Séance du
vendredi 15 décembre 2023 à
17h
3e
législature -
1re
année -
7e
session -
46e
séance
PL 13360-A
Troisième débat (suite)
La présidente. Vous avez reçu le budget tel qu'issu de notre troisième débat. Nous passons aux déclarations finales. Pour rappel, chaque groupe, chaque rapporteur ainsi que le Conseil d'Etat disposent respectivement de cinq minutes de temps de parole. (Un instant s'écoule.) Ceux qui souhaitent s'exprimer peuvent s'inscrire, sinon nous pouvons passer directement au vote final, cela ne me pose aucun problème ! (Brouhaha.) J'invite les personnes qui nous rejoignent à prendre place et à arrêter de discuter. Madame Emilie Fernandez, vous avez la parole.
Mme Emilie Fernandez (Ve). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, pendant quatorze heures, nos échanges auront montré que se rassembler autour d'une vision commune du rôle de l'Etat et des moyens mis à disposition de la population n'est pas chose aisée. Le groupe Vert considère qu'il est de notre responsabilité de doter le Conseil d'Etat d'un budget qui permette de soutenir les plus précaires et les plus fragiles de notre canton, car, comme le dit la Constitution fédérale en préambule, «la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres».
Nous avons entendu hier certains partis dire que nous vivions à Genève dans l'opulence. Il est probable que ces personnes n'ont pas récemment visité le foyer des Tattes ou les locaux de Quai 9. Ce sentiment d'opulence est une question de point de vue. Les Vertes et les Verts sont convaincus de l'importance de nous décentrer de notre situation privilégiée et d'ouvrir notre champ de vision pour représenter l'ensemble de la population du canton.
Malheureusement, c'est une position que ne partage pas la majorité de ce parlement. En effet, à la suite de nos travaux, les jeunes en formation, les proches aidantes, les seniors, les individus sous curatelle, les enfants, les personnes migrantes, les détenus, les propriétaires souhaitant opérer une rénovation énergétique de leur bien, et j'en passe, toutes ces personnes ne pourront pas bénéficier des prestations publiques que le Conseil d'Etat avait prévues pour elles, à cause des coupes opérées dans le budget par la majorité de droite ! Nous le regrettons sincèrement.
En effet, si le premier budget présenté ne nous semblait pas à la hauteur des enjeux du canton, la version amendée proposée par le Conseil d'Etat aurait trouvé notre soutien. C'était sans compter les coupes de postes que vous connaissez - et je souligne ici l'incohérence de refuser des postes visant à mettre en oeuvre des projets votés par le parlement lui-même.
Par ailleurs, le rôle si précieux des associations ainsi que leur liberté d'action et d'expression ont également été mis à mal à travers l'étude de ce budget. La majorité a, là aussi, été très claire: aucune adaptation à la conjoncture ne sera octroyée au tissu associatif genevois ! J'aurais voulu pouvoir dire que, heureusement, les coupes honteuses dans les subventions des associations ne sont pas passées. Mais non ! L'UDC a finalement eu le dernier mot sur celle de l'AVIVO, qui sera opérée au détriment de ses milliers de membres retraités, à cause de problèmes d'ego mal placés ! Seule réjouissance, le revirement de la majorité qui permettra finalement de mettre en place un plan sérieux de lutte contre le crack et de doter l'association Première ligne de moyens cohérents pour le mettre en oeuvre.
Vous le comprenez, le budget qui nous est soumis à l'issue de ces travaux ne correspond pas à ce que les Vertes et les Verts considèrent comme un budget responsable, à la hauteur des besoins, non pas pour quelques privilégiés, mais bien pour l'ensemble des personnes vivant à Genève. Par conséquent, nous le refuserons.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). Madame la présidente, chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de ce rituel de solstice d'hiver que l'on a coutume à Genève d'appeler l'adoption d'un budget pour l'année suivante. Il est vrai que l'année liturgique genevoise est ponctuée d'événements marquants, en particulier dans la dernière période: vous avez le cirque Knie en septembre, la Revue en octobre, les objectifs de législature du Conseil d'Etat en novembre - même si ce n'est que tous les cinq ans - et puis l'Escalade et l'adoption du budget, qui ne sont en fait qu'une seule réalité, c'est-à-dire un moment où on se déguise et où on chante. On chante le «Cé qu'è lainô» d'un côté et on chante une loi budgétaire de l'autre, sachant parfaitement, dans les deux cas, que cela est destiné à être chanté et que le Conseil d'Etat ne fera une application de cette autorisation de dépenses avec une ventilation précise de ce pour quoi celles-ci sont autorisées que peu respectueuse et qu'il dépensera très exactement ce qu'il voudra, revenant autant de fois que cela sera nécessaire avec des crédits complémentaires - c'est d'ailleurs probablement pour ça qu'il a demandé des postes supplémentaires, sachant qu'il aura pas mal de boulot de ce côté-là au cours de l'année prochaine.
Cet événement rituel et liturgique a été ponctué par trois incidents, si l'on veut: premièrement, une pause plutôt bienvenue, deuxièmement, un incident de rue et troisièmement, un message. La pause, c'est ce moment où, fidèle à sa vocation de bouc émissaire, l'UDC a prononcé le mot interdit: «immigration». Cela a permis à la gauche et à la droite de se remettre d'accord pour taper ensemble, à grands coups de déclarations morales indignées, la main sur le coeur, sur ces méchantes personnes qui osaient parler de l'immigration - comme si ce sujet était interdit.
Petite parenthèse, chers collègues: on se fiche complètement de savoir si le Conseil d'Etat ou nous autres pensons que l'immigration n'amène que du bon, qu'elle n'amène que du mal ou qu'on ait une vision mélangée des deux, là n'est pas la question; ce dont il est question ici, c'est de budget et de politiques publiques. Or, il se trouve que l'immigration, enfin la gestion de l'immigration et plus précisément le respect ou la mise en application de la loi fédérale sur les étrangers ainsi que des textes qui lient la Suisse à l'Union européenne, c'est de la responsabilité du Conseil d'Etat. C'est au coeur de la politique évidemment, puisque ça a des effets démographiques et que la démographie a des effets sur toutes les dépenses. Le Conseil d'Etat a donc cette responsabilité non pas d'avoir un avis sur les aspects positifs ou négatifs de l'immigration - ça, on n'en a absolument rien à faire -, mais de remplir une mission, celle de faire appliquer la loi.
Bien entendu, si vous avez une immigration non contrôlée, si vous avez des cas de séjour illégal, si vous avez des sans-papiers (et tous ces gens-là doivent évidemment être nourris, doivent évidemment être soignés par les HUG, qui n'enverront de facture à personne, doivent évidemment être logés), il est dès lors parfaitement à propos de se demander s'il n'aurait pas été plus sain de ne pas les laisser rentrer ou si, découvrant leur séjour illégal, nous n'aurions pas, par hypothèse, pu avoir cette pulsion de respect du droit fédéral consistant à appliquer ce droit et à éloigner les personnes qui n'ont pas à être là. C'était ça la question. Cette posture politique consistant à ne pas respecter le droit fédéral sur cette question et donc à engendrer un nombre considérable de coûts dans des domaines aussi sensibles que ceux de la santé et du logement est arrivée au milieu du débat, au fond de manière assez naturelle. Vos exclamations indignées n'y ont pas changé grand-chose. Cela étant, le calme est rapidement revenu.
On a ensuite eu un incident de rue. Alors ce n'est pas l'assaut du Capitole, la garde nationale n'était pas là. Le Conseil d'Etat n'avait pas pris les dispositions qu'on pouvait attendre de lui pour s'assurer qu'à la sortie de ce bâtiment... La foule en délire n'a pas pénétré et n'a pas tout cassé dans le Capitole, soit, mais enfin, il a fallu se frayer un passage parmi des gens menaçants qui avaient des pancartes sur lesquelles il était écrit: «Shame, shame on you !», c'est-à-dire des insultes. Lorsque vous avez un rassemblement de gens qui sont en train d'insulter les autorités, à savoir le Conseil d'Etat d'un côté et les parlementaires qui ont le mauvais goût d'être de droite de l'autre, vous avez affaire à un phénomène que, à l'évidence, le Conseil d'Etat, à travers son département, aurait peut-être dû encadrer. Ça n'a pas été le cas, la rue a été livrée à la colère des enfants gâtés qui, chaque année à la même époque, menacent de grève et menacent de toutes sortes d'autres choses, craintifs qu'ils sont quant à leurs avantages. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Et puis, le dernier point, c'est le message. Evidemment, c'est très symbolique, ce n'est pas quelque chose qui aura une énorme substance dans les comptes, mais nous avons dit aux associations subventionnées que c'était fini, qu'on allait cesser d'utiliser l'argent du contribuable pour soutenir la politique clientéliste d'une gauche qui nous a montré, dans toute sa splendeur, à quel point elle était attachée à ses sous et à sa base électorale - elle a d'ailleurs raison sur ce point puisque sa base électorale s'érode, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Yves Nidegger. Nous allons donc refuser ce budget, parce qu'il est déficitaire. Cela fait des lustres que l'UDC refuse les budgets parce que cela fait des lustres qu'ils sont déficitaires: le déficit, c'est de la dette et la dette, c'est une double peine fiscale pour nos enfants ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Sébastien Desfayes (LC). Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons bientôt au terme de ce qu'il convient d'appeler une célébration budgétaire, qui a donné lieu à des débats très longs, si ce n'est assommants, passionnés, quelquefois jusqu'à l'excès. Comme l'a dit, à juste titre d'ailleurs, Yves Nidegger, ces débats ont également eu lieu dans la rue, où certains syndicalistes, ou pseudo-syndicalistes, ont eu des comportements et des propos absolument inadmissibles et qui ne devront plus jamais se reproduire: les députés du Grand Conseil n'ont pas à être menacés à la sortie du parlement.
Pourtant, nos débats n'ont porté que sur l'épaisseur du trait, parce qu'entre le projet de budget du Conseil d'Etat et le budget issu de cette majorité, on va dire, équilibrée et équitable, la différence n'est que de 50 millions. Oui, 50 millions sur un budget supérieur à 10 milliards, soit 0,48%. C'est donc dire que le budget ne menace pas Genève de la banqueroute et qu'il n'annonce pas la plus grave crise sociale depuis 1929. Pourtant, l'UDC a multiplié les requiem et les actes pénitentiels, pour racheter sans doute notre péché de voter un budget déficitaire.
La gauche a été fidèle à elle-même en multipliant - vu qu'on parle de liturgie - les offertoires, agitant fébrilement ses paniers d'osier, dans l'espoir d'y voir tomber davantage de crédits votés par la majorité. Nous avons eu l'occasion d'apprécier à sa juste mesure l'outrance de la gauche, qui ne comprendra jamais que dépenser plus ne signifie pas dépenser mieux. (Rires.) Une gauche qui, comme un mauvais acteur de série B italienne, se plaint d'un budget - vous pouvez rire - que l'on considère comme étant un budget d'austérité, quand nos prestations sociales sont les plus élevées de Suisse, si ce n'est du monde !
Bien sûr, Le Centre votera le projet de budget tel qu'issu de nos débats, mais ce soutien n'est pas inconditionnel. Nous continuerons à nous battre pour que l'Etat devienne plus agile, plus efficient, en veillant à ce qu'il se montre moins gourmand en engagements, car engager plus ne signifie pas fonctionner mieux. Nous veillerons aussi à ce que les classes moyennes, qui sont exposées à une crise économique, qui sont exposées à l'inflation, qui sont exposées aux charges les plus importantes de Suisse, bénéficient d'une réduction d'impôts. Mesdames et Messieurs de la minorité, arrêtez de vous plaindre, assumez vos responsabilités et allez dans la paix du budget ! Merci ! (Exclamations. Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, nous arrivons effectivement à la fin de ces débats. Permettez-moi, au nom du groupe PLR, de remercier d'abord tous les fonctionnaires, notamment ceux du département des finances, mais également des autres départements, qui, à la commission des finances, ont apporté beaucoup de réponses aux nombreuses questions que nous pouvions avoir. Je tiens évidemment aussi à remercier le Conseil d'Etat pour les nombreux amendements qu'il a proposés: tout n'est pas passé, mais ça viendra une autre fois, ne vous en faites pas !
Mesdames et Messieurs, beaucoup, pendant ces débats, ont parlé de non-sincérité ou d'insincérité - je ne sais toujours pas si ce mot existe - budgétaire. Par définition, un budget n'est pas sincère puisqu'il s'agit d'une estimation, d'une projection sur le futur, futur que par définition nous ne connaissons pas. Il y a d'une part la colonne des revenus. Ces derniers sont extrêmement variables; ils sont à 85% composés des impôts et on ne peut pas savoir combien vont gagner les entreprises et les personnes physiques l'année suivante, on ne sait donc pas combien d'impôts elles vont payer. En revanche, dans la colonne des charges, nous votons effectivement ici une limite maximum, par politique publique, de dépenses autorisées pour le Conseil d'Etat. Il s'agit évidemment d'agir par prudence, précisément parce qu'on ne sait pas dans quel sens vont aller les revenus. Oui, ces dernières années ont été exceptionnelles et il y a eu une discrépance importante entre le budget et les comptes, mais cela est dû à des événements exceptionnels. Qui vous dit que cela continuera ainsi ? Mesdames et Messieurs, si à la fin on se retrouve effectivement avec des excédents importants non pas parce que les recettes ont été mal estimées, mais parce que la situation économique est bien meilleure que prévu, eh bien tant mieux: ces excédents serviront simplement à rembourser la dette, qui - je le rappelle - est la deuxième la plus élevée par habitant de tout le pays.
Les débats ont été houleux, d'autres l'ont dit avant moi. Nous avons même été victimes d'insultes hier soir de la part de syndicalistes - je n'ose imaginer qu'il s'agisse de fonctionnaires de l'Etat -, qui étaient effectivement là et qui brimaient les députés. Il y a une forme d'atteinte à la démocratie: que les fonctionnaires manifestent, qu'ils nous écrivent pour nous dire qu'ils ne sont pas contents de quelque chose, aucun souci, c'est normal, c'est leur droit. Mais qu'on se fasse vilipender, avec en plus des panneaux écrits en anglais... Jean Romain, si tu nous écoutes, je suis désolé ! (Rires.) Je sais qu'il nous écoute et qu'il est désolé.
La gauche nous a dit: «Vous avez coupé à la hache, à la tronçonneuse ! Des coupes dans n'importe quel sens.» On a même entendu: «Des coupes joyeuses.» Tout ça, Mesdames et Messieurs, pour 0,5% du budget. Imaginez ce qu'il se serait passé si on n'avait pas coupé à la hache ou à la tronçonneuse, mais, je ne sais pas, avec un immense sécateur, un bulldozer, un tank ! Quelles auraient été les réactions à gauche ? Il faut juste arrêter d'exagérer sur ce point: aucune coupe n'a été opérée, on ne fait ici que freiner l'augmentation des charges. Oui, Genève est riche. Oui, Genève est extrêmement taxée. Mesdames et Messieurs, on n'a pas un problème de moyens, on a un problème de gestion des moyens. Avec un budget de 10,3 milliards pour 520 000 habitants, c'est-à-dire le budget par habitant le plus élevé du monde, nous avons largement les moyens d'aider tout le monde, y compris et particulièrement les plus défavorisés. Il s'agit, chaque année, d'effectuer un vrai travail d'analyse pour dire qui on veut aider, comment on veut les aider et pour mettre les moyens exactement là où ils sont nécessaires. Les autres cantons, par exemple Zurich ou Vaud, ont des prestations par habitant en francs moins élevées, et pourtant les habitants ne se plaignent pas. J'ai d'ailleurs l'impression que leurs habitants se plaignent moins que la gauche de ce parlement. Ce n'est donc pas un problème pour ces cantons.
On nous a traités de droite élargie. Mon collègue centriste disait tout à l'heure qu'on pouvait comparer cela à une gauche rétrécie. En réalité, Mesdames et Messieurs, nous avons eu droit à un affrontement entre une majorité triple R, responsable, raisonnable et rigoureuse, qui a fait face à une minorité triple D, dispendieuse, dilapidatrice et démoralisante ! Mesdames et Messieurs, sur le budget, l'objectif du PLR était d'atteindre un équilibre. Alors cet objectif n'est pas complètement atteint, parce que nous voulions un budget et qu'il faut pour cela une majorité. Mais lorsqu'on se retrouve avec un déficit de 48,3 millions sur un budget de 10,3 milliards, cela représente un déficit égal à 0,45% du budget total. Certes, l'objectif final n'est pas atteint, mais on s'en rapproche parce que, comme le veut le Conseil d'Etat, c'est un budget en transition. En transition vers quoi, Mesdames et Messieurs ? Vers une meilleure maîtrise des charges, et c'est ce que nous voterons en janvier avec nos deux projets de lois, qui permettront enfin à l'avenir d'avoir une véritable maîtrise des charges et donc des budgets équilibrés.
Mesdames et Messieurs, dans un de ses films, Michel Audiard faisait dire à l'un de ses personnages: «Deux milliards, je n'appelle pas ça du budget, j'appelle ça de l'attaque à main armée.» Mesdames et Messieurs, qu'aurait-il dit avec 10,3 milliards ? Eh bien c'est l'autre objectif du PLR, que nous viserons à l'avenir, à savoir que cet argent soit aussi utilisé envers ceux qui y ont droit, à savoir ceux qui ont payé trop d'impôts, c'est-à-dire les contribuables. En conséquence de quoi, nous devrons également baisser les impôts des personnes physiques. Ce sont ces deux objectifs, maîtrise des charges et baisse d'impôts, qui nous permettent ce budget de transition que nous voterons. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
M. Laurent Seydoux (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour ce premier exercice budgétaire de Libertés et Justice sociale, nous tenons en préambule à vous remercier, vous les députés ainsi que le Conseil d'Etat, pour les échanges riches et les négociations intenses. Nous remercions aussi toutes les personnes qui ont participé à l'élaboration de ce budget. Je remercie enfin mon groupe pour sa confiance durant ces deux jours, où chacun et chacune a dû faire des compromis pour offrir, nous l'espérons, un budget 2024 à notre canton.
Nous pensons qu'un budget de 10,4 milliards de francs, largement supérieur au budget 2023, sera suffisant pour assurer des prestations adéquates et de qualité à notre population. Avec une indexation de 1% ainsi que la réactivation de l'annuité en 2024, c'est une augmentation des salaires de près de 1,5% qui est proposée à la fonction publique. Nous sommes également satisfaits de la plupart des amendements acceptés en deuxième et troisième débats.
Concernant la position de Libertés et Justice sociale qui nous a guidés lors de ce processus budgétaire, il nous semble qu'elle n'a pas encore été complètement comprise par le Conseil d'Etat. Je vais dire quelques mots à ce propos. Evidemment que les nouveaux projets sont séduisants, qu'ils répondent à des besoins actuels, voire urgents. Evidemment que ces projets nécessitent des ressources, qu'elles soient financières ou humaines. Mais avant de proposer de nouveaux projets, dans l'élaboration du budget, nous attendons qu'un travail d'analyse des priorités et de la pertinence des projets soit réalisé au préalable, surtout pour ceux qui ont obtenu des ressources les années précédentes, en particulier ceux qui ont une durée de vie limitée. En résumé, il faut une vraie politique d'allocation de ressources, notamment sur la ligne 31, la fameuse ligne des mandats peu transparents, aussi avec des sommes non attribuées, et une vraie allocation de ressources et une politique d'employabilité efficace sur la ligne 30 relative aux postes de travail.
Mais le Conseil d'Etat doit aussi se poser la question de l'épaisseur de la hiérarchie nécessaire à l'établissement d'une prestation à destination de la population. Concrètement, combien de couches de direction et d'état-major pour prendre une décision ? Quelle est la vraie utilité des directions et états-majors pléthoriques ? Dernier exemple en date: alors que l'on nous demande des postes d'enseignants, le 8 décembre, un poste de nouveau secrétaire général adjoint est ouvert au sein de l'état-major du DIP. Le signal est mauvais.
Nous imaginons que pour les projets prioritaires le Conseil d'Etat saura trouver, dans les 10 milliards de charges, les 0,18%, soit les 18 millions qu'il nous demandait de réintégrer dans le budget. Nous imaginons aussi qu'il viendra toquer à la commission des finances pour récupérer ce qu'il n'a pas obtenu aujourd'hui. Je peux vous assurer que le groupe Libertés et Justice sociale restera ouvert mais très attentif à ce que les départements justifient l'emploi actuel de leurs lignes pour les mandats et les postes avant de venir demander des augmentations.
Le bien nommé groupe Libertés et Justice sociale votera donc le budget issu de cette plénière et se réjouit déjà de travailler pour notre population avec ce budget. Merci. (Applaudissements.)
M. Grégoire Carasso (S). Chers collègues, à titre liminaire, au nom du groupe socialiste, nous aimerions remercier les fonctionnaires de l'administration, en particulier ceux du département des finances, pour la qualité du soutien qui nous a été apporté durant l'ensemble de ces travaux: merci à elles, merci à eux.
Le groupe socialiste s'apprête à refuser ce projet de budget 2024, que nous qualifions de schizophrène au sens étymologique: c'est un esprit fendu qui nous est proposé - c'est ainsi que nous caractérisons, dans les rangs socialistes, la majorité conduite par le PLR et ses filiales sur ce budget.
Je le déclinerai, si vous le voulez bien, en cinq axes. Le premier est le plan institutionnel. Le PLR et ses filiales n'ont jamais été aussi majoritaires et puissants dans ce canton: au Grand Conseil, on l'a vu durant ces débats, mais également au Conseil d'Etat, et à la tête du Pouvoir judiciaire avec le procureur général. Les membres du PLR présents dans ces différents pouvoirs sont issus du même moule idéologique, mais même lorsque M. Jornot ou Mme Fontanet vous expliquent l'urgence de certains besoins, vous les éconduisez publiquement en laissant entendre que vous pourriez plus discrètement, à la commission des finances, à la faveur de crédits supplémentaires, concéder certains de ces besoins. Où est l'honnêteté intellectuelle ? Où est la transparence due à nos débats démocratiques ?
Esprit fendu ensuite, Madame la présidente, sur le train de vie de l'Etat. Des finances publiques saines, une dette qui n'a jamais été aussi basse, mais des coupes que vous imposez dans le projet de budget 2024. Dans le même élan, avec la même doxa financière, vous nous annoncez des baisses d'impôts. A la grande différence de RFFA, qui entraînait - on le voit aux comptes depuis l'entrée en vigueur de cette réforme fiscale - des hausses d'impôts, parce que pour l'essentiel des plus gros contributeurs, RFFA était bel et bien, n'en déplaise à certaines et certains de mes camarades, une hausse d'impôts.
Schizophrène ensuite par rapport à ce biais cognitif grave qui voudrait lier à la croissance de la population la croissance des prestations publiques. La population a augmenté de 1,1%. Dans le même temps, les primes d'assurance-maladie ont augmenté de 9%. Les 65 ans et plus, d'ici 2030, vont augmenter de 30%. On observe +300% de dommages économiques subis par les entreprises et les personnes physiques dans le cadre de la cybercriminalité; +50% de dossiers au service de protection des adultes; et deux tiers de la nouvelle population arrivée à Genève - les 1,1% dont j'ai parlé tout à l'heure - sont des réfugiés ukrainiennes et ukrainiens, avec évidemment des besoins qui augmentent bien plus que de 1%. Enfin, c'est aussi la démographie scolaire, et cela a été rappelé par la conseillère d'Etat Anne Hiltpold: en nombre d'élèves par classe, avec les coupes que vous avez infligées au budget 2024, Genève va se retrouver bientôt derrière Zurich, lanterne rouge, alors que nous avons besoin d'un encadrement exemplaire.
Esprit fendu aussi lorsqu'on parle de l'urgence climatique, le grand défi du XXIe siècle. Vous avez voté, lorsque ça avait peu d'incidence, le milliard écologique, la loi sur les embrasures, la loi sur l'efficience énergétique. Vous avez refusé la semaine dernière, parce que c'était du bla-bla à vos yeux, la loi sur le climat. Mais lorsqu'il s'agit de voter des moyens pour mettre en oeuvre la rénovation du parc immobilier de l'Etat, l'un des plus grands propriétaires, que vous disqualifiez régulièrement parce que n'étant pas suffisamment exemplaire en la matière, eh bien là, dans le cadre de ce budget 2024, une fois encore, vous n'avez pas répondu présents. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Esprit fendu enfin parce que Genève, Madame la présidente, est un canton prospère, mais avec des inégalités qui augmentent. Avec vos choix politiques, vous altérez la cohésion sociale de notre canton. Le vote punitif sur l'AVIVO tout à l'heure relève du registre symbolique, mais il illustre cette punition, cette envie qui est la vôtre de prendre votre revanche. Si vous n'étiez pas à ce point aveuglés par cette perspective strictement financière et néolibérale, vous prendriez conscience du fait que la croissance du revenu par habitant est intimement liée, à Genève, en Suisse et dans tous les pays occidentaux, à la justice sociale.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Grégoire Carasso. En conclusion, Madame la présidente, le groupe socialiste refusera ce budget d'austérité, dans une Genève pourtant prospère, mais où les inégalités augmentent. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Chers collègues, le MCG est inquiet des grandes options prises par le Conseil d'Etat. Son programme de législature ne répond pas aux problèmes importants que rencontrent les habitants de notre canton, et nous le regrettons. En particulier, l'actuel gouvernement n'exprime pas la volonté de limiter l'engagement de frontaliers permis G à l'Etat. Je répète: frontaliers, permis G, à l'Etat ! Le MCG se place donc comme un parti d'opposition. Il ne s'agit pas d'une opposition aveugle, mais au contraire, constructive, qui tient compte des réalités.
Le pire pour Genève serait de ne pas avoir de budget. Ce serait d'abord un dégât d'image et cela nous conduirait à une gestion catastrophique avec les douzièmes provisionnels. Ce cas de figure que nous voulons éviter entraînerait de nombreuses conséquences négatives, autant pour le secteur public que pour le secteur privé, en particulier la non-indexation des salaires des fonctionnaires. Je suis surpris de l'attitude de la gauche consistant à refuser de manière catégorique et systématique le budget, car cela est contraire aux intérêts de la fonction publique.
Il est à relever que ce budget est le fruit d'un nombre considérable d'heures de travaux en commission, durant lesquelles plus de deux cents amendements ont été examinés. Le MCG pense avant tout au bien des Genevois et surtout au bien de Genève; pour cette raison, il acceptera le budget 2024, mais il ne faut pas s'y tromper: nous ne donnons aucune carte blanche au Conseil d'Etat ! Le MCG votera le budget 2024 dans cet état d'esprit: une opposition constructive pour le bien de Genève. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Michael Andersen (UDC), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, à titre liminaire, nous nous joignons aux différents remerciements envers le Conseil d'Etat et l'administration pour le travail accompli dans le cadre de ce budget. Nous ne pouvons en revanche que regretter que seuls quatre conseillers d'Etat soient présents ce soir pour un vote d'une telle importance pour notre canton.
Je vais être bref, l'essentiel ayant été dit par notre chef de groupe. Nous ne voterons pas de budget déficitaire - notre ligne a toujours été très claire. D'ailleurs, parlons-en, de ce déficit qu'on qualifie d'admissible. Vous le savez, Mesdames et Messieurs, il s'agit de ce mécanisme mis en place dans le cadre de la RFFA qui autorise l'Etat à présenter un budget déficitaire jusqu'à un certain niveau, ce qui devait permettre de mieux absorber la potentielle baisse des rentrées fiscales liée à la baisse des taux d'imposition, qualifiée de hausse par le député Carasso - et je l'en remercie, la gauche comprend enfin les enjeux plusieurs années après, mieux vaut tard que jamais ! Or, Mesdames et Messieurs, cela a encore été rappelé, la RFFA a largement été absorbée, et cela bien plus rapidement que prévu.
Cela avait d'ailleurs été annoncé par les bancs de droite, toute baisse d'impôts nous permet très souvent d'engranger plus de recettes fiscales, c'est la raison pour laquelle nous allons nous atteler à celle des personnes physiques, les grands oubliés de notre canton - celui-ci exerçant la plus forte pression fiscale -, et ce indépendamment des résultats des comptes 2023, car la population n'a pas à être l'otage de la politique inflationniste de notre canton. Mais vous voyez où je veux en venir, Mesdames et Messieurs les députés, on nous dit d'un côté que la RFFA a été absorbée et de l'autre que notre déficit est admissible selon une règle mise en place pour pallier un manque de recettes lié à la RFFA et qui n'existe plus. Ce double discours est inadmissible et camoufle une politique inflationniste des dépenses. Je vous garantis aujourd'hui qu'un projet de loi sera déposé qui vise à modifier la LGAF afin de contraindre notre Conseil d'Etat à présenter un budget équilibré bien avant 2028, budget qui sera vraiment admissible pour une fois.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de budget prévoit plus de 220 nouveaux postes, mais on entend une gauche qui parle de coupes à la hache pour certains ou à la tronçonneuse pour d'autres, des termes barbares qui me laissent perplexe. Ce budget accorde des moyens supplémentaires importants, des moyens qui excèdent largement l'augmentation de la population, cela a été rappelé, par exemple dans le domaine de l'action sociale et des personnes dans le besoin, avec +7,7% de charges. Bien entendu, comme je l'annonçais dans ma prise de parole initiale, lors de l'ouverture de ce débat, tout le monde préférerait avoir cinquante enseignants plutôt que vingt-cinq, deux cents policiers plutôt que cent ou trois cents infirmières plutôt que cent cinquante, mais des choix doivent être opérés en fonction de nos moyens. Mesdames et Messieurs, nos moyens, dans une discussion budgétaire, ce sont les revenus budgétés et non ceux qu'on espère avoir aux comptes dans treize mois.
Mesdames et Messieurs, le budget sur lequel nous nous apprêtons à voter - que j'ose espérer de transition, comme cela nous a été rappelé à réitérées reprises - est le reflet parfait d'une politique de gauche, qui repose sur trois piliers: déresponsabiliser les individus, niveler la société par le bas et faire exploser les dépenses publiques. Compte tenu de ce qui précède, la troisième minorité vous invite à refuser ce projet de budget.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, malgré nos débats parlementaires, malgré les arguments donnés par le Conseil d'Etat et par la minorité, le projet de budget tel que sorti de la commission des finances a été très peu modifié. Nous avons tenté de convaincre, nous avons espéré des prises de conscience sur certains enjeux, sur la transition écologique, sur la précarisation de la population, sur la formation, sur les engagements pris par le Conseil d'Etat suite aux votes de notre parlement de plusieurs lois, mais il n'y en a presque pas eu. Il y a eu une petite lueur avec l'acceptation du plan crack via les 12 ETP, à savoir les postes créés pour assurer la sécurité et la protection de la population. Une petite lueur aussi avec l'acceptation de l'augmentation de la subvention à l'association Première ligne. Cette lueur est vite retombée évidemment lorsque au troisième débat, le MCG a retourné sa veste et, en s'abstenant, a fait en sorte que l'AVIVO perde sa subvention cantonale, alors qu'il s'agit d'un office social venant en aide aux personnes âgées.
J'aimerais continuer à parler de cette droite élargie, puisqu'elle l'est - il s'agit du PLR, de l'UDC, du Centre, du MCG et de LJS. Elle a coupé dans des demandes de postes indispensables aux prestations à la population. Les Vertes et les Verts refuseront ce budget, comme cela a déjà été dit par ma collègue, parce que malgré tous les amendements proposés, presque rien n'a bougé. Un trop grand nombre de postes liés à la transition écologique, voire l'intégralité d'entre eux, ont été supprimés, alors que nous sommes en situation d'urgence climatique, comme cela a été déclaré par le Grand Conseil à la quasi-unanimité il y a quatre ans. Les coupes faites dans la politique publique B, notamment en lien avec la rénovation énergétique des bâtiments de l'Etat, mais aussi les coupes et les non-créations de postes en lien avec l'énergie indispensables dans la politique publique E, représentent une attaque frontale contre la stratégie énergétique de notre canton. Il y a aussi les refus de postes dans la politique publique M, postes nécessaires au développement de la mobilité douce dont les axes forts vélos font partie, également des postes pour développer les infrastructures ferroviaires et l'extension des lignes de tram confisqués. La droite élargie a attaqué la transition écologique et aussi la formation. Elle a refusé de voter des postes de terrain, des postes nécessaires face à l'augmentation démographique, des postes indispensables face à l'augmentation des besoins.
Alors malgré l'urgence climatique, malgré une précarité grandissante, malgré un vieillissement de la population, malgré une augmentation des loyers, malgré l'inflation, malgré une augmentation du prix de l'énergie, malgré l'explosion des primes d'assurance-maladie, malgré ce contexte, les postes nécessaires pour répondre aux besoins de la population en prestations n'ont pas été votés par cette droite élargie. Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts refuseront ce budget.
J'aimerais aussi remercier les fonctionnaires du département des finances pour leur précieuse aide lors de nos travaux. (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Je me joins bien évidemment aux remerciements adressés à Mme Nathalie Fontanet, à ses services et aux services financiers des différents départements pour leur soutien et leur appui dans le cadre de ces travaux budgétaires.
Au cours de ces débats, ce soir encore dans ses prises de position, la droite majoritaire affiche son mépris pour les besoins de la population, au premier rang desquels les élèves de ce canton, qui verront leurs conditions d'apprentissage détériorées par le refus des postes d'enseignants, des postes de terrain, et par l'augmentation du nombre d'élèves par classe; c'est vrai en premier lieu pour les élèves les plus fragiles et à besoins particuliers, qui ne pourront pas bénéficier d'un accompagnement spécifique. C'est vrai également pour les personnes sous curatelle et leurs proches à qui les curateurs stressés, pressés, ne pourront pas offrir l'accompagnement nécessaire et adéquat à l'état de vulnérabilité dans lequel ils et elles vivent, pour les collaboratrices et collaborateurs de la fonction publique et de l'ensemble des entités subventionnées, mais aussi pour les pensionnés de la CPEG, qui subiront une perte de pouvoir d'achat et une précarisation de leur situation socioéconomique en raison de la non-indexation des rentes et d'une indexation seulement partielle des salaires de la fonction publique.
C'est vrai aussi pour les bénéficiaires des prestations publiques: les services surchargés doivent travailler avec des outils informatiques pour certains obsolètes, ce qui engendrera des retards dans la délivrance des prestations et dans l'élaboration des projets menés par les départements. Sont aussi concernées les personnes migrantes, qui ne pourront pas bénéficier de conditions d'accueil adéquates au vu des parcours migratoires et des drames humains qu'elles ont traversés. Enfin, cela impactera également les personnes âgées, qui, allant chercher un peu de soutien, d'aide, de divertissement et de loisir auprès d'une association aussi solide que l'AVIVO, ne pourront plus bénéficier de la même qualité de prestations.
La majorité de droite, malgré des moyens financiers évidents - je le rappelle, plus de 700 millions de bénéfices aux comptes 2022 -, s'apprête aujourd'hui à voter un budget qui n'est tout simplement pas à la hauteur des enjeux, des besoins et des attentes de la population. Une majorité de droite arrogante et engluée dans ses propres certitudes, au point même de ne supporter aucune contestation ! L'AVIVO a le malheur d'émettre une libre opinion qui n'est pas en faveur de la majorité de droite, hop, on lui coupe sa subvention ! La fonction publique fait part de son désaccord contre les coupes massives dans ce budget, et face à ce qui est une manifestation, la droite crie à l'insurrection.
Mesdames et Messieurs les députés de la majorité de droite - Madame la présidente, vous voudrez bien leur transmettre -, vous voulez écraser les minorités, les personnes fragiles, les personnes vulnérables, vous voulez réduire en bouillie les engagements climatiques du canton et de la Suisse, vous voulez ignorer les besoins de la population: ne vous attendez pas à ce que les personnes victimes de vos politiques iniques et irresponsables se laissent faire en silence. La minorité ne se taira pas, elle continuera à porter haut la voix des classes moyennes et des classes populaires, qui sont aujourd'hui en souffrance en raison de l'inflation, de l'augmentation du coût de la vie, pour que leurs besoins soient écoutés et soient respectés. Aujourd'hui, c'est amers, mais toujours combatifs, que nous refuserons ce budget. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jacques Blondin (LC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, on arrive au bout de ces discussions. On n'a pas été déçus par rapport à ce qu'on envisageait hier matin au moment de commencer les débats: cela fait une vingtaine d'heures que nous traitons de ce budget, qui comptait 180 amendements. C'est vrai que c'est un psychodrame - on peut utiliser une autre terminologie - qu'on vit chaque année pour réussir à boucler le budget. On a pu effectivement constater un affrontement clair et net entre la gauche et la droite. La droite, on peut l'appeler comme on veut, qu'elle soit de circonstance, qu'elle soit filiale d'un parti ou de l'autre; mais il se trouve qu'il y a eu des élections, qu'un changement de majorité s'est opéré et qu'il faut prendre cela en considération.
Je m'inscris bien évidemment en faux contre les propos qui viennent d'être tenus par la rapporteuse de minorité quand elle parle de mépris, d'arrogance, etc. Je veux bien que chacun soit dans son rôle, mais, initialement, le budget de Conseil d'Etat prévoyait un déficit de 100,5 millions. On arrive finalement à -48,3 millions, on a donc enlevé 52,2 millions. Nos vingt heures de travail, c'est 3,5 millions au résultat final. Alors on parle de hache, de tronçonneuse, de mépris, d'arrogance, de tout ce qu'on veut... Pour 50 millions ! Il est évident que quand le Grand Conseil effectue des coupes, il ne le fait jamais au bon endroit. Ça peut faire mal, je le comprends très bien. Par contre, il n'y a pas un seul mot... Si vous prenez les charges de 10,374 milliards, que vous enlevez ce dont nous avons discuté aujourd'hui, il reste quand même 10,32 milliards à disposition pour faire fonctionner la République et canton de Genève.
Tout à l'heure, quelqu'un a parlé de la distance entre Genève et Berne aller-retour avec des billets de mille par rapport aux erreurs d'estimation qui étaient commises au niveau budgétaire; moi, j'aimerais une fois qu'on me donne la distance que représentent 10,32 milliards. Cela pour rappeler que c'est beaucoup d'argent, et prétendre qu'on ne fait rien, qu'on méprise les gens avec 10,73 milliards... Je crois qu'il faut être clair, il n'y a nulle part au monde autant d'argent à disposition ! La question, c'est de savoir ce qu'on en fait.
Et puis, par rapport au budget - ça a déjà été dit, mais je le répète - j'espère qu'on n'aura jamais la nécessité un jour de tailler à la hache à hauteur de 500 millions ou d'un milliard, parce qu'il y aurait alors des problèmes: dans ce cas-là, on descendrait en dessous des affectations de l'année précédente, et ça fait mal - ceux qui ont géré des entreprises savent que ça peut arriver, ce n'est jamais agréable et ça fait vraiment très très mal.
Alors c'est vrai, ce budget de la majorité a tenu, et je remercie ceux qui ont contribué à l'élaborer. Je ne vais pas répéter tous les arguments qui étaient les nôtres: hier, on a qualifié ça de carnet du lait, je ne vais donc pas le refaire. Mais une chose est claire: nous avons fait exactement le même exercice l'année dernière, j'étais assis de l'autre côté de la table des rapporteurs et j'ai appuyé pendant trois jours sur les mêmes boutons que mes collègues assis actuellement de l'autre côté de la table. On se trouve dans des situations budgétaires qui sont compliquées, conflictuelles et, pour moi, qui résultent d'une mauvaise organisation du ménage de la République et canton de Genève. Le but de tout cet exercice aujourd'hui, c'est quand même qu'on arrête de faire des budgets sur la base de budgets, que chaque département parle de son budget et pas de celui des autres, et qu'on mette un nouveau paradigme en place parce qu'on a un nouveau Conseil d'Etat, une nouvelle majorité; hier, il a été dit qu'il n'y avait pas de pilote, maintenant il y a sept pilotes, il y a une nouvelle équipe et il faut absolument que les choses soient prises en main et qu'on change la manière d'élaborer les budgets. On ne peut pas continuer comme ça, et c'est vrai que ce n'est pas forcément le rôle d'un Grand Conseil de décider s'il faut engager un juriste ou pas. Ça, c'est le rôle du Conseil d'Etat, au même titre que tous les problèmes qui vont avec.
On doit répondre aux attentes des électeurs. C'est pour ça qu'il y a un nouveau Grand Conseil avec de nouveaux élus. L'attente vis-à-vis du Conseil d'Etat est immense. Du reste, je suis un peu déçu... Merci aux membres du gouvernement présents, il manque cependant certains de vos collègues ! Pour un exercice budgétaire, il est important que les choses soient dites. On parle de mesures structurelles, on n'a rien vu venir ! On parle de transversalité, on n'a rien vu venir ! On parle d'horizontalité, on n'a rien vu venir ! On parle d'efficacité - on peut toujours être subjectif, mais je pense que vous savez être efficaces -, on parle d'agilité, etc. C'est évident qu'on attend beaucoup de réactions.
Concernant les réponses que vous nous avez apportées, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'Etat, nous disant: «Ça ne va pas être possible, il n'y aura pas de prestations, etc.», j'aimerais juste vous donner une citation d'un conseiller d'Etat Vert que j'ai beaucoup apprécié, Robert Cramer. Je suis arrivé un matin dans son bureau dans le cadre de mon ancien job pour régler un problème. Il est venu avec tous ses juristes. Pendant deux heures, les juristes nous ont expliqué que ce n'était pas possible. (Remarque.) Non, non, il en faut ! Pendant deux heures, on nous a dit: «C'est pas possible.» En partant, M. Cramer a dit à ses juristes: «On se revoit dans quinze jours, arrangez-vous pour que ce soit possible.» Alors ça ne l'est pas toujours, mais je voulais juste le relever. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Oh, la cloche a déjà sonné, je vais être déçu. Je voulais insister sur ce point.
Et puis, quant à la générosité ou à l'opulence du canton de Genève, quand même, on parle toujours de 33% à 35% de personnes qui ne paient pas d'impôts, mais sachez que les règles du jeu à Genève sont deux fois plus favorables qu'à Zurich. Il faut juste garder ce constat à l'esprit et se souvenir qu'il faut pour cela des financements publics. C'est grâce à l'argent public que nous pouvons être aussi généreux.
Je vais être court parce que la cloche a déjà sonné. Nous sommes restés vingt heures en face de vous, Mesdames et Messieurs les députés, à quatre. J'aimerais relever la bonne ambiance qui a régné autour de cette table des rapporteurs. (Commentaires.) Cela prouve qu'on peut faire de la politique en restant affables: on n'a été d'accord sur rien... (Rires.) ...et je ne sais pas si on ira manger une fondue ce soir ! Cela étant, je vous invite, bien évidemment, à accepter le budget tel qu'il sort des travaux. Merci. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je suis ce soir animée par deux sentiments un peu contradictoires: le soulagement et une certaine déception. Oui, je suis soulagée. J'ai l'impression que nous ne sommes pas passés très loin d'une belle Genferei. Et je relève que le budget tel que sorti de vos travaux est quasiment équilibré, et cela sans aucun artifice comptable, dissolution de provision ou autre. Cela contrairement à la situation de beaucoup d'autres cantons. Je le redis, Zurich et Vaud, notamment, présentent des déficits bien plus importants.
Dès lors, je peine ce soir à comprendre le groupe qui refusera ce projet de budget uniquement en raison de ce déficit minime. Ce d'autant plus, Mesdames et Messieurs les députés, que si vous regardez bien le troisième alinéa de l'article 3, notre budget présente en réalité, avant l'amortissement de la réserve budgétaire, un bénéfice de 53,2 millions. Vous le savez, la réserve budgétaire, ce n'est qu'une écriture comptable. Quant aux deux autres groupes qui exprimeront un refus, vous vous apprêtez à rejeter un budget qui présente malgré tout des charges largement en hausse, plus de subventions et plus de postes par rapport au budget 2023, que vous aviez accepté.
Je suis soulagée que ce projet de budget soit adopté par une petite majorité de votre Conseil. Cela permettra au Conseil d'Etat, à l'administration et à la population de commencer l'année 2024 en regardant devant eux et en considérant les nombreux défis qui nous attendent, pour que notre canton conserve sa prospérité économique et continue à offrir les prestations et les infrastructures qui favorisent le bien-être et améliorent l'avenir de chacune et chacun.
Et oui, je suis aussi un peu déçue, et le Conseil d'Etat avec moi. Votre Conseil ne nous a pas donné l'ensemble des moyens nécessaires à la mise en oeuvre des projets de notre programme de législature et de toutes nos obligations et contraintes, issues, bien souvent, de projets de lois que vous avez vous-mêmes plébiscités. Je pense notamment à la prise en compte des plus fragilisés avec le refus des mandats au SPAd, à la formation avec le refus des projets liés au numérique à l'école, à la protection de nos mineurs avec le refus de prévoir les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des contrôles annuels des casiers judiciaires de celles et ceux qui sont en contact avec ces mineurs, mais aussi au refus de nous donner les moyens pour réaliser les investissements, pourtant votés.
Je le répète, Mesdames et Messieurs les députés, nos finances sont saines: notre note Standard & Poor's s'est améliorée. Notre dette est maîtrisée, elle a baissé. Nos revenus fiscaux sont exceptionnels, merci à celles et ceux qui y contribuent. Nous avons de la chance, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes un canton riche qui a les moyens d'aider celles et ceux qui en ont besoin. Nous contribuons largement à la richesse de la Suisse par le biais de la RPT.
Alors, bien entendu, des mesures structurelles sont attendues pour éviter une hausse permanente des charges. Ces mesures, Mesdames et Messieurs les députés, sont inscrites au PFQ, comme nous nous y étions engagés, afin de vous donner à vous, Mesdames et Messieurs les députés, le temps de les examiner sereinement en dehors du débat budgétaire.
En conclusion, au nom du Conseil d'Etat, nous vous remercions par avance de bien vouloir, malgré nos regrets, accepter le projet de budget tel qu'issu de vos travaux et nous vous souhaitons à toutes et à tous, ainsi qu'à toutes celles et à tous ceux qui ont eu le courage de regarder nos débats jusqu'au bout sur leur télévision, de très belles fêtes de fin d'année. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Nous allons passer au vote. Je vous invite toutes et tous à bien vérifier que vous avez introduit vos cartes. Pour rappel, le vote d'un budget déficitaire doit obtenir au minimum 51 voix. Pour ce faire, exceptionnellement, j'ai aussi le droit de vote.
Une voix. Et ta voix compte double ! (Rires.)
La présidente. Non !
Mise aux voix, la loi 13360 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 45 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
La présidente. Je vous félicite et vous remercie pour la qualité des débats que nous avons eus.