Séance du
jeudi 16 novembre 2023 à
20h30
3e
législature -
1re
année -
6e
session -
31e
séance
M 2973
Débat
La présidente. Nous enchaînons avec la prochaine urgence, soit la M 2973, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à son auteure, Mme Sophie Bobillier.
Mme Sophie Bobillier (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous l'aurez compris, l'urgence sur cette proposition de motion a été demandée aujourd'hui en raison de la fermeture - précipitée - du foyer de l'Etoile. Alors, je tiens à le souligner, on peut se réjouir que cette structure ait été fermée: les conditions d'encadrement y étaient défaillantes et décriées tant par la société civile que par la Cour des comptes.
Pour rappel, le centre de l'Etoile, qui avait ouvert en 2016 à titre provisoire, a suscité d'importantes critiques de la part de la société civile, mais pas seulement: la Cour des comptes a entrepris un audit en 2018 et a relevé de nombreux et graves problèmes... (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi, Madame la députée. Est-ce que les personnes qui téléphonent voudraient bien sortir de la salle ? Et celles qui discutent au fond peuvent-elles aller encore un peu plus loin, c'est-à-dire à l'extérieur ?
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Dégagez !
La présidente. Super, merci. Poursuivez, Madame Bobillier.
Mme Sophie Bobillier. Je vous remercie, Madame la présidente. Comme je le disais, la Cour des comptes a entrepris un audit en 2018 et a relevé de nombreux et graves problèmes au sein du foyer de l'Etoile.
Le temps est néanmoins passé. Deux jeunes, tous deux nommés Alireza et hébergés au centre de l'Etoile, se sont donné la mort, l'un le 29 mars 2019, le second le 30 novembre dernier. La fermeture de l'établissement a été annoncée, puis reportée à de nombreuses reprises durant plusieurs années jusqu'à ce qu'on soit soudainement informé, par la voie de la presse, le 18 octobre dernier, qu'il fermait ses portes à la fin du mois d'octobre.
Oui, nous aurions espéré que cette fermeture soit motivée par le fait que des solutions d'encadrement adéquates aient été trouvées, mais ce n'est malheureusement pas le cas: le foyer de l'Etoile a fermé car la parcelle devait être rendue au PAV. Les jeunes ont été répartis dans de nombreux autres établissements collectifs à Loëx, à Casaï, au foyer Saint-James, tandis que 35 jeunes majeurs ont simplement été placés dans des centres pour adultes. Or, comme l'avait souligné la Cour des comptes, la grande majorité des jeunes resteront en Suisse; offrir à ces citoyens en devenir un bon encadrement ainsi que les clés pour se construire sera bénéfique pour eux, pour nous, pour notre société.
Que demande cette proposition de motion ? Pas la lune, loin de là: elle demande d'appliquer les recommandations émises notamment par la Cour des comptes en février 2018, soit de déployer une campagne d'information auprès de la population genevoise afin d'identifier et d'encourager des familles d'accueil pour ces mineurs et jeunes adultes. Le but est de se donner les moyens de le faire, de mettre en oeuvre les mesures incitatives nécessaires, d'accompagner et d'encadrer les familles d'accueil et les jeunes dans ces démarches, jusqu'à l'indépendance de la ou du jeune.
Il est indéniable que les conditions d'hébergement ont une lourde incidence sur la santé physique et mentale des jeunes. Offrir un cadre familial à ceux-ci et leur permettre d'être accompagnés de figures parentales de référence est essentiel à leur bon développement et revient de surcroît à appliquer la Convention relative aux droits de l'enfant, valable pour tous les jeunes. C'est la raison pour laquelle je vous invite, au nom des Vertes et des Verts, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Masha Alimi (LJS). Pour ma part, j'ai cosigné cette proposition de motion, motivée par le fait que tout mineur a besoin d'un cadre affectif favorable pour évoluer de manière positive et bénéficier d'une intégration plus facile. Il est indispensable de développer le principe des familles d'accueil en déployant une campagne d'information afin d'inciter les gens à héberger ces jeunes adultes et en facilitant les processus y afférents. LJS soutiendra ce texte. Merci. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC). Le Centre soutiendra également cette motion. Nous avons déjà abondamment parlé, lors de la précédente législature, de la question des mineurs non accompagnés, c'est une véritable problématique. Laisser ces jeunes entre eux, on l'a vu au foyer de l'Etoile, ne constitue pas la bonne solution; trouver d'autres établissements pour les placer non plus, dans la mesure où ils continuent à rester seuls. Or, pour les mineurs, la figure parentale est essentielle. En Suisse alémanique, on va même parfois plus loin: de sages formateurs qui ont un métier accompagnent ces jeunes pour qu'ils puissent se construire un avenir.
Dès lors, que demande cet objet ? De déployer une campagne d'information à destination des familles qui souhaitent recevoir et accompagner ces mineurs. C'est un système qu'on a déjà mis en place ! On l'a appliqué pour les Ukrainiens, l'OSAR a réussi à déployer un dispositif très performant d'information aux familles qui étaient prêtes à accueillir des Ukrainiens, et cela a extrêmement bien fonctionné. Pourquoi ne pas le reproduire aujourd'hui pour les réfugiés mineurs non accompagnés s'il se trouve des familles pour les héberger ? C'est tant mieux pour eux. Pour notre part, nous estimons que cette motion pourrait même être renvoyée directement au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Mme Léna Strasser (S). Ce Grand Conseil avait demandé à plusieurs reprises, notamment en 2019, que le centre de l'Etoile soit fermé. Nous avions proposé des alternatives avec une prise en charge plus adéquate, y compris pour les jeunes majeurs. L'avancée dans cette direction est malheureusement lente, la construction de nouveaux foyers est en cours, mais retardée par des oppositions. Nous regrettons que, malgré une situation connue depuis longtemps, la fermeture de l'Etoile ait été aussi abrupte, ce qui a eu un impact direct sur le quotidien des jeunes hébergés dans ce lieu.
Le présent texte propose de renforcer une forme d'accueil qui existe déjà dans notre canton et qui a fait ses preuves, notamment au travers du soutien de Caritas, de l'OSAR - qui a été mentionnée -, mais aussi de l'AMIC. Un hébergement digne, chez l'habitant, qui accélère l'intégration, permet à des jeunes qui ont tout quitté d'ancrer leurs racines ici, de disposer d'un lieu sûr pour avancer dans la vie, se former et voler ensuite de leurs propres ailes. Engager les citoyens dans l'accueil permet également de renforcer la cohésion et le vivre-ensemble, et de faire se rencontrer différentes réalités. Si nous ne voulons pas vivre d'autres drames au sein des structures d'accueil, il y a urgence à oeuvrer pour trouver des solutions; cette motion en est une, certainement pas suffisante, mais simple, pertinente. Le groupe socialiste la soutiendra. (Applaudissements.)
Mme Emilie Fernandez (Ve). Chers collègues, ayant moi-même un fils de tout juste 18 ans, j'ai été profondément choquée par le suicide de ces deux jeunes adultes qui étaient sous la responsabilité de notre canton. La récente visite d'un centre d'hébergement pour adultes et familles requérantes d'asile m'a confirmé que ce type de lieu ne convient certainement pas pour des enfants ou des jeunes arrivés ici seuls et sans parents. Des foyers d'accueil adaptés à leurs besoins spécifiques sont donc absolument nécessaires, mais c'est une autre question.
Ce que notre motion demande aujourd'hui, c'est que le Conseil d'Etat fasse urgemment l'effort d'une campagne qui informe, qui explique, qui encourage les familles genevoises désireuses d'accueillir ces jeunes pour leur offrir de la chaleur humaine, un cadre familial, une chance de grandir aussi normalement que possible. Comme ma collègue l'a mentionné, la Cour des comptes avait déjà fait ce constat en 2018 et recommandait de développer des campagnes d'identification de nouvelles familles d'accueil ainsi que des mesures incitatives pour l'accueil des RMNA. Il s'agit simplement d'informer, d'accompagner, d'encadrer ces personnes dans leur démarche, et nous vous remercions de soutenir ce texte. (Applaudissements.)
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe PLR accueille avec bienveillance cette motion proposant des pistes de réflexion avec un dispositif concret qui semble tout à fait intéressant, voire efficace. Néanmoins, le texte nous paraît insuffisant en l'état pour répondre aux besoins de cette population très spécifique et nous craignons que le problème ne trouve pas sa solution avant qu'un travail approfondi n'ait été réalisé au préalable en commission, comme nous savons si bien le faire. C'est la raison pour laquelle le groupe PLR vous recommande de renvoyer cet objet à la commission des affaires sociales. Merci beaucoup.
La présidente. Merci à vous, j'ai pris bonne note de votre proposition. La parole retourne à Mme Sophie Bobillier pour une minute trente-huit.
Mme Sophie Bobillier (Ve). Merci, Madame la présidente. Pourquoi ne faut-il pas renvoyer cette motion en commission ? Pourquoi demander au Conseil d'Etat d'agir immédiatement ? Parce qu'il est indispensable de prendre en charge ces jeunes qui ont été laissés sur le carreau à la fermeture expéditive du foyer de l'Etoile il y a trois semaines; parce que plus de cinq ans après le rapport de la Cour des comptes, qui enjoignait au Conseil d'Etat de définir la politique générale de prise en charge des RMNA, cette injonction n'a toujours pas été suivie d'effets; parce que des tragédies ont eu lieu et qu'il est de notre devoir, en tant que société, d'en tirer les enseignements nécessaires; parce qu'à la fermeture du centre, les jeunes ont été placés, à titre provisoire - l'histoire semble se répéter -, dans des structures où la prise en charge est insuffisante; et parce que 47 jeunes de l'Etoile, à la veille de leur majorité - ils vont avoir 18 ans d'ici la fin de l'année -, seront laissés une fois encore sur le carreau. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord, au nom de mon collègue Thierry Apothéloz qui est retenu ce soir, vous dire que le Conseil d'Etat prend cette question très au sérieux. Il n'a évidemment pas attendu la motion pour développer des réflexions et pour agir. Il vous appartient ce soir de déterminer, un peu à l'instar de la motion précédente, si vous souhaitez une réponse orale ou écrite de même que le type de signal que vous entendez donner, mais je peux vous assurer que cette problématique est empoignée, qu'elle fait l'objet d'un suivi minutieux de la part de mon collègue dont le département est l'autorité de tutelle de l'Hospice général, et que, bien évidemment, s'agissant de la dignité minimale qui doit être garantie à ces jeunes aujourd'hui accueillis sur notre territoire et de toutes les conditions qui entourent leur présence, le Conseil d'Etat met les moyens nécessaires à disposition pour répondre à votre demande. Je laisse à votre sagacité le choix du renvoi en commission ou du renvoi direct au Conseil d'Etat; sachez en tout cas que le Conseil d'Etat répondra extrêmement rapidement et avec bienveillance aux propositions formulées ici.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix la demande de renvoi à la commission des affaires sociales; en cas de refus, nous nous prononcerons directement sur le texte.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2973 à la commission des affaires sociales est rejeté par 55 non contre 21 oui et 7 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2973 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 78 oui contre 1 non et 8 abstentions (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)
La présidente. Ah, Monsieur Jeannerat, si vous pouviez arrêter de parler en permanence !