour les piétons, mais plus courts pour les autres modes de transport. Il s'agit donc bien d'avoir un équilibre dans la fluidité entre les piétons, les vélos, les bus - les bus, s'ils doivent s'arrêter plus longtemps parce que le feu vert est plus long pour les piétons... Déjà qu'on a une des pires vitesses commerciales de Suisse, cela aggravera encore la situation pour les bus.

Le bon sens commande de rejeter cette initiative. Elle demande aussi de poser des trottoirs dans toutes les localités du canton. Il y a de petits villages, des hameaux où un seul trottoir d'un côté de la route suffit, il ne faut pas exagérer, c'est une question d'équilibre.

Le groupe LJS recommande le non à cette initiative, et - comme l'a dit le rapporteur de majorité - nous sommes favorables au principe d'un contreprojet, qui devrait être axé sur les besoins spécifiques des personnes à mobilité réduite. Nous avons eu à ce propos des auditions très intéressantes: des images nous ont démontré que certaines rues pavées sont mal réalisées pour les personnes à mobilité réduite. Il y a vraiment des choses à faire. Je pense que c'est dans ce sens-là que devrait être axé le contreprojet. Merci pour votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). La question qu'on doit se poser, finalement, c'est: «Doit-on améliorer les aménagements piétons ?» La réponse est clairement non, on n'en a absolument pas besoin ! La deuxième question, c'est: «Doit-on être attentif à une catégorie de personnes, à savoir les personnes à mobilité réduite ?» La réponse est oui. Quand on voit qu'aujourd'hui, on n'est pas capable de réaménager des routes avec des passages piétons sans laisser un rebord montant jusqu'à 3 centimètres... Ça, c'est la réalité - vous pouvez me regarder, Monsieur Maudet ! Si vous allez à l'avenue du Curé-Baud, qui est flambant neuve, vous remarquerez qu'à chaque aménagement de passage piéton, vous vous retrouvez avec une bordure montant jusqu'à 3 centimètres, ce qui est fortement dommageable pour les personnes devant se déplacer avec soit une chaise roulante soit un déambulateur. Voilà la première réflexion que la commission a menée. Si le principe du contreprojet est adopté, nous irions vers une amélioration concernant les personnes à mobilité réduite, tout en abandonnant le superflu demandé par cette initiative.

Finalement, on est aussi en présence d'une guerre des chiffres. On nous parle de 39% de part modale: encore aujourd'hui, je vous le dis très franchement, pour moi, ça ne veut absolument rien dire; si on se reporte par contre à une étude au niveau national, on constate que la marche à pied, les déplacements piétons ne représentent que 5% des déplacements totaux. Là, selon moi, on est clairement dans le concret avec un chiffre qui parle. Les 39%, encore une fois, ne veulent absolument rien dire !

On le sait par expérience, toutes ces initiatives qui demandent des délais et des montants ne fonctionnent pas, ça crée plus de blocages qu'autre chose. C'est pour toutes ces raisons que nous rejetons l'initiative et vous recommandons de voter le contreprojet. Je remercie au passage le rapporteur de majorité d'avoir déposé son rapport dans les délais, qui étaient, ma foi, relativement courts.

M. Cédric Jeanneret (Ve). J'ai rendu visite hier à l'hôpital à une voisine qui vient de fêter ses 80 ans et qui a fait un petit AVC; elle va bien. Je peux vous dire que dans le service de cardiologie, il y a de grands panneaux qui recommandent vivement la pratique de la marche à pied. En sortant de l'hôpital, j'ai passé plusieurs minutes à méditer ces sages préceptes, regardant les voitures circuler, en attendant que le feu piéton passe au vert, jusqu'à ce qu'une personne qui attendait aussi appuie sur le bouton, car oui, qu'il pleuve ou qu'il vente, ce sont les véhicules motorisés, avec ou sans feux bleus, qui sont prioritaires devant un lieu aussi fréquenté que l'hôpital.

Sans aller jusqu'à demander que ce soient les voitures qui doivent appuyer sur un bouton pour couper les flots de piétons, les Vertes et les Verts proposent une nouvelle hiérarchisation des moyens de transport, favorisant une mobilité propre, silencieuse et excellente pour la santé.

Mesdames et Messieurs, 30% des distances parcourues en voiture sont de 3 kilomètres ou moins. On pourrait facilement marcher à la place, de manière à pouvoir faire transiter le plus de monde dans le moins d'espace possible. Un déplacement à pied requiert 37 fois moins de place qu'un déplacement en voiture.

Si on arrive à développer des axes piétons conviviaux, continus, directs, confortables et sécurisés, comme le demande notre initiative, on peut espérer qu'une partie des automobilistes qui ont pris l'habitude de parcourir moins de 3 kilomètres puissent enfin sortir de tôle - si j'ose dire -, libérer de l'espace et ainsi lutter contre les bouchons, qui font enrager les professionnels qui ont besoin de véhicules motorisés. La plus grosse entrave aux voitures en ville, Mesdames et Messieurs, c'est les voitures ! On le sait, pour tous les modes de transport, c'est la qualité de l'offre qui permet de faire la différence, et quand on voit des magistrales piétonnes - comme celles de Bruxelles, qui ont déjà été mentionnées, ou celles d'autres villes en France - qui constituent des espaces de rencontre, de shopping, de détente, ça fait rêver !

Concernant la situation en campagne, je vous ai envoyé une photo, celle du chemin des écoliers à Choulex. Ce dernier est plutôt mal en point, on doit se frayer un passage parmi les voitures. Donc oui, à la campagne aussi, on a besoin de trottoirs pour se déplacer en sécurité.

Cette initiative propose de corriger une inégalité de traitement, qui prive les utilisateurs principaux de la voirie d'une vraie stratégie de mobilité. L'accepter, c'est donner une impulsion en faveur du moyen de transport qui le meilleur pour la santé, le plus silencieux, le plus sûr. Je vous recommande de marcher d'un bon pas pour cette initiative sans vous encoubler dans un contreprojet. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Souheil Sayegh (LC). Après les débats sur la fonction publique, quoi de mieux qu'un débat sur la mobilité pour nous maintenir éveillés ! Nous avons été élus pour simplifier la vie des habitants de notre canton, non pas pour la compliquer par la mise en oeuvre d'une usine à gaz - on l'espère, sans effet de serre !

En commission, nous avons appris que la marche est le principal moyen de déplacement des Genevois, puisque près de 40% de nos déplacements se font ainsi. Nous sommes les champions suisses de cette mobilité - on l'a entendu. Pour preuve, on ne peut aller du parking Saint-Antoine à l'Hôtel de Ville qu'en marchant.

Ce texte est difficilement applicable: je vous laisse imaginer, l'initiative ne demande ni plus ni moins que dans un périmètre de 500 mètres autour des «centralités et gares», le trafic automobile soit limité.

La marche est d'une utilité indéniable, elle offre de nombreux avantages pour la santé, la qualité de vie et le bien-être - on pourrait en débattre davantage en privé si vous le souhaitez. Nous ne souhaitons pas opposer les uns aux autres, les marcheurs aux utilisateurs d'autres modes de transport. La sécurité des déplacements doit rester la priorité dans notre réflexion et nous ne devons pas rejeter la culpabilité sur les véhicules. Tout le monde ne peut pas marcher ou faire du vélo - il faut une fois pour toutes bien l'entendre -, et avec le vieillissement de la population, ça ne va vraiment pas aller tout seul, je vous le promets. Nous n'aimons pas la culpabilisation engendrée par une initiative au nom du climat, quelle qu'elle soit. L'objectif du canton de diminuer le nombre de véhicules à l'horizon 2030 de 40% laisse augurer qu'une pacification de l'espace public se fera.

Pour la majorité de la commission, forte de la conviction que la sécurité des déplacements doit être une nécessité, sans nous opposer les uns aux autres - les marcheurs, les cyclistes, les véhicules -, le concept d'un contreprojet est apparu comme une évidence. Nous préférons le voter plutôt que de soutenir cette initiative, raison pour laquelle nous la refuserons et nous vous invitons à en faire de même. Je vous remercie.

La présidente. Merci, je passe la parole à M. Matthieu Jotterand pour deux minutes.

M. Matthieu Jotterand (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, c'est amusant, j'ai bon espoir que vous puissiez encore changer d'avis sur l'initiative piétonne puisque Le Centre a déjà changé d'avis sur le contreprojet: en commission, il était très timoré et maintenant il est complètement pour, donc peut-être qu'il finira par soutenir totalement l'initiative. Le rapporteur de majorité ayant été remercié pour la célérité de son rapport, quoiqu'il ait été assez facile à rédiger - «Restons coincés dans les bouchons !», si je le résume en une phrase -, je souhaite remercier les rapporteuses de minorité parce qu'elles ont déjà fait l'éloge des bienfaits de la marche, ce qui m'économise un peu de temps de parole.

Moi, je parlerai plutôt du coût du trafic automobile, notamment de ses répercussions négatives sur la population. Ce ne sont pas des militants gauchistes qui le disent, mais l'Office fédéral du développement territorial, qui indique que le coût du trafic individuel motorisé est de 8,5 milliards par rapport à tous les effets négatifs qu'il engendre. On ne peut donc pas juste dire: «Chouette, on est les champions et championnes du monde de la marche.» Ça ne marche pas, Mesdames et Messieurs ! On doit faire mieux, on ne peut pas juste dire qu'on a 39% de marche, alors qu'en plus, pendant tous les débats de commission, la majorité de droite a passé son temps à nous dire que c'était une fausse statistique et qu'en réalité, on marchait beaucoup moins. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ensuite, on refuse cette initiative en disant qu'on marche déjà beaucoup ! Il y a une incohérence - soit c'est moi qui suis complètement idiot, soit il y a quand même un problème politique là derrière. Le problème politique, c'est qu'une fois de plus, la majorité de droite a le nez dans le volant et n'arrive pas à voir plus loin que le bout de son capot.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Matthieu Jotterand. Le trafic automobile démesuré, qui commence presque à devenir une entorse à la constitution, parce que finalement on n'a plus vraiment le libre choix de se déplacer à pied si on doit subir un bruit infernal, ce trafic automobile excessif, des attentes longues à chaque carrefour, c'est ça le problème, Mesdames et Messieurs.

La présidente. Merci !

M. Matthieu Jotterand. Alors oui, développer les itinéraires piétons prendrait de l'espace à la voiture, mais ne tombons pas dans le panneau du contreprojet, votons l'initiative !

Mme Gabriela Sonderegger (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative populaire cantonale 192 modifiant la LMCE ainsi que d'autres lois a été refusée par la majorité de la commission des transports du Grand Conseil, à l'exception des Verts et des socialistes.

Qualifiée de manière un peu aguicheuse par ses auteurs d'«initiative piétonne», l'IN 192 propose d'alourdir inutilement les dépenses publiques d'une charge financière d'environ 40 millions par année, que rien ne justifie au vu de nos infrastructures déjà existantes.

Bien qu'aucune zone piétonne problématique au regard des législations en vigueur n'ait été clairement identifiée par les initiants, ces derniers entendent soutenir la piétonnisation à marche forcée de tout le canton, en ajoutant ici et là quelques pistes cyclables.

De plus, l'IN 192 rate totalement sa cible, en abordant la problématique des passages piétons uniquement du point de vue des citadins en bonne santé. Aucune attention ni aucune invite dans l'initiative ne porte sur les véritables problèmes liés aux passages piétons et pédestres que rencontrent pourtant les personnes en situation de handicap ainsi que les résidents des communes périphériques, qui sont bien plus exposés à des risques pour leur sécurité et leur confort dans leurs déplacements.

Etant donné l'absence de pertinence et de considération des initiants envers toutes ces personnes, le MCG refusera l'IN 192, en demandant au Conseil d'Etat de revenir avec un contreprojet qui tienne compte de ces paramètres indispensables. Mesdames et Messieurs les députés, merci pour votre attention. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. La parole est à Mme Danièle Magnin pour une minute dix-huit.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente. Je n'en ai pas cru mes oreilles lorsque j'ai entendu, tout à l'heure, M. Cédric Jeanneret parler de son passage à l'hôpital, puisque j'y étais moi-même, que nous nous y sommes croisés et salués. (Exclamations. Rires.) Moi, je n'ai pas attendu «des minutes» aux feux: j'ai eu un premier feu pour les piétons qui était vert, tout comme le suivant, et le suivant ! (Commentaires.) Je n'ai pas du tout sa vision, et je vous prie de rejeter cette initiative ! Merci. (Rires. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

La présidente. Monsieur Sayegh, vous avez la parole pour une minute. (Brouhaha.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, veuillez garder le silence.

M. Souheil Sayegh (LC). Merci, Madame la présidente. Je souhaitais rejoindre les propos de M. Jotterand, que je remercie de m'avoir rafraîchi la mémoire quant au vote du Centre en commission sur le principe d'un contreprojet. Suite à nos réflexions, nous avons décidé de nous associer à l'élaboration d'un contreprojet et d'y apporter notre patte, plutôt que d'opter pour un projet tout ficelé avec lequel nous ne serions pas forcément d'accord. C'est pour cela que nous avons préféré le contreprojet. Je vous remercie.

La présidente. Merci. Il n'y a plus de demande de parole de députés, je vais donc céder le micro au rapporteur de majorité, étant donné que les rapporteuses de minorité n'ont plus de temps à disposition. Monsieur Alder, vous avez la parole pour trois minutes trente.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. A entendre certaines interventions dans le camp de la minorité, j'ai envie de dire qu'on marche sur la tête ! Mesdames et Messieurs, contrairement à ce que nous ont dit le docteur Marti et le professeur de Chastonay... (Remarque.) La docteure et la professeure, pardon, évidemment ! ...la question n'est pas de savoir quels sont les bienfaits de la marche ni si la marche est bonne ou mauvaise pour la santé - bien évidemment que la marche est excellente pour la santé ! D'ailleurs, je ne peux qu'encourager tout un chacun à consulter son application «Forme» sur son téléphone et à vérifier qu'il ait bien fait ses 10 000 pas quotidiens en arrivant ici.

La question n'est pas là; la question que soulève cette initiative, c'est de savoir comment on envisage sa mise en oeuvre. La réalité, c'est que cette dernière impliquera nécessairement de rogner sur les surfaces qui aujourd'hui sont à disposition des transports individuels motorisés, y compris les deux-roues; on va par conséquent de nouveau grignoter de la place à celles et ceux qui n'ont malheureusement pas d'autre choix que de se déplacer en voiture, que ce soit le transport professionnel ou encore les familles recomposées par exemple: quand vous devez amener un enfant dans une école, l'autre enfant dans un centre sportif, le troisième au conservatoire, comment faites-vous quand vous n'avez pas de voiture à disposition ? Arrêtons donc de sans cesse criminaliser les personnes qui se déplacent en voiture.

J'en viens finalement au point que je voulais absolument relever: cette discussion démontre que cette initiative est un nébulogène dont l'objectif est, une fois de plus, de s'attaquer aux voitures dans notre canton. C'est pour ça qu'il faut la refuser. Néanmoins, elle a un mérite, et nous le reconnaissons très volontiers, c'est qu'elle a mis en lumière le fait que Genève a encore beaucoup à faire pour améliorer les déplacements des personnes à mobilité réduite. Ce sont ces personnes-là sur lesquelles nous voulons nous concentrer; on ne va pas nous faire croire que c'est impossible de se déplacer dans nos communes, dans notre canton, à pied ou par d'autres moyens de déplacement de mobilité douce. C'est pour cela que nous vous invitons à voter en faveur du principe d'un contreprojet, que la commission devra élaborer. Merci de votre attention.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a réservé un bon accueil à cette initiative dans son antépénultième séance de la législature précédente et, au titre de la continuité des institutions, le Conseil d'Etat continue d'accueillir favorablement ce texte.

Mais - parce qu'il y a un mais, qui est apparu dans les débats de commission -, ce texte permet d'établir quelques évidences. La première d'entre elles, c'est que oui, contrairement à ce que disait le représentant de l'UDC tout à l'heure, on peut imaginer des améliorations substantielles dans le domaine de la marche, dans le domaine des dispositifs consacrés aux piétons, pas seulement pour les personnes à mobilité réduite, mais pour les piétons en général. Il y a aujourd'hui des ruptures de flux piétons qui sont problématiques, mais il n'y a pas besoin d'une initiative pour régler cela - merci néanmoins d'avoir attiré notre attention là-dessus. Ça, c'est la première évidence.

La deuxième, et là je crois que nous sommes unanimes, c'est de constater que notre canton peut faire mieux, et c'est l'ambition de notre gouvernement pour la législature à venir, en matière de mobilité des personnes qui voient précisément leur mobilité réduite. On pense ici à des personnes qui ont besoin d'accessoires, chaises, déambulateurs, etc., mais pas seulement; notre société est une société vieillissante où les déplacements vont être un élément clé en relation avec l'isolement croissant des uns et des autres. Le fait de pouvoir sortir sur les voiries et de se sentir libre - Dieu sait si nous sommes attachés aux libertés - va être un élément déterminant pour le bien vivre ensemble.

Et puis, la troisième évidence - je suis désolé de devoir la rappeler, mais il faut quand même la souligner ici -, consiste à se demander: «Qu'est-ce qu'un piéton ?» C'est une personne qui marche pour, par exemple, aller chercher sa voiture, son scooter, pour monter dans le bus. On est tous des piétons et des piétonnes ! Vouloir ériger une catégorie de population contre une autre, la dresser contre une autre pour profiter de réquisitionner une partie de l'espace public, ça n'est pas la vision du Conseil d'Etat.

C'est là qu'on pense à cette petite phrase selon laquelle l'enfer est pavé de bonnes intentions. Cette initiative pose toute une série de principes, elle érige un certain nombre de dogmes, et on en voit assez rapidement les limites. Dès lors, le Conseil d'Etat fera sienne la position du parlement - si c'est celle-ci qui prévaut - de lancer un contreprojet, avec quand même aussi un caveat, celui de ne pas tomber dans les mêmes reproches que l'on pourrait faire à l'initiative, à savoir d'envisager des mises en oeuvre compliquées, coûteuses, même si, finalement, elles rendraient possible l'apparition d'un certain nombre de magistrales piétonnes au cours de cette législature. J'entends par là que l'initiative - c'est un des défauts qu'elle recèle - prévoit une multitude de dispositions législatives nouvelles, de modifications de la loi sur la mobilité douce, de la loi sur les routes, de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée.

L'enjeu, Mesdames et Messieurs, et vraiment le Conseil d'Etat tient à mettre un poids particulier là-dessus durant cette législature, ce n'est pas de remodifier des lois et des règlements, mais de rendre possible ce qui est nécessaire. Ce qui est nécessaire aujourd'hui, c'est une fluidité piétonne, mais pas seulement; c'est de rendre les évidences que je mentionnais tout à l'heure très concrètes, de faire en sorte qu'en des points que vous connaissez peut-être, du côté de l'hôpital, ici à Choulex, là encore dans une commune suburbaine, dans des endroits où on stationne comme piéton, où on a l'impression qu'on n'est pas vraiment incité à faire usage de la marche - marche qui, je le souligne avec ma casquette de ministre de la santé, est essentielle aussi pour l'ensemble des conditions personnelles et sanitaires -, les problèmes sautent et qu'effectivement, on fluidifie, on facilite les déplacements.

Mais pour cela, il n'y a pas besoin de modification législative, il faut un peu de bon sens, un solide consensus sur le fait que, définitivement, pour Genève, la marche est le mode de transport numéro un. Puis, il faut également se rappeler qu'on est tous à un moment ou l'autre de la journée piétons, certes, mais pas uniquement, on a la capacité d'additionner les modes de transports.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, si vous acceptez cette initiative, le Conseil d'Etat la mettra en oeuvre de bonne grâce. Si vous optez pour un contreprojet, on aura une marge de manoeuvre pour discuter en commission. Enfin, si vous en faites des choux et des pâtés, on fera quand même ce qu'on a prévu de faire, à savoir, via le plan des mobilités actives, oeuvrer pour que dans cinq ans, notre canton puisse constater que la marche a été valorisée. Je vous remercie de votre attention.

La présidente. Je vous remercie. Nous allons procéder aux votes, en commençant par celui sur l'initiative.

Mise aux voix, l'initiative 192 est refusée par 63 non contre 31 oui (vote nominal).

Vote nominal

La présidente. Je soumets à présent à vos voix le principe d'un contreprojet.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 64 oui contre 32 non (vote nominal).

Vote nominal

Le rapport IN 192-B est renvoyé à la commission des transports.

M 2834-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Stéphane Florey, Bertrand Buchs, Charles Selleger, Thomas Bläsi, Sébastien Thomas, Christo Ivanov, Eric Leyvraz, Virna Conti, André Pfeffer, Patrick Lussi, Marc Falquet : Violences faites aux femmes : sauver des vies, surveillance électronique active ! (Surveillance active électronique généralisée dans le cadre des violences faites aux femmes)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 25, 26 janvier, 1er et 2 février 2024.
Rapport de majorité de M. Sylvain Thévoz (S)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)
M 2984
Proposition de motion de Emilie Fernandez, Léo Peterschmitt, Ana Roch, Patricia Bidaux, Natacha Buffet-Desfayes, Virna Conti, Sophie Demaurex, Arber Jahija, Véronique Kämpfen, Thierry Oppikofer, André Pfeffer, Marc Saudan, Léna Strasser, Sylvain Thévoz, Celine van Till pour en finir avec les violences domestiques
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 25, 26 janvier, 1er et 2 février 2024.

Débat

La présidente. Nous abordons maintenant notre première urgence. Ce point de l'ordre du jour regroupe plusieurs propositions de motions, mais je rappelle que les M 2822, M 2837 et M 2938 ont été retirées lors de la séance de 17h. Dès lors, nous ne traitons plus que les M 2834-A et M 2984. Nous sommes en catégorie II, trente minutes.

Retrait de la proposition de motion 2822: Séance du jeudi 25 janvier 2024 à 17h

Retrait de la proposition de motion 2837: Séance du jeudi 25 janvier 2024 à 17h

Retrait de la proposition de motion 2938: Séance du jeudi 25 janvier 2024 à 17h

La présidente. Je passe la parole à M. Sylvain Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales a traité quatre propositions de motions portant sur les violences faites aux femmes, sur les violences fondées sur le genre et sur les violences domestiques. A la fin des travaux, les commissaires se sont mis d'accord à l'unanimité sur une motion de commission, et c'est celle-ci que nous vous enjoignons de soutenir. Le groupe des Verts, qui avait déposé trois de ces textes, les a retirés, et nous le remercions d'avoir contribué à ce débat, d'avoir permis qu'il se tienne, d'avoir été finalement le combustible de cette motion de commission.

Les violences faites aux femmes constituent un mal endémique, chronique. Lors de l'examen de ces objets, nous avons constaté que les dénonciations et infractions sont en hausse constante: +3% en 2022 à Genève. Je le répète: il y a un nombre toujours plus important d'infractions et de dénonciations. Il n'existe pas d'accord quant à une explication scientifique de cette augmentation; certains disent que c'est quelque part tant mieux, c'est-à-dire que les femmes osent dénoncer, vont chercher de l'aide et donc sortent du non-dit et du silence; d'autres sont plus circonspects et estiment qu'on peut aussi interpréter ces chiffres comme une croissance de la violence systémique, structurelle à l'égard des femmes.

Les quatre motions étudiées avaient toutes des mérites, mais certaines posaient des problèmes soit légaux, soit de niveau d'intention. Par souci de clarification, une motion de commission a été proposée. On peut interroger cet iceberg de la violence sexiste, c'est-à-dire que les dénonciations en hausse ne sont qu'une partie émergée tandis que la part invisibilisée est bien plus large. La commission salue le travail mené par le Conseil d'Etat, relevant qu'il s'agit d'une action efficace, efficiente, mais qu'on doit évidemment aller plus loin. Il faut d'ailleurs interpréter cette motion de commission comme une volonté de poursuivre les démarches engagées.

Un rappel: en France, en 2022, 759 femmes se sont suicidées ou ont tenté de le faire en raison du harcèlement de leur conjoint ou ex-conjoint. C'est une partie de cet iceberg caché, ce qu'on appelle les suicides forcés. Un article de loi condamne les personnes qui auraient poussé leur conjointe au suicide; à notre connaissance, une telle disposition n'existe pas en Suisse.

La motion de l'UDC sur laquelle nous allons spécifiquement discuter maintenant propose la mise en place du bracelet électronique; nous vous invitons à la rejeter. La première invite vise à créer les bases légales pour pouvoir exercer la surveillance électronique active; nous avons vu que le canton dispose de ces bases légales. La deuxième invite, quant à elle, demande au Conseil d'Etat de plaider en faveur de la surveillance active auprès du Conseil fédéral; nous avons appris que le Conseil d'Etat était prêt à commencer un test et nous avons repris cette invite dans la motion de commission.

Nous vous recommandons dès lors de refuser la motion de l'UDC et d'accepter celle de commission qui possède cinq invites claires, qui soutient, renforce et accompagne l'excellent travail entrepris par le Conseil d'Etat sur la question des violences domestiques et des violences faites aux femmes. Merci.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. La violence domestique constitue un grand problème; elle est difficile à prévenir et à détecter, et crée d'énormes traumatismes pour les victimes, les enfants et l'entourage. Personne ne sous-estime ce fléau. Lors de l'audition du Conseil d'Etat, la commission a été informée des projets en cours et surtout d'un plan d'action 2018-2023 se basant sur la prévention, la protection, la prise en charge et la coordination entre les différents cantons. A Genève, plusieurs contrats de prestations ont déjà été signés entre le Conseil d'Etat et des partenaires spécialistes de cette problématique.

S'agissant de la M 2834 traitant du bracelet électronique et déposée en 2022, les mesures proposées restent valables et nécessaires. L'instauration du bracelet électronique produit un réel effet de dissuasion. Plusieurs cantons ont déjà mis en pratique des projets pilotes. En raison de son ampleur, la violence domestique nécessite une réaction adéquate et suffisante pour être combattue. En 2022, à Zurich, onze décès ont eu lieu en lien avec de telles violences. Le nombre de victimes, connu ou non, est immense. A Genève, en octobre 2023, seule une expérience avec un bracelet électronique a été menée. Je répète: à Genève, en octobre 2023, une seule et unique expérience avec un bracelet électronique a été mise en place.

L'audition de la police genevoise a confirmé le peu, voire le manque, d'enthousiasme envers le bracelet électronique. Seul le bracelet actif permettant un suivi 24 heures sur 24 ainsi qu'une intervention immédiate revêtirait un certain intérêt, selon la police genevoise. Au-delà de ça, le moyen est jugé difficilement applicable. Le bracelet passif, permettant uniquement un traçage et un contrôle après coup, est jugé sans intérêt.

Cette position est étonnante. Le système du bracelet électronique pratiqué en Espagne a démontré son efficacité. Ce pays utilise des bracelets passifs qui peuvent tracer le détenteur dans un périmètre précis et envoyer une alerte auprès de la victime potentielle. Ce dispositif est en vigueur dans tout le pays et utilisé de manière massive. En Espagne, l'usage des bracelets électroniques passifs - je parle bien des bracelets électroniques passifs - est un énorme succès: il y a des milliers de victimes en moins et le nombre de détentions a très fortement diminué.

Le bracelet électronique représente une alternative efficace à l'incarcération pour les auteurs, surtout pour ceux qui travaillent. Souvent, ce système est également plus favorable pour la famille, les enfants et même les auteurs de violences. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'accepter la M 2834 sur la surveillance électronique et, par ailleurs, de voter la motion de commission, c'est-à-dire la M 2984, qui apporte simplement un soutien au travail que le Conseil d'Etat réalise déjà. Merci de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). Poursuivre le travail entrepris: voilà à quoi peut se résumer l'intervention du rapporteur de majorité. Au-delà de ça, Mesdames et Messieurs, votre motion de commission est creuse, il n'y a aucune réelle intention d'aller au bout des choses, c'est une simple déclaration d'intention. Eh bien franchement, travailler un peu plus de deux ans pour accoucher d'une bête motion qui ne résout quasiment rien... Je suis désolé, mais c'est une énorme déception, d'une part par rapport au texte que nous avions déposé, d'autre part pour l'ensemble de la gent féminine, qui peut se désespérer du manque d'enthousiasme et d'envie d'aller de l'avant dont a fait preuve la commission des affaires sociales dans ce dossier.

Il y a tout de même une erreur à relever au niveau des invites: pourquoi initier des projets pilotes alors qu'en fait, il faut aller de l'avant ? Parce que pendant ces deux années qui se sont écoulées et où vous avez perdu du temps, la violence à l'encontre des femmes n'a cessé d'augmenter. Vous n'avez absolument rien réglé, et la motion de commission, je suis désolé de le dire, ne va rien résoudre non plus, ou en tout cas pas grand-chose. Comme l'a indiqué le rapporteur de minorité, nous allons malgré tout soutenir - du bout des doigts - cette motion de commission, mais nous vous invitons surtout à oeuvrer plus énergiquement contre la violence faite aux femmes en adoptant la M 2834. Je vous remercie.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). Les violences domestiques sont un fléau. Les longs travaux menés par la commission des affaires sociales afin d'analyser les propositions de motions à ce sujet ont montré l'ampleur du phénomène, mais aussi les mesures prises par l'Etat et les associations actives dans ce domaine afin d'apporter le soutien nécessaire aux victimes. Je tiens d'ailleurs à les remercier vivement pour leur engagement.

La stratégie de lutte contre les violences domestiques se décline en quatre axes: premièrement, la prévention, la sensibilisation et la formation; deuxièmement, la protection des victimes; troisièmement, la prise en charge des auteurs; quatrièmement, la coordination et la collecte de données. On peut notamment souligner la sensibilisation du grand public aux violences sexuelles et domestiques ainsi qu'au cyberharcèlement sexiste.

Concrètement, voici les actions menées: campagnes «Stop violences à la maison», actions d'information et de dépistage des violences en couple avec l'association Aide aux victimes de violence en couple, conférences, tables rondes. Un numéro de téléphone est largement diffusé, je le vois chaque fois que je prends le tram et je le rappelle ici: c'est le 0840 110 110.

La police cantonale et les polices municipales suivent des formations sur les violences sexistes et domestiques, tout comme le personnel des TPG et des taxis. Des actions de prévention se font également sur le lieu de travail. Des foyers d'hébergement pour les victimes existent et une plateforme pour mieux les coordonner est en cours d'élaboration. Un suivi spécifique est mis sur pied pour les personnes recueillies ailleurs que dans des foyers.

S'agissant de la surveillance électronique active des auteurs de violence, c'est-à-dire du bracelet électronique, qui fait spécifiquement l'objet de la M 2834, des projets pilotes sont en cours et les bases légales pour la réaliser existent en suffisance. Enfin, je rappelle qu'un renforcement de l'arsenal législatif a vu le jour l'année passée, puisque nous avons voté au mois de mars la loi 12843 sur l'égalité et la lutte contre les discriminations liées au sexe et au genre.

Au terme de longs mois de travaux, les membres de la commission des affaires sociales ont été rassurés par le large éventail d'actions mises en place et la priorité avec laquelle les violences domestiques sont traitées. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Eh bien pas tout à fait, malheureusement: les violences domestiques continuent, les victimes ont toujours autant de peine à se défaire de l'emprise de leur agresseur.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a élaboré une motion de commission. Il s'agit de souligner l'importance de ce sujet en demandant au Conseil d'Etat de poursuivre activement le travail déjà largement entrepris. Mesdames et Messieurs, le groupe PLR vous demande d'accepter la M 2984 et de refuser la M 2834, puisque le nécessaire est déjà en cours. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)

Mme Emilie Fernandez (Ve). La M 2984 «pour en finir avec les violences domestiques» aborde un grave problème de société. Les chiffres sont terrifiants: en 2020, dans notre canton, 1881 infractions au code pénal pour violences domestiques ont été recensées tandis que 157 viols et contraintes sexuelles sur des femmes, y compris sur des mineures, ont été rapportés. En 2022, 81% des victimes majeures de violences domestiques prises en charge par le réseau genevois étaient des femmes; s'agissant des violences sexuelles, 88% des victimes majeures et 82% des victimes mineures étaient des femmes.

Au niveau mondial, ce sont 81 000 femmes et filles qui ont été tuées en 2020, dont environ 47 000 dans un cadre intime et familial; cela correspond à un féminicide toutes les onze minutes en moyenne. Ces chiffres ahurissants sont certainement incomplets, car ils ne tiennent pas compte des nombreuses victimes qui n'osent pas, pour diverses raisons, dénoncer leur agresseur.

Je remercie chaleureusement Marta Macchiavelli et Dilara Bayrak, autrices des motions Vertes, qui ont soulevé ce sujet primordial et permis à la commission de mener un long travail d'état des lieux et de bilan. Cette étude a mis en avant le rôle prépondérant du réseau associatif, qui est un relais essentiel de l'Etat dans la prise en charge des victimes, des auteurs et dans la lutte contre les violences. Il faut saluer ici l'immense engagement des associations AVVEC, F-information, SOS Femmes, Viol-Secours, VIRES, Face à Face, centre LAVI, foyer Arabelle, Aux 6 logis, ou encore Violence que faire - j'en oublie certainement.

Le BPEV a présenté un plan d'action ambitieux, ce dont nous nous félicitons, mais chaque victime est une victime de trop. Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet l'a elle-même rappelé dans le cadre d'un sujet sur les féminicides en juin dernier: «Nous devons renforcer l'action de l'Etat pour mieux combattre les violences faites aux femmes.» C'est précisément l'objectif de la présente motion, qui demande au Conseil d'Etat de faire de cette thématique une priorité et de s'engager vaillamment dans ce combat en suivant les cinq invites qui vous ont été présentées. J'insiste en particulier sur l'exigence d'une implication coordonnée de tous les services de l'Etat et du réseau associatif, auxquels il s'agit de fournir des moyens en allouant les budgets.

Je conclurai en relevant que ce fut pour moi une belle expérience, dans le cadre de mes débuts dans un Grand Conseil généralement très divisé, de trouver au sein de la commission une volonté commune de se rassembler et de porter ensemble ce message: donnons-nous vraiment les moyens d'en finir avec les violences domestiques ! (Applaudissements.)

Mme Sophie Demaurex (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, l'origine des violences domestiques et leur persistance peuvent être longuement débattues. Quoi qu'il en soit, ces violences ne sont ni une fatalité ni le fait d'une prétendue nature masculine. Il faut le rappeler, même si cela a déjà été évoqué à plusieurs reprises: au niveau mondial, une femme sur trois subit des violences physiques ou sexuelles dans le cadre d'une relation intime. Et comme l'a signalé ma préopinante, toutes les onze minutes, un féminicide est à déplorer.

Et en Suisse ? Malgré les mesures déjà mises en place, vingt féminicides par an sont commis en moyenne, sans pour autant que les chiffres diminuent d'année en année; 70% des victimes de violences domestiques sont des femmes et des filles. A Genève, plus de 80% des victimes prises en charge par le réseau genevois sont des femmes.

A eux seuls, les considérants de la motion de commission suffisent pour soutenir ce texte, qui invite le Conseil d'Etat à poursuivre plus qu'activement de véritables actions ambitieuses et coordonnées par tous les services de l'Etat et par le réseau associatif, à renforcer et à faire évoluer les campagnes de prévention et de sensibilisation - manifestement, ce fléau augmente chez les jeunes, il faudra observer les types de populations pour adapter la prévention - et à obtenir des indicateurs qui sont actuellement manquants et pourtant indispensables afin d'évaluer les mesures mises en place ainsi que les projets pilotes tels que le bracelet électronique. Ainsi, la M 2834 de l'UDC n'est pas nécessaire, la motion de commission se suffit à elle-même.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la commission des affaires sociales compte sur votre soutien pour faire de cette problématique une véritable priorité de notre hémicycle, parce que la violence est inacceptable. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les membres du parlement, la violence domestique et les féminicides constituent des crimes qui ne devraient plus avoir lieu en 2024. Pourtant, les dénonciations sont en hausse. C'est la raison pour laquelle la commission a travaillé avec engagement sur ces propositions de motions afin de ne pas laisser sans voix ce thème dramatique; elle s'est accordée sur une motion de commission qui n'est pas un coussin mou, mais demande un plan d'action ambitieux et une coordination entre les services. On le voit, le plus grand frein à l'action de l'Etat est souvent le fonctionnement en silo, et ce texte relève qu'il est nécessaire d'y travailler.

Aujourd'hui, le constat est clair: une violence sur deux commise dans le canton est d'ordre domestique. Si ces actes sont plus nombreux envers les femmes, il n'en demeure pas moins que la problématique concerne l'ensemble de la population. Le Conseil d'Etat a pris le sujet à bras-le-corps... Et voilà que mon PC ne veut pas faire ce que je lui demande ! (Un instant s'écoule.) Le Conseil d'Etat a pris le sujet à bras-le-corps via le bureau de l'égalité et a mis en place un plan de lutte contre les violences domestiques: campagnes dans les bus, mais aussi auprès des employeurs, qui ont pu transmettre des dépistages à leurs collaborateurs, et j'en passe.

Il faut souligner ici - cela a déjà été fait - l'excellent travail des associations mobilisées qui, dans le cadre scolaire, oeuvrent entre autres sur le plan de la prévention. Je me permets d'en mentionner une. Lisez le rapport annuel 2023 de l'association AVVEC, qui est déjà consultable sur le site, on y trouve de nombreuses informations chiffrées: des actions de dépistage ont été menées, 24 000 dépliants distribués et, concernant la prévention, 3300 élèves du secondaire II ont bénéficié de leurs talents. Pourquoi si jeunes, même si cela a aussi été indiqué ? Parce que selon une étude de 2018, 60% des jeunes en couple âgés de 15 et 16 ans se disent victimes de violences ou d'abus de la part de leur partenaire.

Osons également parler des auteurs, quel que soit leur genre - on relève cependant qu'il s'agit le plus souvent d'hommes. L'association VIRES, par exemple, travaille avec les auteurs dans le cadre des entretiens obligatoires en cas de violences domestiques avérées; elle participe aussi à des actions de prévention en milieu scolaire.

Concernant la surveillance électronique réclamée par la motion 2834, il a été signalé à la commission que la loi fédérale est en vigueur aujourd'hui. Mesdames et Messieurs, cette thématique mérite que notre parlement se positionne fortement en la matière. Le Centre vous invite à refuser la M 2834 et à accepter, à une large majorité, voire à l'unanimité, la M 2984 telle que sortie de commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Ana Roch (MCG). Les chiffres ont été cités par mes préopinants et je les en remercie. Je ne vais pas faire très long. Il s'agit d'une thématique extrêmement grave et importante, que ces propositions de motions ont eu le mérite de mettre en lumière. Nous avons eu la chance d'entendre toutes les associations oeuvrant pour réduire ces crimes qui, aujourd'hui, déshonorent notre canton et notre pays.

Nous avons réussi, au sein de la commission et grâce à ces auditions, à trouver un consensus autour d'une motion de commission qui, en effet, demande que le Conseil d'Etat poursuive son travail de prévention afin de réduire, voire de faire disparaître, les violences domestiques. Par expérience personnelle, je sais qu'il faut continuer la prévention et surtout la diffusion du travail de l'ensemble des acteurs; aujourd'hui encore, de trop nombreuses personnes subissant des violences domestiques ne savent pas où aller, comment trouver l'information, n'osent pas poser de questions.

Avec cet objet, Mesdames et Messieurs, nous arriverons à mettre le sujet en exergue, et j'espère que nous serons entendus plus loin que ce parlement. Je vous remercie d'accepter la motion de commission et de refuser celle de l'UDC.

La présidente. Je vous remercie. Il n'y a plus de demande de parole dans la salle. Monsieur Pfeffer, je suis navrée, mais vous n'avez plus de temps. La parole va à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, au nom du Conseil d'Etat, je me réjouis que votre parlement ait décidé de se saisir de la question des violences domestiques. Il s'agit d'une problématique essentielle qui ne touche pas seulement les victimes directes de violences (femmes et hommes), mais l'ensemble des familles, notamment les enfants. Aujourd'hui, ces violences sont inacceptables.

Comme nous l'avons démontré lorsque nous avons été reçus par la commission qui a examiné ces quatre textes, puis la motion de commission, le Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences (BPEV) n'est pas inactif en la matière. Le Conseil d'Etat a placé la lutte contre les violences domestiques en priorité dans le cadre de son programme de législature. Quel travail le Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences a-t-il déjà mené ? Qu'entend-il entreprendre durant cette législature ?

Tout d'abord, il y a le renforcement de la prévention, en particulier dans le milieu scolaire. Pourquoi si tôt ? Parce que, Mesdames et Messieurs les députés, si un enfant vit et se construit dans la violence, il y a malheureusement de forts risques pour qu'il devienne lui-même violent plus tard. Il convient dès lors de sensibiliser les élèves à ce sujet dès le plus jeune âge, de leur expliquer que la violence ne constitue pas un comportement admissible. Cette consolidation se fera naturellement en collaboration avec le département de l'instruction publique; nous répondons ainsi à votre souhait que la lutte contre les violences domestiques ne soit pas menée en silo, par un seul département.

Par ailleurs, en coopération avec le département des institutions et du numérique, nous développons un projet pilote de surveillance électronique active (bracelet électronique); il sera porté par ma collègue Carole-Anne Kast et s'inscrit dans le cadre de la motion UDC qui n'a pas été retirée. Le Conseil d'Etat a en effet la volonté de tester ce mécanisme, qui a remporté un grand succès en Espagne.

Nous procédons également à une évaluation du dispositif de prise en charge des auteurs, Mesdames et Messieurs, parce qu'il s'agira vraisemblablement de renforcer celui-ci. Aujourd'hui, un entretien est obligatoire; ensuite, cela peut conduire les personnes à en mener d'autres avec des associations, des psychologues. Cela ne nous paraît pas forcément suffisant et il convient de faire évoluer cet accompagnement.

Je citerai encore le déploiement d'une plateforme de gestion des places vacantes dans les foyers d'hébergement qui permettra, sous l'égide conjointe de la Ville et du canton de Genève, d'opérer une surveillance et donc une meilleure exploitation des places. Il s'agit d'un élément important. Les victimes de violences domestiques doivent pouvoir être accueillies lorsqu'elles ne peuvent pas rester chez elles et bénéficier d'un service de soutien, parce que ce n'est pas facile de quitter son domicile en y laissant toutes ses affaires, ce n'est pas facile d'avoir peur pour ses enfants, ce n'est pas facile de gérer ces situations. Ici aussi, il appartient à l'Etat d'intervenir.

Il y a en outre la formation des professionnels de terrain à la détection et à l'orientation des victimes de violences domestiques. Le département de la santé, une nouvelle fois en collaboration avec le BPEV et mon département, a mis en place une formation des pharmaciennes et pharmaciens afin qu'ils sachent détecter et recevoir des personnes qui viendraient régulièrement avec des blessures, qui ne veulent pas s'ouvrir à des associations, mais qui entretiennent un lien de confiance avec la pharmacienne ou le pharmacien de leur quartier qu'ils connaissent bien.

Enfin, j'évoquerai les campagnes d'information. Cela a été souligné dans le cadre de vos interventions, certaines personnes ne savent pas où elles peuvent se rendre lorsqu'elles sont victimes de violences. Il s'agit de mener de larges campagnes d'information sur les dispositifs qui existent, sur ce en quoi consiste une violence. Par exemple, la violence peut être psychologique, ce qui est tout aussi grave que des violences physiques. Toute forme de violence doit être combattue avec force de même que condamnée.

Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat se réjouit de soutenir votre motion de commission qui, selon lui, répond au texte déposé par le groupe UDC, tout comme le projet pilote qui sera mené par le département de Mme Carole-Anne Kast, en collaboration avec le mien.

Mesdames et Messieurs, merci beaucoup de vous être saisis de cette question. L'unanimité que j'espère retrouver ce soir démontrera à notre population, tant aux victimes qu'aux auteurs, que nous ne tolérons pas, ni en Suisse ni à Genève, de violences domestiques qui touchent les enfants, les femmes et parfois les hommes. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2834 est rejetée par 81 non contre 12 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mise aux voix, la motion 2984 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 93 oui (unanimité des votants) (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2984 Vote nominal

PL 12615-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune du Grand-Saconnex (création d'une zone de développement 3 et d'une zone de verdure, au lieu-dit « La Susette »)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de majorité de Mme Ruth Bänziger (Ve)
Rapport de première minorité de M. Rémy Pagani (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. Stéphane Florey (UDC)

Premier débat

La présidente. Nous passons à l'urgence suivante, le PL 12615-A, dont nous débattons en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de Mme Ruth Bänziger; il est repris par Mme Monbaron. Etant donné que le groupe Ensemble à Gauche ne siège plus parmi nous, le rapport de deuxième minorité de M. Pagani ne sera pas présenté. Madame Monbaron, vous avez la parole.

Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. La commission s'est réunie à sept reprises entre juin 2021 et septembre 2022 pour traiter ce projet de loi... (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je n'ai pas fait le rappel habituel, mais comme d'habitude, les discussions se tiennent à l'extérieur. Allez-y, Madame la rapporteure.

Mme Fabienne Monbaron. Merci. ...qui vise à une modification de zone d'une surface d'environ 169 000 mètres carrés, au lieu-dit La Susette, sur la commune du Grand-Saconnex, située entre l'autoroute, la route de Ferney, la place de Carantec et la Voie-de-Moëns.

Le périmètre, identifié dans le plan directeur cantonal, est actuellement en zone 5, en zone de développement industriel et artisanal ainsi qu'en zone de développement 4B. Aujourd'hui, le secteur comprend des activités tertiaires, un hôtel, de l'activité agricole, des équipements communaux, des logements, de l'artisanat et une station-service. Le nord, qui regroupe les activités tertiaires, et le centre, où sont situés l'hôtel et les activités agricoles, sont proches de l'autoroute et de l'aéroport.

L'objectif de ce projet de loi déposé en 2019 est de créer une zone de développement 3 pour permettre la construction d'un nouveau quartier mixte et une zone de verdure à l'emplacement du cimetière actuel. L'arrivée du tram sur la route de Ferney, l'aménagement de la place de Carantec et le PLQ Carantec créeront des synergies qui favoriseront la mutation du quartier.

Cette modification de zone a été initiée en 2017. Le Conseil municipal avait émis un préavis favorable en 2018. Une association s'opposait à la création de la zone de développement 3 tant que ce secteur n'était pas assaini au point de vue du bruit et de la qualité de l'air. Le programme, présenté dans l'exposé des motifs, prévoit en effet des logements, des activités, un parc, des équipements publics et un groupe scolaire. Il met également en conformité le cimetière en le plaçant en zone de verdure.

Suite au refus du projet du Pré-du-Stand, la population est devenue plus réticente envers les déclassements au vu des enjeux environnementaux et, lors de leur audition, les représentants de la Ville du Grand-Saconnex ont informé être un peu plus réservés à l'égard des parties du nord et du centre du projet et ont dit que celui-ci faisait l'objet d'un nouveau questionnement de leur part dans le cadre de la révision du plan directeur communal. L'hoirie propriétaire d'environ 5,4 hectares a quant à elle rappelé en audition que l'urbanisation du Grand-Saconnex a compliqué l'exploitation agricole du périmètre et qu'en raison du tram et de son électrification, il ne sera plus possible d'accéder aux terrains avec certains engins agricoles.

Les questions relatives au bruit généré par l'autoroute et l'aéroport, ainsi qu'à la pollution, ont été approfondies par la commission. Les experts, qui s'appuient sur les normes légales fédérales sur le bruit, la qualité de l'air et les risques d'accident majeur, ont confirmé que ce périmètre est constructible. Ils ont également rappelé que vouloir appliquer des limites plus sévères que les normes fédérales rendrait de nombreux secteurs du canton inconstructibles.

La commission s'est quand même interrogée quant à la construction des logements prévus au nord de la courbe de bruit admissible et quant à la possibilité d'un phasage de cette modification de zone. Réduire le périmètre ou renoncer à une modification de zone sur l'ensemble du quartier reviendrait à devoir renoncer à certains éléments qui dépendent d'un projet d'ensemble, par exemple le parc. Afin de trouver une issue, une convention liant le canton et la commune a été signée puis présentée à la commission en septembre 2022. Elle précise que la modification de zone concernerait l'ensemble du périmètre et que le Conseil d'Etat s'est engagé à ne pas développer le PLQ sur la partie nord durant une certaine période.

Une proposition de schéma directeur, qui a évolué, mais qui n'a pas d'impact sur le projet de loi, a également été présentée à la commission. Cette proposition intègre un parc agrandi (1,8 hectare) relocalisé au nord du périmètre; il devient un parc public agro-urbain, à fonctions agricole et paysagère. Les logements sont ainsi positionnés en dessous de la courbe de bruit admissible. Leurs surfaces, ainsi que celles des activités et des équipements publics, sont adaptées. Les activités seront de préférence localisées en front d'autoroute, pour atténuer les nuisances sonores. Enfin, il est confirmé que le déclassement concernera l'ensemble du quartier pour que celui-ci garde sa cohérence.

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Fabienne Monbaron. L'accord est conforme au projet de loi, et le projet de schéma directeur adapté présenté à la commission servira de base pour les PLQ et pourra encore être actualisé. Il s'agira de préciser le type de gabarits et de densité par différents scénarios qui feront l'objet d'un large processus de consultation.

Concernant le bruit, les deux tiers du secteur en partant du sud respecteront les valeurs limites du référentiel pour le logement. Le parc agro-urbain est prévu au nord, parallèle à l'autoroute, avec une zone de construction qui fera écran aux nuisances sonores. Il est déclassé en zone de développement 3 pour permettre le report des droits à bâtir. La zone de verdure ne concerne que le cimetière. Au vu des adaptations du schéma directeur proposées et du contenu de la convention canton-commune, le rejet de l'opposition de l'association a été accepté par la commission, qui a adopté ce projet de loi par 10 oui, 2 non et 3 abstentions et vous recommande d'en faire de même.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. La situation décrite par la rapporteure de majorité et ce que la commune et le canton sont venus nous présenter en commission étaient valables au moment où les débats se sont tenus. Aujourd'hui, selon un article paru récemment dans la presse, qui fait état de la situation actuelle de La Susette, tout ce qui est écrit dans le rapport, tout ce qui a été dit par la rapporteure de majorité ne valent plus rien, puisque encore aujourd'hui - la commune le fait savoir par l'intermédiaire de la presse -, le projet est loin d'être abouti, les études aussi, la convention signée à l'époque n'est plus valable en tant que telle. Même la commune, par l'entremise de son magistrat, dit ne finalement pas savoir ce qu'elle va faire de ce déclassement.

Le seul point valable actuellement, c'est de scinder en deux le déclassement - et c'est ce que nous demandions en commission - pour ne pas bloquer l'arrivée du tram, qui est acceptée par une très large majorité, y compris les habitants du Grand-Saconnex. Il s'agit de déclasser en deux phases, à savoir le front de rue, le long de la route de Ferney, déclassement qui ne posait problème pour personne, y compris pour les opposants, alors que le centre du périmètre, avec la zone sensible située le long de l'autoroute et de l'aéroport, posait d'innombrables questions et problèmes, amenant certains à dire - et ils le pensent encore - qu'un référendum serait probablement lancé sur le déclassement de La Susette. Aujourd'hui, un possible référendum reste totalement d'actualité. Les prochains déclassements de la commune du Grand-Saconnex représentent un sujet sensible. Il n'y a qu'à voir tous les déclassements refusés jusqu'à présent par voie de référendum ! Ces projets ont été largement refusés, à plus de 60% par le canton et à quasiment 70%, voire plus, par les habitants de la commune eux-mêmes, qui ne veulent pas de ces grands déclassements.

La question qu'il faut se poser est la suivante : pourquoi est-il nécessaire de déclasser ? Le faire à l'aveuglette juste pour le faire, alors qu'on déclasse une partie de terrains qui servent aujourd'hui à l'agriculture... On va déclasser cette partie de périmètre pour, tenez-vous bien, construire une ferme agro-urbaine. Mais c'est juste du délire ! Construire des fermes agro-urbaines au centre d'une ville, c'est complètement aberrant ! Est-ce qu'on n'a pas assez d'exploitations dans ce canton pour faire de la pédagogie auprès des enfants ? Non ! Actuellement, on en est là: on doit construire des fermes agro-urbaines pour sensibiliser la population et les enfants à ce qu'est l'agriculture, à ce qu'est la consommation locale. C'est juste du délire !

On va sacrifier une partie de ces terrains pour faire une zone agro-urbaine, alors qu'aujourd'hui, on a besoin d'autre chose. On va perdre une zone industrielle artisanale. Les entreprises qui sont situées là, où va-t-on les mettre ? Il y a actuellement saturation des terrains industriels ! Concernant cet élément également, le besoin n'est de loin pas résolu.

Le plus surprenant, c'est que l'Etat se paie en plus le luxe de lancer des études sur le bruit, alors qu'on nous dit que le périmètre n'est pas plus pollué que le reste du canton par le bruit ou d'autres pollutions. Or, l'argument principal qui a conduit le projet du Pré-du-Stand à capoter était qu'il se situait trop près de zones de nuisances, trop près de l'aéroport et qu'il y avait trop de pollution. Aujourd'hui, on dit: non, non, il n'y a plus de problèmes, on peut y construire des logements en bordure d'autoroute, en front de l'aéroport. Mais c'est de l'incohérence totale de la part du Conseil d'Etat !

Pour y voir un peu plus clair et pour remettre de l'ordre dans ce dossier qui, aujourd'hui, n'a plus rien à voir avec le projet de loi initial, je vous demande de renvoyer ce projet en commission. Que le Conseil d'Etat et la commune viennent avec des arguments un peu plus solides que ce qu'on a pu entendre jusqu'à présent s'agissant du Grand-Saconnex, et peut-être pourrons-nous prendre la décision qui s'impose. Peut-être qu'ils arriveront à nous démontrer que tout va bien, que même les opposants peuvent accepter le déclassement du périmètre; ou on se rendra compte que ce déclassement n'est plus nécessaire, que le projet n'est de loin pas abouti, et peut-être comprendra-t-on qu'il faudra réellement scinder en deux le déclassement, puisque, encore une fois, le vrai problème de ce déclassement ne concerne pas le front de rue, mais le coeur de ce quartier. On risque de le déclasser, alors qu'on ne sait pas à quoi il va servir. Voilà, j'en ai terminé ! Je vous remercie.

La présidente. Merci. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Je remercie les gens qui nous rejoignent dans la salle de le faire silencieusement. Madame la rapporteure de majorité, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Vous avez la parole.

Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Ecoutez, je pense qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer ce dossier en commission. Par rapport aux arguments avancés par le rapporteur de minorité, je souhaite préciser que le déclassement en zone de développement 3 n'est pas fait pour construire une ferme agro-urbaine mais bien tout ce que j'ai énoncé tout à l'heure, notamment des logements puisque le tram sera à proximité, que construire cette ferme agro-urbaine en bordure de l'autoroute représente une opportunité pour le quartier de déplacer les logements, qui doivent être construits à cet emplacement sur le périmètre, légèrement plus bas, dans une zone où il y aura un peu moins de bruit.

J'ai pu voir dans la presse ces derniers temps que ce projet avançait, que beaucoup plus d'arbres seraient plantés - il y aurait 32% de canopée sur ce quartier, alors qu'il n'y en a que 10% pour l'instant -, que les habitants et propriétaires seront associés à la démarche de concertation, qui va se poursuivre et durant laquelle ils pourront intervenir pour faire de ce quartier ce qu'ils en veulent. Donc je ne pense pas que le renvoi en commission soit nécessaire. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12615 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 73 non contre 18 oui.

La présidente. Le débat continue; je passe la parole à Mme Nicole Valiquer Grecuccio. (Brouhaha.) D'avance, je remercie les personnes désirant sortir de la salle de le faire discrètement.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, M. Florey et moi n'avons très certainement pas eu la même lecture de l'article qu'il a cité: on lit très bien que le canton et la commune du Grand-Saconnex, par l'intermédiaire du conseiller d'Etat et du magistrat du Grand-Saconnex, M. Jimaja, parlent d'une même voix.

M. Florey s'est demandé pourquoi on construirait à l'aveuglette. Il ne s'agit pas de construire à l'aveuglette, mais de respecter le plan directeur cantonal, qui fait du secteur de La Susette un secteur de renouvellement urbain, mixte, et donc un quartier de ville. Je crois que Mme Monbaron a très bien rappelé les enjeux identifiés par la commission: cette modification de zone permettra de bâtir neuf cents logements, ce qui n'est évidemment pas rien compte tenu de la crise que traverse notre canton, des équipements publics, un parc. Qui dit mixité dit, bien sûr, activités. Il s'agit donc bien de construire un quartier de ville.

Sachant que le tram des Nations roulera bientôt là-bas, comment peut-on imaginer qu'un secteur proche des transports publics ne serait pas propice au développement ? En outre, ce quartier permettra aussi de faire le lien avec l'opération de Carantec, qui, elle aussi, va offrir des logements, et des logements de qualité, à la population. L'enjeu sera bien évidemment de construire ces logements de manière à ce que les nuisances soient diminuées, en trouvant des dispositifs architecturaux qui offrent de la qualité aux habitants. La commission et le parti socialiste pensent qu'on peut trouver des solutions et qu'on doit développer des quartiers de qualité pour répondre aux besoins en logement de la population.

Les enseignements qu'on peut tirer... Eh bien, non, Monsieur Florey ! Vous vous demandez pourquoi il est nécessaire de construire des logements. Parce qu'il y a tout simplement lieu de répondre aux besoins de la majorité de la population. S'agissant des enseignements qu'on peut en tirer - et on félicite autant la commission pour ses travaux que le Conseil d'Etat -, on ne saucissonne effectivement pas les projets, car c'est le meilleur moyen d'avoir des projets bâclés et de moindre qualité. On garde un périmètre d'ensemble, qui permet de penser le territoire de manière cohérente. Le saucissonnage, tel qu'il nous est proposé par l'UDC, eh bien c'est non ! Parce que ça créerait un quartier dépourvu de qualité.

On constate aussi que les processus sont longs; on l'a rappelé, une convention a été signée pour, au fond, retrouver une cohérence entre les habitants et les propositions faites par le département. C'est pourquoi le parti socialiste ne craint pas les menaces d'un référendum; il pense au contraire qu'unis, on peut défendre des quartiers de qualité et que c'est notre rôle de députés de répondre à la crise du logement. Je vous remercie.

La présidente. Merci. La parole revient à M. Desfayes.

M. Sébastien Desfayes (LC). Excusez-moi. (L'orateur ferme sa veste.) Je rencontre le même problème qu'Antonio Hodgers: j'ai de la peine à fermer ma veste ce soir. (L'orateur rit. Rires.) Plus sérieusement, on va dire que les «Susettes» laissent non un goût d'anis, mais un goût amer dans la bouche du Centre, qui, ce nonobstant, va voter ce déclassement. Pourquoi un goût amer ? Parce que l'on aurait pu faire mieux. C'est un périmètre qui figure au Plan directeur cantonal, comme l'a signalé Mme Valiquer, et qui doit être densifié.

Il existait un excellent projet de densification porté à l'époque par les anciens conseillers administratifs de la commune du Grand-Saconnex, en particulier Jean-Marc Comte et Bertrand Favre, de l'Entente. Ce projet visait à un développement harmonieux, notamment en tenant compte des nuisances sonores, comprenant, d'abord, des zones commerciales aux abords de l'aéroport, et ensuite, vers le sud, un nombre toujours plus important de logements. Ce projet de développement avait été, à l'époque, voté à l'unanimité moins une voix par le Conseil municipal du Grand-Saconnex. Malheureusement, cette voix comptait, puisqu'il s'agissait de celle du conseiller municipal Eckert. Le conseiller d'Etat Hodgers a pris en considération cette opposition; on va dire que, déjà à l'époque, il a eu peur d'un référendum et a renoncé à ce projet de densification. Pour donner un gage à son parti politique, il a créé, on va dire, cette chimère de zone de ferme urbaine, alors qu'il existe dans un rayon de 200 mètres deux réelles fermes et que l'on ne peut pas dire que la campagne soit tellement éloignée du Grand-Saconnex. Résultat: avec ce nouveau projet de développement de La Susette, on a un gaspillage des terres.

Cela étant, mieux vaut un projet imparfait que rien du tout. La population a besoin de logements. Contrairement à ce qu'a dit le député Florey, ce périmètre ne demande qu'à être densifié. Le saucissonnage de La Susette n'a absolument aucun sens, et la volonté est patente: il s'agirait simplement de retarder la construction de logements.

Pour rester à l'intervention du rapporteur de minorité, j'ajoute qu'on peut s'étonner de son refus de densifier ce périmètre-là. Même si c'est un périmètre classé en zone industrielle, il n'y a quasiment pas d'industries, et j'invite le député Florey à s'y rendre pour le constater de lui-même. Si on ne densifie pas dans les rares périmètres qui peuvent l'être, on devra le faire ailleurs, et on ne peut évidemment pas densifier en zone agricole. En outre, les oppositions sont toujours plus importantes, à juste titre, contre les densifications en zone 5. Donc, profitons des rares terres à disposition, ne gaspillons pas ces périmètres et densifions correctement sans donner suite aux lubies de certains bords politiques. De toute façon, cette question-là sera traitée plus tard: le combat continue. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Messieurs les députés, Mesdames les députées, le député Desfayes - vous lui transmettrez quand vous aurez l'occasion - est en train de faire de la politique-fiction. Si je m'étais abstenu sur ce vote... D'ailleurs, je ne m'en souviens pas totalement. Ce n'était pas la modification de zone; je n'ai pas voté la modification de zone. Quant au projet en lui-même, je ne sais pas; il n'y avait pas de PLQ, je ne sais pas exactement de quoi on parle. D'ailleurs, cela m'étonnerait que mon abstention au Conseil municipal ait influencé en quoi que ce soit le conseiller d'Etat Hodgers, avec qui je n'avais pas du tout pris contact à l'époque. C'est donc de la politique-fiction.

Maintenant, je vais essayer de vous démontrer que la modification de zone de ce projet est une bonne modification de zone, qui rend la situation bien meilleure que l'actuelle. La situation actuelle date de 1979. On a construit, mis en place une zone industrielle et artisanale qui est restée en l'état depuis 1979; un certain nombre d'infrastructures s'y sont développées, comme un hôtel, on l'a rappelé, et de l'agriculture est pratiquée dans une zone industrielle et artisanale. C'est donc bien qu'on toilette une fois cette situation de façon à retrouver de la cohérence. Il nous paraît de toute façon que c'est bien mieux de faire avancer les choses; ce qui a été décidé en 1979 n'est plus du tout ce qu'on fait actuellement et les besoins en logements et en infrastructures communales ont passablement changé.

Je vous rappelle aussi qu'un certain nombre de consultations publiques ont été menées depuis un certain temps au Grand-Saconnex; le Conseil municipal dédie à cette question un groupe de travail. Des résultats de ce travail ont du reste récemment été présentés et reproduits dans la presse.

Comme je l'ai dit, nous estimons qu'il vaut mieux changer maintenant cette situation et nous pensons également qu'il est opportun de considérer l'ensemble du secteur, sans le saucissonner, de façon à monter un projet cohérent.

Les avantages apportés par cette modification de zone par rapport à la situation actuelle sont les suivants. Tout d'abord, une zone de logements sur la partie sud, la partie la plus éloignée de la piste de l'aéroport et de l'autoroute, a été identifiée. Il est vrai que Le Grand-Saconnex a déjà passablement crû, grâce à la construction du quartier du Pommier sur la parcelle Gardiol il y a quelques années, mais les besoins en logements dans le canton restent patents. Cet emplacement a d'ailleurs été réservé à cet effet, même dans les projets établis quand c'était encore en zone industrielle et artisanale, on proposait de placer des logements à cet endroit. L'avantage, bien entendu, c'est que c'est destiné à ça. Je pense que du point de vue de la population du Grand-Saconnex, c'est mieux de construire des logements à cet endroit-là, en zone 3, plutôt que d'essayer de déclasser la zone villa.

Certains chercheront certainement un parallèle avec les déclassements de Cointrin qui ont été refusés. Cependant, la présente situation n'est pas vraiment la même, puisque non seulement on ne déclasse pas une zone 5, mais en outre les constructions sont prévues à des distances plus éloignées des sources de nuisance. De plus, le projet de loi prévoit explicitement que les logements n'empiètent pas sur la zone de bruit de l'aéroport. Je tiens d'ailleurs à souligner que, si j'ai bien lu le rapport, les opposants du Grand-Saconnex s'opposent également à la construction de logements à cet endroit-là, contrairement à ce que dit le rapporteur de minorité.

Enfin, nous soutenons l'entier du programme inclus dans cette modification de zone. Il y a un certain nombre d'équipements publics, notamment une école et du parascolaire, peut-être une salle de gymnastique, qui manque à l'école de Grand-Saconnex Place... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...tout cela en cohérence avec le développement de la place de Carantec qui débutera prochainement.

Je mentionne aussi le parc dont on parlait, au nord du périmètre; il deviendra un parc agro-urbain à fonctions agricole et paysagère.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Pierre Eckert. Ce projet est bienvenu et permettra de reconnecter la population à une agriculture durable et locale.

La présidente. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert. Je termine en disant que cette modification... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Il nous semble, au MCG, que le lieu en question est un enfer. On prétend qu'une partie serait plus éloignée de la piste de l'aéroport, mais excusez-moi ! C'est en réalité de 200 mètres, et c'est une distance tellement proche qu'on doit s'arrêter de parler lorsque vole un avion, et Dieu sait qu'il en vole des centaines par jour.

S'agissant de la construction du tram, durant l'étude de ce projet, on n'est même pas entré en matière. Le tram, c'est le tram: il passe ! C'est comme les panzers de l'armée allemande. Ils avancent et ils font leur chemin. C'est parfois beaucoup. On n'a pas envisagé de mettre des bus. Le projet de tram existe; il y a eu énormément de lignes de trams au début du XXe siècle, puis au milieu de ce même siècle, on les a détruites, démolies, puis on les a réintroduites. C'est donc un fait acquis: on a des trams dans de nombreux villages où les gens sont malheureux, parce que ça prend toute la place, parce que ça fait trembler leur maison, comme ça faisait d'ailleurs trembler certaines maisons à Carouge. Je connais des gens qui en souffraient beaucoup. Imaginez-vous: ce n'est pas amusant d'avoir à la fois le bruit, le tram, l'autoroute.

Certains veulent ce projet - pas la majorité: ce n'est pas juste une hoirie ou une personne qui s'est opposée (du reste l'hoirie ne s'oppose apparemment pas), mais de nombreux citoyens. Ces derniers ont constitué une association, et beaucoup d'autres les ont rejoints depuis.

Je vous signale, par exemple, que dans certains villages, on ne construira plus, parce qu'ils sont sous le trajet des avions, je pense à Chancy; il n'y aura plus de déclassements, il n'y aura plus de nouveaux immeubles, etc. Là-bas, c'est stoppé, mais aux pauvres gens du Grand-Saconnex, on continue à leur construire tout un projet, juste à côté de l'aéroport, de l'autoroute, de tout ça. Ça nous attriste énormément !

Maintenant, c'est clair qu'à Genève, il faut loger les gens. J'ai envie de paraphraser les Verts qui disent que les parkings souterrains sont des aspirateurs à voitures, mais quand on se met à déclasser, à construire beaucoup, les nouveaux immeubles sont aussi des aspirateurs pour une population qui n'a pas forcément quelque chose à faire là. Voilà.

Je voudrais dire que le MCG votera quand même ce projet, parce qu'au nom du logement, il ne serait politiquement pas cohérent de dire non, mais pour tout le reste, nous pensons que ce sera l'enfer. Merci !

La présidente. Je vous remercie. Je donne la parole au rapporteur de minorité, M. Stéphane Florey, pour deux minutes.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Je vous remercie, Madame la présidente. En vous écoutant, Mesdames et Messieurs les députés, je me demandais quand la phrase «le déclassement correspond au plan directeur cantonal» allait arriver. Mme Grecuccio l'a prononcée. A partir de là, pour la majorité, même quand le département vient en commission, la messe est dite. Ça correspond au plan directeur cantonal, vous n'avez plus rien à dire ! Fini la campagne, allez, on passe au suivant ! Voilà la réalité actuelle. Mais c'est juste malheureux !

C'est un projet mal foutu, mal ficelé. On en a la preuve, on le sait, on l'a dit; même l'article, que je vous invite à lire, le démontre clairement, puisque, encore une fois, on ne sait pas vraiment à quoi va servir ce déclassement.

Le deuxième point qui me fait sourire dans ce débat, ce sont les déclarations des Verts. Je me souviens très bien d'un ancien député, M. Rochat pour le citer; dans le cadre des déclassements refusés par une très large majorité de la population, il disait: «Nous, les Verts, voterons systématiquement les déclassements en bordure de l'aéroport», pour la simple et bonne raison (ça, ils l'ont bien compris) que plus il y aura de densification, plus il y aura de logements en bordure de l'aéroport, plus il y aura de plaintes et plus cela leur donnera d'arguments pour réduire fortement l'activité de l'aéroport ou le fermer. Voilà la réalité.

Quant à nous, nous nous réjouissons de voir si les opposants lanceront ou non un référendum. Pour notre part, nous ne le lancerons pas directement, mais nous nous y associerons volontiers, le cas échéant, et nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Quelques mots, Mesdames et Messieurs les députés, pour vous faire savoir que le Conseil d'Etat rejoint très largement, voire totalement, les conclusions de la rapporteure de majorité, Mme Monbaron. Je tiens à vous dire aussi que, comme souvent avec les projets urbains, ils prennent le temps d'arriver à maturité, et c'est ce qui s'est passé pour ce projet, qui avait fait l'objet d'une première consultation dans la commune. Il a fallu remettre l'ouvrage sur le métier, parce que toute une série de remarques émises par les habitants, par les riverains, ont semblé pertinentes à plus d'un titre aux autorités tant cantonales que communales - tenir compte des habitants, ce n'est peut-être pas la vocation politique du Centre, mais c'est celle du Conseil d'Etat.

Tout d'abord, il s'agissait d'avoir un espace public plus large. Ce parc agro-urbain, comme on l'appelle, c'est avant tout un parc public; il y aura une ferme, un endroit où l'on pourra mettre les animaux, où les enfants pourront aller cultiver les potagers et avoir ce contact. Il ne s'agit pas d'agriculture, il s'agit d'un parc public dans lequel on a une activité de proximité. Je pense que les gens qui ont lu le dossier l'ont compris.

L'autre aspect important, c'était la nécessité de travailler sur la question du bruit. C'est fondamental, compte tenu du positionnement de ce site. Mesdames et Messieurs les députés, entre-temps, et c'est aussi pourquoi le projet a nécessité d'être revu, Berne a enfin déterminé ces courbes de bruit applicables. Autant, il y a quelques années, deux courbes de bruit - à savoir VLI DS III et VLI DS II, pour les initiés - coupaient ce périmètre en trois zones, autant avec la nouvelle courbe de bruit, c'est très clair: d'un côté, on peut construire du logement, car le bruit est tout à fait admissible, mais de l'autre, on ne peut pas. On y a du reste placé des immeubles d'activités qui auront l'avantage de faire office de boucliers sonores pour protéger la partie habitée.

En outre, nous avons également travaillé sur la question de la pleine terre, qui amortit beaucoup le bruit, à la place d'un revêtement minéral, ainsi que sur le choix des matériaux. En fonction du choix du matériau, le bruit est amorti. Le résultat est que les gens qui vont habiter dans ces immeubles seront bien mieux protégés du bruit que beaucoup d'habitants de la Ville de Genève qui habitent le long des axes de transport motorisé qui dépassent les normes fédérales. Il y aura moins de bruit là que dans beaucoup d'endroits sur lesquels on peine à trouver des majorités pour apaiser le trafic en vue de respecter les normes de bruit fédérales. J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous en preniez conscience, car on devient plus royaliste que le roi et on veut des protections contre le bruit qui vont au-delà du droit fédéral dans le cas de nouveaux quartiers, mais quand on parle des habitants des axes motorisés des zones urbaines, il n'y a pas de problème, on peut violer le droit fédéral sans aucun souci s'il s'agit de laisser le libre choix des modes de transport. Cette incohérence se retrouve dans les propos de certains députés qui se sont exprimés ce soir.

Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, cette nouvelle configuration de l'aménagement urbain permettra l'avènement de plusieurs infrastructures publiques, notamment un EMS. Elle permettra également de planter plus d'arbres et donc d'augmenter la canopée, qui est aujourd'hui de 10% sur cette parcelle industrielle et passera à 30%. Dans le projet d'il y a quelques années, dont on a parlé, elle n'était qu'à 20%. Aujourd'hui, à la demande des habitants de la commune, nous la portons à 30%.

Il y a donc eu une vraie amélioration. Ce projet a pris deux ans de plus, mais cela en valait la peine; il a été amélioré et il est véritablement de meilleure qualité. Voilà pourquoi la commune le soutient, voilà pourquoi, lors de la présentation publique, il n'y a plus vraiment eu d'opposition des riverains; certains se sont opposés par principe, mais d'oppositions frontales, on n'en a plus entendu. Aujourd'hui, nous pouvons avancer sereinement sur ce déclassement. Je vous remercie de voter ce texte. Merci beaucoup de votre attention.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12615 est adopté en premier débat par 80 oui contre 11 non et 1 abstention.

Le projet de loi 12615 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12615 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 80 oui contre 11 non et 1 abstention (vote nominal).

Loi 12615 Vote nominal

PL 13195-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi de Diane Barbier-Mueller, Yvan Zweifel, Beatriz de Candolle, Jean-Pierre Pasquier, Jacques Béné, Raymond Wicky, Adrien Genecand, Véronique Kämpfen modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) (L 5 05) (Favorisons la transition énergétique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 16, 17, 23 et 24 novembre 2023.
Rapport de M. Jacques Béné (PLR)

Premier débat

La présidente. Voici notre dernière urgence: le PL 13195-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Jacques Béné, à qui je cède la parole.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur. Merci, Madame la présidente. J'ai été très surpris tout à l'heure: en général, quand on parle de transition énergétique, il y a une unanimité pour traiter les objets de manière urgente, mais en l'occurrence, ceux qui se sont opposés à l'urgence sur ce PL sont les Verts et les socialistes; preuve en est que dès que ça ne vient pas de leur côté, ils ont beaucoup plus de réticence à aborder des projets susceptibles d'améliorer le climat dans notre canton - j'espère que leur position ne sera pas la même quand il s'agira de voter ce texte.

Ce projet de loi vise à favoriser la transition énergétique en donnant les moyens à l'administration... Enfin, non: en demandant à l'administration de motiver ses décisions, en essayant de mettre un peu la pression sur les services, il faut le reconnaître, pour que les dossiers soient traités plus rapidement.

Je mentionnerai deux éléments. Tout d'abord, en ce qui concerne les APA - je ne vais pas vous expliquer ce qu'est une APA, il s'agit d'une autorisation par procédure accélérée -, le premier article dispose que l'administration doit justifier ses choix dans le cadre des dossiers qu'elle est amenée à refuser. C'est la même chose pour la deuxième disposition: on demande une motivation très claire. Ce qui est assez marrant, c'est que lors des travaux de commission, quand on a auditionné l'OAC, son représentant a indiqué que le département motive déjà toutes les demandes de compléments adressées aux différents architectes qui déposent des projets. Il le fait déjà !

Le projet de loi prévoit, je le répète, que les refus du département soient motivés. Or quand il y a des demandes de renseignements supplémentaires, elles sont motivées, c'est également le cas pour les refus. Dès lors, on peine à comprendre que le département ne veuille pas de ces modifications, puisqu'il s'agit de choses qu'il fait déjà. La commission estime qu'une bonne partie des motivations ne sont pas suffisantes, c'est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire ça dans la loi.

Le deuxième élément, c'est que dans le cadre de travaux optimisant la performance énergétique d'un bâtiment existant - voilà, en vérité, le rapport avec la transition énergétique -, la demande de pièces ou de renseignements complémentaires motivée par le département ne suspend pas le délai. Cela a été dit par l'OAC: vu qu'ils fixent des échéances pour d'autres services - il est clair que l'OAC n'est pas le seul à se prononcer, d'autres services s'expriment sur les autorisations de construire -, il arrive que certains services attendent, dans le cadre d'une demande définitive - pas d'une APA, surtout d'une demande définitive -, vingt-huit jours pour soumettre une modification du projet; comme ça, ils remplissent leur mission, respectent le délai des trente jours exigé par l'OAC, mais ça ne permet pas à l'OAC de rendre une décision dans les temps, ça ralentit toute la procédure.

On prend toujours les médianes ou les moyennes comme exemples. Bon, l'Etat préfère citer les moyennes, parce que ça tire un petit peu les chiffres vers le bas, mais en termes de médiane, on est à cinquante-quatre jours... Enfin, on est à quarante et un jours pour les autorisations par procédure accélérée alors qu'on devrait être à trente; pour le reste, on est à septante-six jours alors qu'on devrait être à soixante. Alors je sais ce que le département va répondre: «Oui, mais c'est parce que les mandataires ne font pas forcément bien le travail.» Mais franchement, quand on en arrive au point de réclamer un complément parce qu'une couleur n'est pas correcte sur un plan, il y a mieux à faire, il y a vraiment mieux à faire.

Le but de ce projet de loi est ainsi de mettre un peu la pression sur le département; il n'est pas question d'exagérer, mais de demander à l'administration d'accélérer le processus quand elle doit rendre des décisions. L'idée est de simplifier les procédures, notamment dans le cadre de travaux de rénovation qui améliorent la performance énergétique. C'est pour cette raison, Mesdames et Messieurs, que je vous invite, pour le bien de ce canton et pour favoriser la transition énergétique, à accepter unanimement cet objet. Je vous remercie.

M. Grégoire Carasso (S). Chers collègues, le groupe socialiste partage les objectifs de ce projet de loi. C'est assez limpide, surtout quand le titre qui nous est présenté se résume à «Favorisons la transition énergétique»; évidemment, ça crée du lien. Ça crée du lien prima facie, mais ensuite, lorsqu'on se penche sur la légistique et les dispositions mises en place, en réalité, on se rend compte que l'objectif des auteurs est évident, mais que les moyens mobilisés constituent tout sauf une évidence.

D'ailleurs, j'en veux pour preuve, avant de vous apporter quelques éléments matériels, que notre collègue du Centre disait en conclusion que si les objectifs du texte sont tout ce qu'il y a de plus salutaires, de vrais doutes subsistent quant aux moyens mobilisés par les auteurs, espérant au passage «que cela ne va pas se retourner contre eux». Pourquoi notre collègue du Centre, à la commission d'aménagement, tout en votant docilement le projet du grand frère PLR, nourrissait-il des craintes ?

Parce que cet objet, fondamentalement, vise à contraindre à la fois les requérants - les bureaux d'architectes - et l'administration à davantage de diligence. Il s'agit d'un objectif essentiel qu'on peut saluer. Simplement, au-delà de cette volonté, il y a le fait d'inscrire dans la loi la motivation formelle des refus ou des demandes de compléments. Autrement dit, vous alourdissez des procédures qui - généralement, ça fait consensus - ne sont déjà pas toutes simples.

En ce qui concerne aussi bien les procédures accélérées (APA), que le rapporteur Jacques Béné évoquait tout à l'heure, que les demandes définitives d'autorisations de construire (DD), quelque 7000 autorisations ont été délivrées en 2022: c'est plus du double qu'il y a dix ans, les processus de traitement se sont vraiment accélérés. Alors oui, il faut faire mieux encore, mais certainement pas en alourdissant les démarches.

J'aimerais terminer en soulignant, puisque l'enjeu est spécifiquement celui des autorisations de construire - simplifiées ou non - pour les aménagements et travaux énergétiques... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...que dans la vraie vie, les mesures qui simplifient radicalement les procédures sont celles que le département a prises l'an dernier via l'article 13D du règlement d'application de la loi sur l'énergie, qui prévoit que pour tout ce qui relève de la transition énergétique, sauf les enveloppes externes des bâtiments...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Grégoire Carasso. ...il n'y a plus besoin de demandes d'autorisation; ça, c'est du concret, ça motive et ça change la vie de celles et ceux qui construisent et rénovent avec un souci énergétique...

La présidente. Je vous remercie, c'est terminé.

M. Grégoire Carasso. ...beaucoup plus que ce projet de loi... (Le micro de l'orateur est coupé.)

M. Guy Mettan (UDC). Le rapporteur de majorité - enfin, c'est le seul rapporteur, donc le rapporteur tout court, puisqu'il n'y a pas eu de rapport de minorité, ce qui montre que la minorité n'était pas tout à fait déterminée à s'opposer à ce texte - a déjà parfaitement exposé les raisons pour lesquelles ce projet de loi est intéressant. Nous le soutiendrons pour deux motifs complémentaires.

D'abord, cela a été relevé, parce qu'il améliore la rationalité des procédures. Pour nous, il est important que les dossiers avancent rapidement et avec efficacité. J'ai bien écouté les propos de M. Carasso, il n'a pas complètement tort, mais quand les processus sont trop compliqués, ils sont trop compliqués. Il faut donc les simplifier, et l'une des manières de le faire consiste à aller plus vite, à examiner les dossiers avec davantage de célérité, il n'est pas question de compliquer encore les démarches.

Deuxièmement, au-delà de la rationalisation des procédures, il s'agit d'un texte équilibré, parce qu'il demande un effort non seulement aux requérants, qui doivent répondre aux questions de façon plus rapide, mais aussi à l'administration. Contrairement à la réputation qu'on voudrait nous faire selon laquelle nous ne serions pas favorables à l'Etat, nous sommes très redevables aux services de travailler vite et bien. C'est pourquoi ce projet équilibré, qui réclame des efforts aux deux parties, me paraît tout à fait digne d'être voté ce soir. Merci.

M. Jean-Louis Fazio (LJS). Chers collègues, comme cela a déjà été signalé, ce projet de loi propose de favoriser la transition énergétique en facilitant les démarches administratives pour les requérants, en rendant plus responsables l'administration et les mandataires. La justification des refus d'octroi d'autorisation de construire en procédure accélérée sera la règle, tout comme l'absence de suspension des délais pour les demandes de pièces ou de renseignements complémentaires dans le cadre de travaux améliorant la performance énergétique. Ainsi que l'a souligné le rapporteur, en période d'urgence climatique, cela a son importance.

Le groupe LJS soutiendra ce projet de loi, comme nous l'avons fait en commission. Et nous vous annonçons déjà que nous reviendrons avec d'autres propositions allant dans le même sens afin de faciliter et d'accélérer les démarches en matière d'autorisations, notamment en assurant une meilleure collaboration et communication entre des services du même département. Merci.

M. David Martin (Ve). Chers collègues, le groupe des Vertes et des Verts s'oppose à ce projet de loi dans la mesure où, malgré son titre très sympathique, il s'agit d'une fausse bonne idée. Je me contenterai, pour être bref, de citer les représentants de la Fédération des associations d'architectes et d'ingénieurs de Genève, que nous avons auditionnés et qui étaient tout à fait sceptiques:

«L'acte de construire est complexe sur le canton de Genève. Peu de dossiers peuvent être déposés sans qu'il y ait un certain nombre de particularités et de subtilités, que les mandataires doivent défendre dans leur dossier. Cela demande une analyse en accord avec cette complexité. La FAI craint que l'effet de maintenir de tels délais soit finalement de rallonger et d'alourdir les procédures, et d'en amoindrir la qualité. Si les autorités disposent d'un délai trop court au traitement, elles risquent de se trouver contraintes soit de limiter fortement leur niveau d'analyse, avec comme corollaire de laisser se réaliser des projets qui auraient dû être bloqués, soit d'effectuer des demandes complémentaires mal calibrées, qui feront perdre du temps à tous. La FAI appuie le but visé, ainsi que l'ensemble des amendements apportés à la LCI. Toutefois, il peut être délicat de vouloir augmenter la qualité du traitement des dossiers par l'autorité sans augmenter le temps qui lui est accordé pour le faire.»

Je trouve que la réponse de la FAI est absolument parfaite. Les architectes et ingénieurs sont les premiers à vouloir que les dossiers avancent vite, et je pense que le scepticisme de cette profession est la démonstration par a + b que ce projet de loi est mal ficelé, que ce n'est pas au parlement de commencer à tricoter les processus administratifs de l'OAC. Partant, nous vous invitons à refuser cet objet. (Applaudissements.)

M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, il a été fait référence au titre, «Favorisons la transition énergétique», qui a été un peu raillé, parce que racoleur selon certains. J'aimerais juste relever qu'actuellement, le taux de rénovation des bâtiments se situe à 1% et que l'objectif est de passer à 2,5% pour avancer au niveau de l'enjeu énergétique. Il faut bien faire quelque chose, il faut accélérer les procédures.

Bien sûr que l'Etat fait son job, bien sûr que la LCI prévoit un certain nombre de normes, mais on dit toujours que le diable se cache dans les détails, et c'est effectivement ce qui se passe, puisque selon les entreprises, ces trente jours se transforment en douze à quatorze mois; il faudra nous expliquer pourquoi on passe de trente jours à quatorze mois - même si c'est peut-être un cas extrême.

Comme cela a été souligné, les responsabilités sont partagées: d'une part, les services de l'Etat ont de multiples excuses ou parades quand il s'agit de renvoyer les dossiers et de faire traîner les choses, d'autre part, de temps en temps, certains maîtres d'oeuvre présentent des dossiers qui ne sont pas propres à être traités dans les délais.

Cela étant, il est évident qu'on est obligés de bouger; si on ne bouge pas, on est coincés. Ce projet de loi très simple - il tient sur une page - va dans le bon sens. Je rejoins mon préopinant: il y a effectivement des risques, la FAI l'a signalé, et c'est vrai, il ne faudra pas faire tout et n'importe quoi, cela peut se retourner contre les émetteurs, mais je crois que si les entreprises veulent travailler, si les ingénieurs et architectes veulent avancer et si on veut rénover, cela a du sens de mettre toutes les chances de notre côté, et ce projet de loi y contribue clairement. Le Centre le soutiendra sans réserve et vous invite à en faire de même. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Il n'y a plus de demande de parole dans la salle. La parole retourne à M. Béné pour une minute.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur. Oui, merci, Madame la présidente. Je vais juste répondre à M. Martin, puisqu'il a fait référence à la FAI. La FAI a indiqué qu'on devra rester attentif à ce qui se passera si ce projet de loi est voté. Mais on sera attentif, comme on l'est déjà s'agissant des délais de traitement: on voit bien qu'une bonne partie des délais de traitement sont largement dépassés - pas tous, mais une bonne partie d'entre eux -, les autorisations de construire ne sont pas traitées dans les temps. Des efforts énormes ont été réalisés par l'administration, il faut le reconnaître, énormes ! Mais il y a 90 ETP dans le département, donc je pense que motiver les refus ou les demandes de compléments ne constitue pas vraiment une tâche administrative plus importante, il s'agit juste de mettre sur le papier ce qu'on a constaté dans les dossiers. A mon sens, c'est aussi une question de respect envers les requérants qui déposent des demandes d'autorisation de construire. Je vous remercie.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez ce qu'on dit en Italie et dans certains pays qui légifèrent à l'excès et connaissent une densité normative parmi les plus importantes au monde: quand une loi ne fonctionne pas ou n'est pas appliquée, il faut élaborer une autre loi pour la faire appliquer. Voilà comment on génère de la densité normative. Alors que, dans le fond, ce qu'il faut, c'est juste appliquer les lois avec bon sens. Ce projet de loi est un bon exemple qui illustre une volonté - il est d'ailleurs surprenant que cela vienne du PLR - de légiférer là où il faudrait en réalité fluidifier. On veut ajouter des lois et encore des lois !

Le texte demande trois choses. D'une part, lorsqu'il y a des demandes de pièces complémentaires, que cela soit motivé, tout comme en cas de refus d'une autorisation. Mesdames et Messieurs, c'est déjà le cas, il s'agit d'une obligation constitutionnelle ! Le rapporteur l'a dit lui-même: «C'est déjà le cas», mais vaut mieux l'inscrire dans la loi, n'est-ce pas ? Comme ça, on crée un peu plus de densité normative dans notre canton, on ajoute encore du volume à la législation genevoise; il faut tout de même soutenir nos pauvres avocats qui manquent de travail en apportant cette subtilité du droit qui leur permettra ensuite de plaider devant les tribunaux. Les deux premières clauses ne servent à rien, le rapporteur l'a reconnu.

M. Jacques Béné. Non ! (Rires.)

M. Antonio Hodgers. Vous venez de dire que c'est déjà le cas !

M. Jacques Béné. C'est l'Etat qui a dit que ça ne servait à rien.

M. Antonio Hodgers. Non, vous avez dit que les décisions sont déjà motivées. Vous avez précisé: «Elles ne sont pas suffisamment motivées», donc il faut encore plus les justifier: plus de paperasse, plus de temps pour les fonctionnaires. En dix ans, nous avons doublé - doublé ! - le nombre d'autorisations de construire avec un effectif plus ou moins constant dans les équipes qui les délivrent. Mais on va produire plus de paperasse, ne vous en faites pas, au lieu de résumer une décision en deux lignes, on en écrira dix, on prendra le temps qu'il faut !

Si les deux premières dispositions sont ridicules, la troisième est dangereuse, et c'est à cela que la FAI faisait référence. Dans le système actuel, un délai est donné. C'est un peu le compte à rebours, comme aux échecs: quand l'un a joué son coup, le compte à rebours court chez l'autre. Le premier point qui est intéressant, mais antilibéral, c'est que l'Etat fixe un délai aux mandataires privés; il peut fixer un délai à ses fonctionnaires, mais là, il va pouvoir le faire auprès des entreprises privées. C'est une nouveauté intéressante, je me réjouis de voir les sanctions que l'Etat pourra infliger aux requérants qui ne respectent pas le délai de dix jours inscrit dans ce projet de loi. C'est intéressant comme concept, cela ne me dérange pas, mais je le souligne, parce que c'est inédit: c'est inédit que l'Etat dispose d'une base légale pour imposer un délai à des privés.

Mais surtout - et c'est ce que j'évoquais, ce que la FAI évoquait -, dans le système de l'article 4, alinéa 3, qui est proposé, le compte à rebours ne s'arrête pas pour l'Etat. Il a soixante jours pour rendre une décision, mais si le propriétaire privé met cinquante-neuf jours pour lui fournir les documents nécessaires, il est obligé de rendre une décision le jour suivant. C'est exactement ce qui figure noir sur blanc. Alors que va faire l'administration, puisqu'elle n'aura pas pu instruire ? Elle va prononcer des refus. C'est le principal risque de ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés: face à une situation incongrue liée à une loi alambiquée, par incapacité de traitement matériel, l'administration prononcera des refus, ce qui obligera les requérants soit à faire recours, ce qui signifie des mois de procédure, soit à redéposer de nouveaux dossiers.

Voilà pour les fausses bonnes idées en matière d'amélioration des autorisations de construire. A l'inverse, nous avons besoin de moins de densité normative, de plus de confiance dans l'administration, d'une meilleure collaboration entre professionnels, qu'ils soient privés ou publics. Ce texte n'amène rien de tout cela, il crée une couche législative supplémentaire et certainement une plus grande incompréhension. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous demande de le refuser; son adoption entraînera très certainement des retards supplémentaires en matière d'autorisations de construire.

La présidente. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. J'ouvre la procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 13195 est adopté en premier débat par 58 oui contre 26 non.

Le projet de loi 13195 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13195 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 27 non (vote nominal).

Loi 13195 Vote nominal

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous stoppons nos travaux ici pour ce soir. Je vous rappelle que demain, les extraits seront traités en points fixes, c'est-à-dire que nous arriverons assez vite à l'ordre du jour ordinaire; je vous invite donc à être présents. Sur ce, bonne soirée et bon retour dans vos foyers pour ceux qui le souhaitent !

La séance est levée à 22h45.