Séance du
vendredi 13 octobre 2023 à
16h
3e
législature -
1re
année -
5e
session -
28e
séance
RD 1196-A
Débat
La présidente. L'ordre du jour appelle le RD 1196-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, cet objet mérite un bref historique. Le 21 avril 2016, le Grand Conseil avait accepté une modification de la loi sur les établissements publics médicaux; cette modification prévoyait d'intégrer les cliniques de Joli-Mont et de Montana dans le périmètre des HUG, dont elles ne faisaient pas encore partie. Cela a eu pour effet mathématique d'augmenter le volume de notre institution publique hospitalière.
La commission de la santé a assorti cette modification de la loi sur les hôpitaux d'une disposition transitoire demandant que soit effectuée une évaluation des HUG, pour la raison suivante. Les HUG ont été constitués en 1995, peu avant l'entrée en vigueur de la LAMal, sur la base de ce qui existait à l'époque s'agissant des structures hospitalières en général, et en particulier à Genève. Historiquement, il y avait six établissements publics médicaux indépendants, qui ont ensuite été regroupés dans les HUG; le travail s'est en quelque sorte terminé en 2016 avec l'inclusion de Joli-Mont et de Montana.
Durant ses discussions, la commission de la santé s'était, dans le fond, posé la question suivante: est-ce que l'on doit conserver à Genève une institution mammouth, pyramidale, bien qu'elle soit sous-structurée par départements médicaux ? On sait que ceux-ci n'ont pas de compétences en matière de gouvernance hospitalière. Ou doit-on imaginer des formes organisationnelles plus souples, de manière que chaque secteur d'activité puisse mieux déployer ses services en fonction de sa mission ? La psychiatrie, par exemple, ça ne ressemble ni à la réadaptation ni à la chirurgie.
Sur la base de ces réflexions, la disposition transitoire dont je vous parle a été votée. Cet article dit ceci: «Le Conseil d'Etat dépose, avant le 30 décembre 2017, un rapport d'évaluation des Hôpitaux universitaires de Genève portant sur les missions, la gouvernance, la structure, l'organisation, l'articulation entre les domaines hospitaliers et académiques, la médecine hautement spécialisée, les partenariats avec les partenaires privés, la place dans le réseau socio-sanitaire genevois, les relations intercantonales et le financement. Cette évaluation s'appuiera notamment sur des comparaisons nationales et internationales.» Ce dont nous discutons aujourd'hui, c'est de ce rapport d'évaluation.
Un élément supplémentaire était intervenu dans l'intervalle: un rapport de la Cour des comptes mettait en avant le fait qu'il était souhaitable de modifier la législation concernant les HUG en redéfinissant les missions du conseil d'administration ou de la direction générale s'agissant des tarifs hospitaliers, qui étaient validés par le conseil d'administration, et des mesures disciplinaires concernant les hauts cadres hospitaliers, qui étaient du ressort du conseil d'administration. En effet, la Cour des comptes ne considérait pas ces missions comme des compétences stratégiques et proposait de situer ces décisions au niveau de la direction générale et non du conseil d'administration. Ce rapport d'évaluation intègre à la fois l'évaluation des HUG, faite à la suite de l'inclusion de Joli-Mont et de Montana, et le rapport de la Cour des comptes. La commission de contrôle de gestion avait rendu un préavis qui, dans ses conclusions, proposait d'accepter de modifier la législation dans ce sens.
Quant au fond, pour ce qui est de l'évaluation des Hôpitaux universitaires, on ne peut que reconnaître qu'un travail très complet a été effectué par le département et ses services pour répondre aux différents items indiqués dans la disposition transitoire de la loi que je vous ai lue. Je fais toutefois part d'un regret, exprimé également par un certain nombre de personnes de la commission de la santé: la recherche de structures hospitalières plus adaptées à ce qui, selon certains, devrait se faire actuellement (ce qui n'était pas le cas en 1995, quand les HUG ont été créés), c'est-à-dire des structures plus souples, plus habiles, n'a pas été retenue. Cela étant, la majorité de la commission vous propose de reconnaître que ce travail d'évaluation a été fait et que ce rapport est très riche en informations. Nous vous proposons donc d'adopter ce texte.
S'agissant de la modification de la loi sur les établissements publics médicaux, pour ce qui est des compétences du conseil d'administration en matière de nomination des cadres, de sanctions disciplinaires des hauts cadres et de la décision des tarifs médicaux, cette modification a été faite. Donc ça, c'est déjà acté. Fort de ces informations, je vous invite à prendre acte de ce rapport et je vous remercie de votre attention.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous, à l'inverse, nous vous invitons à refuser ce rapport, principalement en raison de la question des travailleurs et travailleuses et des conditions d'exercice de leurs tâches, conditions exposées dans le cadre de cette étude. Certes, lors de la législature précédente, il y avait aussi Ensemble à Gauche pour peser dans la minorité. Toutefois, un point qui nous avait véritablement inquiétés préoccupe au-delà de la minorité tous les députés et toutes les députées depuis un certain nombre d'années: les conditions de travail, leur dureté et des rapports salariaux qui peuvent être extrêmement inéquitables entre les plus hautes directions - dont M. Conne a rappelé l'existence et le travail, qui est à saluer - et des professions comme les brancardiers, les infirmières ou autres assistants en soins et santé communautaire, dont le quotidien est très difficile. Ce sont donc la dureté de ces conditions de travail, les difficultés que les travailleurs ont parfois à être entendus jusqu'au conseil d'administration et, quand ils sont entendus, à acquérir une majorité pour obtenir des résultats, qui nous conduisent à refuser ce rapport. Nous vous invitons à en faire de même. Merci beaucoup.
M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG acceptera ce rapport sur les HUG, institution qui a fait l'objet de nombreux débats au sein de ce Conseil. Nous l'accepterons, parce que nous estimons que globalement, les effets de la politique menée par les HUG sont très positifs à la fois pour les patients, pour le canton en général et pour la qualité des soins à Genève.
Puisque ce sujet est à nouveau abordé, j'aimerais déplorer certaines redites et surtout une absence de taille dans ce rapport: celle d'un chapitre consacré aux ressources humaines, sur la question de l'engagement excessif de travailleurs frontaliers aux HUG. Un travail a certes été fait, mais il doit être poursuivi avec constance et détermination. Permettez-moi d'exprimer une inquiétude: il apparaît au groupe MCG que le nouveau Conseil d'Etat défend de manière plus faible les résidents genevois contre la pression des frontaliers. Le MCG aimerait se tromper, mais quelques signaux nous font craindre une détérioration. Genève et les HUG doivent se battre sans relâche contre l'arrivée excessive des travailleurs frontaliers. Nous devons arrêter d'engager en grande quantité les personnes venant de tout l'Hexagone et accroître massivement le nombre de personnes formées localement. Engageons localement !
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. On ne peut pas laisser le MCG tenir des propos pareils sans réagir: ce que souhaitent les Genevoises et Genevois, c'est être soigné, si possible sans être saigné par les primes d'assurance-maladie - on en a discuté hier, et on voit que c'est extrêmement difficile du fait de l'influence des lobbys des assurances-maladie sur les élus de droite, du fait de certaines dépenses excessives qui malmènent nos concitoyens et nos concitoyennes -, et si possible par un personnel de qualité. Que celui-ci habite à Annemasse ou aux Eaux-Vives, Monsieur Baertschi - vous transmettrez, Madame la présidente -, les Genevoises et Genevois s'en moquent lorsqu'ils se sont cassé la jambe. C'est complètement délirant ! C'est avec ce genre de remarques qu'on risque d'affaiblir davantage le corps médical, le corps infirmier, les brancardiers, alors qu'ils sont déjà peu nombreux; certains travailleurs sont du reste extrêmement mal payés.
Cette réflexion du MCG est malvenue, elle rend un mauvais hommage à toutes celles et ceux - je m'adresse à vous, Madame la présidente - qui, durant la crise du covid, ont pour certains risqué leur vie afin de soigner les Genevoises et Genevois. Opposer les citoyens aux travailleurs et travailleuses qui font tourner l'hôpital, c'est non seulement écoeurant, mais aussi indigne ! Ça nuit et ça nuira à notre système de santé - vous transmettrez, Madame la présidente -, ça risque de maintenir sa cherté, pour les raisons que j'ai expliquées, tout en le rendant moins efficace ! Non seulement les Genevois paieront des primes ahurissantes, mais en plus, si on coupe l'arrivée des travailleurs et des travailleuses, ils n'auront pas de service médical de qualité. Il n'y a aucune vision d'avenir dans ces discours ! Il faut donc nous y opposer de toutes nos forces.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de majorité, vous n'avez plus de temps de parole, je suis navrée. (Remarque.) Il n'y a pas eu de mise en cause, et comme d'habitude, je ne donne pas la parole après les rapporteurs. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1196 par 52 oui contre 26 non (vote nominal).
La présidente. Je souligne que ce point était à l'ordre du jour depuis avril 2020 !