Séance du
vendredi 17 novembre 2023 à
18h
3e
législature -
1re
année -
6e
session -
34e
séance
M 2685-A
Débat
La présidente. Nous reprenons le traitement de l'ordre du jour avec la M 2685-A, classée en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, la proposition de motion qui nous est soumise vise à lancer une opération sous le nom de Reditus afin de renvoyer les sans-papiers chez eux ou à les expulser s'ils ne collaborent pas. En latin, «reditus» signifie bien «retour», mais dans le sens de revenir chez soi, et non de repartir ailleurs.
De l'avis de la majorité des commissaires qui se sont exprimés, l'objectif de ce texte n'est pas le bon. Les auteurs évoquent l'opération Papyrus qu'ils considèrent comme un échec, opération qui, je le rappelle, consistait à régulariser des travailleurs en situation illégale - au noir ou au gris - pour leur assurer une situation régulière et, par là même, une couverture sociale adéquate ainsi que des conditions de travail respectueuses des dispositions légales. Ils se basent seulement sur un reportage diffusé sur les ondes de la RTS, ce qui fait qu'il est impossible de déterminer si les situations rapportées étaient une généralité ou des cas isolés.
Le travail au noir, c'est vrai, constitue une véritable plaie, une catastrophe tant sur le plan économique que social, et qui touche autant les intérêts des travailleurs que des employeurs; il est traqué de façon efficace par les partenaires sociaux dans les secteurs soumis à des conventions collectives de travail, mais la situation est moins claire dans des secteurs peu ou pas organisés, comme les services de maison et le travail domestique.
Partant du principe que l'opération Papyrus a été un succès, fait rappelé et souligné par la conseillère d'Etat, la majorité de la commission a estimé que la proposition de motion se trompait de cible et qu'elle aurait dû présenter des solutions pour éradiquer le travail au noir en cherchant à débusquer tant les employeurs que les travailleurs. Le texte n'a finalement obtenu qu'un seul vote, celui de son auteur - c'est bien normal. Nous vous recommandons dès lors de le rejeter avec la même majorité. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. A en croire certains d'entre vous, Mesdames et Messieurs, l'immigration représente une chance pour Genève. Telle est depuis des années la devise d'une classe politique qui a tendance à tout renier, jusqu'à la propre identité du peuple genevois. Regroupement familial, effacement des frontières, discrimination positive à l'embauche, assistanat social, droit d'asile, faux mineurs mais vrais clandestins majeurs: vous avez créé toutes les conditions d'une véritable submersion migratoire.
Vous affirmez que l'immigration est une chance, mais pour qui ? Assurément pas pour nos concitoyens. Pour une caste politique, elle a permis de sauver quelques élections, notamment dans les communes grâce au vote des étrangers; pour d'autres, elle a permis de libérer des subventions publiques, favorisant ainsi l'aide des clandestins. Les chiffres sont éloquents: en 2020, d'après l'office cantonal de la statistique, le taux de personnes à l'aide sociale était de 54% supérieur chez les étrangers que chez les Suisses. L'immigration n'est plus, et depuis longtemps, celle à laquelle on est en droit de s'attendre, mais une immigration économique pour assistés sociaux.
Pour nos contribuables, la facture est exorbitante. Votre politique d'immigration illégale, mes chers collègues, a un coût, un coût social. Sur ce plan, vos manoeuvres relèvent de la provocation. Alors que, chaque jour, des sacrifices sont exigés des Genevois, l'immigration reste un tonneau des Danaïdes. En 2020, l'Hospice général a consacré 447 millions à des prestations: 349 millions pour l'action sociale, un chiffre en hausse de 62% par rapport à 2010, et 98 millions pour l'asile, une augmentation de 94% par rapport à 2010. Or, dans le domaine de l'asile, les migrants suivis étaient 4476 en 2020 contre 4146 en 2010.
Les Genevois ne s'y trompent plus - ou, plutôt, vous ne les trompez plus; ils sont de plus en plus à refuser ce suicide cantonal. Les Genevois en ont marre, les Genevois en ont assez ! Trop d'années qu'ils se poussent, qu'ils consentent des sacrifices, qu'ils accueillent l'autre, et qu'ont-ils obtenu en retour ? Le développement d'une insupportable injustice à leur égard. Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à refuser la submersion, ayant l'impression de devenir des étrangers dans leur propre canton, qui en compte déjà plus de 40%. En agissant comme vous le faites, en demeurant permissifs, vous préférez ignorer un vrai problème. Comment pouvez-vous rester les yeux aussi grands fermés devant ce phénomène qu'est la clandestinité et l'immigration subie ?
Par ailleurs, il faut tenir compte des milliards qui partent à l'étranger, échappant ainsi complètement à notre économie, mais également au fisc, car issus principalement du travail au noir. En 2010, l'ancien conseiller national Dominique Baettig dénonçait cela au travers d'une interpellation; la réponse était éloquente ! D'après la Banque nationale suisse, ce sont plus de 5 milliards qui ont totalement échappé à notre économie, avec toutes les conséquences que cela implique.
Quand on fait la balance des points positifs et négatifs, on s'aperçoit aisément que les impacts négatifs sont nettement supérieurs aux impacts positifs. L'idéologie du vivre-ensemble s'écroule sous le poids de la réalité d'une immigration illégale chaque jour plus importante et met en danger notre unité cantonale. Aider les autres, oui, mais pas plus que les nôtres et uniquement ceux qui en ont réellement besoin - voilà un principe qui devrait être appliqué depuis bien longtemps.
Dans cette société que vous définissez comme idéale, seuls ceux qui en ont les moyens passent au travers de tout cela - et parmi eux, vous tous ou presque, mes chers collègues. Car si la classe politique est favorable au vivre-ensemble, elle ne s'inflige pas le vivre-avec. L'immigration, c'est comme les éoliennes: ceux qui en défendent l'installation refusent d'en voir à côté de chez eux.
Tout cela représente une provocation que la minorité continuera à dénoncer, comme c'est le cas depuis longtemps, et il en sera toujours ainsi aussi longtemps que la gauche idéologique de même que la fausse droite continueront à nier le problème. Dans notre beau canton de Genève, un parlementaire qui dénonce l'immigration illégale, la pression exercée sur le logement - car oui, chers collègues, ces illégaux, il faut les loger ! -, le trafic d'êtres humains - oui, derrière tout cela, il y a aussi des gens qui en profitent ! -, c'est quelqu'un qui ose encore se regarder dans la glace tous les matins. Dès lors, personne ne nous fera taire.
La seule question qui devrait vous animer est celle-ci: avons-nous, nous, Genevois qui sommes dans le besoin, qui cherchons un emploi, un appartement, etc., le droit de vivre à Genève dans des conditions décentes ? Pour toutes les victimes de votre folle politique d'immigration, pour les victimes sociales et économiques, jamais nous ne capitulerons !
En conclusion, osez dire stop à l'immigration illégale, à cet assistanat malsain. Hier face à face, aujourd'hui côte à côte, levons-nous comme un seul homme pour dire haut et fort: nous sommes chez nous, rentrez chez vous ! Et osez vous affranchir de cette politique migratoire non voulue en renvoyant la proposition de motion 2685 au Conseil d'Etat.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je me lève très volontiers pour contredire les propos qui viennent d'être tenus ! On retrouve ici l'UDC dans ses grandes oeuvres. Rien que la liste des considérants constitue un catalogue de clichés haineux et discriminants, et le texte n'en est pas à une généralisation près.
Il est tout d'abord faux de prétendre que le projet Papyrus a été un échec: le dispositif a permis de régulariser la situation de 2390 personnes. Certes, sur la fin de l'opération et sous la pression du temps, certaines malversations ont été constatées et dénoncées à la justice. Il faut relever à ce stade que le plus souvent, les faux documents qui ont été produits étaient le fait de mandataires peu scrupuleux, dont certains avocats, qui se sont goinfrés financièrement sur le dos de personnes vulnérables en leur faisant courir un risque d'expulsion plutôt qu'en leur offrant une possibilité de régularisation. Mesdames et Messieurs les députés, voilà où se trouve le vrai scandale, auprès de ces mandataires sans scrupules, et pas chez les sans-papiers qui sont stigmatisés dans cette proposition de motion.
Soutenir sans vergogne que les sans-papiers ne servent pas à l'économie locale est également un abus de langage que je préfère ne pas commenter ici. Ils ne paient certes pas d'impôts, mais s'acquittent souvent de cotisations sociales à l'aide du chèque service ou d'autres types de dispositions. L'objectif de l'opération Papyrus était précisément de sortir les personnes de cette noire situation en leur attribuant un permis B, ce qui leur permet de payer des impôts et ne peut qu'être salué. Le renvoi systématique de tous les illégaux demandé par le texte n'est clairement pas acceptable pour notre groupe, si bien que nous le refuserons.
J'aimerais conclure avec un dernier mot: le travail au noir ne doit pas être encouragé, mais au contraire combattu. Lors de la précédente législature, divers textes à ce sujet ont été adoptés par ce Grand Conseil avec le soutien de notre groupe, et le Conseil d'Etat a également engagé des actions dans cette direction. C'est cette voie qui doit être suivie, et une large majorité de la commission va dans ce sens. Dès lors, je vous recommande très vivement de refuser cette proposition de motion. Merci. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je fais suite à la lecture du rapport de minorité: on ne peut qu'être stupéfait des propos tenus et de la haine contre les étrangers manifestée par le rapporteur de minorité. D'ailleurs, je trouve que cela fait tache dans le contexte de notre session, eu égard notamment aux différents discours prononcés et à certains textes que nous avons votés hier, eu égard au fait que Genève est un lieu d'accueil et de respect des droits humains. Oui, cette proposition de motion de l'UDC fait véritablement tache par rapport aux principes et valeurs qui fondent notre canton. Je le répète: Genève constitue une terre d'accueil où les droits humains sont respectés.
J'ai entendu le rapporteur de minorité dire tout à l'heure, lors de la lecture de son rapport: «Les Genevois ne s'y trompent plus» en parlant d'immigration. Alors, Madame la présidente, vous transmettrez à M. Florey que cela doit faire des siècles que les Genevois se trompent, puisque cela fait des siècles que notre canton accueille des étrangers: Genève a accueilli, en différentes vagues successives, des personnes qui ont dû fuir des persécutions, des situations économiques catastrophiques et qui ont trouvé soit asile, soit un travail à Genève. Le canton s'est précisément construit autour de cette diversité culturelle, de ces migrations. Aujourd'hui, Monsieur Florey - vous transmettrez, Madame la présidente -, votre texte entache les valeurs de notre canton.
Maintenant, l'opération Papyrus a été une réussite, puisqu'elle a lutté contre plusieurs fléaux qui touchent une véritable main-d'oeuvre, une part de notre économie qui fait Genève également. Cette économie de l'ombre, on a vu qu'elle souffre d'une réelle précarité. Rappelez-vous, lors de la crise covid, de toutes les personnes qui, du jour au lendemain, n'ont plus eu accès au moindre travail, n'avaient aucune assurance; elles se sont retrouvées sans le moindre sou, à devoir faire la queue pour obtenir de quoi manger. Des projets comme Papyrus permettent précisément de donner à ces travailleuses et travailleurs un accès aux assurances sociales, de lutter contre la traite d'êtres humains dont ils peuvent être les victimes. Vous transmettrez encore, Madame la présidente, à M. Florey: le programme Papyrus a été une réussite !
Vouloir renvoyer les personnes sans papiers est une honte, car celles-ci ont leur place à Genève, elles font partie de l'économie. Mesdames et Messieurs, je lis - et je trouve cela d'ailleurs particulièrement limite - dans le rapport de minorité: «L'immigration, c'est comme les éoliennes: ceux qui en défendent l'installation refusent d'en voir à côté de chez eux.» Je dois dire que c'est exactement l'inverse qui se passe avec l'UDC: personne ne veut la voir à côté, mais malheureusement, on doit faire avec dans ce parlement. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Ana Roch (MCG). Il est crucial d'aborder les sujets délicats tels que le travail au noir et l'application de la loi fédérale sur les étrangers avec une conscience aiguisée. L'opération Papyrus a été conçue dans cette optique précise. Nous ne pouvons tolérer le travail au noir ou les situations qui contreviennent à la loi sur les étrangers. Ce dispositif visait à régulariser les sans-papiers dans des conditions spécifiques, offrant ainsi une solution aux problèmes soulevés par de nombreuses voix ici présentes. Une fois régularisées, ces personnes ont obtenu un permis de séjour et sont devenues contribuables à part entière en participant activement à l'effort collectif; elles ne sont plus contraintes de se cacher ni de subir les conséquences de leur statut illégal.
Je tiens à dénoncer certains propos énoncés dans le rapport de minorité, notamment concernant ceux qui quittent leur pays, laissant derrière eux famille, parents, conjoint, enfants pour vivre dans l'ombre, silencieux, dans des pays aux us et coutumes inconnus, prétendument pour des avantages économiques, sans payer d'impôts; je souhaite ardemment aux personnes qui pensent cela de ne jamais avoir à vivre ce genre d'expérience.
Cela dit, il est impératif de respecter la loi sur les étrangers. Nous ne pouvons accueillir tout le monde, malheureusement, et je concède que l'immigration a des répercussions sur l'ensemble de notre société. Par ailleurs, je souligne l'importance de condamner fermement les employeurs qui engagent des individus dans des situations de travail au noir.
Nous devons trouver un équilibre entre compassion et respect des lois. Cette équation délicate nécessite une approche nuancée où nous reconnaissons la dignité de chacun tout en préservant l'intégralité de notre système juridique. C'est dans cette voie que nous devons avancer afin de créer une société juste et équitable pour tous. Pour ces raisons, le MCG ne soutiendra pas cette proposition de motion. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. Je ne répondrai pas point par point aux propos du rapporteur de minorité, mais j'aimerais rappeler que tout ce qui est excessif finit par devenir insignifiant. D'autre part, je pense que la majorité des membres de ce Grand Conseil sont des immigrés ou des descendants d'immigrés. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de vous prononcer sur cet objet.
Mise aux voix, la proposition de motion 2685 est rejetée par 66 non contre 9 oui (vote nominal).