Séance du
jeudi 16 novembre 2023 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
6e
session -
31e
séance
R 1024
Débat
La présidente. Nous passons à l'urgence suivante, la R 1024, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Sayegh, vous avez la parole.
M. Souheil Sayegh (LC). Madame la présidente, chers collègues, je sais votre amour pour les résolutions qu'on adresse à Berne; on peut les apprécier ou non, mais on ne peut pas rester indifférent quand certaines décisions impactent directement la qualité de notre propre prise en charge. Cette résolution, que demande-t-elle ? Un moratoire sur la diminution du tarif de la physiothérapie et un travail de réévaluation de la profession de physiothérapeute.
Qui parmi nous n'a jamais eu recours à la physiothérapie ? Qui reçoit actuellement les soins d'un physiothérapeute ? Qui n'a pas vu ses parents être pris en charge par un physiothérapeute - je veux dire, à part à la DGS ou au département ? Nous avons tous lu le communiqué de presse de la DGS, légèrement maladroit: il est dommage qu'il exprime une méconnaissance du travail des physiothérapeutes, qui a été reconnu par les 230 000 personnes ayant signé la pétition en seulement dix semaines.
Le Conseil fédéral a donc mis en consultation une révision du tarif des physiothérapeutes - quelle bonne idée ! Notre système de santé est reconnu à la ronde comme l'un des meilleurs au monde, et nous voici le bradant au détriment d'une profession, puis bientôt d'une autre. Si tout le monde est conscient de la nécessité de diminuer les coûts de la santé, ce n'est pas à telle profession ou à telle autre d'en faire les frais. Le tarif de la physiothérapie n'a subi qu'une révision en 2016, faisant passer la valeur du point de 99 centimes à 1,07 franc - soit une augmentation d'environ 8% en trente ans de LAMal. Même le Cartel intersyndical doit être choqué de l'entendre !
Dans les deux versions, on demande aux physiothérapeutes d'inventer des séances de vingt minutes, incluant le temps administratif, etc., en plus des séances de trente ou quarante-cinq minutes. N'importe qui peut comprendre que tenir un agenda avec ce genre d'horaires relève d'une gymnastique impossible: il y aurait forcément des plages horaires perdues, ce qui aboutirait à une diminution équivalente de la facturation. Et que fait-on en vingt minutes ? Le temps du déshabillage et de l'habillage, et hop, c'est l'heure de partir - pour autant qu'on soit agile et en pleine forme.
Avec le transfert de l'hospitalier à l'ambulatoire, il était écrit que le nombre de séances allait exploser. Mais combien a-t-on réalisé d'économies en matière de frais hospitaliers grâce à ce transfert ? Comment se gèrent les suites d'une attaque cérébrale ou d'une prothèse de hanche ? Combien d'économies en reprenant son travail une semaine plus tôt ? Combien de chutes prévenues grâce aux exercices enseignés ? C'est vrai qu'une bonne tape dans le dos, ça ne coûte pas cher, et comme on dit, «un Mars et ça repart» !
L'heure du physiothérapeute est de 100 francs brut à peine, ce qui est inférieur à n'importe quel tarif dans l'esthétique, la coiffure, ou même aux frais de déplacement d'une entreprise dans le canton. Malgré le nombre d'années de pratique, un physiothérapeute touche aujourd'hui le même salaire, à 8% près, qu'il y a trente ans au début de la LAMal; on oublie l'inflation et autres augmentations.
La révision du tarif ne fera qu'accroître les inégalités dans la prise en charge de la population, avec une physiothérapie à deux vitesses: les soins remboursés à la charge de la LAMal et ceux qui sont facturés directement par les thérapeutes aux patients, comme c'est le cas pour les dentistes ou les ostéopathes - ceux qui ont une complémentaire comprendront. Ainsi, la population qui pourrait le plus en bénéficier renoncerait à des soins qu'elle ne pourrait plus assumer, prolongeant ici une incapacité de travail avec le risque de perdre son emploi, ou là une perte de ses fonctions en cas d'atteinte neurologique ou cardiaque.
Il est incompréhensible de reporter sur une profession la lutte contre l'augmentation des coûts de la santé quand on sait que son travail contribue au contraire à les faire diminuer grâce à une récupération plus rapide, une prévention des récidives, un retour plus rapide à l'autonomie dans les activités de la vie quotidienne. Aujourd'hui les physiothérapeutes, et demain qui ?! On continue par ailleurs à demander de la transparence aux caisses. Saluons ici le nouveau parlement élu - j'en profite pour féliciter MM. Poggia, Aellen, Golay et Sormanni - et la motion... (Remarque.) Et Poncet, merci de le rappeler. ...la motion déposée récemment par le conseiller national du Centre Vincent Maitre. La population attend la mise en oeuvre des promesses de campagne, mais pas sur le dos des physiothérapeutes ! Il est amusant de noter que les assureurs, par la révision demandée, réclament plus de transparence, quand c'est exactement cette même transparence qui fait défaut lorsqu'on les interroge.
Ce n'est pas en tirant vers le bas le revenu d'une profession qui requiert une formation HES de quatre ans qu'on suscitera des vocations et qu'on arrivera un jour à faire de la médecine préventive de qualité. C'est pour toutes ces raisons - et bien d'autres, que je pourrai vous exprimer en aparté - que je vous remercie de soutenir cette résolution.
M. Marc Saudan (LJS). Chers collègues, il fallait bien trouver un coupable pour la hausse des primes de cette année, et notre ministre de la santé, M. Berset, l'a désigné: la physiothérapie, alors qu'elle ne représente que 3,6% des coûts totaux. Evidemment, pas un mot sur le rôle des caisses maladie, leurs pertes colossales s'agissant des réserves - je vous le rappelle: 3,4 milliards, une moitié en bourse, l'autre en pertes techniques. Mais soyons sérieux ! Je me permets de vous rappeler, comme l'a fait mon préopinant, que la séance de physiothérapie de trente minutes ne coûte que 48 francs ! Et le Conseil fédéral veut faire passer ces séances à vingt minutes. Imaginez le temps qu'il faut pour un patient âgé, en hiver: le temps qu'il se déshabille, qu'il se rhabille, et de lui poser quelques questions, on va se retrouver avec à peine dix minutes de traitement.
S'il est vrai que le montant total des coûts de la physiothérapie a augmenté l'année dernière, personne ne s'est réellement demandé pourquoi. Moi, je vois au moins une raison qui l'explique dans mon domaine de compétence, à savoir la chirurgie orthopédique: nous avons énormément diminué la durée de séjour hospitalière après la pose de prothèses articulaires. Les patients se retrouvent plus vite chez eux et requièrent par conséquent plus de séances de physiothérapie. Mais le coût global de ces interventions diminue, évidemment, puisqu'il y a moins de journées hospitalières.
Soyons sérieux, laissons nos physiothérapeutes s'occuper correctement de leurs patients. Merci de soutenir cette résolution, comme nous le ferons.
M. Florian Dugerdil (UDC). Chers collègues, nous tenons en préambule à remercier les signataires de cette résolution: elle a pour mérite de soutenir une activité clé de notre système de santé, qui est déjà peu valorisée à l'heure actuelle et dont les conditions de travail sont plus sévères que celles des autres professions de la santé. Au-delà de l'adaptation de la structure tarifaire en matière de physiothérapie ambulatoire, dont on voudrait bien nous faire croire qu'il s'agit de la seule problématique, c'en est une bien plus conséquente qui ressort de ce projet de révision.
Ainsi que me l'a indiqué un large cercle de physiothérapeutes, on ne peut décemment pas administrer des traitements de qualité et bénéfiques pour les patients sur des durées raccourcies, et cela pour plusieurs raisons déjà exposées et discutées par mes préopinants. En plus de cela, il ne faut pas oublier que, pour des personnes à mobilité réduite, l'installation puis la remise dans leur fauteuil roulant prend en moyenne une dizaine de minutes. Certains soins - qui n'ont pas été évoqués jusque-là - pour échauffer des muscles, des articulations, impactent également la qualité du travail de physiothérapie et prennent du temps. Et je ne parle pas du travail administratif, qui n'a même plus de place durant les séances ! Si vous faites le décompte du temps imparti pour une séance, vous constaterez que le chronomètre est déjà en négatif. Cela veut dire qu'après le travail, en rentrant à la maison, le physiothérapeute peut ouvrir son ordinateur et faire son administration.
En conclusion - c'est encore plus grave ! -, le fait que les physiothérapeutes soient accusés d'être responsables de la hausse des coûts de la santé est tout simplement scandaleux ! Je tiens à rappeler que leur objectif premier est en effet de rendre de la mobilité, du mouvement aux patients, de diminuer leur douleur afin de favoriser un maintien à domicile sur la durée. La démographie vieillissante de la Suisse ne peut aucunement être imputée à des soignants qui s'efforcent, de par la qualité de leurs prestations, de réduire les coûts de la santé.
La santé de nos concitoyens ne doit en aucun cas se résumer à une adaptation de la structure tarifaire de la physiothérapie, comme le propose le conseiller fédéral sortant chargé du département de l'intérieur, dont le message final est dès lors «après moi, le déluge», comme on dit chez moi. Alors non ! Afin d'éviter ce chaos orchestré et soutenu par M. Berset, notre groupe soutiendra ardemment cette résolution.
M. Grégoire Carasso (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, si seulement nous étions aux Chambres fédérales ! Si seulement nous étions aux Chambres fédérales ! On a rendu hommage - je m'y associe - et fait référence à nos collègues des rangs de l'UDC, du MCG, où qu'ils trouvent asile in fine, et du PLR, suite à leurs brillantes élections à Berne; si seulement l'unanimité vers laquelle nous semblons nous orienter ce soir... Le PLR doit encore s'exprimer; j'ai quelques craintes, mais, PLR mis à part - ou sous réserve de la position du PLR, qu'on se réjouit d'entendre -, quelle belle unanimité pour refuser cette mesure mise en consultation par le Conseil fédéral et contre laquelle manifesteront demain, vendredi 17 novembre, tous les physiothérapeutes de tous les cantons à Berne ! Une manifestation, du point de vue socialiste, c'est évidemment fondamental, mais je pense que le fait de manifester en plus à Berne, forts de quelque 234 000 signatures récoltées en quelques semaines, illustre la force du message: pas sur le dos des physiothérapeutes !
Si je m'exprimais tout à l'heure sous réserve de la position du PLR - par honnêteté intellectuelle, dès lors qu'ils n'ont pas encore pris la parole - c'était aussi avec une petite inquiétude du fait que cette mesure est bien mal calibrée et doit retourner à son expéditeur. La seule partie prenante dans la grande constellation des acteurs ou lobbys divers et variés de la santé à Berne qui soutient cette mesure, je vous le donne en mille - et je m'exprime, je crois, juste avant le PLR -, ce sont les assureurs !
Merci de soutenir cette résolution à la quasi-unanimité - ou peut-être à l'unanimité - et merci en particulier au Dr Sayegh pour la qualité de ce texte.
M. Pierre Nicollier (PLR). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il faudra m'excuser si je bafouille un peu: M. Carasso m'a convaincu et je ne peux donc pas me référer à mes notes ! (Rires.) Je remercie M. Sayegh pour son texte, je remercie tous mes préopinants pour toutes les choses qu'ils ont dites - je ne peux qu'être d'accord. Effectivement, une fois de plus, la Confédération propose d'appauvrir le système de santé pour faire des économies plutôt que d'essayer de le réinventer.
Mais maintenant, j'ai une bonne nouvelle, c'est que... Ou plutôt, je voudrais vous dire comment nous aurions, nous, souhaité que le texte soit écrit. Nous aurions voulu que le texte indique que le Conseil d'Etat se prononce en faveur de la variante qui prévoit de fixer une durée minimale de trente ou quarante-cinq minutes pour les séances de physiothérapie, selon le type de forfait - c'est donc en ligne avec la proposition de M. Sayegh. Et puis nous aurions ajouté que cette solution, bien qu'imparfaite, est nécessaire pour corriger sans attendre les principaux défauts de la structure tarifaire actuelle.
«Les partenaires tentent de négocier une révision de cette structure tarifaire depuis plusieurs années sans être parvenus à de réels progrès. Parallèlement, les coûts liés à la physiothérapie ont plus que doublé au cours des dix dernières années.» Ce que je viens de vous lire, c'est la prise de position du Conseil d'Etat d'hier en réponse à la consultation du Conseil fédéral. Nous voterons donc bien entendu cette résolution, mais elle arrive malheureusement un peu trop tard, parce que le gouvernement a pris position déjà hier. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG soutient évidemment sans réserve cette résolution. Une fois de plus, on constate que le Conseil fédéral - par la voix de M. Berset, mais enfin, elle est certainement l'écho de la voix du Conseil fédéral - joue petit bras en pensant qu'il va résoudre les problèmes de l'assurance-maladie en faisant des économies de bouts de chandelle sur le dos d'une profession et, finalement, au détriment des patients. Un certain nombre de physiothérapeutes ne demandent même plus à être remboursés dans le cadre de la LAMal: ils font des séances d'une heure, voire d'une heure et demie ! J'en connais et je peux vous donner les adresses: ils sont excellents - seul problème, ils ne sont évidemment pas remboursés par la LAMal et ne le sont que partiellement par certaines assurances complémentaires. Mais ça montre bel et bien qu'il y a un besoin tout comme une volonté d'améliorer la santé physique de la population, et que réduire des séances de physiothérapie à vingt minutes, ainsi que proposé, c'est vraiment se moquer du monde ! C'est se moquer des patients et c'est aussi se moquer des physiothérapeutes ! En conséquence, je vous invite bien évidemment à accepter cette résolution. Il a été mentionné - vous transmettrez à M. Carasso, Madame la présidente - que le MCG a désormais trois représentants aux Chambres fédérales...
Des voix. Ah !
M. Daniel Sormanni. ...nous allons empoigner ce problème et vous verrez que des choses vont bouger... (Exclamations. Commentaires.) ...mais pas en faisant des économies de bouts de chandelle à la Alain Berset-parti socialiste ! Merci. (Commentaires.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Je sais qu'il commence à se faire tard, mais la séance va encore durer un petit moment. Merci. Monsieur Souheil Sayegh, vous avez la parole pour une minute trente.
M. Souheil Sayegh (LC). Merci, Madame la présidente. Tout d'abord, permettez-moi de remercier l'ensemble du plénum pour son soutien à cette résolution, tel que j'ai pu le comprendre. Une petite précision pour M. Nicollier - vous transmettrez, Madame la présidente: en fait, le département, par le biais du communiqué de presse du Conseil d'Etat, omet tout simplement que cette variante 1, qu'il défend maladroitement, prévoit également un forfait de vingt minutes, douche comprise. Elle inclut des séances de trente minutes, de quarante-cinq minutes, mais aussi l'obligation d'introduire des séances dites courtes de vingt minutes. La variante 2 ne prévoit, elle, qu'une séance de base de vingt minutes, auxquelles ont rajoute cinq, dix ou quinze minutes en fonction du traitement. La variante 1 comprend donc également cette durée de vingt minutes et c'est contre cela que la profession - et pas uniquement - s'est levée.
Je vous remercie encore une fois de soutenir cette résolution et de la renvoyer au Conseil d'Etat; je me tiens naturellement à disposition du Conseil fédéral pour lui expliquer le détail... (Rires.) ...des Chambres fédérales pour leur expliquer le fonctionnement de la physiothérapie et de la médecine en général ! (Rires.) Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Patrick Dimier pour une minute vingt-cinq.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Madame la présidente. Je voudrais seulement rappeler ici - c'est le lieu - que si nous payons des primes d'assurance, c'est pour «faire de la santé» avec notre argent et non pas de l'argent avec notre santé ! Merci.
M. David Martin (Ve). Le groupe des Vertes et des Verts va bien évidemment soutenir cette résolution. Tout a déjà été dit, et très bien dit. Je pense que le soutien important que le parlement va apporter ce soir à ce texte sera très utile pour la profession de physiothérapeute; ça sera très utile aux praticiens de sentir à quel point leur travail est reconnu par notre Grand Conseil. Le Conseil fédéral se trompe en effet de cible: ce n'est pas au détriment de cette profession qu'il faut chercher à dégager des économies pour faire baisser les primes. Les soins prodigués par les physiothérapeutes sont d'une très grande utilité pour le maintien à domicile, pour accompagner la population vieillissante. Donnons par conséquent un écho positif dans cette enceinte à la démarche de cette profession, comme l'a fait la population avec les 235 000 signatures récoltées pour sa pétition. Nous soutenons avec enthousiasme cette résolution et nous remercions notre collègue, le député Sayegh, pour son initiative.
La présidente. Je vous remercie. La parole va à M. Philippe Morel pour une minute et cinq secondes.
M. Philippe Morel (MCG). Merci, Madame la présidente. Cette résolution ne devrait pas avoir à exister, parce qu'on ne devrait pas avoir à répondre à une proposition, à une initiative totalement anachronique du Conseil fédéral. On sait très bien que la physiothérapie est essentielle à une époque où l'on veut sortir plus vite les patients de leur lit d'hôpital ou de clinique. Dans une ère où la population vieillit, on doit absolument avoir des physiothérapeutes à disposition. Ils sont essentiels et ils ont plusieurs qualités; il y a la rééducation motrice, la rééducation respiratoire, cardiaque, etc. Ils sont un outil, si je puis dire, une profession extraordinairement utile pour notre population vieillissante, mais aussi pour les jeunes. Vouloir diminuer ou supprimer leurs prestations est tout simplement une ineptie ! Nous soutiendrons évidemment cette résolution. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole n'est plus demandée, nous allons donc procéder au vote.
Mise aux voix, la résolution 1024 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 88 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)