Séance du
jeudi 25 janvier 2024 à
17h
3e
législature -
1re
année -
8e
session -
47e
séance
PL 12574-A et objet(s) lié(s)
Troisième débat
La présidente. Nous passons au point suivant, soit les PL 12574-A et PL 12575-A, classés en catégorie II, trente minutes. Pour rappel, nous avons déjà traité les premier et deuxième débats le 24 novembre dernier; nous entamons donc directement le troisième débat. La parole échoit à Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ces deux projets de lois... (Brouhaha.)
La présidente. Un instant, s'il vous plaît. Je ne l'ai pas précisé, Mesdames et Messieurs, mais la demande de silence est valable pour tous les points ! Le but est d'obtenir le calme dans la salle, et si des discussions doivent avoir lieu, ce qui est tout à fait légitime, elles se tiennent à l'extérieur. Reprenez, Madame Marti.
Mme Caroline Marti. Merci, Madame la présidente. Je parlais donc de projets de lois complètement absolutistes qui ont pour objectif d'imposer au forceps le principe de l'équilibre budgétaire comme unique boussole pour la politique budgétaire de l'Etat. C'est tellement absurde qu'on serait tenté d'en rire si les conséquences de leur application n'étaient pas aussi concrètes, aussi brutales, aussi dogmatiques.
Il s'agit de limiter la croissance des charges et des engagements à l'évolution démographique alors qu'on sait très bien que les besoins augmentent bien plus vite que la hausse de la population, notamment en raison de la précarité, du vieillissement, de différents enjeux auxquels nous devons faire face, par exemple l'urgence climatique. On se dirige là tout droit vers une situation de casse sociale à travers un démantèlement de l'Etat social.
Très concrètement, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont des coupes - mais des coupes massives ! - dans les prestations aux citoyens qui nous attendent. Et naturellement, les prestations les plus coûteuses, les plus importantes, à savoir les prestations sociales (subsides d'assurance-maladie, assistance sociale, prestations complémentaires AVS-AI), seront directement réduites si ces projets de lois sont acceptés.
On s'achemine très clairement aussi vers des licenciements au sein de la fonction publique et du secteur subventionné. En effet, si les besoins flambent dans un domaine, pour y remédier, il faudra diminuer les engagements dans d'autres secteurs, ce qui conduira inéluctablement à des licenciements.
Le corollaire, ce sera une implosion des services publics, lesquels crouleront sous la charge de travail, sous les sollicitations des administrés avec, à la clé, une détérioration des prestations délivrées à la population. Les dépenses indispensables afin de répondre à de grands enjeux de société comme l'urgence climatique, quant à elles, seront tout simplement jetées aux oubliettes.
Les auteurs de ces projets de lois sont juste inconséquents, ne mesurent manifestement pas l'impact des textes qu'ils présentent; ils ont d'ailleurs fini par rétropédaler en déposant une série d'amendements qui nous ont été envoyés tout à l'heure. A la lecture de ceux-ci, on se rend compte qu'ils s'apparentent à un bricolage insensé pour sauver la face. Plutôt que de retirer les projets de lois, ce qui aurait été la seule chose intelligente à faire, on en rajoute une couche avec des amendements qui ne rendent pas les textes moins dangereux, mais beaucoup plus impraticables.
D'abord, on extrait les charges contraintes de l'augmentation possible des charges, mais pas les charges mécaniques. Pourtant, les charges mécaniques sont beaucoup plus contraintes que celles dites contraintes. Ainsi, si l'Etat se retrouve à devoir payer davantage de charges au nom de la RPT, la péréquation intercantonale, et c'est ce qui arrivera ces prochaines années, eh bien cela anéantira totalement la possibilité d'augmenter les charges, donc il sera absolument impossible d'engager des dépenses pour la population: on dépensera pour Berne, plus pour Genève - les Genevois apprécieront !
Par ailleurs, on pourra embaucher des auxiliaires à la place du personnel fixe. Voilà qui conduira immanquablement à une précarisation des employés de l'Etat, mais aussi à un «turnover» beaucoup plus conséquent, ce qui, bien entendu, nuira gravement à l'organisation des services.
La trouvaille suivante, c'est qu'il sera tout de même possible d'augmenter les charges si celles-ci sont liées à des événements extraordinaires ou inattendus; alors là, je me réjouis de voir comment le Conseil d'Etat appliquera cette disposition ! Comment déterminer qu'une charge est liée à un événement extraordinaire ou inattendu ? L'augmentation de la consommation de crack, la réévaluation des besoins parce qu'il y a soudain davantage de personnes à l'aide sociale: comment cela sera-t-il interprété ?
Quant au dernier aspect de ces amendements, qui prévoit une exception pour les postes d'enseignants, lesquels pourront continuer à croître, on atteint ici un tel niveau de clientélisme que cela ne mérite pas d'autre commentaire de ma part.
De ce fait, Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser ces projets de lois dangereux de même que ces amendements qui ne sont pas sérieux. Je demande le renvoi en commission et, si celui-ci n'est pas accepté, je préconise un rejet à la fois des amendements et des projets de lois; si ceux-ci devaient tout de même passer la rampe, nous nous retrouverons devant les urnes après le lancement d'un référendum ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci bien. Le rapporteur de minorité souhaite-t-il s'exprimer à propos du renvoi en commission ? (Remarque.) Allez-y, Monsieur Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Evidemment que non ! (Rires.)
Une voix. Merci !
Une autre voix. C'est clair !
La présidente. Vous disposiez de trois minutes, vous avez été bref, je vous en remercie ! Bien, Mesdames et Messieurs, je mets aux voix la proposition de renvoi à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 12574 et 12575 à la commission des finances est adopté par 46 oui contre 45 non. (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)