Séance du
vendredi 17 novembre 2023 à
14h
3e
législature -
1re
année -
6e
session -
32e
séance
PL 13084-A
Premier débat
La présidente. Nous passons au PL 13084-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Youniss Mussa, qui est remplacé par M. Cyril Mizrahi. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) S'il vous plaît, un peu de silence ! Monsieur Florey également, merci. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. Je reprends ce rapport de mon collègue Youniss Mussa avec beaucoup de plaisir, d'une part parce que je me passionne pour les questions institutionnelles, d'autre part parce que j'aurais été triste que les notaires pensent que je suis leur adversaire vu que j'ai déposé, comme vous le savez, une motion sur la question de leurs émoluments. Ici, je vais plutôt défendre le point de vue qui était notamment le leur, mais aussi celui des huissiers et huissières judiciaires, qui se sont opposés à ce projet du Conseil d'Etat pour deux raisons que la majorité de la commission a retenues.
La première de ces raisons, c'est que la Chambre des notaires ainsi que l'association représentative des huissiers et huissières n'ont pas du tout été consultées par le Conseil d'Etat sur ce changement législatif, ce qui constitue un problème.
La deuxième raison est un problème de fond: ce projet prévoit de supprimer la représentation du Pouvoir judiciaire au sein des commissions chargées de la surveillance de ces deux professions, le notariat d'une part et les huissiers et huissières judiciaires d'autre part. Les milieux concernés s'opposent à cette suppression parce qu'ils estiment que le Pouvoir judiciaire apporte un point de vue extérieur, qui est le bienvenu, et que la surveillance de ces professions ne doit pas se faire dans l'entre-soi. Ils considèrent que le Pouvoir judiciaire, par sa représentation, apporte aussi toute une série de compétences qui doivent être maintenues dans ces commissions de surveillance.
La majorité de la commission a donc estimé qu'il fallait refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, et je vous invite à en faire de même.
Mme Masha Alimi (LJS). Je n'ai malheureusement pas assisté aux débats concernant ce projet de loi, car je n'étais pas encore députée. Ce texte prévoit la redistribution des tâches et des rôles concernant les commissions de surveillance des huissiers judiciaires et des notaires, ce qui permet de revoir le principe de la présence des magistrats dans les commissions de surveillance de professions juridiques. Ce que j'ai pu lire dans les rapports, c'est que les notaires ne sont pas d'accord, les huissiers, ma foi, ne formulent pas d'opposition, et le Pouvoir judiciaire est bien sûr totalement pour. Les représentants du Pouvoir judiciaire ont d'ailleurs relevé - je cite - que «les magistrats doivent se consacrer à la justice sans perdre de temps à des tâches secondaires». J'ai trouvé ça bien prétentieux, même s'il est légitime que le Pouvoir judiciaire souhaite diminuer la charge de travail de ses magistrats.
La majorité a donc considéré que le projet de loi ne représentait pas une mesure permettant d'obtenir une plus grande efficience de la justice et que la présence des magistrats était une garantie du bon fonctionnement de ces commissions. Par conséquent, je vais suivre cette majorité. Libertés et Justice sociale refusera donc ce projet de loi. Merci.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Bien que sensibles aux arguments apportés par le parti socialiste et la majorité de la commission, les Verts ne vont pas dans le même sens: nous nous interrogeons sérieusement sur la plus-value que peut apporter la présence de certains membres du Pouvoir judiciaire au sein de commissions bien précises, telles que celle des notaires, mais pas uniquement, puisque le texte traite également d'autres commissions.
Je pense que le rapport et les auditions font bien état de la situation. Si les juges pouvaient se consacrer entièrement à effectuer leur tâche de juge, soit traiter des cas, et accorder du temps à ce que la justice fonctionne mieux, alors ils utiliseraient leur temps de manière plus efficace. Avec ce texte, le Conseil d'Etat visait justement à répondre à une demande du Pouvoir judiciaire, qui est celle que j'ai énoncée précédemment, à savoir que les juges puissent accorder plus de temps à leur travail. Je maintiens: on ne voit pas la plus-value qu'apportent les membres du Pouvoir judiciaire au sein des commissions visées par ce texte. La réponse adéquate aux questions qui se posent a été apportée lors des auditions, c'est pourquoi nous ne voterons pas dans le sens qui a été présenté par M. Cyril Mizrahi tout à l'heure. Merci.
Mme Xhevrie Osmani (S). Ce projet de loi a un peu fait l'impasse sur la phase de consultation; cela nous a été rappelé plusieurs fois, et les auditionnés eux-mêmes nous ont indiqué que leur avis n'avait pas été pris en considération. C'est bien dommage, puisque leurs arguments ont convaincu la majorité de la commission. Ce projet de loi se voulait somme toute un toilettage et visait à supprimer une sorte de reliquat historique qui, tel qu'inscrit dans la loi, ne prouvait plus son efficacité. Mais on s'est très vite rendu compte qu'en réalité, la présence de ces magistrats était importante. En effet, leur présence dans ces commissions de surveillance est nécessaire, car elle amène une plus-value, contrairement à ce que vient de dire ma préopinante, notamment en matière de compétences juridiques et techniques, vis-à-vis de diverses situations que traitent ces commissions, notamment dans le cas de plaintes. Cela a aussi été mis en avant en commission.
Il faut rappeler que ces commissions sont accessibles à la population. Il a aussi été relevé qu'il était important que ces magistrats soient actifs, puisqu'on a proposé que des magistrats qui ne sont plus en activité soient désignés pour remplacer les membres du Pouvoir judiciaire dans ces commissions. Pourquoi avoir des magistrats actifs ? Parce qu'ils participent à la vie civile et pénale ainsi qu'à la vie de la cité. Il y a donc une multitude de situations complexes dans lesquelles les magistrats apportent actuellement un travail important qui est très bien accueilli par les autres membres de la commission, ce qui a pu être prouvé par la Chambre des notaires et celle des huissiers.
Très objectivement, si l'activité des magistrats doit en effet être essentiellement de rendre la justice, comme cela a été dit, nous nous sommes rendu compte que leur présence dans ces commissions ne leur occasionnait que très peu d'heures par année, même pas une dizaine - je parle des heures de présence en commission. On nous a aussi rendus attentifs à un éventuel conflit d'intérêts, mais il est très peu fréquent, voire quasi inexistant. Par ailleurs, la récusation peut toujours intervenir, et elle est même la bienvenue si de tels cas devaient exister. Pour tous ces motifs, je vous invite à refuser ce projet de loi. Merci.
M. Sébastien Desfayes (LC). Je n'ai rien à ajouter à ce qui vient d'être dit par ma préopinante. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole est au rapporteur, M. Cyril Mizrahi. Je précise que vous avez une minute.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. Je ne suis pas sûr qu'il m'en faudra tant, je veux juste apporter deux précisions. Non seulement l'avis des représentants des notaires et des huissiers et huissières judiciaires n'a pas été pris en compte, mais il n'a pas été sollicité. Il n'y a donc pas eu de consultation préalable au dépôt de ce projet de loi. Ça, c'est la première chose. Et la deuxième chose, par rapport à ce qu'une de mes préopinantes a dit, c'est que les huissiers et huissières ont été auditionnés. Effectivement, dans un premier temps, il ressort du rapport qu'ils n'osaient pas trop donner leur avis, on avait l'impression qu'ils pensaient être tenus par un devoir de réserve. En fait, au cours de leur audition, il s'est avéré qu'eux aussi étaient défavorables à ce projet de loi. Je voulais juste apporter ces deux précisions. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. Nous passons au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13084 est rejeté en premier débat par 69 non contre 18 oui.