Séance du jeudi 14 décembre 2023 à 14h
3e législature - 1re année - 7e session - 40e séance

IN 191-B
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 191 « Pour une transition rapide vers le solaire à Genève »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 14 et 15 décembre 2023.
Rapport de M. Jean-Pierre Tombola (S)

Débat

La présidente. Nous abordons notre point fixe, l'IN 191-B, classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur, je vous donnerai la parole si vous la demandez. (Remarque.) Monsieur Tombola, c'est à vous.

M. Jean-Pierre Tombola (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'initiative 191 a été traitée en commission; elle vise à accélérer le déploiement des panneaux solaires photovoltaïques à Genève pour répondre à l'urgence climatique et anticiper les pénuries d'énergie. L'initiative prévoit l'obligation d'équiper les toits éligibles, sur l'ensemble des constructions actuelles et futures, d'ici 2030 pour les grands consommateurs et 2035 pour les propriétaires des autres surfaces. Le texte prévoit également l'instauration de mécanismes de financement garantis par l'Etat pour permettre aux petits propriétaires de s'en sortir, ainsi que le regroupement des demandes d'autorisation et la mise en place de procédures administratives plus rapides pour accélérer la mise en oeuvre par les particuliers. L'initiative prévoit en outre la mise en place par l'Etat d'un cadre financier pour aller de l'avant et donner des garanties financières aux propriétaires; les coûts d'installations qui seront subventionnées par l'Etat ne devraient pas être répercutés sur les locataires.

Après avoir entendu les initiants, la commission a reçu le département, qui a donné son point de vue, indiquant que l'accélération des procédures est d'ores et déjà à l'oeuvre, c'est déjà une réalité. Cette initiative répond pleinement aux objectifs du plan directeur de l'énergie du Conseil d'Etat, qui s'est exprimé en faveur de l'accélération des procédures, mais aussi d'un déploiement facilité du solaire à Genève. Pour le département du territoire, cette initiative vise de très bons objectifs, mais sa mise en oeuvre pose un problème, surtout du fait du délai très figé, et qui ne permet pas au département de la mettre en oeuvre de manière pragmatique. Toutefois, le département souscrit pleinement à la nécessité d'accélérer le déploiement du solaire à Genève. Il est aussi favorable à l'introduction d'une certaine forme d'obligation, mais sous conditions. Cette initiative ne peut pas être mise en oeuvre en l'état et nécessite une réflexion globale pour permettre une bonne implémentation.

C'est sur cette base que les commissaires ont mené une réflexion, un examen internes. Au final, la prise de position des différents groupes au sein de la commission est la suivante: le PLR souhaite que la question de la CMNS (commission des monuments, de la nature et des sites) soit incluse dans la réflexion et l'UDC n'est pas favorable à l'obligation d'installer des panneaux solaires - elle est favorable à l'incitation mais pas à l'obligation. Il en va de même pour le groupe Le Centre, qui n'est pas non plus favorable à l'obligation et souhaite aussi que la question de la CMNS soit réétudiée s'agissant des toits en zone agricole.

D'une manière générale, la commission souhaite avoir un contreprojet, et cela pour plusieurs raisons, notamment parce que le mécanisme financier mérite d'être clarifié par le département des finances et que les questions soulevées sur le rôle de la CMNS doivent être étudiées, tout comme doit l'être la question de la garantie de l'Etat pour que l'Etat ne se fasse pas piéger par ces mécanismes, qui doivent quand même être conditionnés. Sur cette base, le groupe des Verts ne souhaite pas que l'initiative soit revue à la baisse; quant au Centre, il est favorable au contreprojet. Le groupe socialiste souhaite que ces questions soient examinées globalement, en s'assurant que les coûts ne soient pas imputés aux locataires, ce d'autant qu'il est aussi favorable au déploiement du solaire à Genève.

Au final, la commission a voté à l'unanimité tant contre l'initiative qu'en faveur d'un contreprojet; le département pourra contribuer à l'élaborer pour parvenir à un meilleur texte. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés. Sur la base de cette synthèse, la commission vous recommande de refuser l'initiative à l'unanimité et de voter aussi à l'unanimité pour le principe d'un contreprojet à l'IN 191. Je vous remercie.

M. Cédric Jeanneret (Ve). Chez les Verts, nous sommes complètement alignés sur les objectifs ambitieux de l'initiative de nos cousins Vert'libéraux, lancée en 2022: il faut booster, à Genève, la valorisation du potentiel solaire. Nous sommes un peu moins alignés sur les moyens proposés, notamment le mécanisme de financement inspiré des prêts covid, qui - M. Tombola l'a rappelé à l'instant - pose un certain nombre de problèmes. La question des locataires ne semble pas non plus très bien prise en compte dans l'initiative.

Cela a également été évoqué, il s'agit d'une initiative législative; nous devons d'abord refuser l'initiative, même si on est d'accord avec ses objectifs, pour pouvoir ensuite accepter l'idée d'élaborer un contreprojet. Nous vous proposons par conséquent de donner mandat à la commission de l'énergie d'effectuer un toilettage de cette initiative, de manière à proposer à la population un vote sur un contreprojet tout aussi ambitieux. L'idéal serait que les initiants retirent leur texte au profit de ce contreprojet et que l'ensemble de la population vote à l'unisson un «Green deal solaire» pour Genève ! (Applaudissements.)

M. François Erard (LC). Madame la présidente, chers collègues, cette initiative est une initiative législative non formulée, mais elle présente un grand défaut: elle est beaucoup trop formulée - beaucoup trop précise, beaucoup trop directive. On le sait, on n'exploite qu'une faible partie du potentiel solaire à Genève, c'est-à-dire à peu près 5%, et il est effectivement nécessaire de se donner les moyens de booster cette énergie.

Il y a quelques éléments positifs dans cette initiative, mais elle est, de nouveau, beaucoup trop directive dans sa formulation. J'observe qu'il faudra limiter les prérogatives de la CMNS - et cela devra figurer dans le contreprojet -, qui nuit à la transition énergétique en l'état. Ensuite, je l'ai déjà répété plusieurs fois, il faut que les raccordements des installations solaires en zone agricole - il y a là un très gros potentiel - soient financièrement pris en charge, car ces raccordements peuvent se monter à plusieurs dizaines de milliers de francs, voire à plus de 100 000 francs; c'est un blocage économique certain. Il faut être incitatif sans obliger et, surtout, il faut faciliter les choses.

Ce que nous observons par ailleurs, c'est qu'il y a un fossé entre, d'une part, les intentions exprimées - à juste titre - par le Conseil d'Etat en matière de conversion solaire et, d'autre part, les diverses embûches et tracasseries administratives de l'Etat ou de certaines de ses commissions - CMNS, que j'ai déjà citée, en tête - lorsqu'il s'agit de réaliser ces objectifs. Il faut donc pouvoir rapidement combler ce fossé et cela pourrait être fait via un contreprojet. C'est pourquoi le groupe Le Centre vous propose de refuser l'initiative et de voter le principe d'un contreprojet qui portera sur les installations solaires. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). L'UDC ainsi que la majorité... enfin, l'unanimité de la commission ne se sont pas laissé piéger par les bons sentiments de cette initiative, et cela pour les bonnes raisons que je vais évoquer rapidement. D'abord, le rapporteur l'a dit, il y a la formulation. Vous ne pouvez pas dire comme ça à la population: «Ecoutez, on va lancer tel ou tel projet» et ne pas faire le travail législatif - ce qui simplifie finalement le travail des initiants - tout en donnant des directives précises telles que formulées dans cette initiative. Le deuxième point, c'est qu'il est très mauvais de vouloir absolument fixer des délais d'application: on l'a vu par le passé, toutes les initiatives adoptées qui comportaient des délais ont posé (et posent encore) d'énormes problèmes quant au financement et à la durée de leur application.

Troisièmement - et c'est le point le plus dangereux -, dire que le canton de Genève se porte garant des emprunts contractés par les particuliers, mais c'est juste un énorme piège financier ! On ne peut pas, nous, en tant que législateurs, obliger l'Etat à prendre le risque de se porter garant alors qu'on ne connaît pas les montants, qu'on ne sait pas jusqu'où pourraient aller les sommes à garantir et à devoir finalement payer en cas de besoin.

C'est essentiellement pour ces trois raisons que nous avons refusé cette initiative et que nous sommes entièrement favorables à un contreprojet qui permettra d'éliminer tous les pièges tels que posés par la formulation de cette initiative. Nous vous invitons à vous prononcer de la même manière. Merci.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je prends la parole pour vous dire que le Conseil d'Etat se rallie pleinement aux conclusions du rapporteur. Nous devons multiplier par cinq la pose de panneaux solaires, ou plutôt notre capacité de production photovoltaïque d'ici 2030; telle est l'ambition des institutions genevoises, à laquelle cette initiative concourt. Mais, et cela a été bien dit, le texte souffre de quelques problèmes en matière de rédaction ou s'agissant des outils financiers, qui sont effectivement peut-être mal taillés au vu de l'objectif; l'élaboration d'un contreprojet pourrait dès lors être une manière d'obtenir un consensus plus large en la matière. Je vous remercie donc de suivre le rapporteur de commission.

La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote, d'abord sur l'initiative, puis sur le principe d'un contreprojet.

Mise aux voix, l'initiative 191 est refusée par 93 non et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 97 oui (unanimité des votants) (vote nominal).

Vote nominal

Le rapport IN 191-B est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.