Séance du
jeudi 23 novembre 2023 à
17h
3e
législature -
1re
année -
6e
session -
35e
séance
PL 12220-A
Premier débat
La présidente. A présent, l'ordre du jour appelle le traitement du PL 12220-A. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Le groupe Ensemble à Gauche ne faisant plus partie de ce Grand Conseil, le rapport de troisième minorité de M. Pierre Vanek ne sera pas présenté. La parole échoit à Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Chères et chers collègues, l'objectif du projet de loi qui nous est présenté ici consiste à plafonner la rémunération des dirigeants des institutions de droit public. Les cinq principales d'entre elles - je ne le précise pas pour mes collègues, mais pour les citoyens qui nous écoutent - sont l'aéroport, l'hôpital, les Services industriels, les Transports publics genevois, l'Hospice général et l'IMAD, soit l'institution de maintien à domicile. Les auteurs entendent limiter les salaires - c'est dit pudiquement - à la classe 33, annuité 22, de l'échelle des traitements de l'Etat, ce qui signifie environ 20 000 francs par mois.
Vous comprendrez bien que ces personnes, hautement compétentes pour gérer les entités de ce que l'on appelle le grand Etat, sont bien mieux rémunérées, touchent des revenus beaucoup plus attractifs ailleurs. Si on devait accéder à cette demande, à savoir que ceux qui dirigent nos plus grandes structures soient payés à hauteur de 20 000 francs par mois, eh bien ils quitteraient tout simplement le secteur public. Me Canonica, président du conseil d'administration des HUG, l'a indiqué lui-même: il préfère rester dans son étude, il gagne mieux sa vie. Pour résumer, je dirais qu'entrer à l'Etat ne signifie pas entrer en religion et faire voeu de pauvreté et d'abstinence. Voilà, j'en ai terminé pour le moment.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, le projet de loi 12220 prévoit les modifications de la LOIDP suivantes: tout d'abord, la fixation de la rémunération des directions des régies publiques par voie d'arrêté du Conseil d'Etat, sur proposition du conseil d'administration; ensuite, le respect des principes de rémunération de la fonction publique et de l'égalité de traitement; le plafonnement des salaires au maximum fixé par la LTrait, soit 245 000 francs par an; enfin, l'interdiction des parts variables et la transparence complète sur les rétributions.
Ce texte s'inscrit dans un combat mené depuis plusieurs années, notamment par le parti socialiste. Comme vous avez pu le lire dans le rapport, nous avons tenté de trouver un compromis en commission; malheureusement, «à la faveur», entre guillemets - ou plutôt à la défaveur -, de l'absence excusée du représentant du Centre, nous n'avons pas pu aller plus loin dans cette voie et en sommes restés à un refus, non pas à la majorité, mais à l'égalité des voix.
J'aimerais souligner que la tendance à la hausse ne s'est pas modérée pour les dirigeants des grandes régies. Je prendrai l'exemple des directeurs généraux, dont il faut comparer le revenu avec celui des conseillers d'Etat, qui se situe à environ 300 000 francs par année, et celui des conseillers fédéraux, qui avoisine les 450 000 francs: le salaire du directeur général de l'Aéroport international de Genève a encore pris l'ascenseur et dépasse très largement celui des conseillers fédéraux: il atteint 488 000 francs. La rémunération du directeur général des HUG, elle aussi, a augmenté et s'élève à 380 000 francs. Le traitement des directeurs généraux des SIG et des TPG a en revanche légèrement baissé, passant à 365 000, respectivement à 363 000 francs. Enfin, le revenu de la directrice générale de l'IMAD a encore crû et se montait en 2020 - malheureusement, je n'ai pas trouvé le chiffre pour 2022 - à 382 000 francs.
Alors bon, qu'on doive chercher un compromis, éventuellement dépasser quelque peu le salaire des conseillers et conseillères d'Etat, je veux bien, mais continuer à ne mettre aucune limite, à essayer sans cesse de concurrencer les rétributions qui se pratiquent dans le privé, non, Madame la rapporteuse de majorité. Je pense que nous devons fixer des règles pour préserver l'équité, faire preuve aussi d'une certaine modération par rapport aux personnes qui se trouvent en bas de l'échelle. A l'Etat, nous devons montrer l'exemple et oui, nous devons avoir certaines exigences à l'égard des dirigeants des grandes régies en matière de foi dans le service public.
C'est pourquoi je vous invite à soutenir les amendements proposés par les collègues Verts, qui vont dans le sens d'un compromis raisonnable et fixent un cadre pour le salaire des personnes qui gèrent nos institutions de droit public. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Laura Mach (Ve), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je reprends le rapport de deuxième minorité de M. Rossiaud, qui avait suivi les débats à la commission législative sur cette question. Le sujet est intéressant, il s'agit de la rémunération des directeurs d'institutions soumises à la LOIDP; il a été soulevé probablement en réaction à des articles de presse relayant l'attribution de bonus correspondant à une année de salaire moyen dans certaines directions ou au fait que la rétribution des dirigeants peut dépasser 400 000 francs alors que la plus haute classe salariale de la LTrait prévoit un montant de 245 000 francs par année.
Il est légitime de s'interroger quant au cadre prévu pour déterminer ces salaires. Or on apprend que, suivant la loi, il n'y a pas d'autre limite que le budget voté par le Grand Conseil: tant que le budget le permet, l'augmentation des rétributions peut se poursuivre, il n'existe pas de cadre; un talent particulier ou des responsabilités spécifiques suffisent à justifier des hausses par décision du Conseil d'Etat. En réponse à ce manque de contraintes, les auteurs du projet de loi proposent de limiter le salaire des directeurs à la plus haute classe salariale définie par la LTrait, c'est-à-dire la classe 33, annuité 22 - les fameux 245 000 francs par année.
Ont été auditionnées en commission les directions des HUG, des SIG et de l'AIG ainsi que le Cartel intersyndical. Il en ressort que les directeurs considèrent l'argent comme une motivation à rester dans le secteur public; sinon, ils iraient dans le privé. Le Cartel intersyndical semble entendre cette question qui rend le recrutement difficile et se dit ouvert à la possibilité d'en tenir compte, mais à l'intérieur d'un cadre.
Par ailleurs, les auditions ont montré que la LOIDP chapeaute des institutions à vocation sociale, mais aussi économique; il est ainsi délicat de toutes les placer sous le même régime. Une distinction est opérée entre l'IMAD, l'Hospice général et les HUG d'un côté, les SIG, l'AIG et les TPG de l'autre. A cet égard, il aurait été intéressant d'entendre la direction de l'Hospice général et celle de l'IMAD, deux entités à mission plus spécifiquement sociale, de même que le Conseil d'Etat, qui décide des rémunérations, afin d'obtenir des éclaircissements quant aux critères qui peuvent expliquer le passage du simple au presque double entre les revenus de différentes directions.
Le côté trop rigide du projet de loi a été reconnu en commission et des amendements ont été proposés qui ont été largement acceptés individuellement, mais ensuite, le texte dans son ensemble tel qu'amendé a été refusé, on ne comprend pas pourquoi. Je vous demande dès lors de le renvoyer en commission afin que nous puissions compléter les auditions et définir au mieux le cadre nécessaire à la rémunération des dirigeants de nos institutions, car on ne peut pas simplement dire que tant qu'il y a de l'argent, on peut y aller gaiement. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Merci bien. Je cède la parole aux autres rapporteurs sur cette demande de renvoi en commission. Monsieur Cyril Mizrahi, c'est à vous pour commencer.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. La première minorité soutiendra la demande de renvoi en commission pour que nous puissions accomplir un travail sérieux et trouver un compromis correct sous l'angle à la fois de la gestion des deniers publics et de l'équité. Merci.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Pour ma part, je vais reprendre à mon compte les propos qu'a tenus mon collègue Pierre Conne tout à l'heure: les faits sont têtus et ne changeront pas sous prétexte qu'on renvoie le projet de loi en commission. C'est tout à fait inutile, il s'agit d'une perte de temps. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. Nous nous prononçons sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12220 à la commission législative est adopté par 52 oui contre 27 non.