Séance du jeudi 14 décembre 2023 à 17h10
3e législature - 1re année - 7e session - 41e séance

PL 13360-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2024 (LBu-2024) (D 3 70)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 14 et 15 décembre 2023.
Rapport de majorité de M. Jacques Blondin (LC)
Rapport de première minorité de Mme Caroline Marti (S)
Rapport de deuxième minorité de Mme Marjorie de Chastonay (Ve)
Rapport de troisième minorité de M. Michael Andersen (UDC)

Suite du deuxième débat

Budget de fonctionnement (tome 1) (suite)

C - COHÉSION SOCIALE

Amendements relatifs à la politique publique C

La présidente. Nous allons continuer le débat budgétaire - je sais que certains se voyaient déjà à table, mais ce n'est pas pour tout de suite ! (Rires.) J'appelle la politique publique C «Cohésion sociale» et j'ouvre le débat en donnant la parole à Mme Marjorie de Chastonay.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, lors de nos discussions à la commission des finances sur le projet de budget 2024, la droite élargie a ciblé... enfin, elle a voté - c'est l'UDC qui l'a proposé, au départ - la suppression de la subvention de l'AVIVO et c'est pourquoi nous avons déposé, les Vertes et le PS, un amendement pour évidemment la réintroduire. Suite à la suppression de la subvention, à la demande de l'UDC, que la droite élargie a suivie deux fois - puisque nous avons redéposé cet amendement lors du troisième débat -, nous demandons que le montant soit restitué à l'AVIVO, une association qui fournit de nombreuses prestations.

Je vous rappelle quand même qu'on est dans un canton vieillissant: la population est vieillissante et elle a besoin de partenaires de la société civile pour défendre ses intérêts, mais aussi pour la soutenir. En l'occurrence, cette subvention cantonale est ciblée sur un office social, un office qui oeuvre justement pour les retraités et les personnes vieillissantes et qui fait un gros travail de soutien. Je pense que couper la subvention d'une association qui représente 9000 ou 10 000 membres, qui existe depuis plus de septante ou septante-cinq ans, qui a une certaine crédibilité dans son travail, dans ses activités - une reconnaissance - et qui a besoin de cette subvention pour continuer son travail de terrain correctement, parce qu'on sait à quel point l'Etat s'appuie sur les associations pour faire le travail auprès de la population... Eh bien cette subvention qui a été coupée, laminée, nous demandons qu'elle soit rétablie.

En fait, la suppression de cette subvention, c'est simplement une vengeance ! La vengeance d'un parti, l'UDC, suivi par toute la droite - on ne sait pas trop pourquoi il y a un tel aveuglement vis-à-vis de cette association ou pour le maintien de cette coupe -, parce que cette association, comme beaucoup d'autres et y compris beaucoup d'associations soutenues aussi par les partis bourgeois, a participé à des débats, à des discussions, lors de la campagne pour les élections fédérales de l'automne dernier, qui a mobilisé toute la société civile et toute la population.

C'est une vengeance de l'UDC, et elle est suivie par toute la droite - la droite élargie - de cet hémicycle; j'essaie de penser positivement et de me dire que peut-être cette droite élargie a réfléchi entre la séance de la commission des finances du mois de novembre et aujourd'hui. On a le léger espoir que les choses changent, qu'elle prenne conscience de l'ampleur des dégâts pour une association qui représente quand même beaucoup de membres et dont les prestations sont essentielles, notamment pour lutter contre l'exclusion, contre l'isolement social des personnes âgées. Voilà, j'espère donc que cette assemblée aura retrouvé la raison et qu'il y aura une majorité pour rétablir la subvention de l'AVIVO. Merci. (Brouhaha.)

La présidente. Je vous remercie. (Brouhaha.) Je sais que ça fait un moment qu'on est là et je vous félicite: jusqu'à présent, vous avez été très silencieux. C'est très bien - n'hésitez pas à continuer ! Nous allons bientôt faire une pause, mais je suis sûre que vous pouvez tenir encore un petit moment. Monsieur Léo Peterschmitt, vous avez la parole.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la situation des plus précaires du canton se dégrade et le projet de budget du Conseil d'Etat en est le reflet. En effet, il présente des dépenses à la hausse - je reviendrai un peu plus loin sur une des coupes opérées par la droite. Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui se trouvent encore dans des situations sociales inadmissibles.

Le budget de la cohésion sociale, ce n'est pas que des chiffres sur quelques pages de papier: derrière, il y a des êtres humains. Il y a ces personnes qui sont tombées dans l'addiction; il y a celles et ceux qui ont accumulé des dettes et qui se retrouvent à la rue; il y a ces enfants maltraités qui subiront toute leur vie les conséquences de ce qu'elles et ils ont vécu. Il y a ces migrants qui ont vécu des souffrances indicibles avant et pendant leur parcours migratoire et qui subissent ici les violences du système d'asile suisse - l'actualité récente, avec le décès d'un autre jeune, ancien RMNA, est là pour nous le rappeler. Il y a ces retraités qui touchent une rente de misère et souffrent de l'isolement social. Il y a ces personnes vivant avec un handicap et qui ne peuvent pas avoir les accompagnements et les infrastructures qui leur garantissent une vie digne.

Le nombre de résidents qui dépendent du soutien de l'Etat pour remplir leurs besoins basiques grimpe. Ce n'est pas étonnant: les inégalités se creusent et pendant que certaines et certains souffrent, d'autres vivent une vie fastueuse. Nous sommes de retour dans une société pseudo-moyenâgeuse où une minorité domine économiquement la majorité et accapare une part immense des ressources, au détriment du vivre-ensemble, de l'environnement ainsi que de la santé et du bien-être de la majorité de la population.

Avec l'augmentation des primes, la hausse des loyers et plus généralement l'inflation, le projet de budget du Conseil d'Etat constituait le strict minimum - il était même insuffisant, puisqu'il est probable que, à niveau de salaire égal, 2024 sera plus difficile que 2023. En revanche, la version amendée par la majorité de droite de la commission des finances est indigne de toutes les personnes qui dépendent de l'aide sociale dans notre canton.

La suppression des 17,7 millions destinés à l'aide aux migrants aura comme conséquence la dégradation des conditions d'hébergement et des programmes d'intégration et de soutien psychosocial des requérantes et requérants d'asile. Le foyer de l'Etoile vient de fermer et les jeunes qui y ont vécu vont porter les séquelles du manque d'accompagnement toute leur vie. Si je parle de ce foyer, c'est que la droite, en amputant l'aide aux migrants, réplique les conditions budgétaires qui ont mené, avec d'autres facteurs, à ses dysfonctionnements. Or, un accompagnement permet un retour sur investissement important. Si ces jeunes reçoivent un bon accompagnement, personnalisé et adéquat, ils sortiront plus rapidement de l'aide sociale et deviendront plus rapidement les citoyens de demain, qui paient des impôts.

Nous devons mener une politique d'accueil humaniste, favorisant l'intégration et le respect des besoins élémentaires des requérantes et requérants d'asile. J'appelle la droite à retrouver la raison et à voter l'amendement réintroduisant les 17,7 millions au budget de l'aide aux migrants. Personne ici ne souhaiterait vivre au foyer des Tattes, à Palexpo ou dans des abris PC, tellement les budgets sont déjà limités; s'il vous plaît, votez en conséquence !

Encore une chose, plus générale, sur ce projet de budget: la droite va peut-être répondre au fur et à mesure des discussions que ce ne sont pas des coupes puisque le budget augmente quand même. Mais les besoins, eux, augmentent plus vite, et c'est bien là le problème ! Année après année, la différence entre besoins et services va augmenter, jusqu'à ce que les prestations les plus essentielles pour la transition écologique, le soutien social, l'adaptation des institutions au vieillissement de la population, et j'en passe, ne puissent plus être garanties. En refusant d'adapter les services aux besoins, c'est la fin de la qualité au long cours dans les prestations et du rôle même de l'Etat que la droite soutient. Merci. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Chers collègues, je m'exprime sur l'ensemble de cette politique publique. A Genève, nos dépenses pour l'aide sociale sont beaucoup plus importantes que dans les autres cantons urbains de Suisse; comme cela a déjà été dit par Mme Fontanet, ce budget 2024 prévoit 2,2 milliards pour le social ! A Genève, nos dépenses sociales augmentent aussi beaucoup plus rapidement que dans les autres cantons suisses. Ce budget prévoit une progression de plus de 10% pour une année. Et à Genève, nous avons plus 2,5 fois plus de personnes à l'aide sociale qu'à Zurich. Bref, à Genève, nous engageons plus de fonds publics pour l'aide sociale et - hélas ! - nous avons 2,5 fois plus de gens à l'aide sociale qu'à Zurich.

Il y a une raison à ce décrochement. A Zurich, le droit à l'aide sociale et les prestations versées sont quasi similaires à ceux de notre canton, mais les Zurichois lient le droit à l'aide sociale à un minimum de devoirs. A Genève, y compris avec la nouvelle loi sur l'aide sociale et la lutte contre la précarité, l'approche est quasi uniquement axée sur les droits, les prestations, le suivi social, etc. A Genève, malgré des prestations et des services très élevés - avec par exemple des stages, des cours et une assistance sociale -, nos bénéficiaires de l'OCE et de l'Hospice général restent trop souvent et trop longtemps sans activité. A Zurich, le principe d'activité au bénéfice de la collectivité est beaucoup plus répandu. A Zurich, il y a le droit à l'aide sociale, mais il y a aussi le devoir d'effectuer des heures ou des jours dans l'intérêt public. L'approche sociale, à Zurich, consiste tout simplement à lier droit et devoir, ce qui devrait se faire dans absolument tous les domaines !

La conséquence de cette différence, je le rappelle, c'est qu'à Genève nous avons 2,5 fois plus de gens à l'aide sociale - et peut-être trois ou quatre fois plus dans une année ou deux - qu'à Zurich. Pour conclure, je dirai que Genève mériterait d'ouvrir les yeux et de s'inspirer des exemples concluants des autres cantons suisses. Merci pour votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). Je voudrais dire quelques mots sur les amendements que nous vous proposons ici. Pour une bonne majorité, il ne s'agit pas de baisses de budget ou de subventions: il s'agit simplement de maintenir les montants à leur niveau de 2023, ce qui est sensiblement différent d'une baisse réelle du budget. Concernant les associations - j'en prendrai une au hasard: l'AVIVO -, la suppression qui a été proposée provient du fait que, en tant qu'associations, elles doivent justement rester libres de leurs actions, de leurs prises de position et de leur travail, finalement. Et nous avons jugé que prendre des positions politiques est aujourd'hui totalement incompatible - et ce message vaut pour l'ensemble des associations de ce canton qui se permettent de le faire - avec le fait d'aller pleurnicher auprès du Conseil d'Etat et subsidiairement devant notre Grand Conseil pour toucher des subventions, avant de critiquer certains partis ou de donner des messages peu clairs à l'égard de la population.

Contrairement à ce que dit Mme de Chastonay - vous lui transmettrez, Madame la présidente, que ce n'est pas pour cette raison que nous l'avons proposé -, ça n'a rien à voir avec le soutien apporté aux deux candidats de gauche au Conseil des Etats; c'est même un mensonge et ça devrait être totalement interdit de dire ce genre de chose ! Vous faites croire au reste de la population (alors que l'AVIVO, c'est quoi aujourd'hui ? C'est quelques milliers d'adhérents; je crois qu'ils ne sont plus que 3000 ou 4000) que l'intégralité de nos aînés est de gauche et vote forcément à gauche ! Ce qui, fort heureusement, est totalement faux et totalement absurde ! (Remarque. Rires.)

Mais encore une fois, ce n'est pas cette question qui nous a incités à proposer de supprimer la subvention: c'est uniquement, et je le répète ici, parce que nous jugeons que prendre des positions politiques, quelles qu'elles soient, est totalement incompatible avec le fait de toucher des subventions de l'Etat ! Et ça, c'est également valable pour Camarada, c'est également valable pour Elisa-Asile, puisque eux se permettent en plus de faire de la propagande nauséabonde, principalement sur leur site, aux dépens de certains partis ! Et c'est d'autant plus scandaleux qu'ils l'affichent clairement sur leur site !

Pour ces raisons, nous vous invitons à soutenir tous les amendements proposés par l'UDC, soit à maintenir les principales subventions à leur niveau de 2023 et à supprimer celles qui nous semblent incompatibles avec des positions ne permettant pas de toucher une subvention. Je vous remercie.

Une voix. Très bien.

M. François Baertschi (MCG). Pour rester d'abord sur le même sujet - l'AVIVO -, le MCG soutiendra la subvention à cette association, parce qu'elle fait un travail important pour les personnes âgées. Elle a une utilité sociale qui est importante et reconnue, mais - mais - il y a deux éléments qui nous dérangent. Il y a un problème de fond: c'est quand même une association qui est noyautée par les Verts. (Rires. Commentaires.) Il faut dire ce qui est. Que des partis politiques soient actifs dans une association, ça... admettons, disons que ça peut se faire de part et d'autre. Dans le cas présent, il y a quand même un côté un petit peu excessif et monopartisan qui dessert, je pense, cette association, mais c'est à elle de s'organiser et puis d'avoir un esprit d'ouverture - qu'apparemment elle n'a pas.

Il y a également un autre problème, et je m'en suis expliqué avec le président de l'association, M. Leuenberger. C'est quelqu'un qui a des convictions, qui travaille, qui s'engage, qui fait quelque chose de positif - mais... (Remarque. Rires.) ...il a un esprit polémique très prononcé, il a un talent: celui de se faire beaucoup d'ennemis. Il s'en est fait également à l'intérieur de notre groupe ou auprès de gens qui sont proches de nous; c'est donc souvent un peu difficile. Moi, j'aurais envie de lui dire: Ueli, reste comme tu es, mais mets peut-être un peu d'eau dans ton vin, si tu y arrives. Ça va être compliqué, je sais - je ne vais pas trop lui donner de leçons, je ne veux pas le brider, ce serait contraire à sa nature, mais je pense qu'il y a peut-être mieux à faire que d'entrer dans des combats politiques, d'autant plus qu'il fait tout un travail. Je crois qu'il doit quand même être soutenu. Il faut savoir, comment dire... trouver un peu le... être juste dans ses raisonnements.

De manière plus générale sur la politique publique C, pour le MCG, il faut s'attaquer à la source des difficultés sociales. Et la source, on ne la trouve malheureusement pas dans ce département: c'est engager prioritairement des résidents genevois...

Une voix. A l'AVIVO !

M. François Baertschi. A l'AVIVO, ça risque d'être un peu tard, comme le dit... - vous transmettrez, Madame la présidente, au mystérieux député qui fait une remarque à ce propos. (L'orateur rit.) Il faut aussi faire de la formation; bon, l'AVIVO le fait, mais je pense que les jeunes ont également besoin de soutien, de formation: des formations qualifiantes, des formations professionnelles pour mettre le pied à l'étrier et aller dans la bonne direction.

J'aimerais aussi revenir sur un sujet plus pénible, c'est-à-dire la politique de l'Hospice général. Nous avons été très déçus, en tout cas au MCG, d'apprendre par des habitants de ce canton que l'Hospice général a une politique très peu généreuse envers certains de nos habitants. Je pense notamment à une octogénaire qui avait loué son appartement à un allocataire de l'Hospice: cette dame et son fils, qui s'occupe de ses affaires, se sont retrouvés avec 150 000 francs - 150 000 francs - d'impayés parce qu'il a fallu entièrement refaire tout l'appartement. Alors c'est une affaire particulière, mais je pense que l'Hospice devrait avoir une certaine sensibilité; il en sortirait grandi.

C'est compliqué de discuter avec lui - notre représentant a eu ces discussions, il a fait son travail, comme doit le faire le représentant d'un parti politique au sein du conseil d'administration. Malheureusement, on est quand même face à une institution qui reste un petit peu sourde à ces demandes. Je crois que la générosité doit vraiment s'étendre à tout le monde: elle ne doit pas être inexistante pour des gens d'ici, elle ne doit pas s'appliquer sélectivement à certaines personnes et pas à d'autres. On doit être vraiment juste sur tous ces éléments, avec un esprit d'équité. Je laisserai mon collègue de LJS, qui va s'exprimer tout à l'heure, parler de manière plus approfondie du problème de l'Hospice. Je ne veux pas vous prendre trop de temps, Madame la présidente, mais je vous remercie de votre écoute.

La présidente. Merci. Je saisis l'occasion de votre intervention pour saluer la présence à la tribune de l'ancien député et conseiller national, M. Leuenberger. (Rires. Applaudissements.)

Troisième partie des débats sur le budget 2024 (suite du 2e débat): Séance du jeudi 14 décembre 2023 à 20h30